Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU
NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Me E…D…, mandataire judiciaire, liquidateur de la SARL Physenti et Mme F…C…en qualité que mandataire ad hoc de la SARL Physenti ont demandé au tribunal administratif de Besançon d’annuler l’arrêté du 17 juin 2013 par lequel le préfet du Doubs a déclaré d’utilité publique au profit de la commune de Besançon, le projet de réaménagement du site des Prés de Vaux, a déclaré la cessibilité des parcelles nécessaires au profit de la commune de Besançon, et prononcé la mise en compatibilité du plan local d’urbanisme de la commune.
Par un jugement n° 1301154 du 22 décembre 2014, le tribunal administratif a rejeté la demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête transmise par ordonnance du président du tribunal administratif de Nancy à la cour et enregistrée le 20 février 2015 et des pièces jointes enregistrées le 9 mars 2015, MeD…, mandataire de la société Physenti, et MmeC…, représentées par MeB…, demandent à la cour :
1°) d’annuler le jugement du tribunal administratif de Besançon ;
2°) d’annuler l’arrêté préfectoral contesté du 17 juin 2013 ;
3°) de mettre à la charge de l’Etat une somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elles soutiennent que :
1) en ce qui concerne la déclaration d’utilité publique :
– le dossier d’enquête ne satisfaisait pas aux exigences de l’article R. 11-3 du code de l’expropriation en raison de l’insuffisance de la notice explicative, de l’appréciation des dépenses, des plans, des caractéristiques principales des ouvrages et de l’étude d’impact ;
– l’avis du commissaire enquêteur est insuffisamment motivé ;
– contrairement à ce qu’a jugé le tribunal administratif, c’est à bon droit qu’en vertu de l’article L. 11-1-1 du code de l’expropriation, elles ont soulevé l’exception d’illégalité de la déclaration de projet. L’arrêté préfectoral contesté ne comportait pas en annexe une prise de position du conseil municipal sur la déclaration de projet, contrairement à ce que prévoit l’article 12-1 du code de l’environnement, mais seulement un courrier du maire du 18 mars 2013 ne correspondant pas au document prévu par l’article L. 11-1-1 du code de l’expropriation ;
– il n’est pas démontré que la note de synthèse prévue par l’article L. 2121-12 du code général des collectivités locales ait été jointe à la convocation des conseillers municipaux pour les délibérations des 8 décembre 2011 et 26 mars 2013 ;
– l’arrêté préfectoral comporte des différences par rapport à la délibération du conseil municipal du 8 décembre 2011, notamment au regard de la zone UG et de l’augmentation de la zone NL ;
– le projet est dépourvu d’utilité publique, la construction d’un quartier résidentiel de 150 logements ne présentant pas d’utilité, ni la nécessité de réaménager une friche industrielle inondable abandonnée, ni la création d’une fabrique artisanale, ni le rehaussement de la voie publique ; c’est à tort que le bilan a été présenté comme positif compte tenu des coûts supplémentaires éventuels tenant aux contentieux engagés par les mandataires de la société Physenti et à l’atteinte excessive à la propriété.
– le projet de la commune de Besançon est entaché de détournement de pouvoir ;
2) en ce qui concerne l’arrêté de cessibilité :
– le périmètre retenu par l’arrêté est excessif ;
3) en ce qui concerne la mise en compatibilité du plan local d’urbanisme de Besançon :
– les orientations du SCOT et du SDAGE sont méconnues ;
– le classement des parcelles en zone NL et N2 est illégal.
Par un mémoire en défense, enregistré le 10 août 2016, le ministre de l’intérieur conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
– l’appel se borne à reprendre les écritures de première instance et est irrecevable ;
– le dossier soumis à enquête publique était complet ;
– l’avis du commissaire enquêteur est suffisamment motivé ;
– les moyens tirés des exceptions d’illégalité des délibérations du 8 décembre 2011 et 26 mars 2013 manquent en fait ;
– le projet déclaré d’utilité publique est cohérent avec la modification du plan local d’urbanisme induite ;
– l’auteur de la déclaration d’intérêt général était compétent ;
– l’opération présente un caractère d’utilité publique ;
– la déclaration d’utilité publique n’est pas entachée de détournement de pouvoir ;
– les moyens dirigés contre l’arrêté de cessibilité sont inopérants ;
– les orientations des schémas de planification supérieurs ne sont pas méconnues ;
– le règlement de la zone NL du plan local d’urbanisme ne méconnaît pas l’article R. 123-9 du code de l’urbanisme alors en vigueur.
