CAA de MARSEILLE, 3ème chambre – formation à 3, 15/12/2016, 15MA01418, Inédit au recueil Lebon

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CAA de MARSEILLE, 3ème chambre – formation à 3, 15/12/2016, 15MA01418, Inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE

AU
NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL Les Agriates a demandé au tribunal administratif de Bastia de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d’impôt sur les sociétés et de contribution supplémentaire à cet impôt auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2008 et 2009, de la retenue à la source mise à sa charge au titre de l’année 2008 ainsi que du rappel de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamé pour la période du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2009.

Par un jugement n° 1300683 du 12 février 2015, le tribunal administratif de Bastia a réduit à 15 % le taux d’imposition de la retenue à la source pratiquée sur les revenus distribués à M. A… et rejeté le surplus de la demande de la société.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 8 avril 2015 et un mémoire enregistré le 4 octobre 2016, la SARL Les Agriates, représentée par Me B…, demande à la Cour :

1°) de réformer ce jugement du 12 février 2015 du tribunal administratif de Bastia ;

2°) de prononcer la décharge de la retenue à la source restant à sa charge au titre de l’année 2008 ainsi que du rappel de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamé pour la période du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2009 et des pénalités correspondantes ;

3°) de mettre à la charge de l’État la somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

– les prix des appartements qu’elle a cédés n’ont pas été anormalement minorés ;

– les pénalités pour manquement délibéré ne sont pas justifiées.

Par un mémoire en défense enregistré le 31 juillet 2015, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la SARL Les Agriates ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

– la sixième directive n° 77/388 du Conseil des communautés européennes ;

– la convention franco-suisse du 9 septembre 1966 ;

– le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

– le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

– le rapport de M. Sauveplane,

– et les conclusions de M. Maury, rapporteur public.

1. Considérant que la SARL Les Agriates, qui exerce une activité de construction vente, a fait l’objet d’une vérification de comptabilité à l’issue de laquelle l’administration a estimé qu’elle avait cédé, à un prix anormalement bas, à ses associés, au fils de l’un de ceux-ci et à l’un de ses salariés, huit appartements d’un immeuble qu’elle avait fait édifier ; que la SARL Les Agriates relève appel du jugement du 12 février 2015 du tribunal administratif de Bastia en tant que ce jugement a rejeté sa demande tendant à la décharge du rappel de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamé pour la période du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2009 et le surplus de sa demande tendant à la décharge de la retenue à la source à laquelle elle a été assujettie au titre de l’année 2008, à la suite de ce contrôle ;

Sur la taxe sur la valeur ajoutée :

2. Considérant qu’aux termes de l’article 257 du code général des impôts dans sa rédaction alors applicable :  » Sont également soumis à la taxe sur la valeur ajoutée : (…) 7° Les opérations concourant à la production ou à la livraison d’immeubles (…)  » ; qu’aux termes du 2. de l’article 266 du même code :  » En ce qui concerne les opérations mentionnées au 7° de l’article 257, la taxe sur la valeur ajoutée est assise : (…) b. Pour les mutations à titre onéreux (…) sur : Le prix de la cession (…). La valeur vénale réelle des biens, établie dans les conditions prévues à l’article L. 17 du livre des procédures fiscales, si cette valeur vénale est supérieure au prix, au montant de l’indemnité ou à la valeur des droits sociaux, augmenté des charges  » et qu’aux termes de l’article L. 17 du livre des procédures fiscales :  » En ce qui concerne les droits d’enregistrement et la taxe de publicité foncière ou la taxe sur la valeur ajoutée lorsqu’elle est due au lieu et place de ces droits ou taxe, l’administration des impôts peut rectifier le prix ou l’évaluation d’un bien ayant servi de base à la perception d’une imposition lorsque ce prix ou cette évaluation paraît inférieur à la valeur vénale réelle des biens transmis ou désignés dans les actes ou déclarations. La rectification correspondante est effectuée suivant la procédure de rectification contradictoire prévue à l’article L. 55, l’administration étant tenue d’apporter la preuve de l’insuffisance des prix exprimés et des évaluations fournies dans les actes ou déclaration  » ;

3. Considérant que les dispositions de l’article L. 17 du livre des procédures fiscales ont pour objet et pour effet d’ouvrir à l’administration la faculté de substituer, pour la détermination de l’assiette de la taxe sur la valeur ajoutée, la valeur vénale réelle du bien au prix stipulé lorsque cette valeur vénale est supérieure ; que, conformément toutefois aux dispositions de l’article 27 de la sixième directive n° 77/388 du Conseil des communautés européennes et aux termes de la demande française notifiée à la Commission européenne le 23 décembre 1977, il ne peut être recouru à ce mécanisme de substitution que dans le cas de livraisons d’immeubles et dans le but de lutter contre la fraude ou l’évasion fiscale ; que, dès lors que l’administration relève, d’une part, que les prix de locaux faisant l’objet de mutations ont été minorés et, d’autre part, que le vendeur et l’acheteur sont étroitement liés, elle peut, en application de l’article 27 de la sixième directive et du 2b de l’article 266 du code général des impôts, substituer la valeur vénale des immeubles aux prix déclarés pour l’assiette de la taxe sur la valeur ajoutée à condition de rapporter la preuve que l’insuffisance du prix de vente des locaux résulte d’une volonté d’évasion fiscale au sens de l’article 27 de la sixième directive, l’importance de l’insuffisance de prix n’étant pas, à elle seule, de nature à établir une telle volonté d’évasion fiscale ; que celle-ci, toutefois, se présume du seul fait de l’insuffisance significative du prix, lorsque les parties sont en relation d’intérêt, sauf preuve contraire apportée par le contribuable ;

