Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU
NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. et Mme C… B… ont demandé au tribunal administratif de Rennes de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d’impôt sur le revenu et de contributions sociales mises à leur charge au titre de l’année 2013.
A… un jugement n°1803768 du 4 novembre 2020, le tribunal administratif de Rennes a prononcé la décharge de la cotisation supplémentaire de contributions sociales mise à leur charge au titre de l’année 2013 résultant de la réduction de la base d’imposition correspondant à la majoration de 25 % prévue au 7 de l’article 158 du code général des impôts et a rejeté le surplus des conclusions de leur demande.
Procédure devant la cour :
A… une requête enregistrée le 23 décembre 2020 M. et Mme B…, représentés A… Me Dahan, demandent à la cour :
1°) d’annuler ce jugement du 4 novembre 2020 en tant qu’il a rejeté le surplus de leur demande ;
2°) de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d’impôt sur le revenu et de contributions sociales mises à leur charge au titre de l’année
2013 ;
3°) de mettre à la charge de l’Etat le versement de la somme de 4 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
En ce qui concerne la régularité de la procédure d’imposition :
– l’administration a manqué de loyauté en leur adressant le 29 juillet 2016, avant l’expiration du délai de trente jours consécutif à l’envoi de la proposition de rectification, un courrier les informant que la procédure de contrôle était achevée et que les impositions supplémentaires et les pénalités allaient être mises en recouvrement ; l’administration a ainsi délibérément cherché à les induire en erreur quant à leurs droits et obligations et a exercé des pressions pour les amener à ne pas formuler d’observations, ce qui les a nécessairement privés d’une garantie ;
– l’administration n’a pas respecté l’accord verbal convenu entre le vérificateur et
M. B… concernant la date d’envoi de la proposition de rectification du fait de ses congés au cours du mois de juillet ;
En ce qui concerne le bien-fondé de l’imposition :
– le tribunal a jugé à tort que le versement sur le compte courant d’associé de M. B… du solde du compte client AFAH pour un montant de 58 821 euros constituait une distribution alors que cette opération, enregistrée A… l’ancien comptable à l’insu de l’associé gérant, ne caractérise pas une décision d’accorder un avantage à ce dernier ;
– le versement sur le compte personnel de M. B… de sommes pour un montant total de 120 000 euros correspond aux loyers versés pour la location de moules ; c’est donc à tort que le tribunal a jugé qu’il relevait d’une distribution ;
– l’inscription de la somme de 107 619,23 euros au crédit du compte courant d’associé de M. B… ayant été justifiée au cours de la procédure, c’est à tort que le tribunal a jugé qu’elle constituait une distribution ;
En ce qui concerne les pénalités :
– les pénalités pour manquement délibéré ne sont pas justifiées ; l’administration occulte le contexte particulier, constaté au cours des opérations de contrôle, dans lequel s’inscrit la société et notamment le fait que les écritures comptables dont l’irrégularité est soulevée A… l’administration ont été enregistrées A… l’ancien comptable à l’insu du gérant pour apurer ou solder des comptes présentant des irrégularités dues au changement de logiciel comptable et à la perte d’écritures comptables consécutive à ce changement ; ces pénalités sont en outre excessives.
A… un mémoire en défense enregistré le 18 juin 2021 le ministre de l’économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
– compte tenu du dégrèvement accordé le 25 novembre 2020 en exécution du jugement du 4 novembre 2020, les impositions restant en litige s’élèvent à un montant total de 272 619 euros ;
– les moyens soulevés A… M. et Mme B… ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
– le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
– le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.
Ont été entendus au cours de l’audience publique :
– le rapport de M. E…,
– les conclusions de M. Brasnu, rapporteur public.
– et les observations de Me Dahan, pour M. et Mme B….
Considérant ce qui suit :
1. A la suite de la vérification de comptabilité de l’EURL Image In, de la SCI La Villeneuve et de la SARL Disanit, dont M. B… est gérant, et de l’examen fiscal de leur situation personnelle, M. et Mme B… ont été assujettis, selon la procédure contradictoire, à des cotisations supplémentaires d’impôt sur le revenu et de contributions sociales au titre de l’année 2013 pour un montant total de 282 293 euros. A… un jugement du 4 novembre 2020, le tribunal administratif de Rennes a réduit les bases d’imposition de M. et Mme B… aux contributions sociales du montant correspondant à la majoration de 25 % prévue au 2° du 7 de l’article 158 du code général des impôts, a déchargé en conséquence M. et Mme B… des cotisations supplémentaires de contributions sociales auxquelles ils avaient été assujettis au titre de cette année et a rejeté le surplus de leur demande. M. et Mme B… relèvent appel de ce jugement en tant que le tribunal administratif de Rennes n’a pas entièrement fait droit à leur demande.
