CAA de NANTES, 2ème chambre, 20/06/2019, 18NT01536, Inédit au recueil Lebon

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CAA de NANTES, 2ème chambre, 20/06/2019, 18NT01536, Inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE

AU
NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée (SAS) Centre d’initiative et de développement d’entreprises de l’agglomération de Lisieux (CIDE 14) a demandé au tribunal administratif de Caen d’annuler la délibération du 7 février 2017 par laquelle le conseil municipal de Lisieux a constaté la désaffectation des bâtiments situés chemin de la Thillaye sur les parcelles cadastrées section BI n° 101 et 102 à Lisieux et approuvé le déclassement de ces biens du domaine public.

Par un jugement n° 1700619, 1700995 du 30 mars 2018, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 13 avril 2018, la SAS CIDE 14, représentée par Me D…, demande à la cour :

1°) d’annuler le jugement du tribunal administratif de Caen en tant qu’il a rejeté sa demande dirigée contre la délibération du conseil municipal de Lisieux du 7 février 2017 ;

2°) d’annuler la délibération contestée ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Lisieux une somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

– les bâtiments étant, matériellement, demeurés affectés à un service public, leur déclassement du domaine public est illégal ;

– ce déclassement a été décidé dans le but de consentir une libéralité à un acquéreur en particulier.

Par un mémoire en défense, enregistré le 23 novembre 2018, la commune de Lisieux, représentée par MeB…, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de la société requérante d’une somme de 2 500 euros sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.

Vu :

– les autres pièces du dossier.

Vu :

– le code général de la propriété des personnes publiques ;

– le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

– le rapport de Mme Bougrine,

– les conclusions de M. Derlange, rapporteur public,

– les observations de MeD…, représentant la SAS CIDE 14 et les observations de MeC…, substituant Me B…et représentant la commune de Lisieux.

Considérant ce qui suit :

1. La commune de Lisieux a mis à disposition de la communauté de communes  » Lisieux Pays d’Auge « , devenue la communauté de communes  » Lintercom Lisieux-Pays d’Auge Normandie « , deux bâtiments de bureaux et d’ateliers dont elle est propriétaire, implantés sur les parcelles cadastrées BI n° 101 et 102 et situés chemin de la Thillaye à Lisieux. A la demande de la communauté de communes, son conseil municipal a constaté, par une délibération du 7 février 2017, la désaffectation aux besoins du service public de cet ensemble immobilier et a décidé de procéder à son déclassement du domaine public. La société par actions simplifiée (SAS) Centre d’initiative et de développement d’entreprises de l’agglomération de Lisieux (CIDE 14), qui exerce, dans ces bâtiments, une activité de service aux entreprises, relève appel du jugement du 30 mars 2018 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à l’annulation de la délibération du conseil municipal de Lisieux du 7 février 2017.

Sur les conclusions à fin d’annulation :

2. Il ressort de la délibération contestée que pour constater la désaffectation et prononcer le déclassement du domaine public des bâtiments de bureaux et d’ateliers, alors mis à la disposition de la communauté de communes devenue, à compter du 1er janvier 2017, la communauté d’agglomération  » Lisieux-Normandie « , le conseil municipal de Lisieux a estimé que ces locaux, initialement destinés à accueillir une pépinière d’entreprises, abritaient désormais une activité d’hôtel d’entreprises gérée par la SAS CIDE 14 et n’étaient ainsi plus affectés aux besoins du service public d’hébergement et d’accompagnement des créateurs d’entreprises.

3. En premier lieu, aux termes de l’article L. 2141-1 du code général de la propriété des personnes publiques :  » Un bien d’une personne publique mentionnée à l’article L. 1, qui n’est plus affecté à un service public ou à l’usage direct du public, ne fait plus partie du domaine public à compter de l’intervention de l’acte administratif constatant son déclassement. « .

4. Indépendamment des cas dans lesquels le législateur a lui-même entendu reconnaître ou, à l’inverse, exclure l’existence d’un service public, une personne privée qui assure une mission d’intérêt général sous le contrôle de l’administration et qui est dotée à cette fin de prérogatives de puissance publique est chargée de l’exécution d’un service public. Même en l’absence de telles prérogatives, une personne privée doit également être regardée, dans le silence de la loi, comme assurant une mission de service public lorsque, eu égard à l’intérêt général de son activité, aux conditions de sa création, de son organisation ou de son fonctionnement, aux obligations qui lui sont imposées ainsi qu’aux mesures prises pour vérifier que les objectifs qui lui sont assignés sont atteints, il apparaît que l’administration a entendu lui confier une telle mission.

