CAA de MARSEILLE, 7ème chambre – formation à 3, 18/01/2016, 13MA03138, Inédit au recueil Lebon

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CAA de MARSEILLE, 7ème chambre – formation à 3, 18/01/2016, 13MA03138, Inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE

AU
NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL Carnivar a demandé au tribunal administratif de Toulon de la décharger, d’une part, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités y afférentes qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2006 au 31 décembre 2007, d’autre part, de l’amende prévue à l’article 1759 du code général des impôts mise à sa charge au titre des exercices 2006 et 2007.

Par un jugement n° 1101865 du 16 mai 2013, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 1er août 2013, le 29 juillet 2014 et le 22 juin 2015, la SARL Carnivar, représentée par la société d’avocatsB…, demande à la Cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) à titre principal, d’annuler le jugement du tribunal administratif de Toulon du 16 mai 2013 et de faire entièrement droit à sa demande de décharge ;

3°) à titre subsidiaire, de réformer le jugement en tant qu’il a rejeté sa demande relative aux rectifications fondées sur le chiffre d’affaires des magasins exploités en partenariat au cours des années 2006 et 2007 et de ceux dont les données de caisses concernant l’activité dite de négoce ont révélé un chiffre d’affaires suffisant en 2006 et 2007, et de la décharger des rappels de taxe sur la valeur ajoutée à hauteur de 277 845 euros, outre les pénalités y afférentes, et de l’amende prévue à l’article 1759 du code général des impôts à concurrence de 1 395 524 euros au titre de l’année 2006 et de 3 656 210 euros au titre de l’année 2007 ;

4°) à titre encore plus subsidiaire, de réformer le jugement en tant qu’il a rejeté sa demande relative aux rectifications fondées sur le chiffre d’affaires des magasins exploités en partenariat au cours des années 2006 et 2007 et de ceux dont les données de caisses concernant l’activité dite de négoce ont révélé un chiffre d’affaires suffisant en 2007 et de la décharger des rappels de taxe sur la valeur ajoutée à hauteur de 234 107 euros, outre les pénalités y afférentes, et de l’amende prévue à l’article 1759 du code général des impôts à concurrence de 600 271 euros au titre de l’année 2006 et de 3 656 210 euros au titre de l’année 2007 ;

4°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 10 000 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

– le tribunal n’a pas statué sur ses demandes de désignation d’un expert ou, à défaut, d’octroi d’un délai d’instruction supplémentaire, ni n’a répondu à son moyen tiré ce qu’elle proposait une ventilation de son chiffre d’affaires plus fiable fondée sur l’exploitation par le cabinet d’audit BDO des données de caisses réelles ; le tribunal ne justifie pas la validité du changement de méthode opéré par le service entre les années 2006 et 2007, qu’elle avait pourtant contestée ;

– sa comptabilité a été rejetée à tort comme étant non probante ; les données statistiques utilisées par l’administration pour déterminer le coefficient de marge moyen sont inexactes ; elle n’a jamais prétendu avoir réalisé un retour de marchandises à hauteur de 10,3 millions d’euros ; ses magasins n’avaient pas à comptabiliser les livraisons internes dès lors qu’ils sont dépourvus de la personnalité morale ; il est inexact que sa masse salariale ait diminué ; la baisse de son bénéfice brut s’explique par une augmentation du nombre de magasins sans ateliers, dont le taux de marge est plus faible, et par un transfert de bénéfices vers la société Saprimex ; l’impossibilité de présenter une comptabilité matière ne suffisait pas à justifier le rejet de la comptabilité ;

– la méthode de reconstitution de son chiffre d’affaires est viciée dans la mesure où elle repose sur des données inexactes ; le service n’a pas utilisé la même méthode de reconstitution pour l’année 2006 que pour l’année 2007 sans justification ; ce changement de méthode s’explique uniquement par la volonté de l’administration d’aboutir à des rappels les plus élevés possible ; le tableau auquel s’est référé le vérificateur pour l’année 2007 ne tient pas compte de la pondération en fonction des quantités vendues et est affecté de nombreuses erreurs et incohérences ;

– elle a proposé une méthode plus fiable reposant sur des données comptables réelles ;