Sur la régularité de la procédure d’imposition :
2. En premier lieu, M. et Mme B… soutiennent que l’administration n’aurait pas respecté l’accord verbal convenu entre le vérificateur et M. B…, son gérant, concernant la date d’envoi de la proposition de rectification du fait de leurs congés au cours du mois de juillet 2016. Toutefois ils n’en justifient pas et il leur appartenait, en tout état de cause, de prendre toutes dispositions utiles pour faire suivre leur courrier en leur absence.
3. En second lieu, M. et Mme B… reprochent à l’administration fiscale d’avoir manqué à son obligation de loyauté en les incitant, A… un courrier adressé le 29 juillet 2016, à ne pas répondre aux termes de la proposition de rectification du 6 juillet 2016, dont il résulte de l’instruction qu’elle leur a été valablement notifiée le 7 juillet 2016 et qu’elle comportait l’indication selon laquelle ils pouvaient présenter des observations dans le délai de trente jours suivant sa réception tel que prévu A… l’article R. 57-1 du livres des procédures fiscales. Toutefois, la circonstance pour regrettable qu’elle soit, que ce courrier, qui comportait au demeurant à nouveau la proposition de rectification, a informé les requérants que la procédure de contrôle était achevée et que les impositions supplémentaires et les pénalités allaient être mises en recouvrement ne les a pas induits en erreur sur la possibilité de présenter des observations à la proposition de rectification dans le délai de 30 jours, ce qu’ils ont d’ailleurs fait le 4 août 2016. Dans ces conditions, alors au surplus que les impositions supplémentaires n’ont été mises en recouvrement que le 15 décembre 2017, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que l’administration les aurait, en les induisant en erreur sur leurs droits, privés d’une garantie.
Sur le bien-fondé de l’imposition :
4. Aux termes de l’article 109 du code général des impôts : » 1. Sont considérés comme revenus distribués : / 1° Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital ; / 2° Toutes les sommes ou valeurs mises à la disposition des associés, actionnaires ou porteurs de parts et non prélevées sur les bénéfices. (…) « . Aux termes de l’article 47 de l’annexe II au même code : » Toute rectification du bénéfice imposable à l’impôt sur les sociétés au titre d’une période sera prise en compte au titre de la même période pour le calcul des sommes distribuées « . En cas de refus des propositions de rectifications A… le contribuable qu’elle entend imposer comme bénéficiaire de sommes regardées comme distribuées, il incombe à l’administration d’apporter la preuve que celui-ci en a effectivement disposé. Toutefois, le contribuable qui, disposant seul des pouvoirs les plus étendus au sein de la société, est en mesure d’user sans contrôle de ses biens comme de biens qui lui sont propres et doit ainsi être regardé comme le seul maître de l’affaire, est présumé avoir appréhendé les distributions effectuées A… la société qu’il contrôle.
S’agissant des passifs injustifiés :
5. En premier lieu, au cours de la vérification de comptabilité de l’EURL Image In, l’administration a constaté l’existence d’un passif injustifié résultant de la comptabilisation d’une écriture d’opérations diverses au débit du compte client Afah et au crédit du compte courant d’associé de M. B…, pour un montant de 58 821 euros. M. et Mme B… n’apportent, pas plus qu’en première instance, d’éléments de nature à justifier ce passif ou à en contester le montant. S’ils font valoir que le compte courant d’associé constituerait un compte d’attente destiné à apurer certains comptes suite à un dysfonctionnement informatique, ils ne l’établissent pas A… les pièces versées au dossier. Dans ces conditions, c’est à bon droit que les sommes en cause ont été réintégrées au résultat de l’EURL Image In en tant que passif injustifié, et l’administration doit être regardée comme établissant l’existence et le montant de revenus distribués sur le fondement du 1° du 1 du de l’article 109 du code général des impôts.
6. En deuxième lieu, au cours de la vérification de comptabilité de l’EURL Disanit, l’administration a constaté que le solde du compte courant d’associé de M. B…, associé unique et dirigeant de l’EURL, était débiteur à hauteur de 106 957 euros. Le 31 décembre 2013, ce compte courant a été crédité d’un montant de 107 619,23 euros correspondant, d’une part, à la compensation du compte courant d’associé de M. D… (ancien gérant de la société Disanit) et de la créance Royal Bains A… le crédit du compte courant d’associé de M. B… pour 102 619,23 euros et, d’autre part, à l’annulation de l’emprunt Haddadan A… le crédit du compte courant d’associé de M. B… pour 5 000 euros. En l’absence de justifications, l’administration a estimé que la somme totale de 107 619,23 euros inscrite au crédit du compte courant d’associé de M. B… était constitutive d’un passif injustifié.
