CAA de LYON, 6ème chambre – formation à 3, 29/11/2018, 15LY02591, Inédit au recueil Lebon

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CAA de LYON, 6ème chambre – formation à 3, 29/11/2018, 15LY02591, Inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE

AU
NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme F…B…C…a demandé, le 1er avril 2015, dans le dernier état de ses écritures, au tribunal administratif de Dijon de :

1°) reconnaitre la responsabilité pour faute du centre hospitalier de Nevers et le condamner a minima à réparer les préjudices en découlant à hauteur de 50 % ;

2°) parallèlement, constater qu’elle a été victime d’un accident médical non fautif susceptible de prise en charge par l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) ; en conséquence condamner l’ONIAM à indemniser ses préjudices dans la proportion restante dès lors que le centre hospitalier de Nevers aura été reconnu responsable d’une perte de chance ;

3°) à titre subsidiaire, dans l’hypothèse où la responsabilité du centre hospitalier de Nevers serait écartée, condamner l’ONIAM à l’indemniser en intégralité de ses préjudices en lien avec l’accident médical non fautif ;

4°) en toute hypothèse, dire que le ou les défendeurs seront condamnés à lui verser :

– 13 036,34 euros sauf mémoire au titre des préjudices patrimoniaux temporaires,

– 56 243,75 euros sauf mémoire au titre des préjudices extra-patrimoniaux temporaires,

– 549 821,94 euros sauf mémoire au titre des préjudices patrimoniaux permanents,

– 303 000 euros sauf mémoire au titre de préjudices extra-patrimoniaux permanents ;

et de dire que ces sommes porteront intérêts à compter de la date de l’avis de la CRCI, soit le 7 octobre 2013 ou à défaut à compter de la date du recours amiable ;

5°) dire que le jugement à intervenir sera opposable à l’organisme social et statuer poste par poste sur les préjudices ;

6°) condamner le ou les défendeurs à lui verser la somme de 3 500 euros en application de l’ article L. 761-1 du code de la justice administrative ;

La caisse primaire d’assurance maladie de la Nièvre (CPAM), par mémoire du 18 décembre 2014, a conclu à la condamnation du centre hospitalier de Nevers à lui rembourser, au titre de ses prestations versées, les sommes de 218 258,19 euros et ce avec intérêts de droit à compter de la présente demande ainsi que 1 028 euros au titre de l’indemnité forfaitaire légale et 1 000 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1403231 du 25 juin 2015, le tribunal administratif de Dijon a condamné pour défaut d’information le centre hospitalier de Nevers à verser à Mme B…C…la somme de 87 095,98 euros, avec intérêts à compter du 29 septembre 2014. Il a également condamné l’ONIAM, au titre de la solidarité nationale, à verser à Mme B…C…la somme de 87 095,98 euros avec intérêts à compter du 29 septembre 2014. Il a condamné ledit centre hospitalier à rembourser à la caisse primaire d’assurance maladie de la Nièvre la somme de 77 158,96 euros, avec intérêt à compter du 18 décembre 2014.

Il a également jugé que les frais futurs de santé de Mme B… C…seront remboursés à la CPAM de la Nièvre par le centre hospitalier de Nevers sur présentation de justificatifs au fur et à mesure qu’ils seront exposés, dans la limite d’un montant annuel de 1 465,06 euros. Il a aussi condamné ledit centre hospitalier à verser à la CPAM de la Nièvre la somme de 1 037 euros au titre de l’indemnité forfaitaire de gestion prévue à l’article L. 376-1 du code de la sécurité sociale.

Le tribunal administratif a dans l’article 5 de son jugement mis à la charge du centre hospitalier de Nevers le versement d’une somme de 1 500 euros à Mme B…C…au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative et dans son article 6 le versement d’une somme de 1 000 euros à la CPAM de la Nièvre au titre du même article .

