Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU
NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
L’entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL) BG Racing a demandé au tribunal administratif de Nancy la décharge, en droits et pénalités, du supplément d’impôt sur les sociétés qui lui a été assigné au titre de l’année 2011, des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2011 et du supplément de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises qui lui a été assigné au titre de l’année 2011 ainsi que le rétablissement des déficits reportables des années 2010 et 2012.
Par un jugement n° 1702496 du 14 mars 2019, le tribunal administratif de Nancy a rejeté cette demande.
M. et Mme A… ont demandé au tribunal administratif de Nancy de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des suppléments d’impôt sur le revenu, de contribution sur les hauts revenus et de contributions sociales qui leur ont été assignés au titre des années 2010, 2011 et 2012.
Par un jugement n° 1702495 du 14 mars 2019 le tribunal administratif de Nancy a rejeté leur demande.
Procédure devant la cour :
I. Par une requête enregistrée le 14 mai 2019, sous le numéro 19NC01426, ainsi qu’un mémoire complémentaire enregistré le 29 juillet 2020, l’EURL BG Racing, représentée par Me F… et Me E…, demande à la cour :
1°) d’annuler le jugement du 14 mars 2019 ;
2°) de prononcer la décharge des impositions contestées ;
3°) de mettre à la charge de l’Etat une somme de 4 000 euros sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
– le jugement est irrégulier en ce qu’il est insuffisamment motivé et en ce que le tribunal a inversé la charge de la preuve en méconnaissance de l’article L. 192 du livre des procédures fiscales en estimant qu’elle aurait dû rapporter la preuve que son dirigeant avait utilisé les véhicules Porsche 944 et 997 en qualité de directeur sportif et en ce qu’il a omis de répondre aux moyens relatifs au rejet de la comptabilité concernant l’émission d’une facture de vente comportant un bénéficiaire erroné, l’absence de relevés kilométriques, la comptabilisation de charges sans comptabilisation de produits en contrepartie, et enfin le défaut de production de l’intégralité des certificats d’engagement ;
– c’est à tort que l’administration et le jugement ont estimé que sa comptabilité était affectée de graves irrégularités alors que rien ne s’opposait à ce que les prestations rendues à M. A… lui soient facturées en une seule facture laquelle est suffisamment précise et que le prix des prestations se justifiait par leur nature en l’absence de sponsor, d’un forfait global et compte tenu du nombre de tours de circuit effectués selon le style de pilotage de l’intéressé. Il y a lieu de faire valoir également que c’est à juste titre que la comptabilisation de deux factures proforma au cours des exercices antérieurs a été annulée, que les erreurs ayant affecté la comptabilisation de deux immobilisation est demeurée sans aucune conséquence, qu’il n’existe aucune facture de complaisance, qu’il n’y a eu aucune renonciation à recette pour les courses effectuées par M. A… sur le circuit de Nürgburgring en qualité de directeur sportif et qu’elle n’était pas tenue d’établir et de conserver des certificats d’engagement de courses ;
– la reconstitution de recettes effectuée par le service ne repose pas sur les conditions réelles de fonctionnement de l’exploitation, ce qui rend impossible la détermination d’un prix moyen de location sur la base des courses effectuées par seulement deux pilotes en 2011 pour ensuite appliquer ce résultat aux locations facturées par elle à M. A… ; cette méthode ne tient pas compte du nombre de tours effectués, ne distingue pas le forfait global du forfait spécifique, ne tient pas compte de la présence de sponsor non plus que du style de pilotage ;
– il n’y a donc eu aucune renonciation à recettes en ce qui concerne les prestations rendues à M. A… en ce qui concerne la Porsche Matmut Carrera Cup ;
– c’est à tort que le service a voulu appliquer aux prestations rendues à MM Rozier, Deblangley et Baharian le même prix que celui facturé à MM Beraux et Grosdidier ;
– la société ayant été engagée en tant qu’écurie de course sur le circuit de Nürgburgring au titre des années 2011 et 2012, les séances de roulage effectuées par M. A… ont donc été effectuées pour son compte et elles n’avaient pas à lui être facturées ;
– de la même manière la séance de roulage au cours de laquelle la Porsche 944 a été accidentée sur le circuit de Nürgburgring a bien été effectuée dans ce cadre et non pas pour le compte de M. A… de sorte qu’il n’y a pas lieu à constater un acte anormal de gestion et une impossibilité de déduire la taxe sur la valeur ajoutée concernant les frais de remise en état ;
– c’est à tort que le service a réintégré la moins-value constatée à l’occasion de la cession de la Porsche 997 accidentée à Nogaro, alors que M. A… est bien intervenu pour son compte afin de réaliser des essais en sa qualité de directeur sportif ;
– c’est à tort que l’administration refuse la déduction de ses bénéfices de la TVA qu’elle a renoncé à déduire sur une facture émise en Allemagne ;
– l’absence de pièces justificatives ne saurait faire obstacle à la déduction de charges correspondant à des dépenses effectivement engagées dans son intérêt ;
– la remise à titre gratuit de 61 pneus à M. A…, conduisant le service à déceler une livraison à soi-même taxable à la taxe sur la valeur ajoutée sur le fondement de l’article 257 du code général des impôts, n’a nullement été établie par l’administration en l’absence de la possibilité de déterminer une consommation moyenne de pneus et alors que M. A… était facturé au forfait.
