Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU
NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société anonyme sportive professionnelle du Football Club de Nantes (S.A.S.P FC Nantes) a demandé au tribunal administratif de Nantes de prononcer la décharge, en droits et intérêts de retard, des cotisations minimales de taxe professionnelle auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2008 et 2009.
Par un jugement n° 1301383 du 2 juillet 2015, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 3 septembre 2015 et 28 novembre 2016, la S.A.S.P FC Nantes, représentée par MeA…, demande à la cour :
1°) d’annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 2 juillet 2015 ;
2°) de prononcer la décharge, en droits et intérêts de retard, des cotisations minimales de taxe professionnelle auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2008 et 2009 ;
3°) de mettre à la charge de l’Etat une somme de 2 000 euros au titre de l’article
L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
– les premiers juges n’ont pas suffisamment motivé leur décision en ce qui concerne le moyen tiré de ce que les abandons de créances ne doivent pas être pris en compte pour le calcul de la valeur ajoutée ; ils n’ont pas répondu à l’ensemble des arguments invoqués sur ce point ;
– la proposition de rectification et la décision de rejet de sa réclamation, qui ne précisent pas les raisons pour lesquelles, au cas particulier, les subventions d’équilibre devraient être assimilées à des subventions d’exploitation, sont insuffisamment motivées ;
– l’administration ne pouvait pas prendre en compte les abandons de créances pour le calcul de la taxe sur la valeur ajoutée servant d’assiette à la cotisation minimale de taxe professionnelle dès lors qu’ils ne relèvent pas de la catégorie des subventions d’exploitation au sens des dispositions du 2 du II de l’article 1647 B sexies du code général des impôts mais ont pour objet d’équilibrer ses résultats d’ensemble et de reconstituer ses capitaux propres ;
– si les abandons de créances sont maintenus pour le calcul de la valeur ajoutée, elle est susceptible de faire l’objet d’une double imposition en raison de la clause de retour à bonne fortune stipulée lors des abandons de créance ; elle se prévaut sur ce point du BOI-CVAE-BASE-20.
Par deux mémoires en défense, enregistrés les 14 janvier et 14 décembre 2016, le ministre chargé des finances conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par la S.A.S.P FC Nantes ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
– le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
– la loi n° 2009-1673 du 30 décembre 2009 portant loi de finances pour 2010 ;
– le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.
Ont été entendus au cours de l’audience publique :
– le rapport de Mme Chollet,
– les conclusions de M. Jouno, rapporteur public.
1. Considérant que la société anonyme sportive professionnelle du Football Club de Nantes (S.A.S.P FC Nantes) a fait l’objet d’une vérification de comptabilité ayant porté sur la période du 1er juillet 2007 au 30 juin 2010 à l’issue de laquelle l’administration lui a notamment notifié des rappels en matière de cotisation minimale de taxe professionnelle consécutifs à la réintégration, dans la production de l’entreprise, des abandons de créances qui lui avaient été consentis par sa société mère pour les sommes respectives de 7 600 000 euros en 2008 et 19 000 000 euros en 2009 ; que la S.A.S.P FC Nantes relève appel du jugement du 2 juillet 2015 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à la décharge, en droits et intérêts de retard, des cotisations minimales de taxe professionnelle auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2008 et 2009 ;
Sur la régularité du jugement :
2. Considérant que les premiers juges ont répondu au moyen invoqué en première instance tiré de ce que les abandons de créances ne doivent pas être regardés comme des subventions d’exploitation ; qu’ils n’étaient pas tenus de répondre à tous les arguments invoqués par la requérante au soutien de ce moyen et, notamment, de se prononcer sur la différence entre une subvention d’exploitation et une subvention d’équilibre ; que le moyen tiré de l’insuffisance de motivation du jugement doit, dès lors, être écarté ;