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 23 juillet 2015 et des mémoires du 18 mars 2016 et 20 juillet 2016, un mémoire récapitulatif du 22 septembre 2017 et des mémoires des 9 mai et 9 octobre 2018, Mme B…C…, représentée par la SELARL d’avocats Coubris, Courtois et associés, demande à la cour dans le dernier état de ses écritures de :

1°) confirmer le jugement en ce qu’il a retenu la responsabilité pour faute du centre hospitalier de Nevers et le condamner a minima à réparer les préjudices en découlant à hauteur de 50% ;

2°) confirmer qu’elle a été victime d’un accident médical non fautif susceptible de prise en charge par l’ONIAM et de le condamner à l’indemniser de ses préjudices dans la proportion restante dès lors que le centre hospitalier de Nevers aura été reconnu responsable d’une perte de chance ;

3°) à titre subsidiaire, dans l’hypothèse où la responsabilité du centre hospitalier de Nevers serait écartée, de condamner l’ONIAM à l’indemniser en intégralité de ses préjudices en lien avec l’accident médical non fautif ;

4°) de réformer le jugement en tant qu’il a limité les sommes devant lui être versées en réparation de son préjudice et de condamner le ou les défendeurs à lui verser les sommes de :

– 8 907,46 euros sauf mémoire au titre des préjudices patrimoniaux temporaires ;

– 56 243,75 euros sauf mémoire au titre des préjudices extrapatrimoniaux temporaires ;

– 641 576,86 euros sauf mémoire au titre des préjudices patrimoniaux permanents ;

– et 303 000 euros au titre de préjudices extrapatrimoniaux permanents ;

– dire que ces sommes porteront intérêts à compter de la date de l’avis de la CRCI, soit le 7 octobre 2013 ou à défaut à compter de la date du recours amiable ;

5°) condamner le ou les défendeurs à lui verser la somme de 3 500 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

– suite au rapport d’expertise du docteur A…du 1er août 2013 mettant en évidence un défaut d’information de la part du centre hospitalier de Nevers et un aléa thérapeutique comme étant à l’origine de ses actuels problèmes d’élocution et respiratoires et de son incapacité à pouvoir reprendre un travail, la CRCI de Bourgogne a entériné cette analyse dans son avis du 7 octobre 2013 et a estimé que la responsabilité du centre hospitalier de Nevers était engagée à hauteur de 50% à raison d’un défaut d’information et qu’ayant été également victime d’un aléa thérapeutique, l’ONIAM devait l’indemniser à hauteur de 50% de ses préjudices ;

– le tribunal administratif de Dijon a estimé qu’elle a été victime d’un défaut d’information imputable au centre hospitalier de Nevers à l’origine d’une perte de chance de 50% d’échapper aux complications dont elle a été victime et qu’elle a été victime d’un accident médical non fautif susceptible de donner lieu à indemnisation au titre de la solidarité nationale par l’ONIAM à hauteur des 50% restants ;

– la responsabilité pour faute du centre hospitalier de Nevers pour défaut d’information a été relevé par les deux experts ; alors qu’il existait une alternative thérapeutique médicamenteuse moins risquée, le chirurgien n’a pas envisagé l’abstention chirurgicale comme possible et ne l’a lui a pas proposée; si elle avait été informée, il est plus que probable qu’elle aurait refusé, les troubles susceptibles d’intervenir étant bien pires de ceux dont elle se plaignait et ce nodule thyroïdien ne constituait pas dans les circonstances de l’espèce une urgence thérapeutique ; une dyspnée permanente n’a pas les mêmes conséquences à 45 ans et à 70 ans ; elle aurait tenu compte du retentissement personnel et professionnel ; elle aurait pu patienter pour tenir compte de l’avancée de la recherche ;

– il existe un aléa thérapeutique devant être pris en charge par l’ONIAM ; elle remplit les critères de prise en charge : accident médical non fautif, conséquences anormales, gravité des conséquences (60% de DFP), absence d’état antérieur susceptible d’interférer dans la survenue de cet accident ; l’ONIAM n’a jamais contesté cet accident médical non fautif ; la part à la charge de l’ONIAM doit être modulée en fonction des manquements retenus à l’encontre du centre hospitalier de Nevers ;