– par les moyens qui précèdent, c’est à tort que l’administration a rectifié la valeur ajoutée et a procédé à un rappel de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises.
Par un mémoire en défense enregistré le 3 décembre 2019, le ministre de l’action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.
II. Par une requête enregistrée le 14 mai 2019, sous le numéro 19NC01427, ainsi qu’un mémoire complémentaire enregistré le 29 juillet 2020, M. et Mme A… demandent à la cour :
1°) d’annuler le jugement du 14 mars 2019 ;
2°) de prononcer la décharge des impositions contestées ;
3°) de mettre à la charge de l’Etat une somme de 4 000 euros sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
– le jugement est irrégulier en ce qu’il est insuffisamment motivé et en ce que le tribunal a inversé la charge de la preuve en méconnaissance de l’article L. 192 du livre des procédures fiscales en estimant que l’EURL BG Racing aurait dû rapporter la preuve que son dirigeant avait utilisé les véhicules Porsche 944 et 997 en qualité de directeur sportif et en ce qu’il a omis de répondre aux moyens relatifs au rejet de la comptabilité concernant l’émission d’une facture de vente comportant un bénéficiaire erroné, l’absence de relevés kilométriques, la comptabilisation de charges sans comptabilisation de produits en contrepartie, et enfin le défaut de production de l’intégralité des certificats d’engagement ;
– c’est à tort que l’administration et le jugement ont estimé que la comptabilité de l’EURL était affectée de graves irrégularités alors que rien ne s’opposait à ce que les prestations rendues à M. A… lui soient facturées en une seule facture laquelle est suffisamment précise et que le prix des prestations se justifiait par leur nature en l’absence de sponsor, d’un forfait global et compte tenu du nombre de tours de circuit effectués selon le style de pilotage de l’intéressé. Il y a lieu de faire valoir également que c’est à juste titre que la comptabilisation de deux factures proforma sur des exercices antérieurs a été annulée, que les erreurs ayant affecté la comptabilisation de deux immobilisations est demeurée sans aucune conséquence, qu’il n’existe aucune facture de complaisance, qu’il n’y a eu aucune renonciation à recette pour les courses effectuées par M. A… sur le circuit de Nürgburgring en qualité de directeur sportif et que la société n’était pas tenue d’établir et de conserver des certificats d’engagement de courses ;
– la reconstitution de recettes effectuée par le service ne repose pas sur les conditions réelles de fonctionnement de l’exploitation, ce qui rend impossible la détermination d’un prix moyen de location sur la base des courses effectuées par seulement deux pilotes en 2011 pour ensuite appliquer ce résultat aux locations facturées par elle à M. A… ; cette méthode ne tient pas compte du nombre de tours effectués, ne distingue pas le forfait global du forfait spécifique, ne tient pas compte de la présence de sponsor non plus que du style de pilotage ;
– il n’y a donc eu aucune renonciation à recettes en ce qui concerne les prestations rendues à M. A… en ce qui concerne la Porsche Matmut Carrera Cup ;
– la remise à titre gratuit de 61 pneus à M. A…, conduisant le service à déceler une livraison à soi-même taxable à la taxe sur la valeur ajoutée sur le fondement de l’article 257 du code général des impôts, n’a nullement été établie par l’administration en l’absence de la possibilité de déterminer une consommation moyenne de pneus et alors que M. A… était facturé au forfait ;
– la société ayant été engagée en tant qu’écurie de course sur le circuit de Nürgburgring au titre des années 2011 et 2012, les séances de roulage effectuées par M. A… ont donc été effectuées pour son compte et elles n’avaient pas à lui être facturées ;
– la séance de roulage au cours de laquelle la Porsche 944 a été accidentée sur le circuit de Nürgburgring a bien été effectuée dans le cadre de l’écurie de course de la société BG Racing et non pas pour le compte de M. A… de sorte qu’il n’y a pas lieu à constater un acte anormal de gestion et une impossibilité de déduire la taxe sur la valeur ajoutée concernant les frais de remise en état ;
