Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU
NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La SARL Immodem a demandé au tribunal administratif de Montpellier de prononcer la restitution de droits de taxe sur la valeur ajoutée pour un montant de 115 288 euros au titre de la période du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2010.
Par un jugement n° 1405861 du 23 mai 2016, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 19 juillet 2016 et le 24 mars 2017, la SARL Immodem, représentée par Me A…, demande à la Cour :
1°) de réformer ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 23 mai 2016 ;
2°) de prononcer la restitution de droits de taxe sur la valeur ajoutée pour un montant de 59 980 euros au titre de la période du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2009 ;
3°) de mettre à la charge de l’État la somme de 2 300 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
– les dispositions du 6° de l’article 257 du code général des impôts dans leur rédaction en vigueur jusqu’en 2010 étaient incompatibles avec les objectifs de la directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006 en ce qu’elles soumettaient de plein droit à la taxe sur la valeur ajoutée les cessions d’immeubles bâtis anciens ;
– elle est en droit d’obtenir la restitution des droits de la taxe sur la valeur ajoutée collectée, dont elle justifie le montant.
Par un mémoire en défense, enregistré le 30 décembre 2016, le ministre de l’économie et des finances conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
– les conclusions à fin de restitution sont irrecevables en ce qu’elles excèdent les sommes versées au Trésor public soit 9 542 euros au titre de l’année 2008 et 4 160 euros au titre de l’année 2009 ;
– les moyens soulevés par la SARL Immodem ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
– la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 ;
– la loi n° 2010-237 du 9 mars 2010 ;
– le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
– le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.
Ont été entendus au cours de l’audience publique :
– le rapport de M. Ouillon,
– les conclusions de M. Maury, rapporteur public,
– et les observations de Me A…, représentant la SARL Immodem.
1. Considérant que la SARL Immodem, qui exerce une activité de marchand de biens, relève appel du jugement du 23 mai 2016 du tribunal administratif de Montpellier en tant qu’il a rejeté sa demande tendant à la restitution de droits de taxe sur la valeur ajoutée, collectés à l’occasion de livraisons d’immeubles achevés depuis plus de cinq ans au cours de la période du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2009 pour un montant total de 59 980 euros ;
Sur le principe de la restitution :
2. Considérant, d’une part, qu’aux termes de l’article 2 de la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 : » 1. Sont soumises à la taxe à la valeur ajoutée (…) les livraisons de biens effectuées à titre onéreux sur le territoire d’un État membre par un assujetti agissant en tant que tel (…) » ; qu’aux termes de l’article 12 de cette directive : » 1. Les États membres peuvent considérer comme assujetti quiconque effectue, à titre occasionnel (…) notamment une seule des opérations suivantes : a) la livraison d’un bâtiment ou d’une fraction de bâtiment et du sol y attenant, effectuée avant sa première occupation (…) ; qu’aux termes de l’article 135 de la même directive : » 1. Les États membres exonèrent les opérations suivantes : (…) j) les livraisons de bâtiments ou d’une fraction de bâtiment et du sol y attenant autres que ceux visés à l’article 12, paragraphe 1, point a) (…) » ; qu’aux termes de l’article 137 de la même directive : » 1. Les États membres peuvent accorder à leurs assujettis le droit d’opter pour la taxation des opérations suivantes : / (… ) b) les livraisons de bâtiments ou d’une fraction de bâtiment et du sol y attenant autres que celles visées à l’article 12, paragraphe 1, point a) (…) » et qu’aux termes de l’article 392 de la même directive : » Les États membres peuvent prévoir que, pour les livraisons de bâtiments et de terrains à bâtir achetés en vue de la revente par un assujetti qui n’a pas eu droit à déduction à l’occasion de l’acquisition, la base d’imposition est constituée par la différence entre le prix de vente et le prix d’achat » ; qu’en vertu de l’article 413 de cette directive, ces dispositions qui ne sont pas au nombre de celles visées à l’article 412, sont entrées en vigueur le 1er janvier 2007 ;
