Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU
NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. et Mme B… A… ont demandé au tribunal administratif de Nancy de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d’impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2010 et 2011 et des pénalités correspondantes.
Par un jugement n° 1702459 du 5 juillet 2018, le tribunal administratif de Nancy a rejeté la demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés respectivement le 31 août 2018 et le 30 septembre 2019, M. et Mme A…, représentés par Me D…, demandent à la cour :
1°) d’annuler ce jugement du 5 juillet 2018 par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté leur demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d’impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2010 et 2011 et des pénalités correspondantes ;
2°) de prononcer la décharge de ces impositions et des pénalités correspondantes ;
3°) de mettre à la charge de l’Etat une somme de 3 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
– ils n’avaient pas à déclarer les dividendes votés par les deux assemblées générales ordinaires le 24 juin 2010 et le 20 juin 2011 dès lors que la situation de la trésorerie de la société à responsabilité limitée (SARL) Anim’Ceram ne permettait aucun prélèvement ;
– M. A… n’a été payé de ses dividendes que progressivement, lorsque la trésorerie de la société rendait un prélèvement financièrement possible ;
– les motifs retenus par les premiers juges sont doublement erronés dès lors, d’une part, qu’ils ont déduit à tort du résultat bénéficiaire de la SARL Anim’Ceram sa capacité financière à distribuer les dividendes en litige et d’autre part, qu’il est contradictoire de constater un résultat bénéficiaire alors que les bilans et les résultats de la société au titre des années en litige sont considérés comme non justifiés ;
– la majoration pour manquement délibéré de 40 % qui leur a été infligée est irrégulière dès lors que l’administration fiscale, en méconnaissance de l’instruction BOI-CF-INF-10-20-20-20120912 n° 30 et 40, n’apporte pas la preuve qui lui incombe du caractère délibéré des omissions ;
– c’est à tort que les premiers juges ont considéré que le caractère délibéré du manquement était justifié par la combinaison des trois motifs retenus par l’administration fiscale.
Par un mémoire en défense, enregistré le 1er avril 2019, le ministre de l’action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. et Mme A… ne sont pas fondés.
Vu :
– les autres pièces du dossier.
Vu :
– le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
– le code de commerce ;
– le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.
Ont été entendus au cours de l’audience publique :
– le rapport de Mme C…,
– et les conclusions de Mme Peton, rapporteur public.
Une note en délibéré présentée par M. et Mme A… a été enregistrée le 17 octobre 2019.
Considérant ce qui suit :
1. M. A…, qui est prothésiste dentaire, est le gérant et l’associé unique de la société à responsabilité limitée (SARL) Anim’Ceram qui exerce une activité de fabrication de matériel médico-chirurgical, laquelle a fait l’objet d’une vérification de comptabilité. Par proposition de rectification du 13 décembre 2013, l’administration a notifié à M. et Mme A…, dans le cadre de la procédure de rectification contradictoire, des rappels de cotisations supplémentaires d’impôt sur le revenu au titre des années 2010 et 2011, assortis des pénalités pour manquement délibéré. M. et Mme A… relèvent appel du jugement du 5 juillet 2018 par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté leur demande tendant à la décharge de ces impositions.
Sur les conclusions à fin de décharge :
En ce qui concerne le bien-fondé des impositions :
2. Aux termes de l’article 12 du code général des impôts : » L’impôt est dû chaque année à raison des bénéfices ou revenus que le contribuable réalise ou dont il dispose au cours de la même année « . Aux termes de l’article 158 du même code : » (…) 3.1° Les revenus de capitaux mobiliers comprennent tous les revenus visés au VII de la 1ère sous-section de la présente section, à l’exception des revenus expressément affranchis de l’impôt en vertu de l’article 157 et des revenus ayant supporté les prélèvements visés aux articles 117 quater et 125 A. / Lorsqu’ils sont payables en espèces les revenus visés au premier alinéa sont soumis à l’impôt sur le revenu au titre de l’année soit de leur paiement en espèces ou par chèques, soit de leur inscription au crédit d’un compte (…) « . Et aux termes de l’article L. 232-13 du code du commerce: » Les modalités de mise en paiement des dividendes votés par l’assemblée générale sont fixées par elle ou, à défaut, par le conseil d’administration, le directoire ou les gérants, selon le cas. / Toutefois, la mise en paiement des dividendes doit avoir lieu dans un délai maximal de neuf mois après la clôture de l’exercice. La prolongation de ce délai peut être accordée par décision de justice « .