Sur la régularité de la procédure d’imposition :
3. Considérant, en premier lieu, qu’aux termes de l’article L. 57 du livre des procédures fiscales : » L’administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. (…). Lorsque l’administration rejette les observations du contribuable sa réponse doit également être motivée » ; qu’une proposition de rectification, pour être régulière, doit comporter la désignation de l’impôt concerné, de l’année d’imposition et de la base d’imposition, et énoncer les motifs sur lesquels l’administration entend se fonder pour justifier les redressements envisagées, pour permettre au contribuable de formuler ses observations de façon entièrement utile ; qu’en revanche, sa régularité ne dépend pas du bien-fondé de ses motifs ;
4. Considérant qu’il résulte de l’instruction que la proposition de rectification du 7 septembre 2011 énonce les impôts sur lesquels elle porte, les périodes d’imposition, indique les motifs de rehaussements, et notamment les motifs de droit et de fait pour lesquels le vérificateur a réintégré les abandons de créances dont la requérante a bénéficié au titre des exercices clos en 2008 et 2009 de la part de la société anonyme (SA) Flava Groupe, sa société mère et holding, ce qui lui a permis de formuler des observations ; que la requérante ne saurait utilement, s’agissant de la régularité formelle de la proposition de rectification, critiquer le bien-fondé des motifs sur lesquels elle repose ; qu’il suit de là que cette proposition de rectification est suffisamment motivée ;
5. Considérant, en second lieu, que les irrégularités susceptibles d’entacher la décision par laquelle l’administration rejette une réclamation tendant à la décharge d’une imposition, décision postérieure à la mise en recouvrement, sont sans influence sur la régularité de la procédure d’imposition ; qu’il suit de là que le moyen tiré de ce que la décision de rejet du 17 décembre 2012 est insuffisamment motivée, doit, en tout état de cause, être écarté comme inopérant ;
Sur le bien-fondé de l’imposition :
6. Considérant, en premier lieu, qu’aux termes de l’article 1647 E du code général des impôts alors en vigueur : » I.- La cotisation de taxe professionnelle des entreprises dont le chiffre d’affaires est supérieur à 7 600 000 euros est au moins égale à 1,5 % de la valeur ajoutée produite par l’entreprise, telle que définie au II de l’article 1647 B sexies. Le chiffre d’affaires et la valeur ajoutée à prendre en compte sont ceux de l’exercice de douze mois clos pendant l’année d’imposition ou, à défaut d’un tel exercice, ceux de l’année d’imposition. / II.- Les entreprises mentionnées au I sont soumises à une cotisation minimale de taxe professionnelle. Cette cotisation est égale à la différence entre l’imposition minimale résultant du I et la cotisation de taxe professionnelle déterminée selon les règles définies au III. / II. Pour l’application du II, la cotisation de taxe professionnelle est déterminée conformément aux dispositions du I bis de l’article 1647 B sexies. (…) » ; qu’aux termes de l’article 1647 B sexies du même code alors applicable : » (…) / II (…) 2. Pour la généralité des entreprises, la production de l’exercice est égale à la différence entre : / D’une part, les ventes, les travaux, les prestations de services ou les recettes ; les produits accessoires ; les subventions d’exploitation ; les ristournes, rabais et remises obtenus ; les travaux faits par l’entreprise pour elle-même ; les transferts de charges mentionnées aux troisième et quatrième alinéas ainsi que les transferts de charges de personnel mis à disposition d’une autre entreprise ; les stocks à la fin de l’exercice. / Et, d’autre part, les achats de matières et marchandises, droits de douane compris ; les réductions sur ventes ; les stocks au début de l’exercice. (…) » ;
