Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU
NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La SARL Gestion Patrimoniale Cerdane a demandé au tribunal administratif de Montpellier de prononcer la décharge, d’une part, des cotisations supplémentaires d’impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2008 et 2009, d’autre part de la retenue à la source à laquelle elle a été assujettie au titre de l’année 2008, ainsi que des pénalités correspondantes, de prononcer la restitution de la taxe sur la valeur ajoutée déclarée au titre du mois de décembre 2008, et de lui accorder le bénéfice du report en arrière du déficit de l’exercice clos en 2009.
Par un jugement n° 1301712 du 7 avril 2015, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 5 juin 2015, la SARL Gestion Patrimoniale Cerdane, représentée par Me C…, demande à la Cour :
1°) d’annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 7 avril 2015 ;
2°) à titre principal, de prononcer la décharge des impositions en litige et des pénalités correspondantes ;
3°) à titre subsidiaire, de lui accorder le bénéfice du report en arrière du déficit de l’exercice clos en 2009.
Elle soutient que :
– conformément à l’article 313-5 du plan comptable général, elle pouvait rattacher à l’exercice clos en 2008 les créances et les dettes issues du protocole d’accord signé le 27 mars 2009, dès lors qu’il est antérieur à la date d’établissement des comptes annuels, et que des échanges entre l’expert-comptable et l’avocat rédacteur du protocole sont intervenus à partir du mois d’août 2008 ;
– à titre subsidiaire, elle aurait pu déduire au titre de l’exercice clos en 2008 une provision correspondant au montant hors taxes des acomptes versés pour le paiement des factures ayant fait l’objet de l’abandon de créance résultant du protocole du 27 mars 2009 ;
– la remise en cause par l’administration fiscale de la comptabilisation du protocole du 27 mars 2009 a créé un déficit au titre de l’exercice clos en 2009, dont elle est fondée à obtenir le report en arrière ;
– elle était en droit d’annuler la comptabilisation des factures ayant fait l’objet d’un abandon de créance, en retranchant leur montant hors taxes des stocks, dès lors que l’administration ne démontre pas que les travaux correspondant auraient été effectués ;
– l’administration ne pouvait rattacher à l’exercice 2009 le produit correspondant à la cession de créance sur le clientA… ;
– la somme regardée comme un revenu distribué au profit de M. B… constitue une charge déductible des résultats, qui ne pouvait être soumise à la retenue à la source ;
– elle a déclaré à tort au titre du mois de décembre 2008 la taxe sur la valeur ajoutée calculée sur la marge au titre de son activité de marchand de biens.
Par un mémoire en défense enregistré le 9 novembre 2015, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
– les conclusions relatives à la restitution de la taxe sur la valeur ajoutée sont irrecevables ;
– les moyens soulevés par la SARL Gestion Patrimoniale Cerdane ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
– la directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006 ;
– le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
– le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.
Ont été entendus au cours de l’audience publique :
– le rapport de Mme Mastrantuono,
– et les conclusions de M. Ringeval, rapporteur public.