3. Par deux décisions du 24 juin 2010 et du 20 juin 2011, l’assemblée générale ordinaire de la SARL Anim’Ceram, a décidé de la distribution de dividendes, pour un montant de 80 000 euros au titre de l’année 2010 et de 80 000 euros au titre de l’année 2011. Ces sommes, inscrites au crédit du compte collectif n° 457000 » Associés-Dividendes à payer « , n’ont pas été déclarées par les requérants au titre des années 2010 et 2011. L’administration fiscale, à la suite de la vérification de comptabilité de la SARL Anim’Ceram, a considéré que ces sommes étaient à la disposition des requérants dès leur inscription sur le compte susmentionné et qu’à ce titre elles étaient imposables dans la catégorie des revenus mobiliers.
4. D’une part, la règle prévue par le 1° du 3 de l’article 158 précité du code général des impôts selon laquelle le fait générateur de l’impôt est constitué par le paiement des revenus mobiliers ou par leur inscription au crédit d’un compte, doit être combinée avec le principe de l’imposition du revenu au titre de l’année au cours de laquelle en a disposé le bénéficiaire, posé par les articles 12 et 156 du code général des impôts. L’inscription de dividendes dans un compte collectif d’actionnaires » dividendes à payer » ne peut être regardée comme entraînant la distribution effective des sommes concernées dès lors qu’une telle écriture comptable n’a pas, par elle-même, pour effet d’autoriser les bénéficiaires des distributions à prélever la part des dividendes qui leur revient. Toutefois, il est constant qu’à la date des décisions des assemblées générales du 24 juin 2010 et du 20 juin 2011, M. A… était le gérant et l’associé unique de la SARL Anim’Ceram, et qu’à ce titre il était le maître de l’affaire. Dans ces conditions, l’inscription des sommes au compte collectif » dividendes à payer » en 2010 et en 2011 équivaut à l’inscription de revenus mobiliers sur le compte propre d’un actionnaire nominativement désigné et doit par suite être regardée comme ayant entraîné la mise à sa disposition des sommes concernées.
5. D’autre part, si les requérants soutiennent que la situation de trésorerie de la SARL Anim’Ceram ne permettait pas le versement effectif de la totalité des dividendes dont elle avait décidé la distribution, il résulte de l’instruction que les deux décisions précitées de l’assemblée générale de la SARL Anim’Ceram font état d’un résultat bénéficiaire de 92 708,48 euros au titre de l’année 2010 et de 113 939,35 euros au titre de l’année 2011. Il résulte également de l’instruction que les requérants ont eux-mêmes indiqué dans leurs écritures que le paiement des dividendes est intervenu progressivement en fonction de l’état de la trésorerie de la société, par une remise de chèque de 40 000 euros le 26 juillet 2011 et deux virements de 15 000 euros et 35 000 euros les 15 septembre et 4 novembre 2011. Or, déduction faite de ces prélèvements d’un montant de 90 000 euros, les relevés bancaires de la banque CIC Est et de la Banque populaire qu’ils ont produits en première instance et en appel, attestent que, pour la période partielle du 30 juin 2010 au 31 décembre 2010, un solde créditeur pouvait être relevé de 21 683,07 euros en novembre 2010 et qu’au titre de la période partielle du 30 juin 2011 au 31 décembre 2011, un solde créditeur de 64 981,28 euros était constaté en juillet 2011. Il n’est, par ailleurs, pas contesté, ainsi que le soutient l’administration fiscale, que l’examen des extraits de compte produits révèle que les époux A… ont bénéficié chaque mois de virements constants, correspondant à des sommes de 400 à 3 000 euros et provenant du compte CIC Est et du compte Banque populaire ouverts au nom de la SARL Anim’Céram, soit un total de 40 800 euros en 2010 et en 2011. Dans ces conditions, en l’absence de tout autre justification dans les bilans et les résultats d’exercice de la société au titre de ces années et dès lors qu’aux termes de l’article L. 232-13 du code de commerce, la mise en paiement des dividendes doit avoir lieu dans un délai maximal de neuf mois après la clôture de l’exercice, M. et Mme A… ne sauraient être regardés, par les éléments insuffisants qu’ils produisent, comme justifiant d’une situation financière rendant impossible toute distribution.
