CAA de NANTES, 1ère chambre, 08/10/2020, 18NT03637, Inédit au recueil Lebon

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CAA de NANTES, 1ère chambre, 08/10/2020, 18NT03637, Inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE

AU
NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme E… C… ont demandé au tribunal administratif de Caen de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires à l’impôt sur le revenu et aux contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2012 et 2013.

Par un jugement n° 1701168 du 30 juillet 2018, le tribunal administratif de Caen a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 28 septembre 2018 et 10 juillet 2019, M. et Mme C…, représentés par Me Siriez, demandent à la cour :

1°) d’annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires à l’impôt sur le revenu et aux contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2012 et 2013 ;

3°) de mettre à la charge de l’Etat une somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

– le jugement attaqué n’est pas suffisamment motivé ;

– ils n’ont pas pu bénéficier de la garantie substantielle d’un recours hiérarchique que leur offre la charte des droits et obligations du contribuable vérifié, rendue opposable à l’administration par l’article L. 10 du livre des procédures fiscales ;

– l’administration a omis de faire application de la décision du Conseil constitutionnel du 10 février 2017 prévoyant l’abandon du coefficient multiplicateur de 1,25 appliqué aux bases imposables pour les prélèvements sociaux des années 2012 et 2013 ;

– les virements réalisés correspondent à une simple erreur ;

– la décision contestée de l’administration fiscale mettant à leur charge des pénalités n’a pas été suffisamment motivée ;

– la majoration de 80 % n’est pas justifiée dès lors que Mme C… n’a jamais eu l’intention de frauder et que les sommes en cause ont été remboursées.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 2 avril 2019 et 29 juillet 2019, le ministre de l’action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que par décision du 4 novembre 2016 antérieure à l’introduction de la requête, le directeur départemental des finances publiques du Calvados a prononcé un dégrèvement partiel de la cotisation d’impôt sur le revenu à laquelle M. et Mme C… ont été assujettis au titre de l’année 2012, le litige étant donc circonscrit à la somme de 168 300 euros et qu’aucun des moyens soulevés par les requérants n’est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

– le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

– le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

– le rapport de Mme Picquet,

– les conclusions de Mme Chollet, rapporteur public,

– et les observations de Me Siriez, représentant M. et Mme C….

Considérant ce qui suit :

1. A la suite de la vérification de comptabilité de la société APGR, qui exerce une activité d’hébergement de courte durée et dont Mme A… C… est la principale actionnaire et la gérante, portant sur la période du 1er octobre 2011 au 30 septembre 2014, ont été notifiées à M. et Mme E… C…, après un contrôle sur pièces, par deux propositions de rectification des 15 décembre 2015 et 27 avril 2016, des redressements d’impôt sur le revenu dans la catégorie des revenus des capitaux mobiliers, au titre des années 2012 et 2013. Leur réclamation du 30 novembre 2016 ayant été rejetée par une décision implicite née du silence de l’administration pendant quatre mois, M. et Mme C… ont demandé au tribunal administratif de Caen de prononcer la décharge des impositions supplémentaires auxquelles ils ont ainsi été assujettis. Par un jugement du 30 juillet 2018, le tribunal administratif a rejeté leur demande. Ils font appel de ce jugement.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Il ressort des motifs du jugement attaqué que le tribunal administratif de Caen, qui n’était pas tenu de répondre à tous les arguments avancés par les parties, a suffisamment motivé ce jugement, tant en ce qui concerne le bien-fondé des impositions en litige qu’en ce qui concerne le bien-fondé de la majoration pour manoeuvres frauduleuses. Dès lors, à supposer que M. et Mme C… aient entendu invoquer le moyen tiré de l’insuffisance de motivation du jugement attaqué, ce moyen doit être écarté.

