Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU
NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. et Mme A… D…ont demandé au tribunal administratif de Strasbourg de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d’impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2010 et 2011, et des pénalités correspondantes.
Par un jugement n° 1404774 du 28 mars 2017, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leur demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés respectivement les 19 mai et 10 novembre 2017, M. et Mme D…, représentés par MeB…, demandent à la cour :
1°) d’annuler le jugement n° 1404774 du 28 mars 2017 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leur demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d’impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2010 et 2011, et des pénalités correspondantes ;
2°) de prononcer la décharge de ces impositions ;
3°) de mettre à la charge de l’Etat une somme de 5 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
– le tribunal administratif a omis de statuer sur le moyen tiré de l’inconstitutionnalité de la majoration de 1,25 de l’assiette des contributions sociales sur les revenus distribués ;
– M. D…ne peut pas être présumé maître de l’affaire car un co-actionnaire égalitaire détient l’autre moitié du capital de la SARL Peinture Arcor ;
– l’administration ne démontre pas qu’il a appréhendé les sommes qualifiées de revenus distribués au sens du 1° et du 2° du 1 de l’article 109 du code général des impôts ;
– la majoration de 1,25 de l’assiette des contributions sociales sur les revenus distribués est inconstitutionnelle.
Par un mémoire en défense, enregistré le 14 septembre 2017, le ministre de l’action et des comptes publics conclut au non lieu à statuer dans la mesure des dégrèvements accordés et au rejet du surplus de la requête.
Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Vu :
– les autres pièces du dossier ;
Vu :
– le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
– le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.
Ont été entendus au cours de l’audience publique :
– le rapport de Mme Lambing,
– les conclusions de Mme Peton, rapporteur public,
– et les observations de MeB…, représentant M. et MmeD.en litige
1. Considérant qu’à la suite de la vérification de comptabilité de la SARL Peinture Arcor dont M. D…est le gérant, l’administration a notifié à M. et MmeD…, dans le cadre de la procédure contradictoire, une proposition de rectification du 9 août 2013 ; que l’administration a procédé à des rehaussements en matière d’impôt sur le revenu et de contributions sociales correspondant à la réintégration dans l’assiette imposable des intéressés de revenus considérés comme distribués en application du 1° et du 2° de l’article 109-1 du code général des impôts ; que M. et Mme D…relèvent appel du jugement du 28 mars 2017 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leur demande ;
Sur la régularité du jugement :
2. Considérant que devant les juridictions administratives et dans l’intérêt d’une bonne justice, le juge a toujours la faculté de rouvrir l’instruction, qu’il dirige, lorsqu’il est saisi d’une production postérieure à la clôture de celle-ci ; qu’il lui appartient, dans tous les cas, de prendre connaissance de cette production avant de rendre sa décision et de la viser ; que, s’il décide d’en tenir compte, il rouvre l’instruction et soumet au débat contradictoire les éléments contenus dans cette production qu’il doit, en outre, analyser ; que, dans le cas particulier où cette production contient l’exposé d’une circonstance de fait ou d’un élément de droit dont la partie qui l’invoque n’était pas en mesure de faire état avant la clôture de l’instruction et qui est susceptible d’exercer une influence sur le jugement de l’affaire, le juge doit alors en tenir compte, à peine d’irrégularité de sa décision ;
3. Considérant qu’il ressort des pièces du dossier de première instance que, dans un mémoire en réplique enregistré le 9 mars 2017, soit après la clôture de l’instruction, fixée au 15 février 2017, M. et Mme D…soutenaient que la majoration de 1,25 de l’assiette des contributions sociales sur les revenus distribués était inconstitutionnelle ; qu’ils se prévalaient de la règle énoncée peu avant la clôture de l’instruction par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2016-610 QPC du 10 février 2017, selon laquelle les dispositions du 2° du 7 de l’article 158 du code général des impôts dans leur rédaction résultant de la loi du 3 décembre 2008 ne sauraient, sans méconnaître le principe d’égalité devant les charges publiques, être interprétées comme permettant l’application du coefficient multiplicateur de 1,25 pour l’établissement des contributions sociales assises sur les rémunérations et avantages occultes mentionnés au c de l’article 111 du même code ; que cependant, le tribunal administratif était saisi d’un litige portant sur des revenus distribués imposés sur le fondement de l’article 109 du code général des impôts dont la constitutionnalité n’a pas été examinée par le Conseil constitutionnel dans la décision invoquée par les requérants ; qu’il suit de là que le mémoire produit par M. et Mme D…après la clôture de l’instruction ne contenait pas l’exposé d’une circonstance de droit nouvelle ; qu’en outre, en dehors de la procédure prévue à l’article 61-1 de la Constitution relative à la transmission de questions prioritaires de constitutionnalité au Conseil d’État et au Conseil Constitutionnel, il n’appartient pas au juge administratif de connaître de la constitutionnalité des lois ; que dans ces conditions, le tribunal administratif pouvait régler le litige dont il était saisi sans rouvrir l’instruction ; que par suite, le jugement a été rendu à l’issue d’une procédure régulière ;
Sur les conclusions aux fins de décharge des impositions :
En ce qui concerne l’étendue du litige :