Par un mémoire en intervention volontaire, enregistré le 8 décembre 2016, la commune de Besançon représentée par MeA…, demande à la cour :
1°) de rejeter la requête ;
2°) de mettre à la charge de chacune des appelantes une somme de 5 000 euros à lui verser au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
– l’appel de MmeC…, qui ne peut avoir qualité pour agir dès lors qu’un mandataire a été nommé par le tribunal de commerce, est irrecevable ;
– les moyens tirés des exceptions d’illégalité des délibérations du 8 décembre 2011 et 26 mars 2013 manquent en fait ;
– l’arrêté préfectoral, qui n’avait pas à comporter en annexe une déclaration de projet, est régulier ;
– le dossier soumis à enquête publique était complet ;
– l’avis du commissaire enquêteur est suffisamment motivé ;
– l’opération présente un caractère d’utilité publique ;
– la déclaration d’utilité publique n’est pas entachée de détournement de pouvoir ;
– les moyens dirigés contre l’arrêté de cessibilité sont inopérants ;
– la mise en compatibilité du plan local d’urbanisme n’est pas incompatible avec les orientations des schémas de planification supérieurs ne sont pas méconnues ;
– le règlement de la zone NL du plan local d’urbanisme ne méconnaît pas l’article R. 123-9 du code de l’urbanisme alors en vigueur.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
– le code général des collectivités territoriales ;
– le code de l’expropriation ;
– le code de l’urbanisme ;
– le décret n° 2004-374 du 29 avril 2004 ;
– le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.
Ont été entendus au cours de l’audience publique :
– le rapport de Mme Stefanski, président,
– les conclusions de M. Favret, rapporteur public,
– et les observations de MeG…, pour la commune de Besançon.
Considérant ce qui suit :
1. La SARL Physenti a acheté en 1991 un ensemble industriel désaffecté comportant notamment des terrains et un bâtiment, situé sur le site des Prés de Vaux à Besançon. La société a été déclarée en liquidation judiciaire par jugement du tribunal de commerce de Nice du 28 avril 1994 et MeD…, mandataire judiciaire, a été nommée liquidateur de la société par décision du tribunal administratif de Nice du 27 juillet 2010.
2. Par un arrêté du 17 juin 2013 emportant mise en compatibilité des documents d’urbanisme, le préfet du Doubs a déclaré d’utilité publique au profit de la commune de Besançon le projet d’aménagement de l’ensemble du site des Prés de Vaux dans lequel se trouve la propriété de la société Physenti et a déclaré cessible l’ensemble des parcelles concernées.
3. MeD…, et MmeC…, ancienne actionnaire de la société Physenti qui se présente comme étant un mandataire ad hoc, interjettent appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Besançon a rejeté leur demande tendant à l’annulation de l’arrêté préfectoral du 17 juin 2013.
Sans qu’il soit besoin de statuer sur la qualité pour agir de Mme C…et sur la recevabilité de la requête :
I- Sur la déclaration d’utilité publique :
A – En ce qui concerne la composition du dossier soumis à enquête publique :
4. Aux termes de l’article R. 11-3 du code de l’expropriation : » L’expropriant adresse au préfet pour être soumis à l’enquête un dossier qui comprend obligatoirement : I.- Lorsque la déclaration d’utilité publique est demandée en vue de la réalisation de travaux ou d’ouvrages : / 1° Une notice explicative ; / 2° Le plan de situation ; / 3° Le plan général des travaux ; /4° Les caractéristiques principales des ouvrages les plus importants ; / 5° L’appréciation sommaire des dépenses ; / 6° L’étude d’impact définie à l’article R. 122-3 du code de l’environnement, lorsque les ouvrages ou travaux n’en sont pas dispensés ou, s’il y a lieu, la notice exigée en vertu de l’article R. 122-9 du même code (…) « .
