CAA de MARSEILLE, 9ème chambre – formation à 3, 16/06/2015, 13MA01358, Inédit au recueil Lebon

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CAA de MARSEILLE, 9ème chambre – formation à 3, 16/06/2015, 13MA01358, Inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE

AU
NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la requête, enregistrée le 3 avril 2013, présentée pour la société Landbridge Capital, représentée par son président M. A…C…, dont le siège est 76, rue de la Pompe à Paris (75116), par la SCP Coulombié-Gras-Crétin-Becquevort-Rosier-Soland-Gilliocq, avocats ;

La société Landbridge Capital demande à la Cour :

1°) d’annuler le jugement n° 1104998 du 1er février 2013 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la commune de Villardonnel à lui verser une somme de 491 983 euros, assortie des intérêts au taux légal, en réparation de préjudices imputés à des fautes contractuelles et à des comportements fautifs de représentants de la commune ;

2°) de condamner la commune de Villardonnel à lui verser cette somme, assortie des intérêts au taux légal à compter du 15 novembre 2011 ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Villardonnel une somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative et de la condamner aux entiers dépens ;

4°) à titre subsidiaire, de désigner un expert pour fournir les éléments nécessaires à la détermination de son préjudice ;

Elle soutient que :

– la responsabilité de la commune est engagée du fait du refus du maire d’autoriser le branchement au réseau public existant ;

– la responsabilité contractuelle de la commune est engagée en ce qu’elle a méconnu son obligation d’assurer l’adduction d’eau jusqu’au périmètre de la ZAC ;

– la commune a commis une série d’actes et manoeuvres ayant eu pour but de faire obstacle à la réalisation de la ZAC ;

– le fait pour la commune d’avoir rapporté la délibération déclassant la voie communale n° 15 existante, constitue une méconnaissance de ses obligations contractuelles ;

– la commune a manqué à son obligation de loyauté dans l’exécution du contrat ;

– le préjudice subi du fait du refus de raccordement provisoire au réseau d’eau doit être évalué à un montant de 30 000 euros sur trois ans ; le préjudice subi du fait de la perte de rémunération des fonds immobilisés s’établit à 461 983 euros ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 30 septembre 2013, présenté pour la commune de Villardonnel, représentée par son maire en exercice, par la SCP Lamy et associés ; la commune de Villardonnel conclut au rejet de la requête et demande qu’une somme de 10 000 euros soit mise à la charge de la requérante au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle fait valoir que :

– le tribunal n’a pas confondu deux moyens distincts en apportant une seule réponse au problème d’absence d’eau sur le chantier évoqué par la société requérante de deux façons différentes ;

– le refus du maire d’autoriser le raccordement provisoire du chantier est justifié par l’insuffisance du réseau existant à proximité du local dont le raccordement a été demandé, alors par ailleurs qu’il appartenait à la société d’effectuer elle-même les travaux pour un raccordement au réseau d’adduction d’eau longeant la route RD 73 ;

– le préjudice lié au refus de raccordement au réseau existant d’un diamètre de 25 millimètres n’est pas établi dans la mesure où le raccordement visait seulement à l’alimentation en eau d’une installation sanitaire située dans une installation de chantier et a été sans incidence sur l’exécution du chantier ;

– elle n’a pas de compétence pour l’adduction d’eau, les travaux relevant de la compétence du syndicat oriental de la Montagne noire et de celle du conseil général, dans la mesure où ces travaux d’adduction impliquent l’élargissement de la RD 73 ;

– la faute qui lui est imputée en ce que son véritable objectif serait de faire obstacle au projet, n’est étayée par aucun fait précis ;

– la nécessité du déclassement de la voie communale n° 15 n’est pas établie et ne relève d’aucune obligation contractuelle à sa charge ;

– aucune faute n’est révélée par la chronologie des faits ;

– elle ne s’est livrée à aucune opération de dénigrement public ;

– le préjudice n’est pas établi ;

Vu le mémoire en intervention volontaire, enregistré le 14 octobre 2013, présenté pour la Caisse régionale d’assurances mutuelles agricoles (CRAMA) Méditerranée, agissant par ses représentants légaux en exercice, par la SCP Margall-d’Albenas ; la CRAMA Méditerranée conclut au rejet de la requête et demande qu’une somme de 1 500 euros soit mise à la charge de la requérante au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

– elle a intérêt à intervenir en sa double qualité de débitrice des obligations de protection juridique de la commune et de garante des condamnations civiles susceptibles d’être prononcées à l’encontre de celle-ci ;

– la responsabilité de la commune n’est pas engagée ;

