Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU
NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
L’entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL) CLS a demandé au tribunal administratif de Rennes de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d’impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2006 et 2007, la décharge, en droits et pénalités, du rappel de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamé pour la période du 1er janvier 2006 au 31 décembre 2007 ainsi que le bénéfice du sursis de paiement.
Par un jugement n° 1403428 du 27 avril 2016, le tribunal administratif de Rennes a prononcé un non-lieu partiel à statuer à hauteur de la somme de 7 063 euros (article 1er), un non-lieu partiel à statuer sur les conclusions relatives au bénéfice du sursis de paiement (article 2) et a rejeté le surplus de sa demande (article 3).
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 28 juin 2016, l’EURL CLS, représentée par MeA…, demande à la cour :
1°) de réformer l’article 3 de ce jugement ;
2°) de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d’impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2006 et 2007 correspondant à la réintégration des produits financiers en provenance de la société civile immobilière (SCI) Lytana ;
3°) de mettre à la charge de l’Etat le versement de la somme de 2 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
– le tribunal administratif n’a pas tenu compte du dégrèvement de 185 544 euros obtenu par la SCI Lytana par décision du 2 juin 2015, l’administration fiscale ayant accepté des factures permettant de calculer le prix de revient des immeubles et, par conséquent, de déterminer la marge réalisée dans la continuité du jugement du tribunal de grande instance de Saint-Brieuc du 21 janvier 2014 ; le bien-fondé de ce dégrèvement a été reconnu par décision n°1403454 du 28 avril 2016 du tribunal administratif de Rennes, qui a entériné la compensation intervenue entre les sommes remboursées par la SCI Lytana sur les créances rattachées aux participations sur les créances nées de la facturation par l’EURL CLS ; la qualification de dividende occulte ne saurait donc être retenue dès lors qu’il s’agit du remboursement d’une créance reconnue par les services fiscaux ;
– en l’absence de cette compensation, la créance impayée envers la SCI Lytana deviendrait irrécouvrable, générant une perte déductible fiscalement, ce qui aurait pour effet d’annuler les effets générés par la constatation du produit financier ;
– la décision du tribunal de grande instance de Saint-Brieuc du 21 janvier 2014 confirme le montant de 50 994,64 euros de créances rattachées aux participations.
Par un mémoire en défense, enregistré le 6 janvier 2017, le ministre de l’économie et des finances conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens invoqués ne sont pas fondés.
Les parties ont été informées, par courrier du 4 décembre 2017, de ce que la décision est susceptible d’être fondée sur le moyen relevé d’office tiré de l’inapplicabilité de l’article 109 du code général des impôts.
Des observations en réponse à ce moyen, produites par le ministre de l’action et des comptes publics, ont été enregistrées par le 12 décembre 2007.
Le ministre fait valoir que les sommes distribuées sont imposables dans les bénéfices passibles de l’impôt sur les sociétés en application du 1 de l’article 38 du code général des impôts, à titre principal, et en application du 2 de cet article 38, à titre subsidiaire et sollicite, si la cour estime que les rectifications ont été uniquement fondées sur les dispositions du 2° du 1 de l’article 109 du code général des impôts, une substitution de base légale.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
– le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
– le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.
Ont été entendus au cours de l’audience publique :
– le rapport de Mme Malingue,
– les conclusions de M. Jouno, rapporteur public.
1. Considérant que l’entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL) CLS, qui exerce une activité de marchand de biens, a fait l’objet d’une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2006 au 31 octobre 2008, à l’issue de laquelle, par proposition de rectification du 22 octobre 2009, des redressements d’impôt sur les sociétés et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée lui ont été notifiés ; qu’au terme de la procédure contradictoire, les cotisations supplémentaires d’impôt sur les sociétés résultant de ce contrôle ont été mises en recouvrement le 16 mai 2012 ; qu’après le rejet, par décision du 19 mai 2014, de sa réclamation préalable, l’entreprise a demandé au tribunal administratif de Rennes la décharge des impositions supplémentaires auxquelles elle a été assujettie ; que, par un jugement du 27 avril 2016, ce tribunal a prononcé un non-lieu partiel à statuer à hauteur de la somme de 7 063 euros, un non- lieu partiel à statuer sur les conclusions relatives au bénéfice du sursis de paiement et a rejeté le surplus de sa demande ; que l’entreprise relève appel de ce jugement et doit être regardée comme sollicitant la réformation de son article 3 en tant qu’il n’a pas fait droit à sa demande de décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d’impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2006 et 2007 correspondant à la réintégration des produits financiers en provenance de la société civile immobilière (SCI) Lytana ;
2. Considérant que l’administration fiscale a constaté, lors de la vérification de comptabilité, que l’EURL CLS avait ouvert à l’actif de son bilan un compte n° 267, intitulé créances rattachées aux participations, destiné à enregistrer, au débit, les sommes qu’elle payait pour le compte de la SCI Lytana et, au crédit, les remboursements effectués par cette société à son profit ; qu’elle a réintégré, sur le fondement du 2° du 1 de l’article 109 du code général des impôts, aux résultats imposables des exercices clos en 2005 et 2006 de l’EURL CLS les sommes respectives de 20 650 euros et de 26 312 euros, correspondant à huit virements en provenance de la banque BNP Paribas, agissant dans le cadre d’un emprunt contracté par la SCI Lytana, et deux virements en provenance de la SCI Lytana ;