3. Considérant, d’autre part, qu’aux termes de l’article 256 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au litige : » I. Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel. / II. 1° Est considéré comme livraison d’un bien, le transfert du pouvoir de disposer d’un bien meuble corporel comme un propriétaire. (…) » ; qu’aux termes de l’article 257 du même code, dans sa rédaction également applicable au litige : » Sont également soumis à la taxe sur la valeur ajoutée : / (…) 6° Sous réserve du 7° : / a) Les opérations qui portent sur des immeubles, des fonds de commerce ou des actions ou parts de sociétés immobilières et dont les résultats doivent être compris dans les bases de l’impôt sur le revenu au titre des bénéfices industriels et commerciaux (…) » ; qu’aux termes de l’article 268 du même code, dans sa rédaction applicable au litige : » En ce qui concerne les opérations visées au 6° de l’article 257, la base d’imposition à la taxe sur la valeur ajoutée est constituée par la différence entre : / a. D’une part, le prix exprimé et les charges qui viennent s’y ajouter, ou la valeur vénale du bien si elle est supérieure au prix majoré des charges ; / b. D’autre part, selon le cas : / – soit les sommes que le cédant a versées, à quelque titre que ce soit, pour l’acquisition du bien ; / – soit la valeur nominale des actions ou parts reçues en contrepartie des apports en nature qu’il a effectués (…) » ;
4. Considérant que le régime de taxation obligatoire prévu par les dispositions précitées du 6° de l’article 257 du code général des impôts en vigueur jusqu’au 10 mars 2010 auquel la société requérante a été soumise, était incompatible avec les objectifs de la directive du 28 novembre 2006 dès lors qu’il n’ouvrait pas aux opérateurs économiques réalisant des opérations de livraison de bâtiments anciens, qui étaient exonérés de taxe sur la valeur ajoutée en application des dispositions précitées du j) de l’article 135 de cette directive, la possibilité de taxer, sur option, ces mêmes opérations et alors même que l’article 137 de la même directive n’impose pas aux Etats de prévoir un régime optionnel de taxe sur la valeur ajoutée mais leur en ouvre seulement la possibilité ;
5. Considérant qu’en tant que marchand de biens soumis au régime prévu au 6° de l’article 257 du code général des impôts en vigueur jusqu’au 10 mars 2010 pour les opérations réalisées sur des immeubles anciens, la SARL Immodem a été privée de la possibilité d’exercer l’option pour la taxation à la taxe sur la valeur ajoutée avant la transposition en droit interne, par l’article 16 de la loi du 9 mars 2010 portant loi de finances rectificative pour 2010, de la directive du 28 novembre 2006 ; que le ministre de l’économie et des finances ne conteste pas ces éléments ; qu’elle est, par suite, fondée à solliciter la restitution de la taxe sur la valeur ajoutée qu’elle a acquittée sur les livraisons d’immeubles achevés depuis plus de cinq ans qu’elle a réalisées au titre de la période du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2009 ;
Sur le montant de la restitution :
6. Considérant qu’aux termes de l’article 268 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au litige : » En ce qui concerne les opérations visées au 6° de l’article 257, la base d’imposition à la taxe sur la valeur ajoutée est constituée par la différence entre : a. D’une part, le prix exprimé et les charges qui viennent s’y ajouter, ou la valeur vénale du bien si elle est supérieure au prix majoré des charges ; b. D’autre part, selon le cas : – soit les sommes que le cédant a versées, à quelque titre que ce soit, pour l’acquisition du bien ; – soit la valeur nominale des actions ou parts reçues en contrepartie des apports en nature qu’il a effectués. Lorsque l’opération est réalisée par un fiduciaire, les sommes mentionnées aux deuxième et troisième alinéas s’apprécient, le cas échéant, chez le constituant » ;
En ce qui concerne l’année 2008 :
7. Considérant qu’il ressort des attestations notariées produites par la requérante, dont le contenu n’est pas contesté par l’administration, que la SARL Immodem a revendu le 21 février 2008 un immeuble situé sur le territoire de la commune de Montpellier et a réalisé une marge d’un montant de 85 000 euros toutes taxes comprises pour une taxe sur la valeur ajoutée sur la marge collectée de 13 930 euros ; qu’elle a également réalisé une marge d’un montant de 35 175 euros toutes taxes comprises pour une taxe sur la valeur ajoutée sur la marge collectée de 5 765 euros à la suite de la cession, le 10 juillet 2008, d’un immeuble situé sur le territoire de la commune de Mauguio ; qu’enfin, le 16 et le 21 octobre 2008, le 12 novembre 2008 et le 29 décembre 2008, elle a revendu des immeubles situés sur les communes de Montpellier, Mauguio et Saint-Gély-du-Fesc, réalisant à cette occasion une marge globale de 139 300 euros toutes taxes comprises et collectant une taxe sur la valeur ajoutée sur la marge d’un montant de 22 828 euros ; qu’il résulte de l’instruction et notamment des extraits de sa comptabilité que la SARL Immodem a porté sur ses déclarations de chiffre d’affaires du premier, du troisième et du quatrième trimestres de l’année 2008, la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge qu’elle