– elle doit être déchargée  » des majorations et des intérêts de retard afférents aux redressements qui lui sont notifiées  » par voie de conséquence du caractère vicié de la reconstitution de son chiffre d’affaires ;

– le montant disproportionné de la pénalité prévue à l’article 1759 du code général des impôts méconnaît l’article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

– étant membre d’un groupe fiscalement intégré, les revenus réputés distribués n’ont pu bénéficier qu’à son unique associé, la société Carnivor ;

– il ne peut lui être reproché d’avoir minoré le chiffre d’affaires des magasins exploités en partenariat alors que ce n’est pas elle qui détermine leur chiffre d’affaires.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 4 février 2014, le 5 mars 2015 et le 15 juillet 2015, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu’aucun des moyens soulevés n’est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

– la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

– le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

– le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

– le rapport de M.A…’hôte, premier conseilller,

– les conclusions de M. Deliancourt, rapporteur public,

– et les observations de MeB…, pour la SARL Carnivar.

1. Considérant que la SARL Carnivar, qui fait partie du même groupe que la société Saprimex et la société holding Carnivor, a pour activité la transformation et la vente de viandes, ainsi que la commercialisation de produits non carnés, dits de  » négoce  » ; qu’elle exploite des magasins disposant d’un atelier de boucherie, des magasins sans ateliers et des magasins gérés en partenariat avec la société Blachère ; qu’elle a fait l’objet d’une vérification de comptabilité au titre de la période du 1er janvier 2005 au 31 décembre 2007, étendue jusqu’au 30 juin 2008 en matière de taxe sur la valeur ajoutée, au cours de laquelle l’administration a écarté sa comptabilité comme étant dépourvue de valeur probante et a reconstitué ses recettes ; qu’à l’issue des opérations de contrôle, elle s’est vue assigner, notamment, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er janvier 2006 au 31 décembre 2007, assortis de l’intérêt de retard et de la pénalité pour manquement délibéré ; que l’administration lui a également infligé l’amende prévue à l’article 1759 du code général des impôts ; que la SARL Carnivar fait appel du jugement du 16 mai 2013 par lequel le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande de décharge, en droits et pénalités, de ces suppléments d’impôt ;

Sur la régularité du jugement :

2. Considérant, en premier lieu, que le 28 mars 2013, la SARL Carnivar a présenté devant le tribunal un mémoire complémentaire par lequel elle a demandé, à titre subsidiaire, que soit ordonnée une expertise et, en tout état de cause, que l’instruction soit prolongée ; que le tribunal, qui n’était pas tenu de faire droit à ces demandes ni de motiver son refus, en statuant sur les conclusions de la requête aux fins de décharge, a implicitement mais nécessairement rejeté ces demandes ;

3. Considérant, en second lieu, que la SARL Carnivar a fait valoir, devant le tribunal, que le vérificateur avait changé de méthode de reconstitution des recettes entre 2006 et 2007 sans motivation ; qu’elle a soutenu également que la méthode alternative qu’elle proposait était plus fiable et plus précise que celle retenue par l’administration ; qu’en constatant, d’une part, que les conditions de l’activité de la SARL Carnivar avaient différé entre 2006 et 2007 et en estimant, d’autre part, que la méthode proposée par la société ne pouvait être retenue au motif que la pertinence des données sur lesquelles elle s’était fondée pour déterminer les coefficients de marge des années 2006 et 2007 n’était pas justifiée, le jugement attaqué a suffisamment répondu à ces moyens et n’est pas, par suite, entaché d’irrégularité sur ce point ;

Sur le bien-fondé des rappels de taxe sur la valeur ajoutée :

En ce qui concerne le rejet de la comptabilité :

4. Considérant qu’il résulte de l’instruction que le vérificateur a écarté la comptabilité de la SARL Carnivar, bien que régulière en la forme, en raison de l’impossibilité de réaliser les traitements informatiques nécessaires au contrôle s’agissant d’une comptabilité tenue au moyen d’un système informatisé, d’une diminution injustifiée du taux de bénéfice brut au cours des exercices 2006 et 2007, de l’existence de discordances importantes au niveau du coefficient de marge des magasins concernant les produits de  » négoce « , enfin d’une dégradation injustifiée de la trésorerie ;

