Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU
NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme F… G… et M. D… B… ont demandé au tribunal administratif de Nantes d’ordonner avant dire droit une expertise médicale afin d’examiner les préjudices subis par le jeune A… B… consécutivement à l’accident dont il a été victime le 9 juin 2016 au centre hospitalier Sarthe-et-Loir et de condamner solidairement le centre hospitalier Sarthe-et-Loir et son assureur AGSM à leur verser une provision d’un montant de 50 000 euros en réparation des préjudices subis par l’enfant.
Par une requête enregistrée sous le n° 1804249, le centre hospitalier Sarthe-et-Loir et la société AGSM ont demandé que la société Thyssenkrupp Ascenseurs soit condamnée à les garantir des condamnations prononcées à leur encontre.
Par un jugement n°s 1709422, 1804249 du 6 octobre 2020 le tribunal administratif de Nantes a rejeté leurs demandes.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 3 décembre 2020 et 28 septembre 2021, Mme F… H… C… et M. E… B…, agissant tant en leur nom personnel qu’en celui de leur fils A…, représentés par Me Repaska, demandent à la cour :
1°) d’annuler ce jugement n°s 1709422, 1804249 du 6 octobre 2020 du tribunal administratif de Nantes ;
2°) avant-dire-droit d’ordonner une expertise médicale d’Elias B… afin de définir les préjudices en lien avec l’accident survenu le 9 juin 2016 ;
3°) de condamner solidairement le centre hospitalier Sarthe-et-Loir et son assureur AGSM à leur verser une provision de 50 000 euros à valoir sur la réparation des préjudices subis par A… B… ;
4°) de condamner solidairement le centre hospitalier et son assureur AGSM à réparer l’entier préjudice subi par l’enfant ;
5°) de mettre à la charge du centre hospitalier Sarthe-et-Loir et de son assureur AGSM une somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
– une défectuosité du système de sécurité de l’ascenseur, constitutive d’un défaut d’entretien normal, doit être constatée ; l’article R. 125-1-1 du code de la construction a été méconnu ;
– aucune signalisation du danger n’était installée ;
– aucune responsabilité d’Elias B… ou de ses parents ne peut être retenue ;
– le personnel du centre hospitalier a tardé à porter secours à l’enfant ;
– une expertise médicale doit être ordonnée et une provision versée.
Par un mémoire en défense enregistré le 4 juin 2021, le centre hospitalier Sarthe-et-Loir et l’AGSM, représentant la compagnie Newline, représentés par Me Tamburini-Bonnefoy, concluent :
– à titre principal, au rejet de la requête ;
– à titre subsidiaire : à ce que soit ordonnée une expertise complémentaire ; à ce que la société Thyssenkrup les garantisse de toute condamnation qui pourrait être prononcée à leur encontre ;
– dans tous les cas, à ce que le paiement d’une somme de 3 000 euros soit mis à la charge des requérants au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
– aucune faute de nature à engager la responsabilité du centre hospitalier n’a été commise ;
– la faute commise par M. B… est de nature à exonérer totalement, subsidiairement pour moitié, la responsabilité du centre hospitalier ;
– si une faute devait être reconnue, l’ascensoriste devrait le garantir de toute condamnation qui serait prononcée à leur encontre.
L’instruction a été close au 2 novembre 2021, date d’émission d’une ordonnance prise en application des dispositions combinées des articles R. 611-11-1 et R. 613-1 du code de justice administrative.
Un mémoire présenté pour la Société Thyssenkrupp ascenseurs a été enregistré le 4 novembre 2021.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
– le code de la construction et de l’habitation ;
– le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.
Ont été entendus au cours de l’audience publique :
– le rapport de Mme Brisson,
– les conclusions de M. Berthon, rapporteur public,
– les observations de Me Fretigne, représentant la société Thyssenkrupp.
Considérant ce qui suit :
1. Le 9 juin 2016, alors qu’il rendait visite à sa mère séjournant au service de maternité du centre hospitalier Sarthe-et-Loir, le jeune A…, alors âgé de 2 ans, accompagné de son père, a eu la main coincée entre la porte coulissante de l’ascenseur et le montant de l’appareil. Après avoir saisi le centre hospitalier d’une réclamation indemnitaire préalable, Mme G… et M. B…, parents de l’enfant, ont recherché devant le tribunal administratif de Nantes la responsabilité solidaire du centre hospitalier et de la société AGSM, son assureur, au titre des conséquences dommageables de cet accident et ont demandé le versement par le centre hospitalier d’une provision, outre qu’il soit ordonné avant-dire-droit une expertise. Par son jugement n°s 1709422, 1804249 du 6 octobre 2020, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande. Mme G… et M. B… relèvent appel de ce jugement.
Sur la responsabilité :
2. Pour obtenir réparation des dommages qu’il a subis au titre du défaut d’entretien normal, l’usager d’un ouvrage public doit démontrer d’une part, la réalité de son préjudice et d’autre part, l’existence d’un lien de causalité direct entre l’ouvrage et le dommage. La collectivité en charge de l’ouvrage public doit, pour que sa responsabilité ne soit pas retenue, établir que l’ouvrage public faisait l’objet d’un entretien normal ou que le dommage est imputable à la faute de la victime ou à un cas de force majeure.
3. Il résulte de l’instruction, notamment du procès-verbal d’audition devant les services de la gendarmerie le 11 juin 2016, deux jours après l’accident, qu’au moment de son départ du service de maternité du centre hospitalier, le jeune A…, qui accompagnait son père, a tendu le bras pour pouvoir atteindre la porte de l’ascenseur de sorte que sa main a touché la porte donnant accès à l’appareil, laquelle était en mouvement.
