CAA de NANCY, 1ère chambre, 08/07/2021, 19NC01638, Inédit au recueil Lebon

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CAA de NANCY, 1ère chambre, 08/07/2021, 19NC01638, Inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE

AU
NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L’association Niederhausbergen patrimoine et autres ont demandé au tribunal administratif de Strasbourg d’annuler l’arrêté du préfet du Bas-Rhin du 2 février 2017 déclarant d’utilité publique le projet de lotissement  » Terres du Sud  » et mettant en compatibilité le plan local d’urbanisme de la commune de Niederhausbergen ainsi que de mettre à la charge de l’État le versement à chacun des requérants d’une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

L’association Nieder Authentique et autres ont également demandé au tribunal administratif de Strasbourg d’annuler l’arrêté du préfet du Bas-Rhin du 2 février 2017 mentionné ci-dessus.

Par un jugement n° 1701626-1701662 du 27 mars 2019, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leurs demandes ainsi que les conclusions présentées par la société Nexity Foncier Conseil sur le fondement des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 27 mai 2019, sous le n° 19NC01638, et deux mémoires enregistrés les 7 et 20 juin 2021, l’association Niederhausbergen patrimoine, l’association Nider Authentique, M. E… M…, Mme AD… O… épouse K…, M. L… AC…, Mme J… P…, Mme I… Y…, Mme W… C… épouse Q…, M. F… G…, Mme T… X… épouse S…, M. N… D…, M. H… Z…, M. R… O…, Mme AA… O…, Mme AB… A… épouse V…, représentée par la SELARL Camille Mialot Avocat, demandent à la cour, dans le dernier état de leurs écritures :

1°) d’annuler le jugement tribunal administratif de Strasbourg du 27 mars 2019 ;

2°) d’annuler l’arrêté du préfet du Bas-Rhin du 2 février 2017 déclarant d’utilité publique le projet de lotissement  » Terres du Sud  » et mettant en compatibilité le plan local d’urbanisme de la commune de Niederhausbergen ;

3°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 4 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

– le jugement a écarté à tort le moyen tiré du caractère incomplet du dossier d’enquête publique et est entaché d’erreur de droit, d’erreur de fait et de dénaturation des pièces du dossier ;

– le dossier d’enquête publique fait état d’informations erronées et contradictoires sur la démographie communale ;

– l’appréciation sommaire des dépenses est sous-estimée de 37,5 % ; le jugement attaqué est entaché d’erreur de droit en ce qu’il n’a pas enjoint aux défendeurs de produire les éléments de nature à justifier le coût de 4 500 € H.T. de l’are, retenu dans l’appréciation sommaire des dépenses ; cette appréciation sommaire minore de manière conséquente le coût total de l’opération ;

– le jugement attaqué est entaché d’erreur de droit en ce qu’il considère qu’aucune disposition, notamment pas celles de l’article L. 123-13 du code de l’environnement, n’imposait au commissaire enquêteur de solliciter, avant l’expiration du délai d’enquête, de compléments de la part du maître d’ouvrage ;

– le mémoire en réponse de la commune et de l’aménageur aurait dû être versé au dossier d’enquête publique ;

– le projet est incompatible avec le projet d’aménagement et de développement durables ainsi qu’avec les orientations d’aménagement et de programmation du PLUi de l’Eurométropole de Strasbourg ; le projet méconnaît les orientations d’aménagement et de programmation du PLUi ; le jugement est entaché d’erreur de fait en ce qu’il retient que la hauteur maximale autorisée dans le périmètre du projet  » Terres du Sud  » serait de 7 mètres ; il comporte une erreur de fait et de qualification juridique des faits en ce qu’il considère que le projet litigieux se situe dans le prolongement d’un secteur bâti de pavillons récents sans particularité architecturale ;

– le projet est dépourvu d’utilité publique ; il ne présente pas de caractère d’intérêt général et ne sert que l’intérêt financier de l’aménageur ; l’opération aurait pu être réalisée sur d’autres parcelles, sans recours à l’expropriation ; les inconvénients du projet sont excessifs ;

– l’arrêté attaqué méconnaît l’article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

Par deux mémoires en défense enregistrés les 24 décembre 2019 et 18 juin 2021, la société Nexity Foncier Conseil, représentée par la SELARL Soler-Couteaux et associés, conclut :

1°) au rejet de la requête ;

2°) à ce qu’il soit mis à la charge de l’association Niederhausbergen et autres la somme de 6 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

– les associations requérantes ne justifient pas d’un intérêt à agir ;

– les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense enregistré le 28 mai 2020, la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales conclut au rejet de la requête.