– aucune obligation contractuelle ne pesait sur la commune s’agissant du raccordement du projet au réseau d’eau et des travaux d’adduction ;

– le projet ne nécessite pas le déclassement de la voie communale n° 15 ;

– la commune ne s’est livrée à aucun dénigrement, ni du projet, ni de la société qui en a la charge et n’a donc pas manqué à son obligation de loyauté ;

– le préjudice n’est pas établi ;

Vu, enregistrées le 15 octobre 2013, les pièces complémentaires produites pour la commune de Villardonnel ;

Vu la lettre du 12 décembre 2014 informant les parties, en application de l’article R. 611-11-1 du code de justice administrative, de la date à partir de laquelle la clôture de l’instruction sera susceptible d’être prononcée et de la date prévisionnelle de l’audience ;

Vu, enregistré le 5 janvier 2015, le nouveau mémoire présenté pour la société Landbridge Capital, non communiqué en application de l’article R. 611-1 du code de justice administrative ;

Vu l’ordonnance du 22 janvier 2015 prononçant la clôture de l’instruction à la date de son émission, en application des articles R. 611-11-1 et R. 613-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l’urbanisme ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 24 avril 2015 :

– le rapport de M. Argoud, premier conseiller ;

– les conclusions de M. Roux, rapporteur public ;

– et les observations de Me B…pour la société Landbridge Capital, celles de Me E… pour la commune de Villardonnel, ainsi que celles de Me F…pour la Caisse régionale d’assurances mutuelles agricoles Méditerranée ;

Et après avoir pris connaissance de la note en délibéré enregistrée le 28 avril 2015, présentée pour la société Landbridge Capital ;

1. Considérant que par un arrêté du 22 octobre 2004, le préfet de la région Auvergne a autorisé la commune de Villardonnel à créer une unité touristique nouvelle comportant la création d’un complexe touristique comprenant notamment un hôtel, trois cents studios, cinquante villas, un golf, plusieurs terrains de tennis, un centre aquatique, un centre équestre ainsi qu’un programme de construction immobilière de trois cent cinquante villas, outre quarante lots à construire ; que la commune a créé une zone d’aménagement concerté (ZAC), dénommée la Royale pour la réalisation de ce projet et en a concédé l’aménagement à la société Landbridge Capital par une convention du 22 juillet 2006 ; que cette société relève appel du jugement du 1er février 2013 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la commune de Villardonnel à lui verser une somme de 491 983 euros en réparation de préjudices qu’elle impute à des fautes contractuelles de la commune et à des agissements fautifs de ses représentants ;

Sur l’intervention de la Caisse régionale d’assurances mutuelles agricoles Méditerranée :

2. Considérant que la Caisse régionale d’assurances mutuelles agricoles (CRAMA) Méditerranée, qui devrait garantir la commune de Villardonnel des condamnations pécuniaires susceptibles d’être prononcées à son encontre au titre des dommages et intérêts réclamés par la société requérante, a intérêt au rejet des conclusions tendant à cette condamnation ; que son intervention doit être admise ;

Sur les conclusions indemnitaires de la société Landbridge Capital :

S’agissant du préjudice relatif à la location d’une citerne :

3. Considérant, d’une part, qu’il résulte de la convention d’aménagement du 22 juillet 2006, dont l’article 1er stipule que l’aménagement « comprend outre les constructions autorisées (…) l’ensemble des travaux de voirie, de réseaux (…) » et dont l’article 2 stipule que « le concédant ne participe pas sous forme d’apport financier ou d’apport en nature à l’opération et au coût des équipements, qui demeure aux risques exclusifs du concessionnaire », que cette convention ne fait peser sur la commune aucune obligation concernant le raccordement provisoire ou définitif du projet ;

4. Considérant, d’autre part, qu’il résulte également des stipulations de ladite convention que le réseau existant alimentant la ferme de la Royale présente sur le site, devait bénéficier des travaux d’extension mis à la charge de l’aménageur et qu’il n’était pas suffisant pour permettre un branchement provisoire destiné à l’alimentation du chantier ;

5. Considérant que, dans ces conditions, la société requérante n’est pas fondée à soutenir que la décision par laquelle le maire s’est opposé au raccordement provisoire du projet aurait été prise en violation d’une obligation de loyauté dans l’exécution de la convention d’aménagement ou en méconnaissance de ses stipulations ; qu’elle n’est, par suite, pas fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté ses conclusions tendant à l’indemnisation d’un préjudice résultant de l’obligation dans laquelle elle s’est trouvée de louer une citerne d’eau ;

S’agissant du préjudice relatif aux coûts financiers résultant de l’immobilisation des capitaux :