S’agissant de la notice explicative :
5. Pour soutenir que la notice explicative est insuffisante, les requérantes se bornent à faire valoir qu’en l’espèce si « certaines caractéristiques générales sont certes mentionnées, toutefois il n’y a pas contrairement à ce que retenu le tribunal, une description détaillée du projet ».
6. Ainsi que l’a jugé à bon droit le tribunal administratif, « la notice explicative de 30 pages comporte une description détaillée du projet qui consiste en une réhabilitation écologique d’une friche industrielle de 20 hectares, située au sud-est en périphérie de la ville de Besançon au pied de la citadelle, en un nouveau quartier urbain comprenant des logements collectifs, un espace culturel, la création d’un parc urbain avec des équipements collectifs sportifs et des équipements de service et de repos ainsi que l’aménagement d’une desserte hors crue de l’ensemble des bâtiments ». En outre, la notice indiquait les différents projets proposés à la commune et une description précise des différents aménagements prévus sur le site dans chacune des quatre zones concernées. Ainsi, le moyen tiré de l’insuffisance de la notice explicative manque en fait.
S’agissant de l’appréciation des dépenses :
7. Me D…et Mme C…soutiennent que l’alinéa 5 de l’article R. 11-3 du code de l’expropriation exige que le dossier d’enquête comporte une appréciation sommaire des dépenses et qu’il est méconnu en l’espèce. A cet effet, elles font valoir que le coût de dépollution et de décontamination de la propriété de la société Physenti est mentionné dans le dossier pour un montant total de 5 millions d’euros alors que celui fixé par l’expert judiciaire nommé dans le cadre d’une procédure de préemption antérieure, était de 4 353 000 euros pour la dépollution et de 2 655 875 euros pour la démolition.
8. Il ressort des pièces du dossier que le montant des insuffisances qui, d’après les requérantes, affecteraient l’évaluation du coût des travaux de dépollution de la seule propriété de la société Physenti, à les supposer établies, n’est pas suffisant pour modifier sensiblement le coût des travaux du projet soumis à enquête et pour entraîner une méconnaissance de l’article R. 11-3 du code de l’expropriation qui exige seulement une « appréciation sommaire des dépenses ».
S’agissant du plan de situation et du plan général des travaux :
9. Me D…et Mme C…font valoir, sans autre précision, que le plan de situation et le plan général des travaux, qui devraient permettre aux intéressés de connaître la localisation des travaux envisagés, ne comportent pas une « échelle permettant au public d’avoir une idée exacte des travaux envisagés », ni « une démonstration d’ensemble des équipements projetés ainsi qu’une vision claire du périmètre des travaux ».
10. Par ces affirmations générales, elles n’établissent pas en quoi les plans ne permettaient pas au public d’être suffisamment informé. En tout état de cause et ainsi que l’a jugé le tribunal administratif, le dossier comporte des plans et cartes permettant de localiser le projet dans la ville et d’en connaître les différents éléments.
S’agissant des caractéristiques principales des ouvrages principaux :
11. Les requérantes font valoir que les caractéristiques principales des ouvrages principaux, notamment les informations techniques telles que les longueurs et largeurs des voies, les matériaux utilisés, doivent être portées à la connaissance du public, que ces éléments ne figurent pas au dossier, tout comme le sort des bâtiments existants et la surface des construction de loisirs, enfin qu’il existe une différence d’une trentaine de logements dans le quartier résidentiel entre l’étude de faisabilité et le dossier d’enquête.
12. Toutefois, les documents soumis à enquête publique n’ont pas pour objet de décrire le détail des ouvrages envisagés mais seulement de permettre au public de connaître la nature et la localisation des travaux prévus, ainsi que les caractéristiques générales des travaux les plus importants.
13. En l’espèce, le dossier d’enquête comportait les caractéristiques principales des ouvrages principaux. En outre et alors même que l’autorité administrative n’était pas tenue de les apporter, le dossier comportait des précisions sur la destination des ouvrages présentant un intérêt architectural ou un volume particulier. La circonstance que le nombre de logements prévus aurait été modifié avant l’enquête publique est sans influence sur la régularité de celle-ci qui comportait des informations suffisantes sur le projet.