Par un mémoire distinct, enregistré le 19 mai 2021, et un mémoire complémentaire enregistré le 20 juin 2021, l’association Niederhausbergen patrimoine et autres demandent à la cour, en application de l’article 23-1 de l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 et à l’appui de leur requête, de transmettre au Conseil d’Etat la question prioritaire de constitutionnalité relative à la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des articles L. 1 et L. 110-1 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique et des articles L. 300-4 et L. 300-5 du code de l’urbanisme.

Ils soutiennent que :

– les dispositions en cause sont applicables au présent litige et n’ont jamais été déclarés conformes à la Constitution dans les motifs ou le dispositif d’une décision du Conseil constitutionnel ;

– ces dispositions, qui permettent d’exproprier des terrains, par et au bénéfice d’une personne privée aux seules fins de leur revente après viabilisation sur le marché libre en vue d’opérations de promotion immobilière, dans des conditions ne différant pas substantiellement de celles que le propriétaire aurait pu directement ou indirectement mettre en oeuvre, méconnaissent le droit de propriété, la liberté contractuelle et à la liberté d’entreprendre et les principes d’égalité devant la loi et d’égalité devant les charges publiques, ensemble le droit de propriété.

Par son mémoire en défense, enregistré le 18 juin 2021, la société Nexity Foncier Conseil représentée par la SELARL Soler-Couteaux et associés a conclu au rejet de la demande de transmission au Conseil d’Etat de la question prioritaire de constitutionnalité.

Par un mémoire en défense, enregistré le 18 juin 2021, la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales a conclu au rejet de la demande de transmission au Conseil d’Etat de la question prioritaire de constitutionnalité.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

– la Constitution du 4 octobre 1958 ;

– la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et son premier protocole additionnel ;

– l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;

– le code de l’environnement ;

– le code de l’expropriation pour cause d’utilité publique ;

– le code de l’urbanisme ;

– le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

– le rapport de M. Goujon-Fischer, premier conseiller,

– les conclusions de Mme Peton, rapporteure publique,

– les observations de Me U…, pour l’association Niederhausbergen Patrimoine et autres,

ainsi que celles de Me B…, pour la société Nexity Foncier Conseil.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 2 février 2017, emportant mise en compatibilité du plan local d’urbanisme de la commune de Niederhausergen, le préfet du Bas-Rhin a déclaré d’utilité publique les travaux et acquisitions nécessaires à la réalisation, sur le territoire de la commune de Niederhausbergen, en zone IIAU du plan local d’urbanisme, du projet de lotissement dénommé  » les Terres du Sud « , laquelle avait été confiée à la société Nexity Foncier Conseil par un traité de concession d’aménagement conclu le 26 février 2015, déléguant à cette société, sous réserve de cette reconnaissance d’utilité publique, le droit d’exproprier sur le périmètre de l’opération. L’association Niederhausbergen Patrimoine et autres et l’association Nieder Authentique et autres ont demandé au tribunal administratif de Strasbourg l’annulation de cet arrêté. Ils relèvent appel du jugement n° 1701626-1701662 du 27 mars 2019 par lequel le tribunal a rejeté leurs demandes.

Sur la question prioritaire de constitutionnalité :

2. Aux termes de l’article 61-1 de la Constitution :  » Lorsque, à l’occasion d’une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu’une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d’État ou de la Cour de cassation qui se prononce dans un délai déterminé « . L’article 23-2 de l’ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel dispose que :  » La juridiction statue sans délai par une décision motivée sur la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil d’État ou à la Cour de cassation. Il est procédé à cette transmission si les conditions suivantes sont remplies : 1° La disposition contestée est applicable au litige ou à la procédure ou constitue le fondement des poursuites ; 2° Elle n’a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d’une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances ; 3° La question n’est pas dépourvue de caractère sérieux « .

