CAA de NANCY, 2ème chambre – formation à 3, 02/02/2017, 16NC00099, Inédit au recueil Lebon

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CAA de NANCY, 2ème chambre – formation à 3, 02/02/2017, 16NC00099, Inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE

AU
NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société anonyme (SA) Mécanique Technique des Elévateurs a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée dont elle est redevable au titre de la période du 1er avril 2007 au 31 mars 2011.

Par un jugement n° 1205542 du 17 décembre 2015, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 22 janvier et

6 octobre 2016, la SA Mécanique Technique des Elévateurs, représentée par MeA…, demande à la cour :

1°) d’annuler ce jugement ;

2°) de prononcer cette décharge ou à défaut, de saisir la Cour de justice de l’Union européenne des questions préjudicielles suivantes :

– les obligations déclaratives érigées en condition de fond par le 3 de l’article 279-0 bis du code général des impôts sont-elles conformes à la directive TVA ‘

– l’interprétation par l’administration des dispositions prévues au 3 de

l’article 279-0 bis du code général des impôts conduisant à refuser à la requérante le bénéfice du taux réduit de taxe sur la valeur ajoutée est-elle conforme à la directive TVA ‘

3°) de mettre à la charge de l’Etat le versement d’une somme de 5 000 euros en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

– l’exigence de produire une attestation pour chaque prestation établie au moment du fait générateur de la taxe sur la valeur ajoutée ou au plus tard au moment de la facturation rend impossible et excessivement difficile l’exercice du droit à bénéficier du taux réduit de taxe sur la valeur ajoutée ;

– cette exigence est contraire au principe d’effectivité du droit communautaire ;

– ces règles méconnaissent le principe de neutralité de la taxe sur la valeur ajoutée ;

– la loi n’interdit aucunement que ces attestations soient établies antérieurement au fait générateur de la taxe sur la valeur ajoutée et ne fixe pour ces attestations aucune période de validité ;

– elle est fondée à cet égard à se prévaloir de la décision de rescrit du 24 avril 2012

n° 2012-29 TCA bien que postérieure aux périodes d’imposition en litige ainsi que du paragraphe 192 de l’instruction 3 C-7-06 du 8 décembre 2006 ;

– les travaux correspondent à des travaux d’urgence au sens de l’instruction 3 C-7-00 du 28 août 2000 et de l’instruction 3 C-7-06 du 8 décembre 2006 ;

– elle n’avait donc pas à produire d’attestation ;

– la Cour de justice de l’Union européenne a jugé, le 15 septembre 2016, que l’administration fiscale d’un Etat membre ne peut refuser le droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée au seul motif que la facture détenue par l’assujetti n’a pas été établie conformément à l’article 226 de la directive TVA du fait de l’omission ou de l’inexactitude de certaines mentions devant y figurer en vertu de cet article, dès lors qu’elle dispose de toutes les informations nécessaires pour vérifier que les conditions de fond relatives à l’exercice de ce droit sont satisfaites ; cette règle a une portée générale et concerne, en conséquence, les conditions de forme exigées pour l’application de taux réduits de taxe sur la valeur ajoutée ; il en découle que le fait que l’attestation ne soit pas conforme au modèle Cerfa ou soit incomplète ne peut pas faire obstacle à l’application du taux réduit dans la mesure où l’administration sait pertinemment que l’opération bénéficie du taux réduit ; l’administration fiscale ne peut par suite refuser de prendre en considération les attestations produites par la requérante au cours du contrôle, même si elles sont imparfaites ou ont été établies avant la facturation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 17 mai 2016, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu’aucun des moyens soulevés n’est fondé.

Vu

– les autres pièces du dossier.

Vu :

– la directive 2008/9/CE du Conseil du 12 février 2008 ;

– le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

– le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

– le rapport de M. Etienvre,

– et les conclusions de Mme Peton-Philippot, rapporteur public.

1. Considérant que la société anonyme (SA) Technique Mécanique des Elévateurs (TME), qui exerce une activité d’installation, de maintenance et de mise aux normes d’ascenseurs, a fait l’objet d’une vérification de comptabilité portant sur la période du

1er avril 2007 au 31 mars 2011, prolongée jusqu’au 30 juin 2011 en matière de taxes sur le chiffre d’affaires à l’issue de laquelle l’administration fiscale a remis en cause l’application, lors de différents travaux, du taux de taxe sur la valeur ajoutée de 5,5 % prévu à

l’article 279-0 bis du code général des impôts ; que la SA TME relève appel du jugement du 17 décembre 2015 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande de décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée dont elle est en conséquence redevable au titre de la période du 1er avril 2007 au 31 mars 2011 ainsi que des pénalités dont ces rappels ont été assortis ;

Sur les conclusions aux fins de décharge :

En ce qui concerne la loi fiscale :