7. Considérant que l’administration a réintégré dans le calcul de la production des exercices 2008 et 2009 pour la détermination de la valeur ajoutée mentionnée à l’article 1647 B sexies du code général des impôts, les abandons de créances qui ont été consentis à la S.A.S.P FC Nantes par sa société mère, en estimant qu’il s’agissait de subventions d’exploitation ; qu’il résulte de l’instruction que l’actionnaire principal de la société mère s’est engagé, par courriers des 14 décembre 2007, 10 juin 2008 et 10 juin 2009, à soutenir financièrement la société requérante à hauteur d’un montant équivalent aux pertes éventuelles de cette dernière et à répondre, si nécessaire, à ses besoins de trésorerie ; qu’en exécution de cet engagement, la société mère lui a consenti, au titre de chaque année en litige, des abandons de créance qui, contrairement à ce qu’elle soutient, ont tous été assortis d’une clause de retour à meilleure fortune, au terme d’un contrat du 27 mai 2008, d’un courrier du 28 juin 2008 et d’une convention de blocage du compte-courant d’actionnaire du 9 juin 2009 ; que ces abandons de créance se sont respectivement élevés à 5 100 000 euros en mai 2008, 2 500 000 euros en juin 2008 et
19 000 000 euros en juin 2009 ; que l’administration fait valoir sans être contredite qu’ils ont couvert 47 % du déficit d’exploitation de l’exercice 2008 et 91 % de celui de l’exercice 2009 ; que, dans ces conditions, et alors même que ces sommes ont été enregistrées en comptabilité au compte » produits exceptionnels sur opérations de gestion « , la société mère a, par ces versements, permis à la S.A.S.P FC Nantes de compenser l’insuffisance des produits d’exploitation courants et de couvrir les charges d’exploitation courantes ; que les abandons de créances constituent ainsi au sens et pour l’application des dispositions du 2 du II de l’article 1647 B sexies du code général des impôts, des subventions d’exploitation devant concourir à la détermination des productions des exercices 2008 et 2009, sans que la S.A.S.P FC Nantes puisse utilement invoquer les contraintes de gestion imposées par la direction nationale du contrôle de gestion de la ligue de football professionnel ;
8. Considérant, en deuxième lieu, que la décision de rescrit 2005/43 IDL du 6 septembre 2005 relative à la détermination du chiffre d’affaires retenu pour l’assujettissement à la cotisation minimale de taxe professionnelle en fonction de la valeur ajoutée sur le fondement de l’article 1647 E du code général des impôts ne comporte pas une interprétation de la loi différente de celle dont il est fait application ; que, par suite, la société requérante n’est pas fondée à s’en prévaloir sur le fondement de l’article L. 80 A du livre des procédures fiscales ;
9. Considérant, en troisième lieu, que les contribuables ne sont en droit d’invoquer, sur le fondement du deuxième alinéa de l’article L. 80 A du livre des procédures fiscales, qu’il s’agisse d’impositions primitives ou supplémentaires, que des interprétations antérieures à l’expiration du délai de déclaration ; qu’il suit de là que la S.A.S.P FC Nantes n’est pas fondée à se prévaloir du paragraphe 190 du BOI-CVAE-BASE-20 du 12 septembre 2012 au soutien de son moyen tiré du risque de double imposition que comporte la prise en compte d’abandons de créances pour le calcul de la cotisation minimale de taxe professionnelle lorsque ces abandons de créances ont été assortis d’une clause de retour à meilleure fortune ; qu’au surplus, ce commentaire ne porte ni sur le mode de calcul de cette taxe ni sur la stipulation d’une clause de retour à bonne fortune ; qu’au demeurant, l’existence d’une double imposition n’est pas établie ;
10. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que la S.A.S.P FC Nantes n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la S.A.S.P FC Nantes est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société anonyme sportive professionnelle du Football Club de Nantes et au ministre de l’économie et des finances.
Délibéré après l’audience du 2 février 2017, à laquelle siégeaient :
– Mme Aubert, président de chambre,
– M. Delesalle, premier conseiller,
– Mme Chollet, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 16 février 2017.
Le rapporteur,
L. CholletLe président,
S. Aubert
Le greffier,
C. Croiger
La République mande et ordonne au ministre de l’économie et des finances en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.
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N° 15NT02697