3. Aux termes de l’article L. 1 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique :  » L’expropriation, en tout ou partie, d’immeubles ou de droits réels immobiliers ne peut être prononcée qu’à la condition qu’elle réponde à une utilité publique préalablement et formellement constatée à la suite d’une enquête et qu’il ait été procédé, contradictoirement, à la détermination des parcelles à exproprier ainsi qu’à la recherche des propriétaires, des titulaires de droits réels et des autres personnes intéressées. / Elle donne lieu à une juste et préalable indemnité « . Aux termes de l’article L. 110-1 du même code :  » L’enquête publique préalable à la déclaration d’utilité publique est régie par le présent titre. / Toutefois, lorsque la déclaration d’utilité publique porte sur une opération susceptible d’affecter l’environnement relevant de l’article L. 123-2 du code de l’environnement, l’enquête qui lui est préalable est régie par les dispositions du chapitre III du titre II du livre Ier de ce code « .

4. Aux termes de l’article L. 300-4 du code de l’urbanisme :  » L’Etat, les collectivités locales ou leurs établissements publics peuvent confier l’étude et la réalisation des opérations d’aménagement prévues par le présent livre à toute personne publique ou privée y ayant vocation. / Lorsque la convention est passée avec un établissement public, une société d’économie mixte locale définie par la loi n° 83-597 du 7 juillet 1983, ou une société d’économie mixte dont plus de la moitié du capital est détenue par une ou plusieurs des personnes publiques suivantes : Etat, régions, départements, communes ou leurs groupements, elle peut prendre la forme d’une convention publique d’aménagement. Dans ce cas, l’organisme cocontractant peut se voir confier les acquisitions par voie d’expropriation ou de préemption, la réalisation de toute opération et action d’aménagement et équipement concourant à l’opération globale faisant l’objet de la convention publique d’aménagement (…) « . Aux termes de l’article L. 300-5 du même code :  » Dans le cas où une collectivité territoriale ou un groupement de collectivités qui a décidé de mener une opération publique d’aménagement au sens du présent livre en confie la réalisation à un aménageur dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article L. 300-4 et décide de participer au coût de l’opération, la convention précise à peine de nullité : / 1° Les modalités de cette participation financière, qui peut prendre la forme d’apports en nature ; / 2° Le montant total de cette participation et, s’il y a lieu, sa répartition en tranches annuelles ; / 3° Les modalités du contrôle technique, financier et comptable exercé par la collectivité ou le groupement contractant (…) La participation visée aux trois premiers alinéas est approuvée par l’assemblée délibérante de la collectivité territoriale ou du groupement contractant. Toute révision de cette participation doit faire l’objet d’un avenant à la convention approuvé par l’assemblée délibérante de la collectivité territoriale ou du groupement contractant au vu d’un rapport spécial établi par l’aménageur « .

5. D’une part, les dispositions citées ci-dessus des articles L. 300-4 et L. 300-5 du code de l’urbanisme autorisent l’Etat, les collectivités locales ou leurs établissements publics à confier l’étude et la réalisation des opérations d’aménagement prévues par le livre III de ce code à toute personne publique ou privée y ayant vocation et fixent le régime des conventions ayant cet objet. Or le litige soulevé par l’association Niederhausbergen patrimoine et autres requérants, qui porte uniquement sur la légalité de l’arrêté du préfet du Bas-Rhin du 2 février 2017 déclarant d’utilité publique le projet de lotissement  » Terres du Sud  » et mettant en compatibilité le plan local d’urbanisme de la commune de Niederhausbergen, n’est pas relatif aux conditions dans lesquelles cette opération d’aménagement a été confiée à une entreprise privée. Dès lors, les dispositions des articles L. 300-4 et L. 300-5 du code de l’urbanisme ne sauraient être regardées comme applicables au présent litige, au sens et pour l’application de l’article 23-5 de l’ordonnance du 7 novembre 1958.

