CAA de NANTES, 1ère chambre, 10/12/2015, 14NT00860, Inédit au recueil Lebon

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CAA de NANTES, 1ère chambre, 10/12/2015, 14NT00860, Inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE

AU
NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société civile immobilière (SCI) La Phalange a demandé au tribunal administratif de Nantes de prononcer le remboursement d’un crédit de taxe sur la valeur ajoutée d’un montant de 376 766 euros dont elle s’estimait titulaire au quatrième trimestre de l’année 2010 en raison d’opérations réalisées au titre des années 2007, 2008 et 2009.

Par un jugement n° 1106843 du 6 février 2014, le tribunal administratif de Nantes a, constaté, par son article 1er, un non-lieu partiel à statuer à hauteur du dégrèvement de la somme de 29 455 euros prononcé au titre d’opérations effectuées au cours des années 2008 et 2009, accordé, par son article 2, à la SCI La Phalange la restitution de la taxe sur la valeur ajoutée acquittée au titre des autres opérations effectuées au cours des années 2008 et 2009, mis à la charge de l’Etat, par son article 3, une somme de 1 500 euros, et rejeté, par son article 4, le surplus des conclusions de sa demande portant sur la restitution de la taxe sur la valeur ajoutée acquittée à raison des opérations réalisées au cours de l’année 2007.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés sous le n° 14NT00860 le 3 avril 2014 et le 3 décembre 2014, la SCI La Phalange, devenue la SCI Orexim, représentée par MeA…, demande à la cour :

1°) d’annuler l’article 4 de ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 6 février 2014 ;

2°) de prononcer la restitution de la somme de 108 951 euros ;

3°) de mettre à la charge de l’Etat une somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

– les premiers juges ont méconnu les faits et commis une erreur de droit en rejetant sa demande présentée au titre de la taxe sur la valeur ajoutée collectée au cours de l’année 2007 sur le fondement des dispositions du c. de l’article R. 196-1 du livre des procédures fiscales, dès lors que sa demande portait sur un remboursement de crédit de taxe sur la valeur ajoutée dont elle était titulaire en décembre 2010 alors qu’elle a été en situation de crédit de taxe sur la période comprise entre le 1er janvier 2007 et le 30 septembre 2010 ;

– le jugement est entaché d’une contradiction de motifs en relevant l’incompatibilité du régime de la taxe sur la valeur ajoutée calculée sur la marge des marchands de biens prévu par les anciennes dispositions du 6° de l’article 257 du code général des impôts avec le régime issu de la directive 2006/112 du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée et en estimant que cette incompatibilité pouvait être constatée dès avant l’intervention de la loi n° 2010-237 du 9 mars 2010 de sorte que cette loi ne constituait pas un événement rouvrant le délai de réclamation ;

– la demande de remboursement de crédit de taxe sur la valeur ajoutée a été formulée dans les délais ;

– l’entrée en vigueur de la loi n° 2010-237 du 9 mars 2010 de finances rectificatives pour 2010 qui a modifié les dispositions du 6° de l’article 257 du code général des impôts constitue un événement sens du c. de l’article R. 196-1 du livre des procédures fiscales, de nature à rouvrir le délai de réclamation ;

Par des mémoires en défense, enregistrés le 29 août 2014 et le 14 janvier 2015, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la SCI La Phalange ne sont pas fondés.

II. Par un recours enregistré le 10 avril 2014, sous le n° 14NT00953, le ministre des finances et des comptes publics demande à la cour :

1°) d’annuler l’article 2 de ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 6 février 2014 ordonnant la restitution de la taxe sur la valeur ajoutée acquittée au titre des opérations restant en litige effectuées au cours des années 2008 et 2009;

2°) de rejeter, dans cette mesure, la demande présentée par la SCI La Phalange devant le tribunal administratif de Nantes au titre des années 2008 et 2009 ;

3°) de rétablir la taxe sur la valeur ajoutée dont la restitution a été prononcée en exécution du jugement pour une somme de 254 241 euros.