Sur les conclusions à fin de décharge :

En ce qui concerne la régularité de la procédure d’imposition :

3. Aux termes du quatrième alinéa de l’article L. 10 du livre des procédures fiscales :  » Avant l’engagement d’une des vérifications prévues aux articles L. 12 et L. 13, l’administration des impôts remet au contribuable la charte des droits et obligations du contribuable vérifié ; les dispositions contenues dans la charte sont opposables à l’administration. « . Aux termes du paragraphe 5 du chapitre III de la charte des droits et obligations du contribuable vérifié, dans sa rédaction applicable au présent litige :  » Si le vérificateur a maintenu totalement ou partiellement les redressements envisagés, des éclaircissements supplémentaires peuvent vous être fournis si nécessaire par l’inspecteur principal (…). Si après ces contacts des divergences importantes subsistent, vous pouvez faire appel à l’interlocuteur départemental ou régional qui est un fonctionnaire de rang élevé spécialement désigné par le directeur dont dépend le vérificateur (…) « .

4. La garantie de procédure tenant à la faculté pour le contribuable de former un recours hiérarchique, instituée par la charte des droits et obligations du contribuable vérifié mentionnée à l’article L. 10 du livre des procédures fiscales, ne peut être invoquée que dans le cadre d’un litige consécutif aux procédures de vérification de comptabilité et d’examen d’ensemble de la situation fiscale personnelle prévues aux articles L. 12 et L. 13 de ce livre.

5. Ainsi qu’il a été dit au point 1, les impositions contestées par M. et Mme C… ont été mises à leur charge à la suite d’un contrôle sur pièces de leur dossier fiscal, dans le cadre duquel l’administration a tiré les conséquences, pour l’impôt sur le revenu de 2012 et 2013, de constatations opérées lors de la vérification de comptabilité de la société APGR, dont Mme C… est la principale actionnaire, portant sur la période du 1er octobre 2011 au 30 septembre 2014. Dès lors, seule la société APGR ayant fait l’objet d’une vérification de comptabilité, les requérants ne sauraient utilement soutenir, s’agissant des impositions en litige, qu’ils auraient été privés de la faculté de présenter le recours hiérarchique prévu à l’article L. 10 du livre des procédures fiscales. En tout état de cause, il ressort du courrier du 11 avril 2016 que ce dernier tendait à obtenir un rendez-vous avec l’auteur de la proposition de rectification et non pas avec l’inspecteur principal en application des dispositions de la charte du contribuable vérifié. Ainsi, le moyen ne peut qu’être écarté.

En ce qui concerne le bien-fondé de l’imposition :

S’agissant des conclusions jugées irrecevables par les premiers juges :

6. Il n’appartient pas au juge d’appel, devant lequel l’appelant ne conteste pas la fin de non-recevoir partielle opposée à ses conclusions par les juges de premier ressort, en tant qu’elles ne tenaient pas compte du dégrèvement partiel prononcé le 3 novembre 2016, antérieurement à la demande, de la cotisation d’impôt sur le revenu à laquelle M. et Mme C… ont été assujettis au titre de l’année 2012, de rechercher d’office si cette fin de non-recevoir a été soulevée à bon droit, les requérants ne contestant pas devant la cour cette irrecevabilité. Dès lors, il y a lieu de rejeter, dans cette mesure, leurs conclusions.

S’agissant du surplus des conclusions :

7. Par sa décision n° 2016-610 QPC du 10 février 2017, le Conseil constitutionnel a déclaré conforme à la Constitution le c du paragraphe I de l’article L. 136-6 du code de la sécurité sociale, sous la réserve que ces dispositions ne sauraient, sans méconnaître le principe d’égalité devant les charges publiques, être interprétées comme permettant l’application du coefficient multiplicateur de 1,25 prévu au premier alinéa du 7 de l’article 158 du code général des impôts pour l’établissement des contributions sociales assises sur les rémunérations et avantages occultes mentionnés au c de l’article 111 du même code.

8. Contrairement à ce que soutiennent les requérants, il résulte de l’instruction que s’ils ont été imposés au titre des années 2012 et 2013 aux contributions sociales à raison de sommes regardées comme des revenus distribués sur le fondement du c) de l’article 111 du code général des impôts, l’administration fiscale n’a pas appliqué le coefficient de 1,25 prévu par les dispositions du 7 de l’article 158 du code général des impôts à la base imposable aux contributions sociales.