S’agissant de l’étude d’impact :
14. Les requérantes font valoir que, malgré son volume important, l’étude d’impact ne comporte notamment pas de résumé technique mais seulement une annexe non technique.
15. Toutefois l’article R. 122-3 du code de l’environnement n’exige pas, contrairement à ce soutiennent les appelantes, la production d’un résumé technique, mais seulement celle d’un résumé non technique destiné à faciliter la compréhension du public, ce résumé figurant en pages 20 à 30 de l’étude d’impact. Par ailleurs, cette étude est conforme aux exigences des textes, notamment en ce qu’elle contient en annexe 8, une présentation des impacts du projet et des mesures compensatoires prévues.
16. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de l’insuffisance du dossier d’enquête ne peut qu’être écarté.
B- En ce qui concerne la motivation de l’avis du commissaire enquêteur :
17. Aux termes de l’article R. 11-10 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique : » (…) Le commissaire-enquêteur ou la commission d’enquête rédige des conclusions motivées, en précisant si elles sont favorables ou non à l’opération (…) « .
18. Les appelantes font valoir que l’avis du commissaire enquêteur est insuffisamment motivé et révèle une absence d’examen personnel, dès lors que le commissaire « s’est contenté de dire : je considère que cet aspect financier incombe aux élus responsables devant les citoyens ».
19. Cependant, contrairement à ce qui est soutenu, cet avis ne se borne pas à cette seule phrase. Après avoir présenté de façon très détaillée dans son rapport l’ensemble des circonstances de fait, le projet, le déroulement de l’enquête dont les observations des intéressés et après avoir procédé à une analyse complète et précise de l’ensemble des éléments du projet, le commissaire-enquêteur a émis, sur onze pages, un avis dans lequel il a précisément justifié ses appréciations. Ainsi, cet avis est suffisamment motivé.
C- En ce qui concerne les documents annexés à l’arrêté préfectoral contesté :
20. Aux termes de l’article L. 11-1-1 du code de l’expropriation alors en vigueur : » (…) 1. Si l’expropriation est poursuivie au profit d’une collectivité territoriale ou d’un de ses établissements publics, l’autorité compétente de l’Etat demande, au terme de l’enquête publique, à la collectivité ou à l’établissement intéressé de se prononcer, dans un délai qui ne peut excéder six mois, sur l’intérêt général du projet dans les conditions prévues à l’article L. 126-1 du code de l’environnement. (…) / 3. L’acte déclarant l’utilité publique est accompagné d’un document qui expose les motifs et considérations justifiant le caractère d’utilité publique de l’opération « .
21. Aux termes de l’article L. 126-1 du code de l’environnement dans sa rédaction alors en vigueur : » Lorsqu’un projet public de travaux, d’aménagements ou d’ouvrages a fait l’objet d’une enquête publique en application du chapitre III du présent titre, l’autorité de l’Etat ou l’organe délibérant de la collectivité territoriale ou de l’établissement public responsable du projet se prononce, par une déclaration de projet, sur l’intérêt général de l’opération projetée « .
22. Les appelantes font valoir que si le préfet a mentionné dans l’arrêté contesté, qu’il joignait le document prévu par l’article L. 11-1-1 du code de l’expropriation, il n’a en réalité pas joint la déclaration de projet prévue par l’article L. 126-1 du code de l’environnement constituée par une délibération de la commune, mais un courrier du maire du 18 mars 2013 qui ne pouvait valoir déclaration de projet.
23. Toutefois, si l’article L. 11-1-1 prévoit que l’arrêté préfectoral doit le cas échéant être précédé d’une délibération du conseil municipal valant déclaration de projet, délibération qui a été prise en l’espèce le 26 mars 2016 par le conseil municipal de Besançon, le 3 de cet article mentionne seulement que l’arrêté préfectoral doit être accompagné, non de la déclaration de projet elle-même, mais « d’un document qui expose les motifs et considérations justifiant le caractère d’utilité publique de l’opération », ce que constituait le courrier du maire du 18 mars 2013, annexé à l’arrêté contesté. Ainsi, le moyen ne peut qu’être écarté.