1. Considérant qu’il résulte de l’instruction que la SARL Gestion Patrimoniale Cerdane, qui exerce une activité de marchand de biens, a déposé une déclaration de taxe sur la valeur ajoutée faisant apparaître un montant à payer au titre du mois de décembre 2008, sans verser la taxe correspondante, qui a été mise en recouvrement par des avis émis les 8 octobre et 7 décembre 2009 ; que, par ailleurs, elle a fait l’objet d’une vérification de comptabilité portant sur la période allant du 1er janvier 2007 au 31 décembre 2009 ; que la SARL Gestion Patrimoniale Cerdane relève appel du jugement en date du 7 avril 2015 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à la décharge, d’une part, des cotisations supplémentaires d’impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2008 et 2009, d’autre part de la retenue à la source à laquelle elle a été assujettie au titre de l’année 2008, ainsi que des pénalités correspondantes, à la restitution de la taxe sur la valeur ajoutée déclarée au titre du mois de décembre 2008, et au bénéfice du report en arrière du déficit de l’exercice clos en 2009 ;
Sur le bien-fondé des suppléments d’impôt sur les sociétés :
2. Considérant qu’il résulte de l’instruction que la SARL Gestion Patrimoniale Cerdane a conclu, le 27 mars 2009, un protocole transactionnel aux termes duquel la SARL Constructions Cerdanes, avec laquelle elle avait conjointement mené des opérations immobilières, a abandonné à son profit des créances correspondant à quatre factures émises entre le 31 octobre 2007 et le 13 avril 2008, pour un montant total hors taxes de 478 838,95 euros, et lui a cédé une créance qu’elle détenait sur M. A…, pour un montant hors taxes de 123 223 euros ; que le vérificateur a remis en cause les opérations comptabilisées au titre de l’exercice clos en 2008 à raison de ce protocole, à savoir l’enregistrement d’un produit exceptionnel de 123 233 euros correspondant à la cession de créances, et la comptabilisation de charges exceptionnelles correspondant au montant toutes taxes comprises des acomptes sur factures versés en 2007 et 2008 à la SARL Constructions Cerdanes, et réintégré au résultat de l’exercice en cause la différence, soit 87 019 euros ; que s’agissant de l’exercice clos en 2009, le vérificateur a également remis en cause la comptabilisation des effets du protocole, à savoir, d’une part, l’enregistrement d’un profit supplémentaire de 84 800 euros sur les ventes d’immeubles réalisées au cours de l’année 2008, résultant de l’inscription au crédit des comptes de stocks d’une somme de 478 839 euros, correspondant à l’annulation des factures ayant fait l’objet de l’abandon de créance, et d’autre part, l’absence de comptabilisation du produit exceptionnel constitué par l’abandon de créance et la cession de créance, soit un montant global de 602 062 euros, et réintégré la différence, sous déduction des acomptes hors taxes versés pour le paiement des factures à hauteur de 244 335 euros, en tenant compte des charges exceptionnelles déjà comptabilisées à hauteur de 205 206 euros, soit une rectification globale de 478 133 euros ;
3. Considérant, en premier lieu, qu’aux termes du 2 de l’article 38 du code général des impôts : » Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l’actif net à la clôture et à l’ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l’impôt diminuée des suppléments d’apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l’exploitant ou par les associés. L’actif net s’entend de l’excédent des valeurs d’actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés » ; qu’aux termes de l’article 39 du même code : » 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (…) notamment : / 5° Les provisions constituées en vue de faire face à des pertes ou charges nettement précisées et que des événements en cours rendent probables, à condition qu’elles aient été effectivement constatées dans les écritures de l’exercice (…) » ;
4. Considérant que la société requérante ne produit aucun élément de nature à démontrer que les pertes et créances résultant de la signature du protocole d’accord conclu le 27 mars 2009 étaient connues à la date de clôture de l’exercice 2008 en se bornant à faire valoir que ce protocole est antérieur à la date d’établissement de ses comptes annuels et que des échanges de mails entre l’expert-comptable et l’avocat rédacteur du protocole sont intervenus à partir du mois d’août 2008 ; que, par suite, elle n’est pas fondée à soutenir que les effets de ce protocole devaient être rattachés à l’exercice clos en 2008, ni que le rattachement à l’exercice clos en 2009 du produit correspondant à la cession de créance sur M. A… contredit les informations contenues dans le protocole et dénature le régime d’imposition sur la marge ; que, pour les mêmes motifs, elle ne saurait davantage et en tout état de cause soutenir à titre subsidiaire qu’elle était en droit de déduire au titre de l’exercice clos en 2008 une provision correspondant au montant hors taxes des acomptes versés pour le paiement des factures ayant fait l’objet de l’abandon de créance ;