– c’est à tort que le service a réintégré la moins-value constatée à l’occasion de la cession de la Porsche 997 accidentée à Nogaro, alors que M. A… est bien intervenu pour son compte afin de réaliser des essais en sa qualité de directeur sportif ;
– l’absence de pièces justificatives ne saurait faire obstacle à la déduction de charges correspondant à des dépenses effectivement engagées dans son intérêt ;
– par les moyens qui précèdent, c’est à tort que l’administration a rectifié la valeur ajoutée et a procédé à un rappel de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises.
Par un mémoire enregistré le 3 décembre 2019, le ministre de l’action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu’aucun des moyens soulevés n’est fondé.
Vu :
– les autres pièces du dossier.
Vu :
– le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne ;
– la directive 2006/112/CE du conseil du 28 novembre 2006 ;
– la directive 2008/9 CE du conseil du 12 février 2008 ;
– le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
– le code de commerce ;
– le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement convoquées à l’audience publique.
Ont été entendu au cours de l’audience publique :
– le rapport de M. B… ;
– les conclusions de Mme Haudier, rapporteur public ;
– et les observations de Me D… représentant l’EURL BG Racing et M. et Mme A….
Considérant ce qui suit :
1. L’EURL BG Racing, dont il n’est pas contesté que les bénéfices sont soumis à l’impôt sur les sociétés, ce qu’aucune pièce du dossier ne contredit, a pour activité la location de véhicules automobiles de marque Porsche, la fourniture de prestations liées à ces locations et l’engagement de ses véhicules lors de diverses compétitions automobiles en France et à l’étranger. Elle a fait l’objet d’une vérification de comptabilité ayant concerné la période du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2012 à l’issue de laquelle le service a procédé à divers rehaussements de ses résultats, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et un rappel de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises. Ces rectifications, effectuées selon la procédure contradictoire prévue à l’article L. 55 du livre des procédures fiscales, ont été portées à la connaissance de la société le 26 septembre 2013 par lettre modèle 3924. Les rectifications ont été refusées par la société pour leur plus grande part mais ont été confirmées par le vérificateur dans sa réponse aux observations du contribuable. Après avoir obtenu à la suite de diverses rencontres avec l’interlocuteur départemental la réduction de certains des redressements, la société a soumis le litige à la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d’affaires laquelle a rendu son avis le 8 décembre 2016. La réclamation préalable introduite par la société BG Racing à la suite de la mise en recouvrement des impositions supplémentaires ayant été rejetée le 27 juillet 2017, elle a saisi le tribunal administratif de Nancy qui par un jugement du 14 mars 2019 a rejeté sa demande. De son côté M. A…, associé unique de l’EURL BG Racing et époux de la gérante, se présentant par ailleurs comme directeur sportif de l’écurie BG Racing, a été désigné comme le bénéficiaire des revenus réputés distribués par la société découlant de la réintégration dans ses bénéfices imposables de certaines sommes présentées par l’administration comme des avantages imposables chez leur bénéficiaire dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers sur le fondement du c) de l’article 111 du code général des impôts. Les rectifications effectuées à ce titre ont été portées à sa connaissance par lettre modèle 2120 du 3 décembre 2013. M. A… ayant refusé ces rectifications, le service les a confirmées par lettre modèle 3926 le 17 mars 2014. Les réclamations préalables de M. et Mme A…, introduites après la mise en recouvrement des suppléments d’impôt sur le revenu et de contributions sociales qui leur ont été assignés à la suite de cette procédure, ayant été rejetées le 26 juillet 2017, les intéressés ont saisi le tribunal administratif de Nancy qui par son jugement du 14 mars 2019 a rejeté leur demande tendant à la décharge en droits et pénalités de ces impositions supplémentaires. Par les deux requêtes ci-dessus visées, qu’il y a lieu de joindre afin de statuer par un seul arrêt, l’EURL BG Racing et les époux A… relèvent respectivement appel du jugement les concernant.
