Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU
NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société à responsabilité limitée (SARL) Chemin du Genêt a demandé au tribunal administratif de Montpellier de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités correspondantes auxquels elle a été assujettie au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2014.
Par un jugement n° 1703859 du 25 juin 2018, le tribunal administratif de Montpellier a prononcé la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités correspondantes auxquels elle a été assujettie au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2014.
Procédure devant la Cour :
Par un recours, enregistré le 23 octobre 2018, le ministre de l’action et des comptes publics, demande à la Cour :
1°) d’annuler le jugement du tribunal administratif de Montpellier n° 1703859 du 25 juin 2018 ;
2°) de remettre à la charge de la SARL Chemin du Genêt les rappels de taxe sur la valeur ajoutée et les pénalités correspondantes auxquels elle a été assujettie au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2014.
Il soutient que :
– pour bénéficier du régime dérogatoire de l’article 268 du code général des impôts, le bien revendu doit avoir une qualification juridique identique au bien acquis ;
– par l’effet dévolutif de l’appel il se réfère aux moyens soulevés dans ses écritures de première instance.
Par un mémoire en défense, enregistré le 4 décembre 2018, la SARL Chemin du Genêt conclut au rejet du recours du ministre de l’action et des comptes publics, et à ce que soit mis à la charge de l’Etat la somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens invoqués par le ministre ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
– la directive 77/388/CEE du 17 mai 1977 ;
– la directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006 ;
– le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
– la loi n° 2010-237 du 9 mars 2010 de finances rectificative pour 2010 ;
– le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.
Ont été entendus au cours de l’audience publique :
– le rapport de M. A…,
– et les conclusions de Mme Boyer, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La SARL Chemin du Genêt qui exerce une activité de marchand de biens a fait l’objet d’une vérification de comptabilité en matière de taxe sur la valeur ajoutée portant sur la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2014, à l’issue de laquelle, elle a été assujettie au titre de la période correspondant à l’année 2014 à des rappels procédant de la remise en cause du régime de taxation sur la marge dont elle a fait application lors de la vente de terrains préalablement acquis le 9 décembre 2011 sur le territoire de la commune de Sète (Hérault). Après avoir vainement contesté les rappels de taxe sur la valeur ajoutée devant l’administration, elle a demandé au tribunal administratif de Montpellier de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités correspondantes auxquels elle a été assujettie au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2014. Par un jugement du 25 juin 2018, le tribunal administratif de Montpellier a prononcé la décharge desdits rappels de taxe sur la valeur ajoutée et mis à la charge de l’Etat la somme de 1 200 euros au titre des frais exposés. C’est de ce jugement dont le ministre de l’action et des comptes publics relève appel.
Sur le motif d’annulation retenu par le tribunal administratif :
2. Aux termes de l’article 392 de la directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006 susvisée relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée : » Les Etats membres peuvent prévoir que, pour les livraisons de bâtiments et de terrains à bâtir achetés en vue de la revente par un assujetti qui n’a pas eu droit à déduction à l’occasion de l’acquisition, la base d’imposition est constituée par la différence entre le prix de vente et le prix d’achat. « . Aux termes de l’article 268 du code général des impôts : » S’agissant de la livraison d’un terrain à bâtir, (…), si l’acquisition par le cédant n’a pas ouvert droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée, la base d’imposition est constituée par la différence entre : 1° D’une part, le prix exprimé et les charges qui s’y ajoutent ; 2° D’autre part, selon le cas : a) soit les sommes que le cédant a versées, à quelque titre que ce soit, pour l’acquisition du terrain ou de l’immeuble ; b) soit la valeur nominale des actions ou parts reçues en contrepartie des apports en nature qu’il a effectués. (…) « .
3. Il résulte des dispositions citées du code général des impôts et de la directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006 que l’application de la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge aux livraisons de terrains à bâtir est conditionnée au seul fait que l’acquisition par le cédant n’a pas ouvert droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée lors de son acquisition.
4. Il résulte de l’instruction que la SARL Chemin du Genêt a acquis le 9 décembre 2011 des terrains partiellement bâtis sur le territoire de la commune de Sète portant les références cadastrales AW32, AW 295 et AW 296, qu’elle a cédés en 2014 comme terrains à bâtir. Pour remettre en cause le régime de la taxe sur la valeur ajoutée dit » sur la marge » appliqué par la société sur les livraisons de ces terrains, dont il n’est pas contesté qu’ils ne lui avaient pas ouvert droit à déduction lors de leur acquisition, l’administration s’est fondée sur les circonstances que ces biens n’ont pas été acquis comme terrains à bâtir et qu’ils n’ont pas fait l’objet de divisions parcellaires préalablement à leur acquisition. Il ne résulte toutefois ni des dispositions citées de l’article 268 du code général des impôts, ni même de l’intention du législateur, que le bénéfice du régime de la taxe sur la valeur ajoutée dit » sur la marge » soit subordonné, dans le cas de la livraison d’un terrain à bâtir, à la condition que le bien ait été acquis comme terrain à bâtir ou qu’il ait fait l’objet de divisions parcellaires préalablement à son acquisition. Ainsi, contrairement à ce que soutient le ministre, en se prévalant de sa doctrine, laquelle ne saurait légalement fonder une imposition, la circonstance que les caractéristiques physiques et la qualification juridique du bien acheté ont été modifiées avant la cession est sans incidence sur l’application du régime de taxe sur la valeur ajoutée sur la marge au sens de l’article 268 du code général des impôts. Par suite, le moyen tiré de ce que pour bénéficier du régime dérogatoire de l’article 268 du code général des impôts, le bien revendu doit avoir une qualification juridique identique au bien acquis ne peut qu’être écarté.
5. Il résulte de ce qui précède que le ministre de l’action et des comptes publics n’est pas fondé à soutenir que c’est à tort que, par l’article 1er de ce jugement, le tribunal administratif de Montpellier a prononcé la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui ont été réclamés à la SARL Chemin du Genêt au titre de la période du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2014 ni que, par l’article 2 de ce jugement, l’Etat a été condamné à verser une somme de 1 200 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Sur les frais liés au litige :
6. Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de l’Etat une somme de 2 000 euros à verser à la SARL Chemin du Genêt sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
D É C I D E :
Article 1er : Le recours du ministre de l’action et des comptes publics est rejeté.
Article 2 : L’Etat versera à la SARL Chemin du Genêt la somme de 2 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l’action et des comptes publics et à la SARL Chemin du Genêt.
Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Est Outre-mer.
Délibéré après l’audience du 3 mars 2020, où siégeaient :
– M. Antonetti, président,
– M. Barthez, président assesseur,
– M. A…, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 mars 2020 (article 11 de l’ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020).
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N° 18MA04544
nc