5. Considérant qu’il est toujours loisible à l’administration de justifier le rejet de la comptabilité du contribuable vérifié, même si elle est régulière en la forme, en se fondant sur des motifs pertinents tirés du manque de valeur probante de cette comptabilité, accompagnés de tous éléments de fait permettant de présumer que les résultats déclarés ont été minorés ;

6. Considérant, en premier lieu, que l’administration a constaté une baisse de la rentabilité de 73,31 % en 2006 et de nouveau de 14,67 % en 2007, alors que le chiffre d’affaires avait augmenté de 9,94 % et de 8,92 % au cours de ces deux années ; que la SARL Carnivar, qui a fourni des explications différentes au cours des opérations de contrôle de celles qu’elle avance désormais dans ses écritures, explique cette situation, d’abord, par la circonstance que les magasins sans atelier et les magasins en partenariat, dont le taux de marge est moindre par rapport à celui des magasins avec atelier, ont représenté une part croissante de son chiffre d’affaires à partir de 2006 ; qu’il résulte de l’instruction que les magasins sans ateliers et ceux en partenariat représentaient 20,9 % du chiffre d’affaires total en 2006 et 28,9 % en 2007 ; que leur taux de marge était de l’ordre, respectivement, de 19,5 % et 16,6 %, alors que celui des magasins avec atelier était de 26,8 % ; que, par ailleurs, les achats et les ventes de la société ont progressé sur les mêmes périodes environ du même montant ; que, comme le fait valoir l’administration, ces évolutions ne suffisent pas à justifier une baisse de rentabilité aussi importante que celle constatée, de 73,31 % entre 2005 et 2006 et de 77,22 % entre 2005 et 2007 ;

7. Considérant que la SARL Carnivar soutient également que la baisse du taux de bénéfice brut serait due à un transfert de marge commerciale au profit de la société Saprimex, qui est devenue à compter de 2006 son unique fournisseur ; qu’en tout état de cause cette affirmation est contredite par la circonstance, non contestée, que le taux de bénéfice brut de la société Saprimex est demeuré constant sur la même période ; qu’ainsi, la société requérante n’apporte pas d’explication convaincante de nature à justifier l’ampleur de la baisse constatée de son taux de rentabilité au cours des années 2006 et 2007, baisse qui est l’un des motifs pour lesquels l’administration a regardé la comptabilité comme non probante;

8. Considérant, en second lieu, qu’aux termes de l’article L. 13 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable à la procédure d’imposition en litige :  » Les agents de l’administration des impôts vérifient sur place, en suivant les règles prévues par le présent livre, la comptabilité des contribuables astreints à tenir et à présenter des documents comptables. / Lorsque la comptabilité est tenue au moyen de systèmes informatisés, le contrôle porte sur l’ensemble des informations, données et traitements informatiques qui concourent directement ou indirectement à la formation des résultats comptables ou fiscaux et à l’élaboration des déclarations rendues obligatoires par le code général des impôts ainsi que sur la documentation relative aux analyses, à la programmation et à l’exécution des traitements (…)  » ; que l’article L. 47 A du même livre prévoit que, lorsque la comptabilité est tenue au moyen de systèmes informatisés, les agents de l’administration fiscale peuvent effectuer la vérification sur le matériel utilisé par le contribuable, ce dernier pouvant toutefois demander à effectuer lui-même tout ou partie des traitements nécessaires à la vérification, voire mettre à la disposition de l’administration les copies des documents, données et traitements soumis à contrôle ;