Sur la régularité des jugements :
2. Les jugements par lesquels le tribunal administratif de Nancy, lequel n’avait pas à répondre à tous leurs arguments, a rejeté les demandes de l’EURL BG Racing et des époux A… sont suffisamment motivés. Si les requérants soutiennent que les premiers juges n’ont pas répondu à leurs moyens contestant certains des motifs ayant conduit le service à écarter la comptabilité de la société BG Racing, il ressort des jugements attaqués que le tribunal administratifs en ne retenant que certains des griefs faits à la comptabilité comme suffisants pour constituer des graves irrégularités et en écartant les moyens invoqués à ce titre par les requérants, a suffisamment motivé sa décision en ce qui concerne l’application des dispositions de l’article L. 192 du livre des procédures fiscales, sans qu’il lui ait été nécessaires de se prononcer sur les autres irrégularités de la comptabilité invoquées par l’administration.
3. Si les requérants soutiennent que le tribunal a inexactement fait application de l’article L. 192 du livre des procédures fiscales et a inversé la charge de la preuve, ces moyens sont relatifs au bien-fondé des jugements et non à leur régularité.
Sur les impositions établies à l’encontre de l’EURL BG Racing :
En ce qui concerne l’impôt sur les sociétés :
S’agissant de la charge de la preuve :
4. Aux termes de l’article L. 192 du livre des procédures fiscales : « Lorsque l’une des commissions visées à l’article L. 59 est saisie d’un litige ou d’une rectification, l’administration supporte la charge de la preuve en cas de réclamation, quel que soit l’avis rendu par la commission./Toutefois, la charge de la preuve incombe au contribuable lorsque la comptabilité comporte de graves irrégularités et que l’imposition a été établie conformément à l’avis de la commission. La charge de la preuve des graves irrégularités invoquées par l’administration incombe, en tout état de cause, à cette dernière lorsque le litige ou la rectification est soumis au juge « .
5. D’une part, il résulte d’abord de l’instruction que l’EURL BG Racing n’a pas conservé les factures de nombreuses charges et n’est pas en mesure de justifier de ses recettes en l’absence de contrats au titre des exercices 2011 et 2012, le défaut de ces éléments ayant été constaté par un procès-verbal du 22 août 2013. S’il lui était loisible de facturer et de comptabiliser en une seule fois l’ensemble des services qu’elle avait rendus au bénéfice de M. A… au titre de l’année 2011, cette faculté ne la dispensait pas de conserver les justificatifs du détail des diverses prestations s’étant échelonnées au cours de l’année. En l’occurrence, la société requérante n’a pas été en mesure de produire la facture correspondant à l’écriture de produits concernant les prestations rendues à M. A…, cette facture numérotée 155 bis, dont le numéro ne suit pas la numérotation continue, n’ayant été produite qu’après une demande du service du 3 mai 2013 au cours de la vérification. Il résulte ensuite de l’instruction que la société requérante a comptabilisé au cours de l’exercice 2011 deux produits de 56 250 euros et 18 070 euros concernant deux clients différents pour les contrepasser au cours de l’exercice suivant par le débit du compte 672. Si la société requérante soutient que ces produits ont été comptabilisés par erreur, s’agissant en réalité de factures proforma, elle ne produit aucun élément utile de nature à en justifier. Il n’est pas contesté enfin que le livre d’inventaire, dont la tenue est obligatoire en vertu des articles L. 123-18 et R. 123-77 du code de commerce, était affecté de deux erreurs concernant le prix de cession de deux immobilisations tandis que la sortie d’un véhicule de l’actif immobilisé au cours de l’année 2012 n’a pas été enregistrée. Si la société requérante soutient que ces erreurs sont demeurées sans conséquence sur la détermination de ses résultats, il n’en demeure pas moins que l’inventaire de son actif immobilisé au titre des années 2011 et 2012 est inexact. Par suite, il résulte de tous ces éléments, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres griefs invoqués par elle, que l’administration établit que la comptabilité de l’EURL BG Racing au titre des années 2011 et 2012 est affectée de graves irrégularités au sens des dispositions précitées de l’article L. 192 du livre des procédures fiscales.