9. Mme C… a perçu, au titre de l’année 2012, une somme de 100 00 euros de la part de la société APGR. Cette somme a été inscrite dans les écritures comptables de la société, non pas au débit du compte courant d’associé ouvert au nom de Mme C… mais au débit du compte  » 51234  » comme étant un  » placement vente pour le compte de la SARL APGR « . Toutefois, il est constant que la société APGR n’a pas ouvert ce type de placement et que la somme a été virée sur un compte d’assurance-vie appartenant à Mme C…. S’agissant de l’année 2013, un compte à terme de la société APGR a été débité d’une somme totale de 94 200 euros avec un libellé  » remboursement capital  » et M. et Mme C… ont reconnu avoir appréhendé cette somme. De même, Mme C… a perçu le 23 juin 2013 une somme de 3 000 euros provenant de la société APGR et versée sur un livret de développement durable ouvert au nom de la requérante.

10. M. et Mme C… ne contestent ni le montant des sommes en litige ni l’appréhension des sommes en cause. Par ailleurs, ils ne sauraient utilement se prévaloir d’une faute commise par leur conseiller financier.

En ce qui concerne les pénalités :

11. Aux termes du c de l’article 1729 du code général des impôts :  » Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l’indication d’éléments à retenir pour l’assiette ou la liquidation de l’impôt ainsi que la restitution d’une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l’Etat entraînent l’application d’une majoration de : (…) c. 80 % en cas de manoeuvres frauduleuses ou de dissimulation d’une partie du prix stipulé dans un contrat ou en cas d’application de l’article 792 bis « . Les pénalités pour manoeuvres frauduleuses ont pour objet de sanctionner des agissements destinés à égarer ou à restreindre le pouvoir de contrôle de l’administration.

12. En premier lieu, aux termes de l’article L. 80 D du livre des procédures fiscales dans sa rédaction applicable au présent litige :  » Les décisions mettant à la charge des contribuables des sanctions fiscales sont motivées au sens de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l’amélioration des relations entre l’administration et le public, quand un document ou une décision adressés au plus tard lors de la notification du titre exécutoire ou de son extrait en a porté la motivation à la connaissance du contribuable. / (…) « . La proposition de rectification du 15 décembre 2015 vise les dispositions légales qui constituent le fondement de la pénalité appliquée, comporte l’indication des motifs qui conduisent l’administration à en faire application et en précise le montant. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que l’application de ces majorations n’est pas motivée au sens de l’article L. 80 D du livre des procédures fiscales doit être écarté.

13. En second lieu, dans les circonstances indiquées au point 9, et alors même que ces sommes auraient été remboursées à la société APGR en 2015 et que les requérants soutiennent qu’ils ne souhaitaient que faire fructifier ces sommes et non les dissimuler et qu’ils ont suivi les conseils d’un expert-comptable, l’administration fiscale a pu à bon droit estimer que M. et Mme C… avaient volontairement pris part, dans le but de minorer leur impôt sur le revenu dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, à un montage en vue d’égarer le contrôle de l’administration ou à rendre celui-ci plus difficile et elle apporte la preuve qui lui incombe du bien-fondé des pénalités pour manoeuvres frauduleuses appliquées.

14. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme C… ne sont pas fondés à soutenir que c’est tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté leur demande. Par conséquent, leurs conclusions présentées sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu’être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. et Mme C… est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme E… C… et au ministre des comptes publics.

Délibéré après l’audience du 24 septembre 2020, à laquelle siégeaient :

– M. Bataille, président de chambre,

– M. Geffray, président assesseur,

– Mme Picquet, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 8 octobre 2020.

Le rapporteur,

P. PicquetLe président,

F. Bataille

La greffière,

A. Rivoal

La République mande et ordonne au ministre des comptes publics en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

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N° 18NT03637

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