4. Considérant que par une décision du 7 septembre 2017, postérieure à l’introduction de la requête, l’administration fiscale a prononcé en faveur de M. et Mme D…un dégrèvement des cotisations supplémentaires de contributions sociales mises à leur charge au titre des années 2010 et 2011 pour un montant respectif de 853 euros et 3 060 euros ainsi qu’un dégrèvement des pénalités mises à leur charge au titre des mêmes années pour un montant respectif de 430 euros et 1 397 euros ; que les conclusions de la requête de M. et Mme D…tendant à la décharge de ces droits et pénalités sont dès lors dans cette mesure devenues sans objet ;
En ce qui concerne les droits et pénalités demeurant… :
5. Considérant en premier lieu, qu’aux termes de l’article 109 du code général des impôts : » 1. Sont considérés comme revenus distribués : 1° Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital ; 2° Toutes les sommes ou valeurs mises à la disposition des associés (en litige) et non prélevées sur les bénéfices (…) » ; qu’aux termes de l’article 110 du même code : » Pour l’application du 1° du 1 de l’article 109, les bénéfices s’entendent de ceux qui ont été retenus pour l’assiette de l’impôt sur les sociétés » ; qu’en cas de refus des propositions de rectifications par le contribuable qu’elle entend imposer comme bénéficiaire de sommes regardées comme distribuées, il incombe à l’administration d’apporter la preuve que celui-ci en a effectivement disposé ; que toutefois, le contribuable qui, disposant seul des pouvoirs les plus étendus au sein de la société, est en mesure d’user sans contrôle de ses biens comme de biens qui lui sont propres et doit ainsi être regardé comme le seul maître de l’affaire, est présumé avoir appréhendé les distributions effectuées par la société qu’il contrôle ;
6. Considérant qu’il résulte de l’instruction que dans le cadre de la vérification de comptabilité de la SARL Peinture Arcor, l’administration a écarté la comptabilité de la société comme irrégulière et non probante ; qu’après avoir exercé son droit de communication auprès d’établissements bancaires et de clients de la SARL Peinture Arcor, l’administration a considéré que les sommes encaissées d’une part, sur un compte bancaire de la société n’apparaissant pas en comptabilité et d’autre part, sur un compte courant personnel de M. et MmeD…, devaient être qualifiées de revenus distribués respectivement au sens du 1° et du 2° de l’article 109-1°du code général des impôts ; que l’administration a regardé ces sommes comme ayant été appréhendées par M. D…en sa qualité de maître de l’affaire ;
7. Considérant d’une part que M. et Mme D…soutiennent que l’administration fiscale n’apporte pas la preuve de l’appréhension par M. D…des revenus présumés distribués par la SARL Peinture Arcor ; qu’il résulte de l’instruction qu’au cours des années en litige, M. D…était le gérant de droit de la société Peinture Arcor et possédait 50 % du capital social, l’autre moitié étant détenu par M. E… D… ; que M. A…D…disposait de la signature bancaire et a représenté seul la société au cours de la vérification de comptabilité ; que les relevés des comptes bancaires de la société étaient adressés au domicile de M. A…D… ; qu’il est constant que des paiements par chèques de factures de la SARL Peinture Arcor ont été encaissés sur le compte bancaire personnel des requérants ou sur le compte bancaire dissimulé susmentionné ; que ces éléments démontrent que M. A… D…était en mesure de disposer sans contrôle des biens de la société comme de biens qui lui sont propres ; que disposant, seul, des pouvoirs les plus étendus au sein de l’entreprise, il doit être regardé comme le seul maître de l’affaire et doit par suite être présumé avoir appréhendé les distributions effectuées par la société qu’il contrôle ;
8. Considérant d’autre part que M. et Mme D… entendent remettre en cause cette présomption d’appréhension en arguant que les sommes non comptabilisées dans la comptabilité de la société n’ont pas été désinvesties et que M. D…n’en a pas disposées ; que l’absence de comptabilité probante et le versement des sommes en litige sur des comptes bancaires n’apparaissant pas dans la comptabilité de l’entreprise ont mis l’administration dans l’impossibilité de vérifier que la société aurait conservé les sommes correspondantes et notamment que ces sommes auraient été mises en réserve ou incorporées au capital ; que, compte tenu de la nature des rectifications, les sommes en cause doivent en conséquence être regardées comme ayant été désinvesties et comme ayant généré des revenus réputés distribués en application des dispositions précitées des articles 109-1-1° et 2° du code général des impôts ;
9. Considérant qu’il suit de là que l’administration fiscale justifie du bien-fondé des réintégrations qu’elle a opérées et, par suite du caractère imposable d’une partie de ces bénéfices entre les mains de M.D…, maître de l’affaire et bénéficiaire des désinvestissements, dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers sur le fondement du 1° et du 2° du 1 de l’article 109 du code général des impôts ;
10. Considérant en second lieu, que la documentation administrative 4J-1121 n°15 du 1er novembre 1995, reprise au BOI-RPPM-RCM-10-20-20-50 n°160 du 12 septembre 2012 et la réponse ministérielle à M.C…, parlementaire, en date du 7 janvier 1954 ne font pas de la loi fiscale une interprétation différente de celle qui a été mentionnée précédemment et ne peuvent, par suite, être invoquées sur le fondement des dispositions de l’article L. 80 A du livre des procédures fiscales ;
11. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme D…ne sont pas fondés à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté le surplus de leur demande ;
Sur l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :
12. Considérant qu’il n’y a pas lieu en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative de mettre à la charge de l’État, qui n’est pas, pour l’essentiel, dans la présente instance, la partie perdante, une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
Article 1er : Il n’y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête tendant à la décharge des droits et pénalités dont l’administration fiscale a prononcé le dégrèvement le 7 septembre 2017.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. et Mme D… est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme A… D…et au ministre de l’action et des comptes publics.
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N° 17NC01168