6. D’autre part, il résulte également de l’instruction que l’administration a établi les droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée conformément à l’avis de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d’affaires du 8 décembre 2016, qu’elle a également établi le déficit de l’année 2012 conformément à cet avis. En revanche, l’administration n’a pas suivi l’avis de la commission en ce qui concerne les bénéfices de l’année 2011.
7. Il résulte de ce qui précède, et sous réserve des précisions apportées aux points 8 et 14 ci-après, dès lors que la procédure de rectification contradictoire a été suivie, que la société requérante a refusé les rectifications et que la comptabilité de l’année 2010 n’est pas affectée de graves irrégularités, que la charge de la preuve du caractère non fondé des impositions incombe à l’EURL BG Racing en ce qui concerne la détermination du résultat de l’année 2012 et en ce qui concerne les redressements relatifs aux charges non justifiées des trois années en litige.
S’agissant des charges dépourvues de pièces justificatives :
8. Aux termes du 1 de l’article 39 du code général des impôts : » Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (…) notamment : / 1° Les frais généraux de toute nature (…) « . Si, en vertu des règles gouvernant l’attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, applicables sauf loi contraire, il incombe, en principe, à chaque partie d’établir les faits qu’elle invoque au soutien de ses prétentions, les éléments de preuve qu’une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu’à celle-ci. Il appartient, dès lors, au contribuable, pour l’application des dispositions précitées du code général des impôts, de justifier tant du montant des charges qu’il entend déduire du bénéfice net défini à l’article 38 du code général des impôts que de la correction de leur inscription en comptabilité, c’est-à-dire du principe même de leur déductibilité. Le contribuable apporte cette justification par la production de tous éléments suffisamment précis portant sur la nature de la charge en cause, ainsi que sur l’existence et la valeur de la contrepartie qu’il en a retirée. Dans l’hypothèse où le contribuable s’acquitte de cette obligation, il incombe ensuite au service, s’il s’y croit fondé, d’apporter la preuve de ce que la charge en cause n’est pas déductible par nature, qu’elle est dépourvue de contrepartie, qu’elle a une contrepartie excessive dépourvue d’intérêt pour le contribuable ou que la rémunération de cette contrepartie est excessive.
9. L’administration a réintégré dans les résultats des années 2010, 2011 et 2012 un certain nombre de charges déduites par la société requérante et dépourvues de toute pièce justificative. Si la société BG Racing soutient que ces dépenses ont été exposées dans l’intérêt de son entreprise, elle ne justifie ce faisant ni de leur montant ni de la correction de leur inscription dans sa comptabilité en l’absence des éléments ci-dessus analysés. Par suite, c’est à juste titre que l’administration a procédé à la réintégration de ces charges.