a collectée à tort sur les opérations de revente d’immeubles achevés depuis plus de cinq ans pour les montants, respectivement, de 13 930 euros, de 5 765 euros et de 22 828 euros ; que, toutefois, le ministre est fondé à soutenir que la société requérante ne peut prétendre à la restitution de cette taxe collectée à tort que dans la limite des sommes qu’elle a versées au Trésor au titre des périodes correspondantes, telles qu’elles figurent sur les extraits de ces déclarations produites au dossier et dont la réalité du versement n’est pas utilement contestée par l’administration ; qu’ainsi, si la SARL Immodem peut prétendre à la restitution de la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge collectée à tort d’un montant de 13 930 euros au titre du premier trimestre de l’année 2008, elle ne peut obtenir que la restitution d’une somme de 1 140 euros et de 17 911 euros pour, respectivement, les troisième et quatrième trimestres de cette même année ; que le surplus de sa demande de restitution est, comme le soutient le ministre, irrecevable ;
En ce qui concerne l’année 2009 :
8. Considérant que les attestations notariées produites permettent d’établir que la SARL Immodem a revendu le 7 janvier et le 25 février 2009 des immeubles situés sur le territoire des communes de Saint-Gély-du-Fesc et de Montpellier et a réalisé, à cette occasion, une marge globale de 34 600 euros toutes taxes comprises et a collecté une taxe sur la valeur ajoutée sur la marge d’un montant de 5 670 euros ; qu’elle a, également, réalisé une marge d’un montant de 76 000 euros toutes taxes comprises pour une taxe sur la valeur ajoutée sur la marge collectée de 12 454 euros à la suite de la cession le 17 septembre 2009 d’un immeuble situé sur le territoire de la commune de Saint-Clément-de-Rivière ; qu’enfin, la société requérante n’a réalisé aucune marge bénéficiaire lors de la revente le 28 octobre 2009 d’un immeuble qu’elle avait acquis à Mauguio ; qu’il résulte de l’instruction et notamment des extraits de sa comptabilité que la SARL Immodem a fait figurer sur ses déclarations de chiffre d’affaires des premier et troisième trimestres de l’année 2009, la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge qu’elle a collectée à tort sur les opérations de revente d’immeubles achevés depuis plus de cinq ans qu’elle a ainsi réalisées, pour des montants, respectivement, de 5 670 euros et de 12 454 euros ; que, toutefois, comme le soutient le ministre, la société requérante ne peut prétendre à la restitution de cette taxe collectée à tort que dans la limite des sommes qu’elle a versées au Trésor au titre des périodes correspondantes, la réalité de ce versement n’étant pas utilement contestée par l’administration ; qu’ainsi, si la SARL Immodem peut prétendre à la restitution de la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge collectée à tort d’un montant de 5 670 euros au titre du premier trimestre de l’année 2009, elle ne peut obtenir que la restitution d’une somme de 7 627 euros pour le troisième trimestre de cette même année ; que le surplus de sa demande de restitution est, comme le soutient le ministre, irrecevable ;
9. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que la SARL Immodem est fondée à demander la restitution de la taxe sur la valeur ajoutée qu’elle a collectée à tort lors de la cession d’immeubles de plus de cinq ans à concurrence des sommes de 13 930 euros, 1 140 euros et 17 911 euros, soit un total de 32 981 euros au titre de l’année 2008, et de 5 670 euros et 7 627 euros, soit un total de 13 297 euros au titre de l’année 2009 ;
10. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que la SARL Immodem est seulement fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier ne lui a pas accordé la restitution de la taxe sur la valeur ajoutée à hauteur de 32 981 euros et de 13 297 euros au titre, respectivement, des années 2008 et 2009 ; qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de l’État la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la SARL Immodem et non compris dans les dépens ;
D É C I D E :
Article 1er : Il est accordé à la SARL Immodem la restitution de la taxe sur la valeur ajoutée à hauteur de 32 981 euros et de 13 297 euros au titre, respectivement, des années 2008 et 2009.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 23 mai 2016 est réformé en ce qu’il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : L’État versera à la SARL Immodem une somme de 1 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de la SARL Immodem est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Immodem et au ministre de l’économie.
Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Est.
Délibéré après l’audience du 11 mai 2017, où siégeaient :
– M. Bédier, président,
– M. Haïli, premier conseiller,
– M. Ouillon, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 29 mai 2017.
N° 16MA02874 4