– ses préjudices patrimoniaux temporaires s’élèvent à 885,60 euros pour les restes à charge de frais de petit matériel, à 234 euros pour les frais de franchise sachant que cette somme lui a été accordée par le tribunal administratif, à 97 euros pour l’achat d’un mixeur, à 2037,30 euros pour des frais de logement adapté se répartissant entre 760 euros de frais de déménagement, 1 124,14 euros de frais de travaux de peinture/papiers peints et 153,16 euros de frais de mise en service EDF sachant que le tribunal administratif n’a pas retenu les frais de travaux ; elle a eu un besoin d’assistance par une tierce personne du 21 octobre 2011 au 1er décembre 2012 à hauteur d’une heure par jour soit 7 heures par semaine et non comme le mentionne l’expert de 5 heures par semaine ; le coût horaire doit être fixé à 21,36 euros ; elle a fait appel à des amis et voisins pour cette assistance entre 2011 et 2012 ; de fin octobre 2011 à fin avril 2012, elle n’a pas été indemnisée pour ce chef de préjudice ; la prestation de compensation du handicap ne lui a été versée qu’à compter de mai 2012 ; il y a lieu de l’indemniser pour les week-end et pour la période allant d’octobre 2011 à fin avril 2012 ; la somme due pour l’assistance par une tierce personne s’élève à 6 539,16 euros ; c’est à tort que le tribunal administratif, après déduction de la prestation du handicap, a estimé qu’aucune somme ne lui était due.

– ses préjudices extra-patrimoniaux temporaires s’élèvent à 9 243,75 euros pour son déficit fonctionnel temporaire, à 45 000 euros pour les souffrances endurées lesquelles ont été estimées par l’expert à 5 sur une échelle de 7 et se sont traduites par des craintes de mourir étouffée, par 3 interventions de reprise après celle du 8 septembre 2011, par la nécessité d’une rééducation intensive en orthophonie, par le fait qu’elle doit dormir assise et qu’elle doit pratiquer des aspirations la nuit, à 2 000 euros pour son préjudice esthétique temporaire, l’expert ayant chiffré ce poste à 2 sur une échelle de 7 à raison de la mise en place d’une canule de trachéotomie ;

– ses préjudices patrimoniaux permanents peuvent être évalués sur la base des barèmes de la Gazette du palais les plus récents, auparavant celui paru en avril 2016 et désormais celui paru en novembre 2017 ; la cour n’est pas liée par les barèmes ONIAM ; les frais divers doivent être évalués sur la base du barème de novembre 2017 de la Gazette du palais à 149,80 euros pour le reste à charge des frais de télévision lors de ses hospitalisations, à 1 598,84 euros pour les frais de renouvellement du mixeur ; à 77 956,77 euros pour les restes à charge de petits matériels et matériels pharmaceutiques, le coût annuel étant de 2 151,60 euros et la capitalisation devant se faire au jour de consolidation sur la base d’un coefficient de 36.232 (indice Gazette du palais 2018) ; le besoin en tierce personne doit être évalué pour la période comprise entre le 1er décembre 2012 et le 31 décembre 2014 sur la base d’une heure par jour à 22,80 euros de l’heure à 17 305,20 euros et pour la période comprise entre le 1er janvier 2015 au 31 décembre 2017 à 24 966 euros ; le besoin d’assistance par une tierce personne à compter du 1er janvier 2018 doit être calculé sur la base d’une heure par jour, et compte tenu de son âge au 1er janvier 2018 (51 ans) et du coefficient afférent de 31,633 (indice Gazette du palais 2016) soit 263 249,82 ; la somme due entre le 1er décembre 2012 et les frais futurs s’élève à 305 521,02 euros ; c’est à tort que les premiers juges ont estimé que la prestation de compensation du handicap couvrait intégralement son besoin en assistance tierce personne, cette prestation de compensation n’étant pas un dispositif pérenne ; il y a lieu de prévoir, qu’en cas de suppression de la prestation de compensation du handicap, lui soit versée une rente annuelle de 8 322 euros revalorisée sur la base de l’indice des prix à la consommation ;