D – En ce qui concerne l’exception d’illégalité de la délibération du 8 décembre 2011 :
24. Aux termes de l’article L. 2121-12 du code général des collectivités locales dans sa rédaction alors en vigueur : » Dans les communes de 3 500 habitants et plus, une note explicative de synthèse sur les affaires soumises à délibération doit être adressée avec la convocation aux membres du conseil municipal « .
25. Les appelantes soutiennent que le moyen tiré de l’exception d’illégalité de la délibération de 8 décembre 2011, présenté devant le tribunal administratif, était fondé dès lorsqu’il n’est pas démontré qu’une note explicative de synthèse était jointe à la convocation des élus et qu’à la supposer jointe, elle n’était pas suffisamment précise.
26. Il ressort des pièces du dossier que la délibération du 8 décembre 2011 a eu notamment pour objet de faire établir le bilan de la concertation préalable, d’arrêter le projet urbain des Prés de Vaux et d’engager la procédure de déclaration d’utilité publique.
27. Alors que le tribunal administratif a écarté le moyen pour absence de précisions, les requérantes ne contestent pas utilement le jugement en ne présentant pas une argumentation plus étayée qu’en première instance. En tout état de cause, la commune avait produit devant les premiers juges les éléments permettant de démontrer que les conseillers municipaux avaient été régulièrement convoqués, ainsi qu’ils l’ont d’ailleurs attesté, qu’ils avaient reçu dans leur case, le 1er décembre 2011, s’ils avaient donné leur accord ou à leur domicile dans le cas contraire, le dossier relatif à la séance du conseil municipal du 8 décembre comportant l’ensemble des éléments prévus par les textes et notamment l’ordre du jour ainsi qu’un dossier sous forme papier et sur disque compact relatif à la modification du plan local d’urbanisme. En outre, le dossier complet était consultable en mairie et l’ensemble des rapports relatifs à la séance avait été transmis par voie informatique. Dans ces conditions, le moyen ne peut qu’être écarté.
E – En ce qui concerne l’exception d’illégalité de la délibération du 26 mars 2013 :
28. Comme pour la délibération du 8 décembre 2011, Me D…et Mme C…soutiennent sans autres précisions que le moyen tiré de l’exception d’illégalité de la délibération du 26 mars 2013, présenté devant le tribunal administratif, était fondé dès lors qu’il n’est pas démontré qu’une note explicative de synthèse était jointe à la convocation des élus et qu’à la supposer jointe, elle n’était pas suffisamment précise.
29. Il ressort des pièces du dossier que la délibération du 26 mars 2013 a eu notamment pour objet de déclarer d’utilité publique le projet urbain des Prés de Vaux et de donner l’avis du conseil municipal sur la mise en compatibilité du plan local d’urbanisme avec la déclaration d’utilité publique.
30. Alors que le tribunal administratif a écarté le moyen pour absence de précisions, les requérantes ne contestent pas utilement le jugement en ne présentant pas une argumentation plus étayée qu’en première instance. En tout état de cause, la commune avait produit devant les premiers juges les éléments permettant de démontrer que les conseillers municipaux avaient été régulièrement convoqués, ainsi qu’ils l’ont attesté, et avaient reçu dans leur case, le 18 mars 2013, s’ils avaient donné leur accord, ou à leur domicile dans le cas contraire, le dossier relatif à la séance du conseil municipal du 18 mars et notamment l’ordre du jour et le dossier détaillé relatif au projet des Prés de Vaux qui leur avait été en outre transmis par voie informatique le même jour. Dans ces conditions, le moyen ne peut qu’être écarté.
F- En ce qui concerne le moyen tiré de ce que la déclaration d’utilité publique comporte des différences par rapport à la délibération du 8 décembre 2011 :
31. Les requérantes soutiennent, sans autres précisions, que « la délibération du 8 décembre 2011 et l’arrêté préfectoral du 26 mars 2013 comportent des projets différents notamment au regard de la rédaction de la zone UG et de l’augmentation de la zone NL, contrairement à ce qui est affirmé » et qu’en conséquence l’arrêté attaqué est entaché d’illégalité.