5. Considérant, en second lieu, que si, pour soutenir qu’elle était en droit d’annuler la comptabilisation des factures de travaux ayant fait l’objet d’un abandon de créance en retranchant leur montant hors taxes des stocks, de sorte que seul un profit supplémentaire sur la vente des immeubles devait être comptabilisé, la SARL Gestion Patrimoniale Cerdane se prévaut de ce qu’il n’est pas établi que les travaux en cause auraient été réalisés, l’administration fait valoir sans être aucunement contredite que le maire d’Enveitg a indiqué au vérificateur que les travaux de réhabilitation de l’immeuble situé dans sa commune, objet des factures en cause, ont été effectivement exécutés au cours de l’année 2008, et que cette exécution est confirmée par la comptabilisation d’une facture afférente à des travaux de décoration réalisés dans ces mêmes immeubles ; que, par suite, l’administration était fondée à réintégrer au titre de l’exercice clos en 2009 le produit exceptionnel correspondant à l’abandon de créance, sous déduction des acomptes hors taxes versés pour le paiement des factures et du profit exceptionnel résultant de la diminution de la valeur des stocks comptabilisé à tort ;
Sur les conclusions tendant au bénéfice du report en arrière du déficit de l’exercice clos en 2009 :
6. Considérant qu’aux termes du I de l’article 220 quinquies du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au litige : » Par dérogation aux dispositions du troisième alinéa du I de l’article 209, le déficit constaté au titre d’un exercice ouvert à compter du 1er janvier 1984 par une entreprise soumise à l’impôt sur les sociétés peut, sur option, être considéré comme une charge déductible du bénéfice de l’antépénultième exercice et, le cas échéant, de celui de l’avant-dernier exercice puis de celui de l’exercice précédent (…) » ;
7. Considérant que si la SARL Gestion Patrimoniale Cerdane demande à titre subsidiaire que lui soit accordé le bénéfice du report en arrière du déficit qui résulterait au titre de l’exercice 2009 des rectifications opérées par l’administration, il résulte de l’instruction que le rehaussement du résultat de cet exercice à l’issue de la vérification a conduit à la détermination d’un résultat bénéficiaire ; que, par suite et en tout état de cause, la société requérante ne saurait revendiquer l’application des dispositions précitées de l’article 220 quinquies du code général des impôts ;
Sur le bien-fondé des rappels de retenue à la source :
8. Considérant qu’aux termes du 1 de l’article 109 du code général des impôts : » Sont considérés comme revenus distribués : / 1° Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital (…) » ; qu’aux termes de l’article 110 du même code : » Pour l’application du 1° du 1 de l’article 109 les bénéfices s’entendent de ceux qui ont été retenus pour l’assiette de l’impôt sur les sociétés (…) » ; qu’aux termes du 2 de l’article 119 bis de ce code, dans sa rédaction applicable à l’année en litige : » Les produits visés aux articles 108 à 117 bis donnent lieu à l’application d’une retenue à la source dont le taux est fixé par l’article 187-1 lorsqu’ils bénéficient à des personnes qui n’ont pas leur domicile fiscal ou leur siège en France (…) » ;
9. Considérant qu’il résulte de l’instruction que l’administration fiscale a soumis au titre de l’exercice 2008 à la retenue à la source une somme de 4 138 euros, qu’elle a regardée comme un revenu distribué à M. B…, établi en Espagne, et correspondant à la taxe sur la valeur ajoutée mentionnée à tort sur une facture établie par l’intéressé, qui ne pouvait être déduite des résultats imposables en l’absence d’intérêt pour l’entreprise ; que, contrairement à ce qui est soutenu, la seule circonstance que cette taxe n’était pas due en Espagne n’est pas de nature à justifier de la déductibilité des résultats de la somme en cause ; que, par suite, et dès lors qu’il n’est pas contesté que cette somme a été appréhendée par une personne n’ayant pas son domicile fiscal ou son siège en France, l’administration, qui était fondée à réintégrer cette somme au résultat imposable à l’impôt sur les sociétés, a fait à bon droit application à la distribution correspondante de la retenue à la source prévue au 2 de l’article 119 bis précité du code général des impôts ;
Sur les conclusions tendant à la restitution de la taxe sur la valeur ajoutée déclarée au titre du mois de décembre 2008 :