– c’est également à tort que le tribunal administratif a rejeté sa demande indemnitaire relative à la perte de chance de revenus futurs et à l’incidence professionnelle en prenant en considération la pension d’invalidité lui étant versée par la CPAM et l’allocation complémentaire ; les premiers juges ont estimé à tort que le capital invalidité de 65 918 euros auquel s’ajoutent la pension d’invalidité mensuelle de 466,75 euros et l’allocation complémentaire de 120,72 euros compensaient aussi bien la perte de revenus que l’incidence professionnelle ; la caisse primaire d’assurance maladie a actualisé les données sur la pension d’invalidité et a fixé à la somme de 85 601,37 euros les arrérages échus en invalidité et le capital ; elle aurait dû percevoir 11 129 euros sur la moyenne des revenus 2009-2010 et sa pension annuelle d’invalidité en 2018 est de 5 657,13 euros soit une perte de 5 471,87 euros par an à compter de décembre 2012 ; cette somme doit être capitalisée sur la base d’un coefficient de 36,232 et d’un taux de perte de chance de 75% ; il existe une perte de 148 692,59 euros de laquelle doivent être déduites les indemnités journalières maladie perçues soit 7 342,16 euros ; sa perte salariale s’élève ainsi à 141 350,43 euros ; ; elle doit être indemnisée pour l’incidence professionnelle car le capital invalidité ayant déjà été pris en compte pour apprécier sa perte de revenus, il ne peut pas l’être pour ce chef de préjudice ; elle ne peut plus exercer son ancien métier, elle n’a pas de formation spécifique, elle ne peut plus parler et n’est plus audible, elle a été placée en invalidité 2eme catégorie depuis le 1er décembre 2012 ; dans ces circonstances, le chef de préjudice incidence professionnelle peut être évalué à 115 000 euros ;

– ses préjudices extra-patrimoniaux permanents doivent être évalués à hauteur de 240 000 euros pour le déficit fonctionnel permanent évalué à 60% par l’expert (dysphonie majeure confinant à l’aphonie, dyspnée de décubitus et d’effort majeur avec étouffements et troubles de la déglutition, syndrome dépressif) , à 3 000 euros pour son préjudice esthétique permanent, ce dernier ayant été évalué à 2/7 ; elle justifie d’un préjudice sexuel lequel peut être estimé à 15 000 euros ; elle souffre d’un préjudice d’établissement dès lors qu’elle ne peut plus s’exprimer et donner des conseils oraux à son enfant vivant en Afrique et a perdu tout espoir de le faire venir en France pour l’élever et ce préjudice peut être estimé à 20 000 euros ; son préjudice d’agrément peut être estimé à 25 000 euros car elle ne peut plus marcher, voyager seule et chanter à l’église ;

Par des mémoires enregistrés les 1er décembre 2015, 15 avril 2016, 5 avril 2018 et 26 avril 2018, la CPAM de Côte d’Or venant aux droits de la CPAM de la Nièvre, représentée par Me G…E…, demande à la cour :

1°) de confirmer le jugement en ce qu’il a retenu la responsabilité pour faute du centre hospitalier de Nevers et l’a condamné à réparer l’ensemble des préjudices à hauteur de 50% ;

2°) de constater que sa créance s’élève à avril 2018 à 266 206,91 euros ;

3°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Nevers 50% de ses débours et une somme de 1 066 euros au titre de l’indemnité forfaitaire légale ;

4°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Nevers à lui verser la somme de 2 500 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

– le tribunal administratif de Dijon lui a alloué la somme de 77 158,96 euros, outre intérêts à compter du 18 décembre 2014 et un remboursement sur présentation de justificatifs limité annuellement à 1 465 euros ; toutefois, ses débours qui comprennent des frais médicaux, des indemnités journalières, des arrérages échus en invalidité, un capital invalidité et des frais médicaux futurs s’élèvent désormais à 266 206,91 euros ; sur la base de 50% de responsabilité imputés au centre hospitalier de Nevers, elle a droit à ce que ce dernier lui rembourse la moitié des débours ;

