CAA de MARSEILLE, 4ème chambre – formation à 3, 12/04/2019, 15MA03131, Inédit au recueil Lebon

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CAA de MARSEILLE, 4ème chambre – formation à 3, 12/04/2019, 15MA03131, Inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE

AU
NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C… A…a demandé au tribunal administratif de Montpellier de prononcer la réduction de la cotisation d’impôt sur le revenu à laquelle elle a été assujettie au titre de l’année 2012.

Par un jugement n° 1306114 du 21 mai 2015, le tribunal administratif de Montpellier, après avoir constaté qu’il n’y avait pas lieu de statuer sur les conclusions à fin de réduction à concurrence de la somme de 5 094 euros, a fixé le montant des revenus de capitaux mobiliers tirés de la vente, le 7 novembre 2012, des 400 parts du capital de la société Financière Apta détenues par Mme A… à 574 775 euros, déchargé Mme A… de la cotisation à l’impôt sur le revenu qui lui a été assignée au titre de l’année 2012, résultant de la différence entre le montant du revenu retenu par l’administration et le montant ainsi fixé, et a rejeté le surplus de la demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 24 juillet 2015, Mme A…, représentée par Me B…, demande à la Cour :

1°) d’annuler le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 21 mai 2015 en tant qu’il a rejeté le surplus de ses conclusions ;

2°) de prononcer la réduction et la restitution de l’imposition restant en litige, assortie des intérêts moratoires ;

3°) de mettre à la charge de l’Etat les entiers dépens ainsi que la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

– l’administration ne pouvait rehausser la base imposable sans respecter la procédure de rectification contradictoire ;

– le montant du revenu distribué imposable à raison du rachat des parts de la société Financière Apta s’élève à 354 460 euros, dès lors que doit être déduite de la valeur des parts rachetées, soit 614 775 euros, une créance de carry back de 76 815 euros, et que la valeur d’acquisition à prendre en compte s’élève à 183 500 euros ;

– selon la doctrine administrative référencée BOI-RPPM-RCM-10-20-30-20 dans sa version en vigueur au 14 octobre 2014, à laquelle renvoie la doctrine référencée BOI-RPPM-PVBMI-10-10-10, le montant du revenu distribué résultant d’une opération de rachat par une société de ses propres titres auprès d’une personne physique est égal à l’excédent du prix de rachat des titres annulés sur le montant des apports compris dans la valeur nominale des titres rachetés ou le prix ou la valeur d’acquisition des titres rachetés, s’il est supérieur au montant des apports ;

– il résulte des n° 70 et suivants de la doctrine administrative référencée BOI-RPPM-PVBMI-20-10-20-60 que la plus-value réalisée par chaque associé est égale à la différence entre le prix de cession de ses droits et leur prix d’acquisition, ou, en cas d’acquisition à titre gratuit, leur valeur vénale appréciée au jour de leur entrée dans son patrimoine, c’est-à-dire retenue pour la détermination des droits de mutation à titre gratuit.

Par un mémoire en défense, enregistré le 29 décembre 2015, le ministre des finances et des comptes publics conclut à ce qu’il soit constaté qu’il n’y a pas lieu de statuer sur la requête à hauteur du dégrèvement prononcé en cours d’instance et au rejet du surplus des conclusions de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par Mme A… à l’encontre de l’imposition restant en litige ne sont pas fondés.

Les parties ont été informées de ce que la Cour était susceptible de relever d’office un moyen, tiré de la méconnaissance du champ d’application de la loi, dès lors que l’imposition du gain litigieux dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers serait contraire à l’autorité de la chose jugée attachée à la décision du conseil constitutionnel n° 2014-404 QPC du 20 juin 2014.

Les parties ont répondu au moyen ainsi soulevé d’office.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

– la décision 2014-404 QPC du Conseil constitutionnel du 20 juin 2014 ;

– le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

– le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

– le rapport de Mme Mastrantuono,

– et les conclusions de Mme Boyer, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A…, qui détenait avec son époux et ses trois enfants le capital de la société Financière Apta, a décidé de se retirer de cette société. Le 7 novembre 2012, la société Financière Apta a racheté ses parts et réduit son capital de moitié. Mme A… a ainsi déclaré, au titre de ses revenus de l’année 2012, un revenu exceptionnel imposable suivant le système du quotient de 414 775 euros. L’administration fiscale a rejeté sa réclamation préalable tendant au bénéfice de l’abattement de 40 % prévu à l’article 158-3-2° du code général des impôts pour les revenus distribués au titre de la cotisation d’impôt sur le revenu ainsi mise à sa charge au titre de l’année 2012. Mme A… a alors saisi le tribunal administratif de Montpellier, qui, par un jugement n° 1306114 du 21 mai 2015, après avoir constaté qu’il n’y avait pas lieu de statuer sur les conclusions à fin de réduction de l’imposition à concurrence de la somme de 5 094 euros, et admis la demande de compensation présentée par l’administration, a fait partiellement droit à la demande tendant à la décharge de cette imposition. Mme A… fait appel du jugement en tant qu’il a rejeté le surplus de ses conclusions à fin de décharge de la cotisation d’impôt sur le revenu à laquelle elle a été assujettie au titre de l’année 2012.

Sur l’étendue du litige :

2. Par une décision du 7 janvier 2016, postérieure à l’introduction de la requête, le directeur départemental des finances publiques de l’Hérault a prononcé le dégrèvement de la cotisation d’impôt sur le revenu en litige à concurrence de 38 474 euros. Les conclusions de la requête de Mme A… sont, dans cette mesure, devenues sans objet.