4. Considérant que, pour apporter la preuve qui lui incombe de la sous-évaluation du prix de cession des appartements, l’administration se réfère au prix au mètre carré auquel ont été négociés des appartements, situés aux premier et deuxième étages comme les appartements cédés, d’immeubles similaires et vendus hors finitions à des tiers en 2007 et 2008, années de réservation des appartements litigieux ; que, pour la détermination de ce prix, l’administration a déduit la valeur des travaux restant à la charge des acquéreurs, estimée à partir des factures des entreprises intervenues sur les autres lots de l’immeuble ; que la détermination de ce prix moyen a fait apparaître une sous-estimation de 50 % des prix de cession pratiqués par la société en faveur des bénéficiaires des opérations litigieuses par rapport à la valeur réelle des biens ; que la société requérante ne justifie pas sérieusement cet important écart de prix en rappelant l’état d’inachèvement des immeubles, dont il a été tenu compte par l’administration, l’implication des associés pour la réalisation du programme, qui ne passe pas nécessairement par une cession d’immeubles à leur profit à une valeur inférieure de 50 % à leur valeur vénale, le fait que les cessions auraient eu lieu  » en bloc  » alors qu’elles ont concerné des personnes distinctes ou l’absence de frais de commercialisation qui ne saurait expliquer une diminution de moitié du prix moyen des biens ; que dans ces conditions, l’administration doit être regardée comme apportant la preuve de la minoration du prix de cession ; que les parties aux contrats de vente étant, en outre, en relation d’intérêt, la volonté d’évasion fiscale qui en résulte doit être présumée ; que, dès lors, c’est à bon droit que l’administration a réévalué la valeur vénale des immeubles cédés et rappelé les droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée en litige ;

Sur la retenue à la source :

5. Considérant qu’aux termes du premier alinéa du 2. de l’article 119 bis du code général des impôts, dans sa rédaction alors applicable :  » Les produits visés aux articles 108 à 117 bis donnent lieu à l’application d’une retenue à la source (…) lorsqu’ils bénéficient à des personnes qui n’ont pas leur domicile fiscal ou leur siège en France (…)  » et qu’en vertu du 2° du 1. de l’article 109 du même code, sont considérées comme revenus distribués  » toutes les sommes ou valeurs mises à la disposition des associés, actionnaires ou porteurs de parts et non prélevées sur les bénéfices  » ; que M. A…, qui réside fiscalement en Suisse, a bénéficié de la cession d’un appartement à un prix minoré conformément à ce qui a été dit au point 4 ; que c’est à bon droit que cette libéralité, regardée comme un revenu distribué, a fait l’objet, au titre de l’année 2008, de la retenue à la source frappant les dividendes de source française prévue au 2. de l’article 119 bis du code général des impôts, calculée, comme l’a jugé le tribunal administratif, au taux de 15 % prévu aux articles 11 et 14 de la convention franco-suisse du 9 septembre 1966 ;

Sur l’application des pénalités :

6. Considérant qu’aux termes de l’article 1729 du code général des impôts :  » Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l’indication d’éléments à retenir pour l’assiette ou la liquidation de l’impôt ainsi que la restitution d’une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l’État entraînent l’application d’une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré  » et qu’aux termes de l’article L. 195 A du livre des procédures fiscales :  » En cas de contestation des pénalités fiscales appliquées à un contribuable au titre des impôts directs, de la taxe sur la valeur ajoutée et des autres taxes sur le chiffre d’affaires, des droits d’enregistrement, de la taxe de publicité foncière et du droit de timbre, la preuve de la mauvaise foi et des manoeuvres frauduleuses incombe à l’administration  » ;

7. Considérant qu’en faisant valoir que la société a cédé à ses associés, au fils de l’un de ceux-ci et à une salariée des appartements pour un prix inférieur de plus de 50 % à la valeur vénale des biens par rapport aux autres acquéreurs des biens similaires dans la même période et qu’elle est un professionnel de l’immobilier ne pouvant ignorer l’avantage ainsi consenti aux acquéreurs, l’administration doit être regardée comme apportant la preuve de l’intention délibérée de la société d’éluder l’impôt ; que, comme il a été dit au point 4, les circonstances que la société aurait eu la volonté de renforcer l’implication de ses associés dans sa gestion et que les biens vendus n’étaient pas achevés ne sont pas de nature à justifier une telle minoration de prix ; que les pénalités pour manquement délibéré ont été, de ce fait, appliquées à bon droit ;

8. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que la SARL Les Agriates n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que le tribunal administratif de Bastia, par le jugement attaqué, a rejeté le surplus de sa demande ; qu’il y a lieu de rejeter, par voie de conséquence, ses conclusions présentées au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la SARL Les Agriates est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Les Agriates et au ministre de l’économie et des finances.

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Est.

Délibéré après l’audience du 1er décembre 2016, où siégeaient :

– M. Bédier, président,

– Mme Paix, président assesseur,

– M. Sauveplane, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 15 décembre 2016.

2

N° 15MA01418


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