9. Considérant que, lors des opérations de contrôle, le vérificateur, ayant constaté notamment une baisse importante du taux de rentabilité, a demandé la réalisation d’une comptabilité matière pour neuf magasins, portant sur les mois d’octobre, novembre et décembre des exercices 2006 et 2007 afin de vérifier la pertinence des écritures comptables ; que la société a d’abord choisi de faire réaliser l’opération sur son propre matériel, en application du a) du II de l’article L. 47 A du livre des procédures fiscales ; que lorsque le vérificateur s’est rendu sur place le 15 juin 2009, l’examen des données informatiques n’a cependant pas été possible du fait de la société ; que, par un courrier du 22 juin 2009, celle-ci a alors demandé que le contrôle ne soit pas effectué sur son matériel comme le lui permet le c) du II de l’article L. 47 A ; qu’elle a en conséquence adressé à l’administration des fichiers informatiques dont l’analyse a révélé que ni les inventaires de début de période pour l’exercice 2006 ni le détail des achats des magasins n’étaient disponibles, que les inventaires des magasins ne comportaient pas de code article exploitable mais seulement un libellé article et que les fichiers de caisses issus du logiciel Toshiba n’étaient pas exploitables directement ; que l’impossibilité de procéder au traitement informatique demandé par l’administration a été constatée par un procès-verbal du 30 juin 2009 ;

10. Considérant que la SARL Carnivar ne conteste pas les faits ; qu’il n’est pas établi que l’impossibilité de procéder au traitement informatique demandé serait imputable à des défaillances du logiciel utilisé alors qu’il n’est pas contesté que la fonction  » gestion de stocks  » avait été désactivée et que les retours de certaines marchandises vers la société Saprimex n’ont donné lieu à aucune note d’avoir et n’ont pas été enregistrés en comptabilité ;

11. Considérant que, comme l’a jugé le tribunal, ces deux motifs étaient suffisants pour priver la comptabilité de sa sincérité ; que la SARL Carnivar ne peut dès lors faire utilement valoir que les deux autres motifs retenus par le vérificateur seraient erronés ; qu’il suit de là que l’administration établit l’absence de valeur probante de la comptabilité ;

En ce qui concerne la reconstitution des recettes :

12. Considérant qu’il incombe à la société requérante de démontrer le caractère exagéré des rappels de taxe en litige en vertu de l’article L. 192 du livre des procédures fiscales dès lors que la comptabilité était irrégulière et que les impositions ont été établies conformément à l’avis de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d’affaires ;

13. Considérant, s’agissant de l’année 2006, que le vérificateur a déterminé les coefficients de marge pratiqués dans les seuls magasins avec atelier sur les produits de  » négoce  » ; que, pour ce faire, il a dégagé le montant respectif des achats de viande et des achats de produits de  » négoce  » selon les données issues de la comptabilité ; qu’il a déterminé ensuite le montant des recettes issues de chacune de ces catégories de produits à partir d’une ventilation des ventes provenant d’éléments d’information transmis par la société à la Banque de France et à la chambre de commerce et d’industrie du Var, à défaut de données comptables disponibles sur ce point ; qu’il n’a pas tenu compte des magasins sans atelier dans la mesure où onze d’entre eux présentaient un coefficient de marge négatif ; que, sur cette base, il a calculé un coefficient de marge moyen de 1,42 ; qu’il a estimé ensuite que les magasins dont le coefficient était inférieur de 10 % au coefficient moyen devaient être réputés comme ayant dissimulé des recettes ; qu’il a alors reconstitué le montant des recettes de ces magasins en appliquant le coefficient moyen de référence au montant des achats de produits de  » négoce  » ;

14. Considérant que la SARL Carnivar conteste la ventilation faite par le vérificateur entre la part de chiffre d’affaires résultant des ventes de viande et celle résultant des ventes de produits de  » négoce  » ; qu’elle fait valoir, à cet égard, que cette répartition reposerait sur des données statistiques dépourvues de valeur probante ; qu’elle ne conteste pas cependant que ces informations proviennent de documents qu’elle-même a transmis à la Banque de France et à la chambre de commerce et d’industrie du Var ; qu’elle ne fournit aucune autre donnée démontrant l’absence de validité des documents sur lesquels s’est fondée l’administration ; que la société relève, ensuite, que le tableau joint en annexe à la proposition de rectification mentionne, pour chaque magasin, un montant des ventes de viande et des ventes de produits de négoce dont l’addition ne correspond pas toujours à celui du chiffre d’affaires indiqué ; qu’elle ne démontre pas, cependant, que ces discordances constatées, qui pour la plupart sont de faible importance au regard du montant du chiffre d’affaires, d’une part affectent le montant des ventes de produits de  » négoce  » et non celui des ventes de viande, d’autre part ont eu une incidence significative sur la détermination du coefficient de marge moyen et, par là, sur le montant des recettes reconstituées ; qu’elle soutient, enfin, qu’elle n’est pas responsable de la gestion des magasins exploités en partenariat avec la société Blachère et qu’elle se borne à enregistrer dans sa comptabilité les éléments relatifs au chiffre d’affaires réalisés par ces derniers, qui lui sont fournis par la société partenaire ; que cette circonstance, à la supposer avérée, n’est toutefois pas de nature à invalider la méthode utilisée par le vérificateur, ni à démontrer l’absence de minoration de recettes pour les magasins concernés ; qu’il suit de là que la SARL Carnivar n’établit pas, dès lors, que la méthode employée par le vérificateur serait radicalement viciée ou excessivement sommaire et que les rappels de taxe mis à sa charge au titre de l’année 2006 seraient exagérés ;