Il soutient que :

– la restitution de la taxe sur la valeur ajoutée acquittée sur la marge par les marchands de biens fait courir un risque de double déduction lorsque cette taxe a été récupérée par l’acheteur assujetti alors qu’aucun acte rectificatif de vente n’a été produit ;

– la SCI La Phalange a transféré son droit à déduction puisque les actes de vente du 7 octobre 2008 et 23 novembre 2009 mentionnent que le prix de vente des biens immobiliers a été augmenté d’une charge augmentative de prix respectivement de 258 180 euros et de 3 605 euros correspondant à taxe sur la valeur ajoutée sur la marge due par la société cédante ;

– la circonstance que la taxe sur la valeur ajoutée aurait été illégalement facturée n’empêche pas sa déduction chez les acquéreurs assujettis à la taxe sur la valeur ajoutée ;

– compte tenu du risque de double déduction, la SCI La Phalange aurait dû produire, pour chacune des cessions, un acte rectificatif de vente et un engagement de reversement de la taxe sur la valeur ajoutée ;

– la restitution sollicitée ne pouvait qu’être refusée sur le fondement de la théorie de l’enrichissement sans cause et sur celui de l’article 283-3 du code général des impôts selon lequel toute personne qui mentionne la taxe sur la valeur ajoutée sur une facture est redevable de la taxe du seul fait de sa facturation, et en raison du principe de neutralité de la taxe sur la valeur ajoutée auquel il est porté atteinte en cas de restitution d’une taxe qui a fait l’objet d’une déduction par l’acquéreur.

Par un mémoire en défense, enregistré le 7 juillet 2014, la SCI La Phalange conclut au rejet de la requête et demande en outre que soit mise à la charge de l’Etat une somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par le ministre des finances et des comptes publics ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

– la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 ;

– le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

– la loi n° 2010-237 du 9 mars 2010 ;

– le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

– le rapport de Mme Allio-Rousseau,

– les conclusions de Mlle Wunderlich, rapporteur public,

– et les observations de Me B…, substituant Me A…, représentant la SCI La Phalange.

1. Considérant que la société civile immobilière (SCI) La Phalange exerce une activité de marchand de biens à raison de laquelle elle a été, conformément à ses déclarations, assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge au titre des opérations réalisées antérieurement au mois de mars 2010, par application des dispositions combinées du 6° de l’article 257 et de l’article 268 du code général des impôts ; qu’estimant que le régime de taxation sur la marge était incompatible avec les objectifs de la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée, et notamment ses articles 135 et 137, elle a demandé la restitution de la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge due au titre des opérations réalisées au cours des années 2007, 2008 et 2009 ; que sa réclamation a fait l’objet d’une admission partielle le 20 janvier 2011 ; que, par un jugement du 6 février 2014, le tribunal administratif de Nantes a constaté, par son article 1er, un non-lieu partiel à statuer à hauteur du dégrèvement de la somme de 29 455 euros prononcé au titre d’opérations effectuées au cours des années 2008 et 2009, accordé, par son article 2, à la SCI La Phalange la restitution de la taxe sur la valeur ajoutée acquittée au titre des autres opérations effectuées au cours de ces deux années, mis à la charge de l’Etat, par son article 3, une somme de 1 500 euros, et rejeté, par son article 4, le surplus des conclusions de sa demande portant sur la restitution de la taxe sur la valeur ajoutée acquittée à raison des opérations réalisées au cours de l’année 2007 ; que la SCI La Phalange, devenue en cours d’instance la SCI Orexim, relève appel de l’article 4 de ce jugement ; que le ministre des finances et des comptes publics relève appel de l’article 2 du même jugement et demande le rétablissement de la taxe sur la valeur ajoutée dont la restitution a été prononcée en exécution du jugement pour une somme de 254 241 euros ;

2. Considérant que la requête de la SCI La Phalange et le recours du ministre sont dirigés contre un même jugement ; qu’il y a lieu de les joindre pour qu’il y soit statué par un seul arrêt ;

Sur la requête de la SCI La Phalange :