7. M. et Mme B… soutiennent que la somme de 102 619,23 euros a été justifiée A… la fourniture au cours du contrôle d’un acte sous seing privé de prêt consenti A… M. D… envers M. B…, un courrier au procureur de la République ainsi que des comptes courants d’associés de la société Disanit du 1er mars 2004 au 31 décembre 2010. Toutefois, alors que l’acte de prêt sous seing privé produit n’a pas de date certaine en l’absence d’enregistrement, l’administration fait valoir sans être contestée qu’aucun remboursement de la somme en cause n’est intervenu, de sorte que la réalité d’une contrepartie à l’opération comptable litigieuse n’est pas établie. A… ailleurs, s’agissant de l’annulation de l’emprunt Haddadan, à hauteur de 5 000 euros, l’administration a précisé que cette créance n’était pas justifiée en l’absence de rapport juridique entre l’EURL Disanit et la SCI Haddadan avant le 1er janvier 2013, date de conclusion d’un bail. Les requérants ne produisent, pas plus qu’en première instance, aucun élément justifiant de l’annulation de cet emprunt A… le crédit du compte courant d’associé de M. B…. Dans ces conditions, c’est à bon droit que les sommes en cause ont été réintégrées au résultat de l’EURL Disanit en tant que passif injustifié, et l’administration établit l’existence et le montant de revenus distribués à M. et Mme B… sur le fondement du 1° du 1 du de l’article 109 du code général des impôts.
S’agissant des encaissements de chèques émanant de l’EURL Image :
8. Au cours de la vérification de comptabilité de l’EURL Image In, l’administration a constaté que M. et Mme B… avaient encaissé sur leur compte bancaire personnel plusieurs chèques émanant de cette société au cours de l’année 2013 pour un total de 120 000 euros. M. et Mme B… soutiennent que ces encaissements correspondent à la location à cette société de moules dont M. B… est le concepteur et le propriétaire. Toutefois, l’administration fait valoir sans être contestée que le contrat de location produit au cours du contrôle comporte un montant qui diffère du montant des encaissements constatés et que l’attestation versée au dossier, qui ne fait qu’évoquer l’existence d’une relation commerciale entre la société Image In et la société Mory Team pour une prestation de transport sur une période antérieure à 2008, n’atteste en rien d’une prestation de location de moules entre M. B… et la société Image In. C’est dès lors à bon droit que l’administration a regardé ces encaissements comme constituant des revenus distribués imposables entre les mains de M. et Mme B… sur le fondement du 2° du 1 de l’article 109 du code général des impôts
9. Enfin, il n’est pas contesté que M. B…, qui est associé et unique dirigeant de l’EURL Image In et de l’EURL Dinasit, doit être regardé comme l’unique maître de l’affaire. Si les requérants font valoir que l’opération a été enregistrée à l’insu de M. B… A… le comptable de la société, ils ne le démontrent pas en tout état de cause. Dès lors, c’est à bon droit que le service a estimé que M. B… devait être présumé avoir appréhendé les sommes correspondant aux rehaussements des résultats de l’EURL Image In et de l’EURL Dinasit.
Sur la majoration pour manquement délibéré :
10. L’administration fait valoir que M. B…, gérant et associé des sociétés Image In, La Villeneuve et Disanit, a prélevé d’importantes sommes sous couvert de passation d’écritures comptables non régulières et non justifiées et que ces faits se sont renouvelés dans les trois sociétés vérifiées, qui ont toutes fait l’objet, au moins partiellement, d’un rejet de comptabilité. L’administration se fonde également sur l’importance des droits rappelés A… rapport au montant des revenus déclarés, qui met en lumière la volonté manifeste de M. et Mme B… de se soustraire à l’impôt sur le revenu. Le service apporte ainsi la preuve, qui lui incombe, du caractère délibéré des manquements pour éluder l’impôt. Les requérants ne peuvent utilement invoquer la responsabilité de l’ancien comptable dans les irrégularités qui auraient été commises pour apurer ou solder des comptes présentant des irrégularités dues au changement de logiciel comptable et à la perte d’écritures comptables consécutive à ce changement, laquelle n’est en tout état de cause pas établie A… les pièces versées au dossier. Enfin, en se bornant à invoquer sans autre précision le caractère excessif des pénalités, les requérants n’en contestent pas utilement le montant.
11. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme B… ne sont pas fondés à soutenir que c’est à tort que, A… le jugement attaqué, les premiers juges ont rejeté le surplus de leur demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d’impôt sur le revenu et de contributions sociales mises à leur charge au titre de l’année 2013. A… suite leur requête, y compris en ses conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative, doit être rejetée.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. et Mme B… est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme B… et au ministre de ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Délibéré après l’audience du 6 octobre 2022, à laquelle siégeaient :
– Mme Perrot, présidente de chambre,
– M. Geffray président assesseur,
– M. Penhoat, premier conseiller.
Rendu public A… mise à disposition au greffe le 21 octobre 2022.
Le rapporteur
A. E…La présidente
I. Perrot
La greffière
A. Marchais
La République mande et ordonne au ministre de ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.
No 20NT040422