15. Considérant, s’agissant de l’année 2007, que le vérificateur a retenu un coefficient de marge de référence de 1,33 résultant de la moyenne des taux de marge pratiqués sur un échantillon 2 809 produits puis a procédé comme pour l’année 2006 ; qu’il n’est pas contesté que le chiffre de 1,33 résulte d’une moyenne arithmétique des coefficients pratiqués sur les produits concernés ; que, comme le fait valoir la SARL Carnivar, seule une moyenne pondérée, tenant compte des quantités vendues, aurait permis de dégager un résultat représentatif de la marge effectivement réalisée ; qu’en outre, la société requérante met en exergue diverses erreurs et incohérences dans l’échantillon retenu, sur lesquels l’administration n’apporte aucune explication ; que, dans ces circonstances, et sans qu’il soit nécessaire d’examiner les autres critiques adressées à la méthode de reconstitution, la société requérante doit être regardée comme établissant le caractère radicalement vicié de la méthode mise en oeuvre par le vérificateur ; qu’elle est fondée, dès lors, à demander la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été assignés au titre de l’année 2007, ainsi que des pénalités dont elles ont été assorties ;

Sur l’amende prévue à l’article 1759 du code général des impôts :

16. Considérant qu’aux termes de l’article 117 du code général des impôts :  » Au cas où la masse des revenus distribués excède le montant total des distributions tel qu’il résulte des déclarations de la personne morale visées à l’article 116, celle-ci est invitée à fournir à l’administration, dans un délai de trente jours, toutes indications complémentaires sur les bénéficiaires de l’excédent de distribution. En cas de refus ou à défaut de réponse dans ce délai, les sommes correspondantes donnent lieu à l’application de la pénalité prévue à l’article 1759  » ; qu’aux termes de l’article 1759 du même code :  » Les sociétés et les autres personnes morales passibles de l’impôt sur les sociétés qui versent ou distribuent, directement ou par l’intermédiaire de tiers, des revenus à des personnes dont, contrairement aux dispositions des articles 117 et 240, elles ne révèlent pas l’identité, sont soumises à une amende égale à 100 % des sommes versées ou distribuées. Lorsque l’entreprise a spontanément fait figurer dans sa déclaration de résultat le montant des sommes en cause, le taux de l’amende est ramené à 75 %  » ;

17. Considérant, en premier lieu, qu’en vertu du 1° du 1. de l’article 109 du code général des impôts, sont considérés comme revenus distribués tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital ; que l’article 110 du même code précise que, pour l’application du 1° du 1. de l’article 109, les bénéfices s’entendent de ceux qui ont été retenus pour l’assiette de l’impôt sur les sociétés ; que la SARL Carnivar, qui n’a pas contesté le montant des rehaussements des bases qui lui ont été assignées au titre de l’impôt sur les sociétés, ne critique pas utilement l’existence et le montant des revenus distribués en se bornant à faire valoir que la reconstitution de son chiffre d’affaires est viciée ; qu’elle n’est pas fondée ainsi à demander la décharge de la pénalité qui lui a été infligée en application de l’article 1759 du code général des impôts, dont le montant est égal à 100 % des sommes distribuées ;