2. Considérant qu’aux termes de l’article 279-0 bis du code général des impôts dans ses rédactions applicables aux périodes d’imposition en litige :  » La taxe sur la valeur ajoutée est perçue au taux réduit sur les travaux d’amélioration, de transformation, d’aménagement et d’entretien portant sur des locaux à usage d’habitation, achevés depuis plus de deux ans, à l’exception de la part correspondant à la fourniture d’équipements ménagers ou mobiliers ou à l’acquisition de gros équipements fournis dans le cadre de travaux d’installation ou de remplacement du système de chauffage, des ascenseurs ou de l’installation sanitaire dont la liste est fixée par arrêté du ministre chargé du budget. 2. Cette disposition n’est pas applicable aux travaux, réalisés sur une période de deux ans au plus : a) Qui concourent à la production d’un immeuble au sens des deuxième à sixième alinéas du c du 1 du 7° de l’article 257 ; b) A l’issue desquels la surface de plancher hors oeuvre nette des locaux existants, majorée, le cas échéant, des surfaces des bâtiments d’exploitations agricoles mentionnées au d de l’article R. 112-2 du code de l’urbanisme, est augmentée de plus de 10 % (…) 3. Le taux réduit prévu au 1 est applicable aux travaux facturés au propriétaire ou, le cas échéant, au syndicat de copropriétaires, au locataire, à l’occupant des locaux ou à leur représentant à condition que le preneur atteste que ces travaux se rapportent à des locaux d’habitation achevés depuis plus de deux ans et ne répondent pas aux conditions mentionnées au 2. Le prestataire est tenu de conserver cette attestation à l’appui de sa comptabilité. Le preneur doit conserver copie de cette attestation, ainsi que les factures ou notes émises par les entreprises ayant réalisé des travaux jusqu’au 31 décembre de la cinquième année suivant la réalisation de ces travaux.  » ;

3. Considérant qu’il résulte de ces dispositions que l’application du taux réduit aux travaux qu’elles mentionnent est soumise à la double condition que le preneur établisse, à la date du fait générateur de la taxe ou au plus tard à celle de la facturation, une attestation selon laquelle les travaux effectués remplissent les conditions posées par cet article et que la personne qui réalise ces travaux, et qui établit la facturation, conserve cette attestation à l’appui de sa comptabilité ; que, toutefois, lorsque, pour ces travaux, l’entreprise a perçu un acompte, la taxe sur la valeur ajoutée est exigible, à raison de cette prestation de service, en vertu du 2 de l’article 269 du code général des impôts, à la date de l’encaissement de cet acompte ; que, dans ce cas, elle ne peut faire application du taux réduit que si, au moment où elle encaisse cet acompte, elle est en possession de l’attestation établie par le preneur et portant sur ces travaux ;

4. Considérant qu’il résulte de l’instruction que l’administration fiscale a remis en cause l’application, par la SA TME, du taux réduit de taxe sur la valeur ajoutée de 5,5 % au motif que les attestations produites au soutien de vingt factures étaient soit antérieures à l’achèvement des travaux, soit postérieures auxdites factures, soit incomplètes, soit encore non conformes au modèle édité par le centre d’enregistrement et de révision des formulaires administratifs (CERFA) ;

5. Considérant, en premier lieu, que, contrairement à ce que la société requérante soutient, l’exigence, posée par ces dispositions, de produire pour chaque prestation établie au moment du fait générateur de la taxe sur la valeur ajoutée ou au plus tard au moment de la facturation ne rend ni impossible ni excessivement difficile l’exercice du droit à bénéficier du taux réduit de taxe sur la valeur ajoutée ; qu’il appartient, en effet, seulement à la société de faire signer par le client, à l’achèvement des travaux, une attestation, dont le contenu est précisé à l’article 279-0 bis du code général des impôts ; que, comme l’ont indiqué les premiers juges, la société dispose, à cet effet, de formulaires administratifs réglementés édités par le CERFA ; que ces formulaires régulièrement mis à jour par l’administration sont notamment téléchargeables en ligne ; que la société requérante n’est, en conséquence, pas fondée à soutenir, en tout état de cause, que cette exigence serait contraire au principe d’effectivité du droit communautaire ;

6. Considérant, en deuxième lieu, que la société requérante n’établit pas davantage que ces règles méconnaîtraient le principe de neutralité de la taxe sur la valeur ajoutée ; que la jurisprudence, invoquée par la société requérante, de la Cour de justice de l’Union européenne en matière de droit à déduction ne permet pas d’établir que les règles applicables en matière de taux réduit de taxe sur la valeur ajoutée, régime dérogatoire dont le bénéfice est subordonné à la production d’attestations, laquelle constitue non pas une condition de forme mais une condition de fond, seraient contraires aux objectifs de la directive 2008/9/CE du Conseil du 12 février 2008 ;

7. Considérant, en troisième et dernier lieu, que la société requérante soutient que c’est à tort que l’administration fiscale a écarté certaines des attestations en litige au motif qu’elles ont été signées avant l’achèvement des travaux alors que l’article 279-0 bis du code général des impôts ne fournit aucune précision sur la date à laquelle l’attestation doit être établie ;