3. Considérant que la SCI La Phalange a reporté sur sa déclaration de chiffre d’affaires concernant le quatrième trimestre de l’année 2010 le montant du crédit de taxe sur la valeur ajoutée dont elle estimait être titulaire à hauteur de 376 766 euros, correspondant à la somme de 108 951 euros au titre de l’année 2007, 250 636 euros au titre de l’année 2008 et 17 179 euros au titre de l’année 2009 et a, le 20 janvier 2011, déposé une demande de restitution portant sur la totalité de cette somme ; que l’administration a rejeté sa demande comme irrecevable en tant qu’elle portait sur la somme de 108 951 euros à raison des opérations réalisées au cours de l’année 2007 ; que le tribunal administratif de Nantes s’est fondé sur les dispositions du c. de l’article R. 196-1 du livre des procédures fiscales pour rejeter ses conclusions tendant à la restitution de cette somme au motif que la loi du 9 mars 2010 portant loi de finances rectificative pour 2010 n’avait pas constitué un événement au sens de ces dispositions rouvrant le délai de réclamation ; qu’il a ainsi accueilli la fin de non-recevoir opposée par l’administration à ces conclusions ;

4. Considérant qu’aux termes de l’article L. 190 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable au litige :  » Les réclamations relatives aux impôts, contributions, droits, taxes, redevances, soultes et pénalités de toute nature, établis ou recouvrés par les agents de l’administration, relèvent de la juridiction contentieuse lorsqu’elles tendent à obtenir soit la réparation d’erreurs commises dans l’assiette ou le calcul des impositions, soit le bénéfice d’un droit résultant d’une disposition législative ou réglementaire. / Sont instruites et jugées selon les règles du présent chapitre toutes actions tendant à la décharge ou à la réduction d’une imposition ou à l’exercice de droits à déduction, fondées sur la non-conformité de la règle de droit dont il a été fait application à une règle de droit supérieure (…)  » et qu’aux termes de l’article R. 196-1 du même livre :  » Pour être recevables, les réclamations relatives aux impôts autres que les impôts directs locaux et les taxes annexes à ces impôts doivent être présentées à l’administration au plus tard le 31 décembre de la deuxième année suivant (…) : b. du versement de l’impôt contesté lorsque cet impôt n’a pas donné lieu à l’établissement d’un rôle ou de la notification d’un avis de mise en recouvrement ; c. de la réalisation de l’événement qui motive la réclamation (…)  » ;

5. Considérant qu’aux termes du IV de l’article 271 du code général des impôts :  » La taxe déductible dont l’imputation n’a pu être opérée peut faire l’objet d’un remboursement dans les conditions, selon les modalités et dans les limites fixées par décret en Conseil d’Etat.  » ; qu’aux termes de l’article 242-0 A de l’annexe II à ce code, pris pour application de ces dispositions :  » Le remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée déductible dont l’imputation n’a pu être opérée doit faire l’objet d’une demande des assujettis. Le remboursement porte sur le crédit de taxe déductible constaté au terme de chaque année civile  » ; qu’aux termes de l’article 242-0 C de la même annexe, dans sa rédaction applicable au litige :  » I. 1. Les demandes de remboursement doivent être déposées au cours du mois de janvier (…). / II. 1. – Par dérogation aux dispositions du I, les assujettis soumis de plein droit ou sur option au régime normal d’imposition peuvent demander un remboursement lorsque la déclaration mentionnée au 2 de l’article 287 du code général des impôts fait apparaître un crédit de taxe déductible.  » ; que s’il résulte des dispositions précitées des articles 242-0 A et 242-0 C que le redevable ne peut demander le remboursement du crédit de taxe dont il dispose que dans des délais déterminés, ces dispositions n’ont ni pour objet, ni pour effet de faire obstacle à ce que le redevable puisse ultérieurement, si ce crédit demeure, procéder à son imputation sur une taxe due, ou, à défaut, en demander le remboursement au cours du mois de janvier de l’année suivante ou au cours du mois suivant un trimestre civil lorsque chacune des déclarations de ce trimestre fait apparaître un crédit de taxe déductible ;

6. Considérant que lorsqu’un contribuable constate, en raison d’une taxe facturée à tort, une situation de crédit de taxe sur la valeur ajoutée, il lui appartient de reporter, sur les déclarations suivantes, l’excédent de crédit de taxe pour en permettre l’imputation ultérieure sur la taxe sur la valeur ajoutée collectée, puis, le cas échéant, de formuler une demande de remboursement de l’excédent de taxe sur la valeur ajoutée déductible dans les conditions fixées par les articles 242-0 A et suivants de l’annexe II au code général des impôts ;