S’agissant de la comptabilisation en charge d’une taxe sur la valeur ajoutée allemande :
10. D’une part, aux termes de l’article 38 du code général des impôts, auquel renvoie, en matière d’impôt sur les sociétés, le 1 de l’article 209 du même code : » 1… le bénéfice imposable est le bénéfice net, déterminé d’après les résultats d’ensemble des opérations de toute nature effectuées par les entreprises… 2 – Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l’actif net à la clôture et à l’ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l’impôt diminuée des suppléments d’apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l’exploitant ou par les associés. L’actif net s’entend de l’excédent des valeurs d’actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés « . Aux termes de l’article 39 du code général des impôts : « 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant, sous réserve des dispositions du 5, notamment :/ (…) 4° Sous réserve des dispositions de l’article 153, les impôts à la charge de l’entreprise, mis en recouvrement au cours de l’exercice, à l’exception des impôts prélevés par un Etat ou territoire conformément aux stipulations d’une convention fiscale d’élimination des doubles impositions en matière d’impôt sur les revenus conclue par cet Etat ou territoire avec la France, des taxes prévues aux articles 231 ter, 235 ter X, 235 ter ZE bis et 990 G et, pour les rappels de taxe sur la valeur ajoutée afférents à des opérations au titre desquelles la taxe due peut être totalement ou partiellement déduite par le redevable lui-même, du montant de la taxe déductible « . Il résulte des dispositions précitées du 4° du 1 de l’article 39 du code général des impôts que la taxe sur la valeur ajoutée dont une entreprise a été redevable pendant un exercice est une charge de cet exercice, déductible pour le calcul du bénéfice industriel et commercial de cette entreprise passible de l’impôt sur les sociétés. Cette charge est elle-même définie par la différence entre la taxe ayant grevé les opérations taxables de l’entreprise qui est devenue exigible pendant l’exercice et la taxe qui lui a été facturée par ses fournisseurs et prestataires de services dont elle a été en droit d’opérer l’imputation sur la taxe due par elle-même au titre de l’exercice.
11. D’autre part, aux termes de l’article 5 de la directive du 12 février 2008 ci-dessus visée : » Chaque État membre rembourse à tout assujetti non établi dans l’État membre du remboursement la TVA ayant grevé les biens qui lui ont été livrés ou les services qui lui ont été fournis dans cet État membre par d’autres assujettis, ou ayant grevé l’importation de biens dans cet État membre, dans la mesure où ces biens et services sont utilisés pour les besoins des opérations suivantes: a) les opérations visées à l’article 169, points a) et b), de la directive 2006/112/CE ;/ b) les opérations dont le destinataire est redevable de la TVA conformément aux articles 194 à 197 et à l’article 199 de la directive 2006/112/CE, tels qu’ils sont appliqués dans l’État membre du remboursement. Sans préjudice de l’article 6, aux fins de la présente directive, le droit au remboursement de la TVA payée en amont est déterminé en vertu de la directive 2006/112/CE, telle qu’appliquée dans l’État membre du remboursement « .
12. Il résulte de l’ensemble de ces dispositions que la taxe ayant grevé une facture de prestations de service dont un assujetti établi en France a bénéficié dans un autre Etat membre de l’Union européenne constitue, tant qu’elle ne lui a pas été remboursée par cet Etat membre à la suite de la procédure prévue à l’article 5 précité de la directive du 12 février 2008, une charge déductible du bénéfice de l’exercice au cours duquel elle est devenue exigible chez le prestataire. Ce n’est que dans l’hypothèse où l’assujetti aura obtenu le remboursement de cette taxe qu’il devra constater un produit de l’exercice au cours duquel il aura perçu cette restitution.
13. Il résulte de l’instruction que l’EURL BG Racing a supporté au cours de l’année 2011 auprès d’un fournisseur allemand des droits d’inscription à une course sur le circuit de Nürgburgring en Allemagne et a déduit de son bénéfice imposable l’intégralité de cette facture y compris la taxe sur la valeur ajoutée allemande qui y était mentionnée. Se fondant sur la circonstance que la société requérante avait la faculté d’obtenir la restitution de la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé cette facture auprès des services allemands des impôts, l’administration en a réintégré le montant dans son bénéfice imposable. Il résulte cependant des règles ci-dessus rappelées que c’est à juste titre que l’EURL BG Racing avait compris le montant de cette taxe parmi ses charges déductibles de son bénéfice imposable dès lors qu’il n’est pas contesté qu’elle n’en avait pas obtenu le remboursement. Par suite, la société requérante est fondée à demander la décharge du supplément d’impôt sur les sociétés qui lui a été assigné en conséquence de la réintégration de la somme de 214 euros dans son bénéfice de l’année 2011.