8. Considérant, toutefois, qu’à l’exception de l’attestation établie le 19 mars 2007, par le syndic Lamy Gestrim, aucune des personnes à qui les travaux ont été facturés n’ont mentionné, sur ces attestations, que ces travaux n’étaient pas au nombre de ceux prévus au a et au b du 2 de l’article 279-0 bis du code général des impôts ; que l’administration fiscale a pu, en conséquence, estimer que ces attestations ne satisfaisaient pas aux exigences de l’article 279-0 bis du code général des impôts et refuser, par suite, de faire bénéficier la société requérante du taux réduit de taxe sur la valeur ajoutée ; qu’en ce qui concerne, l’attestation établie le 19 mars 2007, par le syndic Lamy Gestrim, si ce document comporte bien cette précision, son contenu ne permet, en revanche, pas d’établir qu’elle se rapporte aux travaux de mise en conformité de l’ascenseur situé dans l’immeuble du 26 rue de Bruxelles à Strasbourg dont la société Tradition Immobilière Alsace est la copropriétaire et ayant donné lieu à facturation le 26 février 2009 ; que la société requérante n’est donc pas davantage fondée à soutenir que c’est à tort que l’administration fiscale a également refusé que ces travaux soient facturés en faisant application du taux réduit de taxe sur la valeur ajoutée ;

En ce qui concerne l’application des dispositions de l’article L. 80 A du livre des procédures fiscales :

9. Considérant qu’aux termes du premier alinéa de l’article L. 80 A du livre des procédures fiscales :  » Il ne sera procédé à aucun rehaussement d’impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l’administration est un différend sur l’interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s’il est démontré que l’interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l’époque, formellement admise par l’administration  » ;

10. Considérant, en premier lieu, que la société requérante n’est pas fondée à se prévaloir de la décision de rescrit du 24 avril 2012 n° 2012-29 TCA, dès lors que cette dernière a été publiée postérieurement aux périodes de taxe sur la valeur ajoutée concernées par le présent litige ;

11. Considérant, en deuxième lieu, que la société requérante soutient qu’elle pouvait appliquer le taux réduit de taxe sur la valeur ajoutée dès lors que les travaux en cause, qui ont eu pour objet de satisfaire aux nouvelles normes de sécurité, constituent des travaux d’urgence entrant dans les prévisions de la documentation 3 C-7-06 du 8 décembre 2006 ;

12. Considérant que le paragraphe 147 de cette documentation dispose effectivement que s’agissant des immeubles achevés depuis moins de deux ans, le taux réduit est applicable aux travaux d’urgence ; que selon le paragraphe 148,  » D’une manière générale, constituent des travaux d’urgence ceux qui s’avèrent nécessaires pour maintenir ou rendre au logement une habitabilité normale.  » ; que selon le paragraphe 149,  » Cette condition d’urgence permet d’appliquer le taux réduit quelle que soit l’ancienneté des locaux mais ne permet pas pour autant de faire bénéficier du taux réduit des travaux qui en sont par nature exclus, tels que les travaux de construction ou de reconstruction de logements affectés par un sinistre, quelle que soit l’importance de ce dernier ou a fortiori des travaux qui ne portent pas sur des locaux d’habitation.  » ; que selon le paragraphe 151,  » Les travaux d’urgence portant … sur un ascenseur relèvent du taux réduit pour autant que les travaux n’aboutissent pas au remplacement de l’équipement et donc à la livraison d’un nouvel équipement.  » ; qu’enfin, selon le paragraphe 152,  » En revanche, les travaux d’entretien qui doivent être effectués à des intervalles plus ou moins réguliers et ne présentent donc pas de caractère imprévisible ou difficilement prévisible, ne peuvent pas être considérés comme des travaux d’urgence éligibles au taux réduit quelle que soit l’ancienneté de l’immeuble, sauf s’ils doivent intervenir suite à une grave intempérie, une chute de cheminée ou tout autre événement imprévisible.  » ;

13. Considérant, toutefois, qu’à supposer même que les travaux litigieux aient consisté, non pas en des travaux de simple réparation mais en des travaux de mise en conformité d’ascenseurs, la société requérante n’établit pas, par les seules factures qu’elle produit, qu’il s’agirait de travaux d’urgence entrant dans les prévisions de l’instruction

3 C-7-06 du 8 décembre 2006 ;

14. Considérant, en troisième et dernier lieu, que la société requérante soutient que le paragraphe 192 de l’instruction 3 C-7-06 du 8 décembre 2006 n’interdit pas que les attestations soient établies très antérieurement au fait générateur de la taxe sur la valeur ajoutée ; que, toutefois, comme il a été dit précédemment, les attestations établies avant l’achèvement des travaux soit ne permettent pas d’établir qu’elles se rapportent aux travaux facturés soit sont incomplètes en ce qui concerne la nature des travaux ; que la société requérante n’est, dès lors, pas davantage fondée à se prévaloir de cette doctrine pour soutenir qu’elle devait, s’agissant de ces travaux, bénéficier du taux réduit de taxe sur la valeur ajoutée ;

15. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède, et sans qu’il soit besoin de saisir la Cour de justice de l’Union européenne d’une question préjudicielle, que la SA TME n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

16. Considérant que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l’Etat, qui n’est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme que la société requérante demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la SA Technique Mécanique des Elévateurs est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SA Technique Mécanique des Elévateurs et au ministre de l’économie et des finances.

2

N° 16NC00099


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