CAA de NANTES, 1ère Chambre , 26/11/2015, 14NT01195, Inédit au recueil Lebon

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CAA de NANTES, 1ère Chambre , 26/11/2015, 14NT01195, Inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE

AU
NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée (SAS) FY-G a demandé au tribunal administratif de Caen de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires à l’impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices 2008 et 2009.

Par un jugement n° 1301466 du 13 mars 2014, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 2 mai 2014, le 12 février 2015 et le 29 octobre 2015, la SAS FY-G, représentée par MeA…, demande à la cour :

1°) d’annuler ce jugement du tribunal administratif de Caen du 13 mars 2014 ;

2°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires à l’impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices 2008 et 2009 ;

3°) de mettre à la charge de l’Etat une somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

– la provision qu’elle a comptabilisée pour faire face au risque de non-recouvrement d’une partie du montant de son compte courant au sein de la société EG est justifiée dans la mesure où la perte afférente à cette créance était nettement précisée et probable compte tenu d’événements existants à la date de clôture de son exercice comptable au 31 décembre 2008 ;

– l’administration a admis, au vu des mêmes événements, la déduction d’une partie de la provision ;

– la dépréciation de la valeur de sa créance est justifiée à la fois par la mauvaise situation comptable de la société EG et par la valeur dégradée des biens immobiliers détenus à l’actif de cette société ne permettant pas de couvrir le prix de revient des immeubles détenus ;

Par des mémoires en défense, enregistrés le 20 novembre 2014 et le 20 mars 2015, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la SAS FY-G ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

– le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

– le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

– le rapport de Mme Allio-Rousseau,

– et les conclusions de Mlle Wunderlich, rapporteur public.

1. Considérant que la société par actions simplifiée (SAS) FY-G, qui exerce des activités de gestion de patrimoine mobilier ou immobilier, de fourniture de prestations de service au profit de sociétés filiales ainsi que d’acquisition et de détention de participations dans des sociétés tierces, a fait l’objet d’une vérification de comptabilité portant sur la période comprise entre le 1er janvier 2007 et le 31 décembre 2008 à l’issue de laquelle le service a remis en cause, par une proposition de rectification du 13 juillet 2011, la provision, comptabilisée au titre de l’exercice clos le 31 décembre 2008, pour faire face à un risque de perte sur la créance qu’elle détenait auprès de la société à responsabilité limitée (SARL) EG ; que la SAS FY-G relève appel du jugement en date du 13 mars 2014 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires à l’impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2008 et en 2009 ;

Sur le bien-fondé des impositions :

2. Considérant qu’aux termes de l’article 39 du code général des impôts, applicable en matière d’impôt sur les sociétés en vertu de l’article 209 du même code :  » 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (…) notamment : (…) 5° Les provisions constituées en vue de faire face à des pertes ou charges nettement précisées et que des événements en cours rendent probables, à condition qu’elles aient été effectivement constatées dans les écritures de l’exercice (…)  » ; qu’il résulte de ces dispositions qu’une entreprise peut valablement porter en provision et déduire des bénéfices imposables des sommes correspondant à des pertes ou charges qui ne seront supportées qu’ultérieurement par elle à la condition qu’elles apparaissent comme probables eu égard aux circonstances de fait constatées à la date de clôture de l’exercice et qu’en outre ces pertes ou charges soient nettement précisées quant à leur nature et susceptibles d’être évaluées avec une approximation suffisante ;