6. D’autre part, les requérants soutiennent que les dispositions des articles L. 1 et L. 110-1 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique, en ce qu’elles permettent d’exproprier des terrains, par et au bénéfice d’une personne privée aux seules fins de leur revente après viabilisation sur le marché libre en vue d’opérations de promotion immobilière, dans des conditions ne différant pas substantiellement de celles que le propriétaire aurait pu directement ou indirectement mettre en oeuvre, au demeurant sans garanties procédurales de nature à mettre en évidence une carence de l’initiative privée dans l’hypothèse d’une expropriation pour revendre, méconnaissent de ce fait le droit de propriété, la liberté contractuelle, la liberté d’entreprendre et les principes d’égalité devant la loi et d’égalité devant les charges publiques combinés au droit de propriété.

7. Toutefois, les dispositions de l’article L. 110-1 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique se bornent à soumettre l’enquête publique préalable à la déclaration d’utilité publique, selon le cas, aux dispositions du titre 1er du livre 1er ou à celles du chapitre III du titre II du livre 1er du code de l’environnement et n’ont donc ni pour objet, ni pour effet d’autoriser l’expropriation de terrains. En outre, si les dispositions de l’article L. 1 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique permettent l’expropriation, en tout ou partie, d’immeubles ou de droits réels immobiliers au profit de personnes privées en vue de la réalisation d’opérations immobilières, au nombre desquelles peut figurer une entreprise privée attributaire d’une concession d’aménagement, elles subordonnent expressément le recours à l’expropriation dans une telle hypothèse à la condition que l’opération en cause réponde à une utilité publique préalablement et formellement constatée à la suite d’une enquête, et caractérisée par la triple circonstance que cette opération réponde à une finalité d’intérêt général, que l’expropriant ne soit pas en mesure de réaliser l’opération dans des conditions équivalentes sans recourir à l’expropriation et que les atteintes à la propriété privée, le coût financier et, le cas échéant, les inconvénients d’ordre social ou économique que comporte l’opération ne soient pas excessifs eu égard à l’intérêt qu’elle présente. Ainsi, ces dispositions ne portent ni au droit de propriété des personnes privées protégé par l’article 2 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, ni à la liberté contractuelle ou à la liberté d’entreprendre, qui découlent l’une et l’autre de son article 4, une atteinte contraire à la Constitution, alors qu’il est loisible au législateur d’apporter aux conditions d’exercice de ce droit et de ces libertés des limitations liées à des exigences constitutionnelles ou justifiées par l’intérêt général, à la condition qu’il n’en résulte pas d’atteintes disproportionnées au regard de l’objectif poursuivi.

8. Ces dispositions de l’article L. 110-1 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique ne sont pas non plus contraires au principe d’égalité devant la loi, non plus qu’au principe d’égalité devant les charges publiques, qui ne s’opposent ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu’il déroge à l’égalité pour des raisons d’intérêt général, pourvu que, dans l’un et l’autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l’objet de la loi qui l’établit. Il y a lieu d’écarter l’allégation d’une telle violation des principes d’égalité devant la loi ou d’égalité devant les charges publiques, y compris au regard des éventuels effets combinés des dispositions de l’article L. 1 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique et de celles de l’article L. 322-2 du même code, dont le dernier alinéa exclut la prise en compte par le juge de l’expropriation des changements de valeur subis par le bien depuis la date de référence, lorsqu’ils résultent notamment de l’annonce des travaux ou des opérations dont la déclaration d’utilité publique est demandée par l’expropriant, dès lors, d’une part, que cette dernière disposition tend à éviter que la réalisation d’un projet d’utilité publique soit compromise par une telle hausse de la valeur vénale du bien exproprié, au détriment du bon usage des deniers publics et poursuit ainsi un objectif d’intérêt général et, d’autre part, que, pour assurer la réparation intégrale du préjudice direct, matériel et certain causé par l’expropriation, le juge peut tenir compte des changements de valeur subis par le bien exproprié depuis la date de référence à la suite de circonstances telles que l’évolution du marché de l’immobilier pour estimer la valeur du bien exproprié à la date de sa décision.