7. Considérant qu’il résulte de l’instruction que la SCI La Phalange a en 2007 collecté une taxe sur la valeur ajoutée de 158 191 euros et a versé 49 240 euros ; qu’en raison de sa situation créditrice dans cette mesure au regard de la taxe sur la valeur ajoutée, la société devait, pour obtenir le remboursement de la taxe collectée, dont il n’est pas contesté qu’elle avait été déclarée à tort et qu’elle ne pouvait l’imputer sur une taxe due, présenter, comme elle l’a fait, une demande dans les formes prévues par les articles 242-0 A et suivants de l’annexe II au code général des impôts ; que, par suite, sa demande ne constituait pas une réclamation visée par les dispositions de l’article R. 196-1 du livre des procédures fiscales ; que dès lors c’est à tort que, pour rejeter sa demande comme tardive et, par suite, irrecevable, le tribunal administratif s’est fondé sur les dispositions du c. de l’article R. 196-1 du livre des procédures fiscales pour juger que, contrairement à ce que soutenait la société, la loi du 9 mars 2010 et les nouvelles dispositions du 6° de l’article 257 du code général des impôts issues de cette loi ne constituaient pas au sens de ces dispositions des événements rouvrant le délai de réclamation ; que l’administration ne conteste pas que la société a respecté les obligations formelles relatives aux mentions devant figurer sur les déclarations suivant celles de la naissance d’un crédit de taxe ; que, compte tenu de la situation créditrice de 376 766 euros mentionnée sur la déclaration concernant le quatrième trimestre de l’année 2010, la SCI La Phalange était recevable le 20 janvier 2011 à déposer une demande de remboursement de ce crédit alors même qu’il correspond à hauteur de 108 951 euros au crédit de taxe sur la valeur ajoutée résultant de la surestimation de la taxe collectée et déclarée en 2007 ; que, par suite et sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens de sa requête, la société est fondée à demander l’annulation de l’article 4 du jugement attaqué ;

8. Considérant qu’il y a lieu d’évoquer et de statuer immédiatement dans cette mesure sur les conclusions présentées par la SCI La Phalange devant le tribunal administratif de Nantes ;

9. Considérant qu’aux termes de l’article 256 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au litige :  » I. Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel. / II. 1° Est considéré comme livraison d’un bien, le transfert du pouvoir de disposer d’un bien meuble corporel comme un propriétaire. (…)  » ; qu’aux termes de l’article 257 du même code, dans sa rédaction également applicable au litige :  » Sont également soumis à la taxe sur la valeur ajoutée : / (…) 6° Sous réserve du 7° : / a) Les opérations qui portent sur des immeubles, des fonds de commerce ou des actions ou parts de sociétés immobilières et dont les résultats doivent être compris dans les bases de l’impôt sur le revenu au titre des bénéfices industriels et commerciaux (…)  » ; qu’aux termes de l’article 268 du même code, dans sa rédaction applicable au litige :  » En ce qui concerne les opérations visées au 6° de l’article 257, la base d’imposition à la taxe sur la valeur ajoutée est constituée par la différence entre : / a. D’une part, le prix exprimé et les charges qui viennent s’y ajouter, ou la valeur vénale du bien si elle est supérieure au prix majoré des charges ; / b. D’autre part, selon le cas : / – soit les sommes que le cédant a versées, à quelque titre que ce soit, pour l’acquisition du bien ; / – soit la valeur nominale des actions ou parts reçues en contrepartie des apports en nature qu’il a effectués (…)  » ;