3. Considérant que jusqu’au 7 novembre 2008, la SAS FY-G détenait 400 parts sociales de la SARL EG, qui exerçait une activité de marchand de biens à Cherbourg, l’autre moitié du capital étant détenue par la SARL Boogy ; qu’à cette date, la SAS FY-G a acquis les titres de la SARL EG auprès de la société Boogy, devenant en conséquence son actionnaire unique, pour un montant de un euro et, d’autre part, la créance en compte courant que détenait la société Boogy sur la société EG pour un montant de 491 165,57 euros ; que la société requérante a constaté dans ses écritures comptables le 31 décembre 2008 une provision pour dépréciation sur immobilisations financières à hauteur de 503 645 euros, correspondant à la différence entre le montant total de son compte courant inscrit dans les comptes de la SARL EG, soit 950 204,96 euros, et le produit de la vente de biens immobiliers lui appartenant, soit 446 560 euros ; que l’administration a rejeté la déduction de cette provision au titre de l’exercice clos en 2008 aux motifs que, d’une part, le rachat de la créance de la SARL Boogy le 7 novembre 2008 pour sa valeur nominale constituait un acte anormal de gestion compte tenu du risque d’insolvabilité de la SARL EG à cette date, de sorte que la provision constituée pour faire face au risque de non-recouvrement de cette créance n’était pas déductible et que, d’autre part et à titre subsidiaire, aucun élément nouveau n’était intervenu entre la date d’acquisition de la créance et la date de la clôture de l’exercice de nature à justifier l’inscription en comptabilité de cette provision ; qu’en dépit de l’avis favorable au contribuable de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d’affaires de la Manche saisie à la demande de la SAS FY-G, l’administration a maintenu ce rehaussement au motif que la SAS FY-G ne faisait état d’aucun élément nouveau à la date de clôture de son exercice, dès lors qu’elle connaissait déjà la situation financière difficile de la SARL EG à la date du rachat du compte courant de la SARL Boogy et que la seule perspective d’une baisse des prix de vente des biens immobiliers n’était pas corroborée par des éléments probants ;

4. Considérant, en premier lieu, que ni la circonstance que la situation financière dégradée de la SARL EG était connue de son actionnaire, la SAS FY-G, depuis le début de l’année 2008, ni la circonstance que la dégradation du marché immobilier au plan national se situait en amont de l’acquisition de la créance par la SAS FY-G ne faisaient obstacle à elles seules à ce que cette dernière constatât par voie de provision, à la fin de l’exercice, une dépréciation de sa créance à l’égard de la SARL EG ;

5. Considérant, en second lieu, que si, au cours des opérations de contrôle, la SAS FY-G a justifié la constatation de la provision uniquement en raison de la situation financière de sa filiale au 31 décembre 2008, elle produit pour la première fois en appel un courrier en date du 29 décembre 2008 rédigé par un professionnel de l’immobilier dans le secteur cherbourgeois qui évalue, compte tenu de la situation des biens, de leur état, de leur emplacement et de leur composition, la valeur des immeubles nus détenus par la société EG entre 1 200 euros et 1 400 euros hors taxe au mètre carré à cette date ; que cette évaluation est proche du prix de vente au mètre carré du logement vendu par la SARL EG le 30 décembre 2008, fixé à 1 600 euros hors taxes ; que les données statistiques établies par le réseau notarial et par l’Insee, qui concernent l’année 2008, démontrent que le marché de l’immobilier cherbourgeois, comme au niveau national, connaissait depuis les deux derniers trimestres de l’année 2008 une très nette dégradation ; que la SAS FY-G fait valoir sans être contredite sur ce point que dès lors que le prix de revient des stocks immobiliers de la SARL EG était supérieur à leur valeur sur le marché immobilier au 31 décembre 2008, la valeur de ses actifs ne lui permettaient pas de couvrir l’intégralité de ses engagements financiers en cours à la même date, ses dettes excédant de plus de 600 000 euros la valeur de son patrimoine ; que, dans ces conditions, c’est à tort que l’administration a réintégré la provision constituée au titre de la créance détenue dans les comptes de la SARL EG au titre de l’exercice clos en 2008 ;

6. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que la SAS FY-G est fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté ses conclusions tendant à la décharge des cotisations supplémentaires à l’impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices 2008 et 2009 ;

Sur les conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

7. Considérant qu’il y a lieu de mettre à la charge de l’Etat, partie perdante, une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la SAS FY-G et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Caen en date du 13 mars 2014 est annulé.

Article 2 : La SAS FY-G est déchargée des cotisations supplémentaires d’impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2008 et 2009.

Article 3 : L’Etat versera à la SAS FY-G une somme de 1 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société FY-G et au ministre des finances et des comptes publics.

Délibéré après l’audience du 5 novembre 2015, à laquelle siégeaient :

– M. Bataille, président de chambre,

– Mme Aubert, président-assesseur,

– Mme Allio-Rousseau, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 26 novembre 2015.

Le rapporteur,

M-P. Allio-Rousseau Le président,

F. Bataille

Le greffier,

E. Haubois

La République mande et ordonne au ministre des finances et des comptes publics en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

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N°14NT01195


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