– les dispositions de l’article L. 376-1 du code de la sécurité n’interdisent pas le remboursement des frais futurs sous forme capitalisés et ce même en l’absence d’accord du centre hospitalier ;

– la requérante est bien bénéficiaire d’une pension d’invalidité en lien avec le défaut d’information, ce point est établi par l’attestation d’imputabilité établie par le médecin-conseil ;

– l’indemnité forfaitaire de gestion s’élève à 1 066 euros ;

Par deux mémoires enregistrés les 2 mars 2016 et 14 avril 2016, le centre hospitalier de Nevers, représentée par MeD…, demande par la voie de l’appel incident d’annuler le jugement, de rejeter les conclusions de Mme B…C…et de la CPAM de la Nièvre, subsidiairement de réduire le montant des indemnités qu’il a été condamné à verser à Mme B…C…et à la CPAM de la Nièvre et d’annuler le jugement en tant qu’il l’a condamné à verser à Mme B…C…la somme de 65 918,83 euros au titre d’un capital invalidité ainsi que les arrérages d’une pension d’invalidité ;

Il soutient que :

– c’est à tort que le tribunal administratif de Dijon a retenu sa responsabilité pour défaut d’information et a évalué la perte de chance de la requérante à 50% car s’il ne conteste pas le défaut d’information, une telle faute n’est pas à l’origine d’une perte de chance car le risque de survenue de cet accident était très faible (2,4/10 000), la patiente courait des risques importants en cas de renonciation à l’ablation de la thyroïde : évolutivité des nodules avec un risque de 5 à 10% de dégénérescence en cancer à plus ou moins long terme et volume du goitre qui dans un contexte de particularité morphologique était porteur d’un risque de compression de la trachée ; les praticiens étaient favorables à l’ablation de la thyroïde dans un tel contexte clinique ; cette opération était par suite légitime mais aussi nécessaire, une attitude attentiste aurait conduit à une surveillance régulière et contraignante susceptible d’entretenir le sentiment de stress de la patience sur les risques de dégénérescence ou d’étouffement ; il n’y avait pas d’alternative satisfaisante à cette chirurgie même si la requérante en appel évoque une possibilité thérapeutique moins risquée sous forme de la poursuite du traitement médical ; une opération à terme était indispensable et elle ne disposait d’aucune possibilité raisonnable de refus ; l’expert, le PrA…, n’explique pas le taux de 50% retenu ; un raisonnement probabiliste doit être retenu et que compte tenu des risques de dégénérescence cancéreuse de 5 à 10%, l’évaluation de la chance perdue ne saurait dépasser 20% ;

– la solidarité nationale doit jouer car il n’y a pas de faute dans la prise en charge hospitalière et avec un pourcentage d’IPP de 60% retenu par l’expert, le seuil de gravité est atteint ;

– il a lieu d’appliquer la jurisprudence Hautreux à titre subsidiaire ;

– si le tribunal administratif a eu raison de rejeter la demande de capitalisation de la CPAM de 64 184,28 euros dès lors qu’il n’avait pas donné son accord à une capitalisation, c’est à tort que les premiers juges ont accordé le remboursement d’un capital invalidité de 65 918,83 euros en l’absence d’accord et en l’absence de lien de causalité entre l’accident médical du 8 septembre 2011 et ce capital et son objet et son mode de calcul ; en l’absence de précision sur l’origine du capital invalidité de 65 918 euros, le tribunal administratif ne pouvait estimer que le remboursement demandé était en lien avec cette opération alors qu’elle avait subi un accident de travail ayant donné lieu à rente ; les premiers juges n’ont pas mené de mesures d’instruction pour procéder à l’imputation de la rente invalidité, à convertir sous forme de rente, sur les postes pertes de revenus et incidence professionnelle ; le poste de perte de revenus ne concerne pas les personnes n’étant pas en activité au jour de l’accident médical , seule une perte de chance sérieuse peut être retenue dans le cadre de l’incidence professionnelle ;

Par un mémoire en défense enregistré le 7 mars 2016, et un mémoire du 2 novembre 2018, non communiqué, l’ONIAM, représenté par la SCP UGCC avocats, demande à la cour d’infirmer le jugement concernant les indemnités allouées à Mme B…C…au titre du préjudice d’agrément et des frais de logement adapté et de rejeter toute autre demande à son encontre.