10. Considérant qu’aux termes de l’article 12 de la directive du 28 novembre 2006 :  » 1. Les Etats membres peuvent considérer comme assujetti quiconque effectue, à titre occasionnel (…) notamment une seule des opérations suivantes : / a) la livraison d’un bâtiment ou d’une fraction de bâtiment et du sol y attenant, effectuée avant sa première occupation ; (…)  » ; qu’aux termes de l’article 135 de la même directive :  » 1. Les États membres exonèrent les opérations suivantes : (…) j) les livraisons de bâtiments ou d’une fraction de bâtiment et du sol y attenant autres que ceux visés à l’article 12, paragraphe 1, point a) ; (…)  » ; qu’aux termes de l’article 137 de la même directive :  » 1. Les Etats membres peuvent accorder à leurs assujettis le droit d’opter pour la taxation des opérations suivantes : / (… ) b) les livraisons de bâtiments ou d’une fraction de bâtiment et du sol y attenant autres que celles visées à l’article 12, paragraphe 1, point a) (…)  » ; qu’aux termes de l’article 392 de la même directive :  » Les Etats membres peuvent prévoir que, pour les livraisons de bâtiments et de terrains à bâtir achetés en vue de la revente par un assujetti qui n’a pas eu droit à déduction à l’occasion de l’acquisition, la base d’imposition est constituée par la différence entre le prix de vente et le prix d’achat  » ; qu’en vertu de l’article 413 de cette directive, ces dispositions, qui reprennent d’ailleurs pour partie celles de la directive 77/388/CEE du Conseil des Communautés européennes du 17 mai 1977 et qui ne sont pas au nombre de celles visées à l’article 412, sont entrées en vigueur le 1er janvier 2007 ;

11. Considérant qu’il résulte de ces dispositions que le régime de taxation prévu par les dispositions précitées du 6° de l’article 257 du code général des impôts en vigueur jusqu’au 10 mars 2010, auquel la société requérante a été soumise, était incompatible avec les objectifs de la directive du 28 novembre 2006 dès lors qu’il n’ouvrait pas aux opérateurs économiques réalisant des opérations de livraison de bâtiments anciens, qui étaient exonérés de taxe sur la valeur ajoutée en application des dispositions précitées du j) de l’article 135 de cette directive, la possibilité de taxer, sur option, ces mêmes opérations et alors même que l’article 137 de la même directive n’impose pas aux Etats de prévoir un régime optionnel de taxe sur la valeur ajoutée, mais leur en ouvre seulement la possibilité ;

12. Considérant qu’au cours de l’année 2007, la SCI La Phalange a cédé respectivement les 12 septembre 2007 et 1er octobre 2007 un ensemble immobilier constitué de plusieurs bâtiments et les parts sociales d’une société civile immobilière ; qu’à cette occasion elle a collecté une taxe sur la valeur ajoutée s’élevant respectivement à 140 102 euros et 18 089 euros ; qu’il ne résulte pas de l’instruction que les acquéreurs n’auraient pas acquitté cette taxe ; que la SCI La Phalange, soumise en sa qualité de marchand de biens, au régime prévu au 6° de l’article 257 du code général des impôts dans sa rédaction en vigueur avant sa modification par la loi du 9 mars 2010, a été privée de la possibilité d’exercer l’option pour la taxation à la taxe sur la valeur ajoutée avant la transposition en droit interne, par l’article 16 de la loi du 9 mars 2010 portant loi de finances rectificative pour 2010, de la directive du 28 novembre 2006 ; que le ministre des finances et des comptes publics ne conteste pas ces éléments ; que la SCI La Phalange est, par suite, fondée à demander la restitution de la taxe sur la valeur ajoutée qu’elle a collectée à tort au titre de l’année 2007 lors des cessions effectuées les 12 septembre 2007 et 1er octobre 2007, à hauteur de la somme de 108 951 euros qu’elle demande ;

Sur le recours du ministre des finances et des comptes publics :

13. Considérant que le ministre des finances et des comptes publics fait valoir qu’au titre des années 2008 et 2009 la SCI La Phalange, qui s’est prévalue de l’incompatibilité avec les objectifs de la directive du 28 novembre 2006 du régime de taxation prévu par le 6° de l’article 257 du code général des impôts en vigueur jusqu’au 10 mars 2010 auquel elle a été soumise, ne pouvait obtenir la restitution de la taxe sur la valeur ajoutée collectée sur les ventes de biens réalisées les 7 octobre 2008 et 23 novembre 2009, dès lors que cette restitution aboutit à un risque de double déduction dans la mesure où la taxe sur la valeur ajoutée collectée par cette société a pu être déduite par les acquéreurs de biens immobiliers assujettis à la taxe sur la valeur ajoutée et qu’aucun acte rectificatif de vente n’a été établi ;