4. En premier lieu, si les requérants invoquent le mauvais état d’entretien de l’ascenseur du centre hospitalier, il résulte de l’instruction d’une part, que ce dernier justifie, en produisant les bulletins d’intervention de l’ascensoriste, avoir fait procéder à quatre reprises à des visites de vérification et de maintenance préventive entre décembre 2015 et mai 2016 et que les
compte-rendus de ces visites ne permettent pas de constater l’existence de dysfonctionnement ou de danger et d’autre part, que le lendemain de l’accident, l’ascensoriste a procédé au contrôle des éléments de sécurité de l’appareil et en a observé le bon état.
5. Les requérants arguent que l’espace situé entre la porte d’accès à l’ascenseur et le montant de l’appareil permettant aux portes de coulisser, était trop important de sorte que la main de l’enfant a pu s’y insérer. Toutefois, alors que cet espace était par lui-même nécessaire pour permettre le bon fonctionnement de l’ouvrage, l’écartement constaté n’est pas à lui seul de nature à établir que les dispositions de l’article R. 125-1 du code de la construction et de l’habitation, alors applicable qui prévoient en particulier que l’accès des personnes à la cabine doit se faire sans danger, ou qu’une autre disposition normative, auraient été méconnus.
6. Par ailleurs, en l’absence de dangerosité particulière présentée par l’ascenseur excédant les risques auxquels doivent normalement s’attendre les usagers empruntant un tel appareil en prenant les précautions adaptées, le centre hospitalier n’était pas tenu, contrairement à ce que soutiennent les requérants, de procéder à une signalisation particulière d’un danger potentiel lié à l’utilisation de l’ouvrage.
7. Dans ces conditions, le centre hospitalier doit être regardé comme apportant la preuve qui lui incombe de l’absence de défaut d’entretien normal de l’ouvrage public. En conséquence la responsabilité du centre hospitalier ne peut être engagée sur ce fondement. Au surplus, il appartient aux parents d’un enfant en bas âge d’exercer une surveillance étroite sur ce dernier afin de le tenir éloigné des éléments qui, tels des portes coulissantes, sont susceptibles de présenter un danger pour lui.
8. En second lieu, il ressort des déclarations faites par M. B…, lors de son audition par les services de police, que l’accident s’est produit vers 20h15. Après que le père du jeune A… a lui-même tenté de dégager la main de l’enfant, l’alerte a été donnée par l’alarme de l’ascenseur à 20h20 ainsi qu’il ressort du relevé du poste de sécurité. Un agent de sécurité est intervenu aussitôt avec une pince monseigneur qui s’est avérée être inadaptée puis est reparti chercher un pied de biche. La main d’Elias a été libérée à 20h28 et l’enfant a été pris aussitôt en charge par le SMUR qui est arrivé à 20h32 après avoir été appelé à 20h30 par une infirmière.
9. Si les requérants soutiennent, en se fondant sur le témoignage établi par un tiers, plus d’un an après les faits, que l’agent des services hospitaliers a, lorsqu’il portait secours à la victime, tapé avec l’outil qu’il était allé chercher sur la main de l’enfant qui s’est mise à saigner, ces affirmations sont contredites par l’attestation établie par cinq membres des équipes soignantes qui mentionnent que l’outil utilisé par l’agent de sécurité a été positionné à distance de la main de l’enfant et que cet outil n’a pas touché sa main ; Ces attestations au demeurant corroborent les déclarations faites aussitôt après l’accident par les parents qui ont alors indiqué que la main s’est mise à saigner alors que l’agent hospitalier était parti chercher un outil.
10. Enfin, s’il est soutenu par les intéressés que le courant électrique aurait dû être immédiatement coupé, il ne résulte pas de l’instruction, alors que l’agent du service hospitalier s’est présenté, après avoir été appelé dans les conditions rappelées ci-dessus, avec une clé de déverrouillage, que cette coupure d’électricité aurait nécessairement contribué à permettre une intervention plus rapide.
11. Dans ces conditions, aucun retard fautif ni aucune imprudence de la part du personnel hospitalier ayant porté secours au petit A… ne peut être observé.
12. Il résulte de tout ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leurs demandes tendant à ce que soit ordonnée une expertise et versée une provision à valoir sur la réparation du préjudice subi par le jeune A….
Sur les frais liés au litige :
13. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge du centre hospitalier Sarthe-et-Loir qui n’est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement d’une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Les conclusions présentées à ce titre par M. B… et Mme G… ne peuvent dès lors être accueillies. Par ailleurs, il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire droit à la demande présentée au même titre par le centre hospitalier
Sarthe-et-Loir et son assureur, la société AGSM.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme G… et de M. B… est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par le centre hospitalier Sarthe-et-Loir et son assureur, la société AGSM, au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme F… G…, à M. D… B…, au centre hospitalier Sarthe-et-Loir, à la société AGSM, à la caisse primaire d’assurance maladie de Loire-Atlantique, à la caisse primaire d’assurance maladie de la Mayenne et à la Société Thyssenkrupp ascenseurs.
Délibéré après l’audience du 2 décembre 2021, à laquelle siégeaient :
– M. Salvi, président de chambre,
– Mme Brisson, présidente-assesseure,
– M. L’hirondel, premier conseiller,
.
Rendu public par mise à disposition du greffe de la cour le 17 décembre 2021.
La rapporteure,
C. BRISSON
Le président,
D. SALVI
Le greffier,
R. MAGEAU
La République mande et ordonne au ministre de la santé et des solidarités, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.
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N° 20NT03757