3. Considérant que les dispositions du 2° du 1 de l’article 109 du code général des impôts, en vertu desquelles les sommes ou valeurs mises à dispositions des associés, actionnaires ou porteurs de parts non prélevées sur le bénéfice sont considérés comme revenus distribués, n’étaient pas applicables au regard de l’article 209 du même code dans sa rédaction applicable au titre des exercices en litige ; que, toutefois, l’imposition trouve son fondement légal dans les dispositions du 1 de l’article 38 du code général des impôts qui définissent le bénéfice imposable en y incluant les produits financiers ; que ces dispositions peuvent être substituées à celles du 2° du 1 de l’article 109 de ce code ; que cette substitution de base légale n’a pour effet de priver la société requérante d’aucune garantie ; que l’administration dispose du même pouvoir d’appréciation pour appliquer l’une ou l’autre de ces deux dispositions ;
4. Considérant que l’administration fiscale a estimé que ne correspondaient pas à des remboursements de créances de la SCI Lytana la somme de 2 196,76 euros, virée par la banque BNP Paribas le 22 septembre 2006, au motif que la facture CLS n° 2006/5, mise en référence à l’appui de cette opération, figurait dans la comptabilité pour un autre montant et n’avait pas été payée, la somme de 4 843,30 euros, virée la banque BNP Paribas le 22 septembre 2006, au motif que la facture CLS n° 2006/9 mise en référence ne figurait pas dans la comptabilité de l’EURL CLS, les sommes de 1 259,38 euros, 116 euros et 101,50 euros, virées par la banque BNP Paribas le 27 septembre 2006, au motif que les factures Trégor Insertion des 30 septembre 2005, 31 octobre 2005 et 30 novembre 2005 mises en référence ne figuraient pas au débit du compte n° 267 de l’EURL CLS, qui enregistre les paiements réalisés pour le compte de la SCI Lytana, les sommes de 1 582,50 euros et 4 483,75 euros, virées par la banque BNP Paribas le 27 septembre 2006, au motif que les factures Artech des 28 février 2006 et 31 mai 2006 mises en référence n’avaient pas été payées, les sommes de 1 582,50 euros et 4 483,75 euros, virées par la SCI Lytana le 17 octobre 2006, au motif qu’elles visaient en référence les mêmes factures Artech que les précédentes ainsi que la somme de 26 312 euros, au motif que la facture CLS n° 2007/1 mise en référence avait été annulée le jour même de son édition par une facture d’avoir du même montant ; qu’elle en a déduit, par ces considérations de fait qui ne sont pas contestées en elles-mêmes, que ces sommes perçues sans contrepartie devaient être réintégrées aux résultats imposables de la société ;
5. Considérant qu’à l’appui de ses conclusions aux fins de décharge, l’EURL CLS se prévaut du dégrèvement de 185 544 euros accordé à la SCI Lytana, prononcé par l’administration fiscale par décision du 21 avril 2015, et dont le tribunal a pris acte par jugement du 27 avril 2014 en prononçant un non-lieu partiel à statuer ; que, toutefois, l’autorité de la chose ainsi jugée par le tribunal n’a aucune portée sur le présent litige ; que, par ailleurs, dès lors que le dégrèvement prononcé n’était pas motivé, la société requérante ne peut se prévaloir d’aucune prise de position formelle de l’administration invocable sur le fondement de l’article L. 80 B du livre des procédures fiscales ; qu’enfin, son argumentation, qui ne concerne que les virements de 2 196,76 euros du 22 septembre 2016, de 1 582,50 euros des 27 septembre 2016 et 17 octobre 2016 et de 4 483,75 euros des 27 septembre 2016 et 17 octobre 2016, est sans incidence sur le litige dans la mesure où la prise en compte de certaines factures pour le calcul des charges de construction de l’immeuble édifié par la SCI Lytana dans le cadre de la reconstitution des recettes de cette société n’emporte pas reconnaissance de la qualification de dette à l’égard de l’EURL CLS et ne modifie aucunement les motifs énoncés au point 4 du présent arrêt, tenant notamment au fait que ces factures sont restées impayées ;
6. Considérant, par ailleurs, que, si l’entreprise requérante se prévaut également du jugement du tribunal de grande instance de Saint-Brieuc du 21 janvier 2014, elle ne le peut utilement dès lors que ce jugement se borne à fixer une créance de 50 994,64 euros correspondant à l’état de son compte courant au 31 décembre 2008, date au surplus postérieure aux années en litige ;
7. Considérant, enfin, qu’il résulte de ce qui a été dit aux points précédents que les sommes évoquées au point 4 du présent arrêt ne correspondent pas à des remboursements de sommes avancées pour le compte de la SCI Lytana ; que l’EURL CLS n’est donc pas fondée à soutenir que les effets générés par la constatation de ces produits financiers doivent être compensés par la déduction de charges au titre des pertes sur créances devenues irrécouvrables ;
8. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que l’EURL CLS n’est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté le surplus de sa demande ; que, par suite, sa requête doit être rejetée, y compris ses conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de l’EURL CLS est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à l’entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée CLS et au ministre de l’action et des comptes publics.
Délibéré après l’audience du 18 janvier 2018, à laquelle siégeaient :
– M. Bataille, président de chambre,
– M. Geffray, président-assesseur,
– Mme Malingue, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 1er février 2018.
Le rapporteur,
F. MalingueLe président,
F. Bataille
Le greffier,
E. Haubois
La République mande et ordonne au ministre de l’action et des comptes publics en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.
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N°16NT02101
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