14. Considérant qu’aux termes du 3 de l’article 283 du code général des impôts :  » Toute personne qui mentionne la taxe sur la valeur ajoutée sur une facture est redevable de la taxe du seul fait de sa facturation  » ; que, toutefois, ainsi que l’a jugé la Cour de justice des Communautés européennes dans son arrêt du 13 décembre 1989 Genius Holding BV (342/87), le principe de neutralité de la taxe sur la valeur ajoutée implique qu’une taxe indûment facturée puisse être régularisée, sans que cette régularisation ne dépende d’un pouvoir d’appréciation discrétionnaire de l’administration fiscale ; que la Cour a également dit pour droit, notamment dans son arrêt du 18 juin 2009 Staatssecretaris van Financiën c/ Stadeco BV (566/07), que les mesures que les États membres ont la faculté d’adopter afin d’assurer l’exacte perception de la taxe et d’éviter la fraude ne doivent pas aller au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre de tels objectifs et qu’elles ne peuvent, dès lors, être utilisées de manière telle qu’elles remettraient en cause la neutralité de la taxe sur la valeur ajoutée, laquelle constitue un principe fondamental du système de cette taxe ; que ce principe ne s’oppose toutefois pas à ce qu’un État membre subordonne la correction de la taxe sur la valeur ajoutée mentionnée par erreur sur une facture à la condition que l’émetteur de la facture initiale ait envoyé à son destinataire une facture rectifiée ne mentionnant pas la taxe sur la valeur ajoutée si cet émetteur n’a pas éliminé, en temps utile, complètement le risque de pertes de recettes fiscales ;

15. Considérant que la SCI La Phalange a collecté, en application des dispositions du 6° de l’article 257 du code général des impôts dans sa rédaction alors en vigueur, la taxe sur la valeur ajoutée sur les opérations de cessions d’immeubles réalisées les 7 octobre 2008 et 23 novembre 2009 à hauteur respectivement de 258 180 euros et de 3 605 euros ; qu’il résulte des énonciations des actes authentiques que le prix de vente de ces biens a été majoré d’une charge augmentative de prix, égale au montant de la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge collectée, due par les acquéreurs, la société Ing Leasing France, société de crédit-bail régulièrement assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée et la SCI Paul Cézanne, dont l’activité consiste en la location de biens immobiliers pour laquelle elle est assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée ; que s’agissant plus particulièrement de la vente d’immeuble réalisée le 23 novembre 2009, la SCI Paul Cézanne a précisé que les recettes de la location du bien acquis seraient soumises à la taxe sur la valeur ajoutée, dès lors qu’elle s’obligeait  » à opter pour l’assujettissement des loyers à la taxe sur la valeur ajoutée au titre du bien concerné  » ; que cette charge a effectivement été supportée par les acquéreurs ;

16. Considérant, en premier lieu, que la SCI La Phalange fait valoir que les deux acquéreurs ne pouvaient déduire cette taxe dès lors que les deux actes de vente ne comportaient ni le montant de la marge réalisée hors taxe sur la valeur ajoutée, ni le taux de taxe sur la valeur ajoutée applicable, en méconnaissance des dispositions du 8° de l’article 242 nonies de l’annexe II au code général des impôts ; que toutefois aucune disposition de ce texte n’impose de mentionner le montant de la marge réalisée hors taxe sur la valeur ajoutée ; qu’il résulte de ces documents que l’application du régime de la marge bénéficiaire a clairement été indiquée ; que, dans ces conditions, et dès lors que les deux sociétés ont acquitté la charge augmentative de prix, la circonstance que le taux de taxe sur la valeur ajoutée n’a pas été indiqué ne pouvait faire obstacle à l’exercice du droit à déduction ;