9. Il résulte de ce qui précède que la question prioritaire de constitutionnalité soulevée à l’égard des dispositions des articles L. 1 et L. 110-1 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique est dépourvue de caractère sérieux.

10. Par suite, il n’y a pas lieu, de transmettre au Conseil d’Etat la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par les requérants.

Sur la légalité de l’arrêté du 2 février 2017 :

En ce qui concerne la légalité externe :

11. En premier lieu, aux termes de l’article R. 123-8 du code de l’environnement :  » Le dossier soumis à l’enquête publique comprend les pièces et avis exigés par les législations et réglementations applicables au projet, plan ou programme. Le dossier comprend au moins : (…) 2° (…) une note de présentation précisant les coordonnées du maître d’ouvrage ou de la personne publique responsable du projet, plan ou programme, l’objet de l’enquête, les caractéristiques les plus importantes du projet, plan ou programme et présentant un résumé des principales raisons pour lesquelles, notamment du point de vue de l’environnement, le projet, plan ou programme soumis à enquête a été retenu ; (…) « .

12. Il ressort de la lecture de la note de présentation du dossier soumis à enquête publique que  » le recensement de début 2015  » a établi le nombre d’habitants de la commune de Niederhausbergen à cette date à 1 412 et que l’augmentation de population observée depuis 2010 est liée à la livraison de l’opération d’aménagement Saint-Thomas II, à partir de 2012. Si les requérants font valoir que le recensement a eu lieu en 2013 et non en 2015, qu’eu égard au mode de calcul des populations légales par l’INSEE, la commune de Niederhausbergen comptait 1 417 habitants et non 1 412 en 2015 et que l’augmentation du nombre d’habitants ne pouvait pas être imputée à la livraison de l’opération d’aménagement Saint-Thomas II, postérieure au décompte de la population résultant du recensement de 2013, il ressort des pièces du dossier, d’une part, qu’une partie au moins des livraisons de cette opération d’aménagement avaient eu lieu en 2012, d’autre part, que la note de présentation avait pour objectif principal de souligner l’accroissement insuffisant du nombre d’habitants au regard de l’objectif fixé à l’horizon 2020 par le plan local d’urbanisme de la commune en accord avec le projet d’aménagement et de développement durables de l’Eurométrople de Strasbourg. Dans ces conditions, eu égard notamment à la faible augmentation de la population constatée depuis 2010 et à l’objectif des développements consacrés par la note de présentation aux perspectives d’évolution démographiques de la commune de Niederhausbergen, le caractère approximatif des informations et constats contenus dans cette note n’a, en l’espèce, ni eu pour effet de nuire à l’information du public, ni été de nature à exercer une influence sur la décision prise par le préfet quant à l’utilité publique du projet. Il n’a dès lors pas été de nature à vicier la procédure et à entacher d’illégalité cette décision.

13. En deuxième lieu, aux termes de l’article R. 112-4 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique :  » Lorsque la déclaration d’utilité publique est demandée en vue de la réalisation de travaux ou d’ouvrages, l’expropriant adresse au préfet du département où l’opération doit être réalisée, pour qu’il soit soumis à l’enquête, un dossier comprenant au moins : (…) 5° L’appréciation sommaire des dépenses « .

14. Au regard de l’objet de ces dispositions, qui visent à faire connaître, dans le cadre de l’enquête publique relative à l’utilité publique du projet, le coût des travaux ou ouvrages à réaliser, les dépenses correspondant aux frais de gestion, aux frais généraux de l’opérateur, aux frais financiers et aux éventuelles provisions pour aléas et imprévus n’étaient pas de celles qu’il était obligatoire de faire figurer dans l’estimation sommaire des dépenses relatives à l’acquisition des immeubles et aux travaux à exécuter. Au demeurant, le détail de ces dépenses figurait dans un tableau inséré dans la délibération du 15 janvier 2015 par laquelle le conseil municipal de la commune de Niederhausbergen avait attribué le traité de concession à la société Nexity Foncier Conseil, laquelle constituait l’annexe 3 du dossier soumis à enquête publique. Ainsi, en tout état de cause, le public n’a pas été privé sur ce point d’une information complète.