En ce qui concerne le bien-fondé des pénalités litigieuses :
6. Aux termes de l’article 1729 du code général des impôts : » Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l’indication d’éléments à retenir pour l’assiette ou la liquidation de l’impôt ainsi que la restitution d’une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l’Etat entraînent l’application d’une majoration de : /a. 40 % en cas de manquement délibéré « . Aux termes de l’article L. 195 A du livre des procédures fiscales : » En cas de contestation des pénalités fiscales appliquées à un contribuable au titre des impôts directs, de la taxe sur la valeur ajoutée et des autres taxes sur le chiffre d’affaires, des droits d’enregistrement, de la taxe de publicité foncière et du droit de timbre, la preuve de la mauvaise foi et des manoeuvres frauduleuses incombe à l’administration « . Il résulte de ces dispositions que la majoration pour manquement délibéré a pour seul objet de sanctionner la méconnaissance par le contribuable de ses obligations déclaratives. Pour établir le caractère délibéré du manquement reproché au contribuable, l’administration doit apporter la preuve, d’une part, de l’insuffisance, de l’inexactitude ou du caractère incomplet des déclarations et, d’autre part, de l’intention de l’intéressé d’éluder l’impôt.
7. En premier lieu, pour établir l’intention délibérée du contribuable d’éluder l’impôt, l’administration fiscale, en particulier dans la proposition de rectification du 13 décembre 2013, a retenu l’importance des sommes non déclarées, le caractère répétitif de l’infraction pendant deux années et le fait que les requérants ne pouvaient pas ignorer la nature imposable de ces distributions. Il résulte en effet de l’instruction que M. A… n’ignorait pas le caractère imposable à l’impôt sur le revenu des 160 000 euros en litige dès lors qu’il les a partiellement déclarés, au demeurant tardivement, au titre de l’année 2012, seulement à raison de 50 000 euros et que, comme le fait valoir l’administration en défense, il a reconnu dans ses écritures avoir appréhendé sur la période contrôlée des revenus distribués à concurrence de 90 000 euros. Dans ces conditions, l’administration fiscale doit être regardée comme apportant la preuve, qui lui incombe, de l’intention de M. et Mme A… d’éluder l’impôt, laquelle résulte, comme l’ont indiqué les premiers juges dans le jugement contesté, de la combinaison des trois motifs retenus par l’administration fiscale.
8. En dernier lieu, M. et Mme A… ne sauraient se prévaloir des énonciations de la doctrine administrative référencée BOI-CF-INF-10-20-20-20120912 du 19 septembre 2012 qui ne contiennent pas d’interprétation de la loi fiscale différente de celle dont il est ici fait application.
9. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme A… ne sont pas fondés à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté leur demande.
Sur l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :
10. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l’Etat, qui n’est pas, dans la présente instance, la partie perdante, une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. et Mme A… est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme B… A… et au ministre de l’action et des comptes publics.
2
N° 18NC02367