17. Considérant, en second lieu, que la cession d’un immeuble à usage principal de bureaux réalisée en vue d’une opération de crédit-bail immobilier le 7 octobre 2008 et la cession d’un local d’habitation et d’un parking libre de toute occupation le 23 novembre 2009 ne constituent pas une  » transmission à titre onéreux ou à titre gratuit, ou sous forme d’apport à une société, d’une universalité totale ou partielle de biens  » dispensée de taxe sur la valeur ajoutée en application des dispositions de l’article 257 bis du code général des impôts ; que les opérations réalisées entre respectivement la société Ing Leasing France et la SCI Paul Cézanne, d’une part, et la SCI La Phalange, d’autre part, n’entrent pas dans les prévisions des deux décisions de rescrit du 12 septembre 2006 n° 2006/34 et du 26 décembre 2006 n° 2006/58 TCA, dont elle demande à bénéficier en application des dispositions du second alinéa de l’article L. 80 A du livre des procédures fiscales, ces décisions étant relatives au traitement de la cession d’immeubles attachés à une activité de location immobilière avec reprise ou renégociation des baux en cours, qui interviendraient entre deux bailleurs redevables de la taxe sur la valeur ajoutée au titre de cette activité ;

18. Considérant qu’il résulte des points 14 à 17 qu’alors même que l’administration, qui se prévaut des mentions apposées sur l’acte notarié, n’apporte aucun élément sur l’exercice effectif de l’option pour l’assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée de l’opération immobilière réalisée par la SCI Paul Cézanne, la SCI La Phalange, qui ne soutient pas que la taxe sur la valeur ajoutée acquittée n’aurait pas été déduite par les acquéreurs, n’apporte pas la preuve qui lui incombe qu’elle a éliminé, en temps utile, complètement le risque de pertes de recettes fiscales ; qu’elle n’établit ni même n’allègue avoir émis des factures rectificatives ainsi que l’exige le 1 de l’article 272 du code général des impôts ; qu’elle ne peut utilement soutenir qu’il appartenait à l’administration de mettre en oeuvre son pouvoir de contrôle afin d’éliminer ce risque ; que, par suite, le ministre est fondé à soutenir que la SCI La Phalange ne pouvait prétendre au remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée qu’elle avait à tort collectée sur les opérations réalisées le 7 octobre 2008 et 23 novembre 2009 ;

19. Considérant qu’il appartient à la cour, saisie de l’ensemble du litige par l’effet dévolutif de l’appel, d’examiner l’autre moyen invoqué par la SCI La Phalange tant en première instance qu’en appel ;

20. Considérant que la SCI La Phalange n’est pas fondée à se prévaloir du paragraphe 6 de la documentation administrative 3 D-1211 qui est relative au droit à déduction et qui, au surplus, ne comporte pas d’interprétation différente de la loi fiscale de celle dont il a été fait application ;

21. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que le ministre des finances et des comptes publics est fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a prononcé la restitution de la somme de 254 241 euros correspondant à la taxe sur la valeur ajoutée collectée par la SCI La Phalange au titre des deux opérations effectuées les 7 octobre 2008 et 23 novembre 2009 ; qu’il y a lieu d’annuler l’article 2 du jugement attaqué et de remettre cette somme à la charge de la SCI La Phalange ;

Sur les conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

22. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l’Etat, qui ne peut être regardé comme la partie perdante dans la présente instance, les sommes que la SCI La Phalange demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Les articles 2 et 4 du jugement du tribunal administratif de Nantes en date du 6 février 2014 sont annulés.

Article 2 : Il est accordé à la SCI La Phalange une restitution de la taxe sur la valeur ajoutée au titre de l’année 2007 à hauteur de 108 951 euros.

Article 3 : La somme de 254 241 euros correspondant à la taxe sur la valeur collectée par la SCI La Phalange au titre des deux opérations effectuées les 7 octobre 2008 et 23 novembre 2009 est remise à la charge de cette société.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de la SCI La Phalange est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la SCI Orexim et au ministre des finances et des comptes publics.

Délibéré après l’audience du 19 novembre 2015, à laquelle siégeaient :

– M. Bachelier, président de la cour,

– Mme Aubert, président-assesseur,

– Mme Allio-Rousseau, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 10 décembre 2015.

Le rapporteur,

M-P. Allio-Rousseau Le président,

G. Bachelier

Le greffier,

C. Croiger

La République mande et ordonne au ministre des finances et des comptes publics en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

2

Nos 14NT00860,14NT00953


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