15. En outre, dans l’estimation sommaire des dépenses, le dossier soumis à enquête publique retient un coût d’acquisition des biens immobiliers par la commune de Niederhausbergen de 4 500 euros HT de l’are. Pour établir la sous-évaluation du coût d’acquisition ainsi déterminé, les requérants font état de l’acquisition par la commune auprès des Hôpitaux universitaires de Strasbourg, en 2013, de deux terrains cadastrés section 4, n° 166 et 167 au prix de 7 500 euros HT l’are, et font valoir que ces parcelles, situés à moins de 500 mètres de l’emplacement prévu pour le projet des  » Terres du sud « , classées en zone IAU du plan local d’urbanisme, et composées de terres cultivables contiguës à une zone urbanisée, présentaient ainsi des caractéristiques comparables à celles des parcelles à acquérir dans le cadre du projet  » Terres du sud « , le prix de 7 500 euros HT l’are étant au surplus cohérent avec l’estimation initiale effectuée par la société Nexity Foncier Conseil. Toutefois, dans son avis du 15 février 2016, le service France Domaines a estimé que, compte tenu des caractéristiques physiques et urbanistiques des emprises à évaluer ainsi que des éléments d’information sur le marché local des biens, leur valeur de l’are en zone IIAU du plan local d’urbanisme était estimée à 2 300 euros. La valeur de 4 500 euros retenue dans le dossier soumis à enquête publique a tenu compte de ce que la déclaration d’utilité publique emportait modification du plan local d’urbanisme et notamment classement des terrains d’assiette du projet en zone IAU d’urbanisation à court ou moyen terme ainsi que du prix moyen d’acquisition relevé sur des opérations de nature identique au sein de l’Eurométropole de Strasbourg, dont le dossier soumis à enquête publique fournit le détail. Dans ces conditions, et alors que ces derniers termes de comparaison ne font eux-mêmes l’objet d’aucune critique, la référence au prix de cession des parcelles acquises en 2013, à la suite d’une démarche du maire, auprès des hôpitaux universitaires de Strasbourg et correspondant au prix HT à l’are défini dans les compromis qu’avait signés la société European Homes avec l’ensemble des propriétaires de la zone IAU, concernant, au surplus, des parcelles dont il apparaît qu’elles sont situées en pied de coteaux et disposent d’une vue dégagée sur l’agglomération strasbourgeoise, n’est pas de nature à démontrer une sous-évaluation manifeste de la valeur des biens à acquérir, de nature à induire en erreur les personnes consultées lors de l’enquête publique.

16. En troisième lieu, aux termes de l’article L. 123-13 du code de l’environnement, dans la rédaction applicable aux faits de l’espèce :  » I. _ Le commissaire enquêteur ou la commission d’enquête conduit l’enquête de manière à permettre au public de disposer d’une information complète sur le projet, plan ou programme, et de participer effectivement au processus de décision en lui permettant de présenter ses observations et propositions. Dans les conditions fixées par décret en Conseil d’Etat, la participation du public peut s’effectuer par voie électronique. / II. _ Pendant l’enquête, le commissaire enquêteur ou le président de la commission d’enquête reçoit le maître d’ouvrage de l’opération soumise à l’enquête publique à la demande de ce dernier. Il peut en outre : / – recevoir toute information et, s’il estime que des documents sont utiles à la bonne information du public, demander au maître d’ouvrage de communiquer ces documents au public (…) « .

17. Si, dans son rapport, la commissaire enquêtrice a relevé que le dossier de la déclaration d’utilité publique, bien que conforme à l’article R. 123-8 du code de l’environnement, avait été constitué à la hâte, était mal organisé et dépourvu d’un sommaire qui aurait permis non seulement de mieux comprendre le projet et ses enjeux mais aussi de mettre en évidence la nécessité de fournir plus de justifications de l’utilité publique du projet, il ne ressort pas des pièces du dossier que le public n’aurait pas été en mesure, au cours de l’enquête publique, dont la durée initialement fixée a d’ailleurs été prolongée de 9 jours à la demande de nombreuses personnes, de prendre connaissance du projet, d’en mesurer les impacts, d’émettre leurs observations ou de participer effectivement au processus de décision. Ainsi, la composition du dossier soumis à enquête publique n’imposait pas à la commissaire enquêtrice de faire usage de la faculté que lui ouvraient les dispositions de l’article L. 123-13 du code de l’environnement, de solliciter la communication d’autres documents en vue de les porter à la connaissance du public. Notamment, les constats approximatifs du rapport de présentation concernant l’évolution démographique de la commune n’imposaient pas, au regard de la nature de ces approximations et s’agissant de données publiques librement consultables, la production de documents complémentaires.