18. Considérant, en deuxième lieu, que l’administration a invité la SARL Carnivar à désigner, en application de l’article 117 du code général des impôts, le ou les bénéficiaires des revenus regardés comme distribués; qu’il est constant que la société requérante n’a pas répondu à cette demande ; que les circonstances que son capital était entièrement détenu par la société Carnivor et qu’elle faisait partie d’un groupe fiscalement intégré ne permettaient pas à l’administration d’identifier la société mère comme la bénéficiaire nécessaire de l’ensemble des revenus distribués dès lors que ne sont pas uniquement réputées comme tels, au sens de l’article 109 du code général des impôts, les sommes mises à disposition des associés ou actionnaires ; que, par suite, en l’absence de désignation des bénéficiaires l’administration a pu légalement faire application de l’article 1759 du code général des impôts ; qu’en tout état de cause, la circonstance que l’administration connaîtrait ou serait en mesure de connaître l’identité des bénéficiaires de ces distributions ne lui interdit pas d’adresser à la société la demande de désignation prévue par l’article 117 et ne fait pas obstacle à ce qu’elle applique à la société, à défaut de réponse de sa part ou en cas de refus de répondre, dans le délai imparti, à l’invitation qui lui a été adressée, la pénalité prévue, en pareil cas, par l’article 1759 ;

19. Considérant, en troisième lieu, que les dispositions précitées de l’article 1759 du code général des impôts proportionnent l’amende qu’elles instituent au montant des sommes sur lesquelles porte l’infraction que l’amende vise à réprimer ; qu’elles ne s’appliquent pas dans le cas où, après y avoir été invitée par l’administration, la société distributrice révèle dans le délai imparti l’identité de la personne ayant bénéficié des sommes distribuées ; que le montant de l’amende est limité à 75 % des distributions lorsque l’entreprise a spontanément fait figurer dans sa déclaration de résultat le montant des sommes en cause ; qu’ainsi, la loi elle-même a assuré, dans une certaine mesure, la modulation des peines en fonction de la gravité des comportements réprimés ; que, par ailleurs, le juge de l’impôt, après avoir exercé son plein contrôle sur les faits invoqués et la qualification retenue par l’administration, décide, dans chaque cas, selon les résultats de ce contrôle, soit de maintenir l’amende infligée par l’administration, soit d’en prononcer la décharge s’il estime que le contribuable n’a pas contrevenu aux règles applicables ; qu’il dispose ainsi d’un pouvoir de pleine juridiction conforme aux stipulations de l’article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, lesquelles n’impliquent pas que le juge puisse en moduler l’application en lui substituant un taux inférieur à celui prévu par la loi ; qu’en l’espèce, comme il a été dit au point 18, la SARL Carnivar a choisi, en connaissance de cause, de ne pas désigner les bénéficiaires des revenus distribués par elle, malgré l’invitation qui lui a été faite par l’administration et l’avertissement qui lui a été délivré qu’à défaut de réponse de sa part, elle se rendait passible de l’amende prévue à l’article 1759 du code général des impôts ; qu’il suit de là que la société requérante n’est pas fondée à soutenir que le montant de l’amende qui lui a été infligée serait disproportionné au regard de la gravité du comportement fautif qui lui est reproché ;

20. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que la SARL Carnivar est fondée uniquement à demander la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été assignés au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2007 ; qu’il y a lieu, en conséquence, de réformer en ce sens le jugement du tribunal administratif de Toulon du 16 mai 2013 ;

Sur les conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

21. Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de l’Etat la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par la SARL Carnivar et non compris dans les dépens ;

D É C I D E :

Article 1er : La SARL Carnivar est déchargée, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2007.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Toulon en date du 16 mai 2013 est réformé en ce qu’il a de contraire à l’article 1er du présent arrêt.

Article 3 : L’Etat versera à la SARL Carnivar la somme de 2 000 euros (deux mille euros) en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Carnivar et au ministre des finances et des comptes publics.

Copie en sera adressée au directeur du contrôle fiscal sud-est.

Délibéré après l’audience du 15 décembre 2015, où siégeaient :

– M. Lascar, président de chambre,

– M. Guidal, président assesseur,

– M.A…’hôte, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 18 janvier 2016.

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N° 13MA03138 7

acr


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