32. Par ces seules affirmations non assorties de précisions, alors que le tribunal administratif a indiqué les raisons pour lesquelles le moyen manquait en fait, les appelantes ne mettent pas la cour en mesure de statuer sur ce moyen.
G – En ce qui concerne l’utilité publique :
33. Une opération ne peut être légalement déclarée d’utilité publique que si les atteintes à la propriété privée, le coût financier et, éventuellement, les inconvénients d’ordre social qu’elle comporte ne sont pas excessifs eu égard à l’intérêt qu’elle présente.
34. En premier lieu, les requérantes font valoir que le projet ne comporte pas un intérêt suffisant justifiant qu’il soit déclaré d’utilité publique. A cet effet, elles font valoir que la construction d’un quartier résidentiel de 150 logements est dépourvu d’intérêt général en raison du taux de logements vacants dans l’agglomération de Besançon et dans les agglomérations environnantes et en ce que l’offre de logements est suffisamment importante à Besançon, surtout compte tenu des projets de création ou réhabilitation de quartiers urbains en cours. Elles soutiennent également que l’intérêt tiré du réaménagement de la propriété de la société Physenti, en état de friche industrielle, ne peut être retenu, dès lors que la ville aurait, en exerçant son droit de préemption urbain qui a conduit à une évaluation des biens à 1 euro, contraire à l’intérêt des créanciers, découragé les liquidateurs de vendre la propriété dans le cadre de la procédure collective. Elles font également valoir que le projet ne se justifie pas par la volonté de créer une « fabrique artisanale » qui existait déjà, ni par la nécessité de rehausser les voies publiques pour les protéger des inondations alors que des mesures de protection avaient déjà été mises en oeuvre.
35. Cependant, il ressort des pièces du dossier qu’il est prévu une augmentation constante de la population de l’agglomération de Besançon au cours des années 2010 à 2035 et donc des besoins en logements évalués à plus de 1 000 par an.
36. En outre, le projet n’a pas seulement pour objet la création de logements mais constitue une opération d’ensemble destinée à utiliser, réhabiliter et mettre en valeur une friche industrielle polluée et inondable située à proximité du centre-ville, comportant notamment les bâtiments et terrains de la société Physenti qui nécessitent des démolitions et mesures de dépollution pour des raisons de sécurité. Le projet d’ensemble comporte également, le rehaussement d’une voie de desserte, aménagement nécessaire pour placer la voie au-dessus des inondations hors crue centennale, la création de logements, d’espaces scientifiques et culturels, d’un parc urbain doté d’équipements sportifs. Cette opération, compte tenu de sa situation et de l’intérêt qu’elle présente pour la ville de Besançon, présente ainsi une utilité publique.
37. En second lieu, les requérantes font valoir que les inconvénients du projet pourraient être supérieurs à ceux mentionnés par la ville et excéder les avantages dès lors, d’une part, que les frais importants de dépollution et réhabilitation du site pourraient, par décision du juge judiciaire, être mis à la charge de la commune et non de la société Physenti. Elles font aussi valoir que l’atteinte portée à la propriété de la société est excessive, dès lors que la valeur de ses biens pourrait être supérieure à l’euro symbolique retenu par le juge de l’expropriation dont la décision est contestée devant la cour d’appel de Besançon, ce qui augmenterait le montant de l’indemnité d’expropriation due.
38. Ces seules considérations, en tout état de cause non établies, tant en ce qui concerne la personne qui devrait prendre à sa charge les coûts de dépollution, qu’en ce qui concerne la valeur des biens, alléguée uniquement pour la propriété acquise par la société Physenti, ne suffisent pas à démontrer que l’arrêté contesté, qui porte sur un vaste ensemble, est entaché d’erreur manifeste d’appréciation sur les inconvénients du projet par rapport à ses avantages.