5. Il ressort des pièces du dossier que la commune de Lisieux a confié à la SAS CIDE 14, dans le cadre d’une convention d’affermage conclue le 2 octobre 1992,  » l’exploitation du service public local à caractère industriel et commercial de la pépinière d’entreprises  » dans un bâtiment édifié à cet effet en 1992 chemin de la Thillaye. Toutefois, cette convention, expirée en 2004, n’a pas été renouvelée. Le maintien dans les lieux de la SAS CIDE 14, laquelle n’est pas dotée de prérogatives de puissance publique, a été régularisé à compter du 18 juin 2013 par la délivrance par la communauté de communes d’une autorisation temporaire d’occupation du domaine public plusieurs fois renouvelée. Si cette autorisation prévoit que  » Les entreprises actuellement en place ont droit à un maintien dans les lieux jusqu’à expiration des contrats en cours « , cette seule circonstance ne suffit pas à caractériser l’existence d’obligations de service public que la communauté de communes aurait imposées à la SAS CIDE 14. Il ne ressort pas davantage des pièces du dossier et n’est d’ailleurs pas allégué que la collectivité lui aurait assigné des objectifs ni qu’elle en contrôlerait la réalisation. Si la société requérante se prévaut de la participation à ses assemblées générales d’un représentant de la communauté de communes, celle-ci résulte de la qualité d’actionnaire de cette dernière. Contrairement à ce que soutient la SAS CIDE 14, la demande de communication de divers documents, notamment les comptes annuels détaillés, la liste des entreprises résidentes, l’inventaire du matériel et les contrats de travail du personnel employé par la société se rattache aux droits de l’actionnaire. Dans ces conditions, alors même que l’activité gérée par la SAS CIDE 14 dans les bâtiments considérés présenterait un intérêt général et répondrait à un besoin actuel de services aux entreprises qui se rattachent aux compétences obligatoires de la communauté de communes au titre du développement économique du territoire, cette activité ne revêt pas le caractère d’une mission de service public confiée par la communauté de communes. Par suite, le moyen tiré de ce que le déclassement ne pouvait être légalement prononcé, faute de désaffectation préalable au service public, doit être écarté.

6. En second lieu, il ressort des pièces du dossier que la communauté de communes, qui a, par ailleurs, développé un projet de pépinière d’entreprises dans le bâtiment Sanchez qui jouxte la cité judiciaire, avait, dès 2009, l’intention de solliciter le déclassement des bâtiments situés chemin de la Thillaye de manière à permettre leur vente par la commune de Lisieux, ainsi qu’en témoigne le procès-verbal de l’assemblée générale de la SAS CIDE 14 tenue le 26 mai 2009. Une demande d’estimation par les services de l’Etat a d’ailleurs été présentée en 2009. Dans ces conditions, il ne ressort pas des pièces du dossier que la décision de déclassement contestée serait intervenue dans le but de consentir une libéralité à la personne ayant manifesté sa volonté d’acquérir les bâtiments en octobre 2016.

7. Il résulte de tout ce qui précède que la SAS CIDE 14 n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande dirigée contre la délibération du conseil municipal de Lisieux du 7 février 2017.

Sur les frais liés au litige :

8. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu’il soit mis à la charge de la commune de Lisieux, laquelle n’est pas, dans la présente instance, la partie perdante, une somme au titre des frais exposés par la société requérante et non compris dans les dépens. Il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de la SAS CIDE 14 le versement à la commune de Lisieux d’une somme au titre de frais de même nature.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la SAS CIDE 14 est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par la commune de Lisieux sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société par actions simplifiée Centre d’initiative et de développement d’entreprises de l’agglomération de Lisieux, à la commune de Lisieux et à M. F… E….

Une copie sera adressée à la communauté d’agglomération  » Lisieux-Normandie « .

Délibéré après l’audience du 28 mai 2019, à laquelle siégeaient :

Mme Brisson, président,

M.A…’hirondel, premier conseiller,

Mme Bougrine, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 20 juin 2019.

Le rapporteur,

K. BOUGRINE

Le président,

C. BRISSONLe greffier,

A. BRISSET

La République mande et ordonne au préfet du Calvados en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

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N° 18NT01536


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