S’agissant de la réintégration d’une moins-value sur la cession d’une Porsche 997 au cours de l’année 2010 :
14. Ne peuvent être déduites du bénéfice net passible de l’impôt sur les sociétés les pertes ou charges étrangères à une gestion commerciale normale. Constitue un acte anormal de gestion l’acte par lequel une entreprise décide de s’appauvrir à des fins étrangères à son intérêt. C’est au regard du seul intérêt propre de l’entreprise que l’administration, sans se prononcer sur l’opportunité des choix de gestion opérés par elle et notamment pas sur l’ampleur des risques pris par elle pour améliorer ses résultats, doit apprécier si les opérations litigieuses correspondent à des actes relevant d’une gestion commerciale normale. Lorsqu’une société n’a pas fait figurer dans sa comptabilité une créance qu’elle détenait sur un tiers, soit en s’abstenant de lui facturer des produits ou services qu’elle lui a fournis, soit en lui cédant des éléments de son stock ou de son actif immobilisé à un prix significativement inférieur à sa valeur vénale, soit en lui facturant des services à un prix nettement inférieur aux tarifs pratiqués à l’égard de clients non liés à elle par une communauté d’intérêt, il appartient à l’administration, si elle entend réintégrer au bénéfice imposable de cette société le montant de l’avantage ainsi accordé, d’établir que cette créance a été abandonnée dans des conditions qui sont contraires à son intérêt et qu’il existait une intention, pour le créancier, d’octroyer, et, pour le débiteur, de recevoir, une libéralité.
15. Il n’est pas contesté que le 16 avril 2010, lors d’une manifestation du Club Porsche de France sur le circuit de Nogaro, le véhicule Porsche 997 appartenant à la société requérante a été accidenté alors qu’il était piloté par M. A…, associé unique de la société. Le véhicule réduit à l’état d’épave a été cédé et la société a constaté dans ses écritures une moins-value de 72 891 euros. Afin de réintégrer cette somme dans le bénéfice imposable de la société, le service a estimé que l’EURL BG Racing aurait dû obtenir de M. A… une indemnisation égale à la perte subie sur ce véhicule.
16. L’EURL BG Racing ne conteste pas qu’elle a pour habitude d’obtenir de ses clients à qui elle met à disposition un véhicule, l’indemnisation des réparations rendues nécessaires à la suite d’un accident. Une telle circonstance ressort d’ailleurs des factures analysées dans la proposition de rectification. En relevant que l’EURL BG Racing s’est abstenue de réclamer à M. A… une indemnisation à la suite de la destruction de la Porsche 997, l’administration rapporte la preuve de ce que cette abstention à constater une créance à son égard ne relève pas d’une gestion commerciale normale au regard des principes ci-dessus rappelées.
17. Si la société requérante soutient que M. A… pilotait le véhicule litigieux non pas en tant que client locataire mais en tant que directeur sportif de son écurie de course, chargé de régler ce véhicule pour le compte d’un client de la société, elle s’abstient, en tout état de cause, de préciser de quel client il se serait agi et de présenter la facture de prestation correspondant à une telle location. Par suite, alors que l’administration soutient sans être contredite que cette manifestation s’inscrivait dans le cadre de la Porsche Matmut Carrera Cup au cours de laquelle M. A… pilotait en tant que client de sa société, c’est à juste titre que la somme de 72 891 euros a été réintégrée dans le bénéfice imposable de l’année 2010 de l’EURL BG Racing.
S’agissant des charges de réparation de la Porsche 944 sur le circuit de Nürgburgring :
18. Il n’est pas contesté qu’entre le 22 et le 23 juin 2011 le véhicule Porsche 944 appartenant à la société requérante a subi une avarie moteur alors qu’il était piloté par M. A…, occasionnant des charges de réparation. L’administration a relevé que contrairement à la politique suivie avec ses autres clients, l’EURL BG Racing s’est abstenue de réclamer à M. A… le remboursement de ces dépenses et les a, en conséquence réintégrées dans son bénéfice imposable de l’année 2011. En établissant l’abstention de la société requérante de constater à l’égard de son associé unique une telle créance, l’administration établit l’existence d’un acte anormal de gestion, conformément aux principes rappelés ci-dessus au point 15.
19. Si la société requérante soutient que M. A… pilotait le véhicule litigieux non pas en tant que son client mais en tant que directeur sportif à l’occasion de tests en conditions réelles,