10. Considérant qu’aux termes de l’article 2 de la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 : » 1. Sont soumises à la taxe à la valeur ajoutée (…) les livraisons de biens effectuées à titre onéreux sur le territoire d’un Etat membre par un assujetti agissant en tant que tel (…) » ; qu’aux termes de l’article 12 de cette directive : » 1. Les Etats membres peuvent considérer comme assujetti quiconque effectue, à titre occasionnel (…) notamment une seule des opérations suivantes : a) la livraison d’un bâtiment ou d’une fraction de bâtiment et du sol y attenant, effectuée avant sa première occupation ; (…) 2. Aux fins du paragraphe 1, point a), est considérée comme » bâtiment » toute construction incorporée au sol. (…) » ; qu’aux termes de l’article 135 de la même directive : » 1. Les Etats membres exonèrent les opérations suivantes : (…) j) les livraisons de bâtiments ou d’une fraction de bâtiment et du sol y attenant autres que ceux visés à l’article 12, paragraphe 1, point a) ; (…) » ; qu’aux termes de l’article 137 de la même directive : » 1. Les Etats membres peuvent accorder à leurs assujettis le droit d’opter pour la taxation des opérations suivantes : (…) b) les livraisons de bâtiments ou d’une fraction de bâtiment et du sol y attenant autres que celles visées à l’article 12, paragraphe 1, point a) (…) » ; qu’aux termes de l’article 257 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au litige : » Sont (…) soumis à la taxe sur la valeur ajoutée: (…) 6° Sous réserve du 7° : a) Les opérations qui portent sur des immeubles (…) » ; qu’aux termes de l’article 268 du même code, dans sa rédaction applicable au litige : » En ce qui concerne les opérations visées au 6° de l’article 257, la base d’imposition à la taxe sur la valeur ajoutée est constituée par la différence entre : a. D’une part, le prix exprimé et les charges qui viennent s’y ajouter, ou la valeur vénale du bien si elle est supérieure au prix majoré des charges ; b. D’autre part, selon le cas : soit les sommes que le cédant a versées, à quelque titre que ce soit, pour l’acquisition du bien ; soit la valeur nominale des actions ou parts reçues en contrepartie des apports en nature qu’il a effectués. Lorsque l’opération est réalisée par un fiduciaire, les sommes mentionnées aux deuxième et troisième alinéas s’apprécient, le cas échéant, chez le constituant » ;
11. Considérant qu’il résulte de la combinaison de ces dispositions que le régime de taxation obligatoire prévu par les dispositions précitées du 6° de l’article 257 du code général des impôts en vigueur jusqu’au 10 mars 2010 était incompatible avec les objectifs de la directive du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée dès lors qu’il n’ouvrait pas aux opérateurs économiques réalisant des opérations de livraisons de biens exonérées de taxe sur la valeur ajoutée en application des dispositions du j) de l’article 135 de la directive précitée, d’option pour cette taxation, alors même que l’article 137 de la même directive n’impose pas aux Etats de prévoir un régime optionnel de taxe sur la valeur ajoutée mais leur en ouvre seulement la possibilité ;
12. Considérant que si la SARL Gestion Patrimoniale Cerdane soutient qu’en tant que marchand de biens, soumis au régime alors prévu au 6° de l’article 257 du code général des impôts pour les opérations réalisées sur des immeubles anciens et des terrains ne constituant pas des terrains à bâtir, elle a été privée de la possibilité d’exercer l’option pour la taxation à la taxe sur la valeur ajoutée, et qu’elle est par suite fondée à solliciter la restitution de la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge qu’elle a déclarée au titre du mois de décembre 2008 à raison de livraisons d’immeubles achevés depuis plus de cinq ans, elle ne produit aucun élément propre à justifier de la nature des opérations au titre desquelles la taxe en litige a été portée sur cette déclaration ; que, par suite, et sans qu’il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre, elle n’est pas fondée à demander la restitution de la taxe sur la valeur ajoutée correspondant à cette déclaration ;
13. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que la SCI Gestion Patrimoniale Cerdane n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à la décharge, d’une part, des cotisations supplémentaires d’impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2008 et 2009, d’autre part de la retenue à la source à laquelle elle a été assujettie au titre de l’année 2008, ainsi que des pénalités correspondantes, à la restitution de la taxe sur la valeur ajoutée déclarée au titre du mois de décembre 2008, et au bénéfice du report en arrière du déficit de l’exercice clos en 2009 ;
D É C I D E :
Article 1er : La requête de la SARL Gestion Patrimoniale Cerdane est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Gestion Patrimoniale Cerdane et au ministre de l’économie et des finances.
Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal sud-est.
Délibéré après l’audience du 24 janvier 2017, où siégeaient :
– M. Cherrier, président,
– Mme Chevalier-Aubert, président assesseur,
– Mme Mastrantuono, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 28 février 2017.
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N° 15MA02289