18. De même, il est vrai que, selon la commissaire enquêtrice, un grand nombre des explications et justifications portées à sa connaissance dans le mémoire en réponse aux observations du public établi par la commune de Niederhausbergen et la société Nexity Foncier Conseil auraient permis, s’ils avaient été inclus dès l’origine dans le dossier soumis à enquête publique, d’améliorer la lisibilité du dossier et la meilleure compréhension de certains enjeux, notamment supra-communaux, par la population, ainsi que d’apaiser les tensions ressenties lors de l’enquête publique. Néanmoins, cette circonstance ne suffit pas à établir que l’absence de mise à disposition de ces éléments au cours de l’enquête publique aurait conduit à une insuffisance de l’information donnée au public sur les caractéristiques du projet en cause, alors au demeurant que les requérants ne précisent pas sur quels points particuliers les éléments contenus dans ce mémoire en réponse auraient mérité d’être eux-mêmes soumis à enquête publique.

En ce qui concerne la légalité interne :

S’agissant de l’incompatibilité du projet avec le plan local d’urbanisme de l’Eurométropole de Strasbourg :

19. Aux termes de l’article L. 153-54 du code de l’urbanisme :  » Une opération faisant l’objet d’une déclaration d’utilité publique, d’une procédure intégrée en application de l’article L. 300-6-1 ou, si une déclaration d’utilité publique n’est pas requise, d’une déclaration de projet, et qui n’est pas compatible avec les dispositions d’un plan local d’urbanisme ne peut intervenir que si : / 1° L’enquête publique concernant cette opération a porté à la fois sur l’utilité publique ou l’intérêt général de l’opération et sur la mise en compatibilité du plan qui en est la conséquence ; / 2° Les dispositions proposées pour assurer la mise en compatibilité du plan ont fait l’objet d’un examen conjoint de l’Etat, de l’établissement public de coopération intercommunale compétent ou de la commune et des personnes publiques associées mentionnées aux articles L. 132-7 et L. 132-9. / Le maire de la ou des communes intéressées par l’opération est invité à participer à cet examen conjoint « .

20. L’opération qui fait l’objet d’une déclaration d’utilité publique ne peut être regardée comme compatible avec un POS ou un PLU, pour l’application de l’article L. 153-54 du code de l’urbanisme, qu’à la double condition qu’elle ne soit pas de nature à compromettre le parti d’aménagement retenu par la commune au travers de ce plan et qu’elle ne méconnaisse pas les dispositions du règlement de la zone du plan dans laquelle sa réalisation est prévue.

21. En premier lieu, aux termes du point 1.3 des orientations générales du projet d’aménagement et de développement durables du PLUi de l’Eurométropole, de Strasbourg :  » La mixité des fonctions urbaines est développée à l’échelle du quartier ou de la commune. Elle se décline notamment entre habitat, activités et équipements, plus particulièrement dans les centralités urbaines et aux abords des axes structurants existants, ainsi qu’au sein des futurs quartiers avec : / – l’implantation de commerces, d’équipements et de services de proximité ; / – l’implantation d’activités ne générant pas de nuisances incompatibles avec la proximité / résidentielle ; / – l’aménagement des espaces publics visant à renforcer le rôle de centralité et la lisibilité de / ces lieux de vie. / Cette mixité des fonctions est une des conditions permettant la vie dans la proximité et offrant la possibilité de répondre à l’évolution des modes de vie. Les orientations générales de la politique de l’habitat (Partie 3.2) et des politiques de transports et de déplacements (Partie 3.3) précisent les orientations


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