6. Considérant, d’une part, qu’il résulte de l’instruction, ainsi que l’ont relevé à bon droit les premiers juges, que la société requérante n’apporte aucun élément susceptible d’établir que, ainsi qu’elle l’affirme, le déclassement de la voie communale n° 15 située dans le périmètre de la ZAC était indispensable à la bonne exécution des opérations dont elle était chargée et qu’elle n’est, dans ces conditions, pas fondée à soutenir que le retrait par le conseil municipal de Villardonnel, par une délibération du 27 août 2008, d’une précédente délibération du 28 avril 2008 procédant à ce déclassement, dont la légalité a d’ailleurs été confirmée par un arrêt du 9 décembre 2011 de la présente Cour, aurait été motivé par la volonté de la commune de l’empêcher de mener à bonne fin les travaux qu’elle était chargée d’exécuter ;

7. Considérant, d’autre part, qu’il ne résulte pas de l’instruction que les critiques portées par le maire et certains membres du conseil municipal de Villardonnel à l’encontre de la société requérante au sujet de l’exécution de la convention de concession de la ZAC « La Royale » présenteraient le caractère qu’elle leur prête d’une opération de dénigrement systématique, alors, au demeurant, que la plainte en diffamation qu’elle avait formée contre la commune a été rejetée par le tribunal correctionnel de Carcassonne ; qu’ainsi, la société requérante n’est pas davantage fondée à soutenir que le comportement de la commune ou de ses représentants caractériserait une méconnaissance par la collectivité de son obligation d’exécuter loyalement la convention, ni qu’il serait susceptible d’engager sa responsabilité pour faute ;

8. Considérant, au surplus, que la société requérante fait état d’un préjudice résultant d’un retard subi par les travaux d’aménagement de la zone et d’une perte consécutive, résultant de l’immobilisation de ses capitaux pendant trois années ; que, toutefois, en se bornant à produire un document établi par un expert-comptable, indiquant les montants des comptes-courants d’associés de la société entre le 31 décembre 2008 et le 31 décembre 2011 et à faire état des rémunérations que ces fonds auraient pu produire s’ils avaient été placés à un taux de 3 %, la société requérante, qui ne soutient même pas qu’elle aurait rémunéré ces comptes courants d’associés, n’apporte aucun élément de nature à justifier de ce que des fonds lui appartenant auraient été immobilisés du fait d’un retard dans les travaux d’aménagement de la zone ; qu’en se bornant, par ailleurs, à produire une lettre émanant de la société Savills l’informant en juillet 2012 de ce que, du fait de la contestation rendue publique depuis 2008 par le maire de la légalité et de la pertinence de l’opération, des investisseurs ont été dissuadés de s’engager et que, dorénavant, elle ne pouvait plus, ni communiquer sur le projet, ni s’engager à le commercialiser, la société requérante ne justifie pas d’un lien de causalité entre les agissements de la commune ou de ses représentants évoqués dans ce courrier et le retard subi dans la mise en oeuvre du projet d’aménagement en litige ; que le lien de causalité entre le préjudice financier allégué et les agissements imputés à la commune ou à ses représentants n’est ainsi pas établi ;

9. Considérant qu’il résulte de ce qui précède, sans qu’il soit besoin d’ordonner l’expertise demandée à titre subsidiaire, que la société requérante n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté ses conclusions tendant à l’indemnisation de son préjudice financier ;

Sur les frais non compris dans les dépens :

10. Considérant que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme que la société requérante demande sur leur fondement au titre de ses frais non compris dans les dépens, soit mise à la charge de la commune de Villardonnel qui n’est, dans la présente instance, ni tenue aux dépens, ni partie perdante ; que, dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu, en application des mêmes dispositions, de mettre à la charge de la société Landbridge Capital une somme de 3 000 euros au titre des frais exposés par la commune de Villardonnel et non compris dans les dépens ; que les conclusions que la CRAMA Méditerranée, simple intervenant n’ayant pas la qualité de partie à l’instance, présente au même titre, ne peuvent être accueillies ;

D E C I D E :

Article 1er : L’intervention de la CRAMA Méditerranée est admise.

Article 2 : La requête de la société Landbridge Capital est rejetée.

Article 3 : La société Landbridge Capital versera à la commune de Villardonnel une somme de 3 000 (trois mille) euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société Landbridge Capital, à la commune de Villardonnel et à la Caisse régionale d’assurances mutuelles agricoles Méditerranée.

Délibéré après l’audience du 24 avril 2015, à laquelle siégeaient :

M. Boucher, président de chambre ;

Mme D…et M. Argoud, premiers conseillers ;

Lu en audience publique, le 16 juin 2015.

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N° 13MA01358


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