H – En ce qui concerne le détournement de pouvoir :
39. Les requérantes font valoir que la déclaration d’utilité publique serait entachée de détournement de pouvoir en ce que la ville avait auparavant exercé sans succès son droit de préemption urbain sur une vente et a ensuite procédé à une expropriation pour atteindre le même but.
40. Cependant, il ressort des pièces du dossier que si la commune a tenté d’acquérir les biens de la société Physenti en raison du danger qu’ils présentaient compte tenu de leur état de ruine et de leur absence de dépollution, l’opération projetée a pour objectif, dans l’intérêt général de la commune, d’aménager tout le site des Prés de Vaux et non la seule propriété de la société. Ainsi, le détournement de pouvoir allégué n’est pas établi.
II – Sur l’arrêté de cessibilité :
41. Les appelantes font valoir que « comme indiqué dans le cadre de la première instance, la totalité des parcelles appartenant à la SARL Physenti n’étaient pas nécessaires à la réalisation du projet dit d’utilité publique » et que d’autres bâtiments étaient disponibles pour l’implantation du projet de « fabrique artistique ».
42. Toutefois, un tel moyen, relatif à la légalité d’une déclaration d’utilité publique, est inopérant à l’encontre de l’arrêté de cessibilité.
III – Sur la mise en compatibilité du plan local d’urbanisme de la commune :
En ce qui concerne les orientations du SCOT et du SDAGE :
43. Me D…et Mme C…soutiennent que les articles L. 123-1-9 du code de l’urbanisme et les articles L. 212-1 et L. 212-3 du code de l’environnement, qui prévoient que le plan local d’urbanisme doit être compatible avec les orientations fondamentales de gestion de la ressource en eau prévus par les schémas d’aménagement et de gestion des eaux, sont méconnus dès lors que la situation des « corridors écologiques » n’a pas été analysée dans un cadre extra-communal au regard des orientations du schéma de cohérence territoriale (SCOT) et du schéma directeur d’aménagement et de gestion des eaux (SDAGE), notamment en ce qui concerne les zones humides afin de diminuer les pics de crues.
44. Ce moyen n’est pas assorti de précisions suffisantes quant au contenu des orientations qui auraient été méconnues pour permettre au juge d’en apprécier le bien-fondé. Il ne saurait, par suite, être accueilli.
En ce qui concerne l’article N2 du règlement du plan local d’urbanisme :
45. Les appelantes soutiennent que le règlement de la zone NL, dans laquelle sont classées les parcelles de la société Physenti, notamment son article N2, méconnaît les dispositions de l’article R. 123-9 du code de l’urbanisme dans sa rédaction alors en vigueur en ce qu’il autorise l’implantation d’équipements publics.
46. Toutefois, l’article R. 123-9 du code de l’urbanisme autorise les règlements à comprendre des règles relatives à des occupations et utilisations du sol, notamment en ce qui concerne les constructions nécessaires aux services publics et les équipements collectifs ou d’intérêt général, soumises à des conditions particulières. Ainsi, le moyen manque en fait.
47. Il résulte de ce qui précède que Me D…et Mme C…ne sont pas fondées à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a rejeté leur demande.
Sur les conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :
48. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l’Etat, qui n’est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demandent les requérantes au titre des frais exposés par elles et non compris dans les dépens.
49. La commune de Besançon a été appelée à produire des observations en qualité de bénéficiaire de la déclaration d’utilité publique et aurait eu qualité pour former tierce opposition si elle n’avait pas été mise en cause. Elle doit, par suite, être regardée comme une partie pour l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative. ll y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de Me D…et de Mme C…une somme totale de 1 500 euros à verser à la commune de Besançon.
Par ces motifs,
DECIDE :
Article 1er : La requête de MeD…, liquidateur de la société Physenti, et de Mme C…est rejetée.
Article 2 : Me D…et Mme C…verseront une somme totale de 1 500 (mille cinq cents) euros à la commune de Besançon au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la commune de Besançon relatives à l’article L. 761-1 du code de justice administrative est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à MeD…, mandataire judiciaire, liquidateur de la socitété Physenti, à Mme F…C…, au ministre de l’intérieur et à la commune de Besançon.
Copie en sera adressée au préfet du Doubs.
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N° 15NC00387