Sur le surplus de l’imposition contestée :

3. En premier lieu, l’article L. 203 du livre des procédures fiscales dispose que :  » Lorsqu’un contribuable demande la décharge ou la réduction d’une imposition quelconque, l’administration peut, à tout moment de la procédure et malgré l’expiration des délais de prescription, effectuer ou demander la compensation dans la limite de l’imposition contestée, entre les dégrèvements reconnus justifiés et les insuffisances ou omissions de toute nature constatées dans l’assiette ou le calcul de l’imposition au cours de l’instruction de la demande « .

4. L’admission d’une demande de compensation présentée par l’administration devant le juge de l’impôt, en application de l’article L. 203 du livre des procédures fiscales, n’implique pas qu’une procédure administrative comportant une proposition de rectification doive être préalablement engagée. Par suite, Mme A… n’est pas fondée à soutenir que l’administration ne pouvait rehausser la base imposable sans respecter la procédure de rectification contradictoire.

5. En deuxième lieu, par une décision 2014-404 QPC en date du 20 juin 2014, le Conseil Constitutionnel a déclaré contraires à la Constitution les dispositions du 6° de l’article 112 du code général des impôts, dans sa rédaction alors applicable, aux termes duquel ne sont pas considérées comme revenus distribués  » Les sommes ou valeurs attribuées aux actionnaires au titre du rachat de leurs actions, lorsque ce rachat est effectué dans les conditions prévues aux articles L. 225-208 ou L. 225-209 à L. 225-212 du code de commerce. Le régime des plus-values prévu, selon les cas, aux articles 39 duodecies, 150-0 A ou 150 UB est alors applicable « , au motif qu’elles introduisaient, entre les actionnaires ou associés personnes physiques cédants, pour l’imposition des sommes ou valeurs reçues au titre du rachat de leurs actions ou parts sociales par la société émettrice, une différence de traitement ne reposant ni sur une différence de situation entre les procédures de rachat, ni sur un motif d’intérêt général en rapport direct avec l’objet de la loi. Il a décidé de reporter au 1er janvier 2015 la date de l’abrogation des dispositions déclarées contraires à la Constitution et a prévu, afin de préserver l’effet utile de sa décision, notamment à la solution des instances en cours, que les sommes ou valeurs reçues avant le 1er janvier 2014 par les actionnaires ou associés personnes physiques au titre du rachat de leurs actions ou parts sociales par la société émettrice, lorsque ce rachat a été effectué selon une procédure autorisée par la loi, ne seraient pas considérées comme des revenus distribués et seraient imposées selon le régime des plus-values de cession prévu, selon les cas, aux articles 39 duodecies, 150-0 A ou 150 UB du code général des impôts. Il est constant que les sommes en cause ont été perçues par Mme A… dans le cadre susmentionné. Elles ne peuvent en conséquence faire l’objet d’une taxation dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers. Ainsi, le moyen tiré de ce que le montant imposable du revenu distribué ne s’élèverait qu’à 354 460 euros avant application de l’abattement de 40 % prévu par l’article 158-3-2° du code général des impôts doit être écarté comme inopérant. En admettant même que la plus-value taxable au taux proportionnel de 19 %, en application des dispositions combinées, alors applicables, des articles 150-0 A et 200 A du code général des impôts, soit déterminée en tenant compte des valeurs de rachat et d’acquisition dont Mme A… fait état, l’imposition correspondante serait supérieure à la somme restant en litige à l’issue des dégrèvements prononcés par l’administration au cours de la première instance et de l’instance devant la Cour.

6. En troisième lieu, aux termes de l’article L. 80 A du livre des procédures fiscales :  » Il ne sera procédé à aucun rehaussement d’impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l’administration est un différend sur l’interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s’il est démontré que l’interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l’époque, formellement admise par l’administration. / Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l’interprétation que l’administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu’elle n’avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente. Sont également opposables à l’administration, dans les mêmes conditions, les instructions ou circulaires publiées relatives au recouvrement de l’impôt et aux pénalités fiscales « .

7. Mme A…, imposée conformément aux éléments qu’elle a déclarés, n’a pas fait l’objet d’un rehaussement d’imposition au titre de l’année 2012, et n’a fait application d’aucune interprétation administrative de la loi fiscale. Dès lors, elle n’est en tout état de cause pas fondée à se prévaloir, sur le fondement de l’article L. 80 A précité du livre des procédures fiscales, des énonciations de la doctrine administrative référencée BOI-RPPM-RCM-10-20-30-20 dans sa version en vigueur au 14 octobre 2014, et BOI-RPPM-PVBMI-20-10-20-60.

8. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A… n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté les conclusions de sa demande tendant à la décharge de l’imposition restant en litige au titre de l’année 2012, ainsi que des pénalités correspondantes.

Sur les conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Dans les circonstances de l’espèce, il n’y a pas lieu de faire droit aux conclusions de Mme A… présentées sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

D É C I D E :

Article 1er : Il n’y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête tendant à la décharge de la cotisation d’impôt sur le revenu à laquelle Mme A… a été assujettie au titre de l’année 2012 à hauteur de 38 474 euros.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme A… est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C… A…et au ministre de l’action et des comptes publics.

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal sud-est.

Délibéré après l’audience du 2 avril 2019, où siégeaient :

– M. Antonetti, président,

– M. Barthez, président assesseur,

– Mme Mastrantuono, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 12 avril 2019.

6

N° 15MA03131

mtr


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