Il soutient que :

– les premiers juges ont à bon droit refusé les demandes indemnitaires portant sur les dépenses de santé actuelles et futures, l’assistance par une tierce personne, l’incidence professionnelle, le préjudice d’agrément ;

– Mme B…C…a refusé l’offre transactionnelle de l’ONIAM sur plusieurs chefs de préjudice ;

– il existait une alternative thérapeutique sous forme de traitement médical comme indiqué par l’expert le Pr A…et la requérante n’a pas été informée de cette possibilité par le centre hospitalier, il y a lieu de confirmer les 50% de taux de perte de chance liée au défaut d’information de l’hôpital ;

– le référentiel ONIAM a été actualisé en 2016 ;

– les indemnités qui ont été versées par la CPAM à Mme B…C…doivent être déduites de l’indemnisation de cette dernière et ne peuvent pas donner lieu à une prise en charge par l’ONIAM ;

– il admet les montants de frais de franchise à hauteur de 50% soit 117 euros ; de frais d’achat de mixeur pour 50% soit 48,50 euros, les frais de téléviseur pour 74,90 euros ;

– les frais de déménagement ne sont pas accompagnés de factures acquittées et doivent être rejetés ;

– l’indemnisation par l’ONIAM des frais d’assistance par une tierce personne doit s’effectuer déduction faite de la prestation de compensation du handicap et de la majoration tierce personne ; l’expert a retenu 5 heures par semaine ; depuis le 1er mai 2012, la requérante perçoit la prestation de compensation du handicap ainsi que certaines aides techniques complémentaires ; ces sommes continuent à lui être versées et couvrent intégralement son besoin d’assistance par une tierce personne ; il appartiendra à la requérante de saisir à nouveau la juridiction administrative en cas de perte de ses droits à la prestation de compensation du handicap ;

– pour les frais de renouvellement du mixeur, il ne conteste pas le montant retenu par les premiers juges mis à sa charge de 697,50 euros ;

– comme indiqué par le tribunal administratif, la requérante ne justifie pas du montant de 66 934,13 euros restant à sa charge pour les frais de petits matériels et pharmaceutiques ;

– la requérante ne demande plus l’indemnisation des pertes de gains professionnels futurs mais seulement l’indemnisation de l’incidence professionnelle ; elle est au chômage depuis le 19 octobre 2010, son revenu imposable 2010 était de 7 509,83 euros ; l’accident du travail survenu n’a aucun lien avec son opération médicale ; les indemnités perçues compensent les conséquences sur sa vie professionnelle ;

– il demande le maintien du montant alloué par les premiers juges sur les déficits fonctionnels et sur les souffrances endurées ; il demande le rejet sur le chef de préjudice esthétique temporaire ;

– le préjudice esthétique permanent doit être évalué à 1 700 euros soit 850 euros à rembourser par l’ONIAM ; il demande le maintien du montant alloué par les premiers juges sur le préjudice sexuel, il demande le maintien du rejet sur le préjudice d’établissement ; il demande le rejet sur le chef de préjudice esthétique temporaire ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

– le code de la santé publique ;

– le code de la sécurité sociale ;

– l’arrêté du 20 décembre 2017 relatif aux montants de l’indemnité forfaitaire de gestion prévue aux articles L. 376-1 et L. 454-1 du code de la sécurité sociale ;

– le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

– le rapport de Mme Cottier, premier conseiller,,

– les conclusions de Mme Vigier-Carrière, rapporteur public,

– et les observations de Me Gilbert, avocat, représentant le centre hospitalier de Nevers ;

1. Considérant que, le 2 mars 2010, Mme B…C…, alors âgée de 45 ans, a consulté dans le service d’oto-rhino-laryngologie (ORL) du centre hospitalier de Nevers pour une gêne respiratoire et un goitre clinique ; qu’une thyroïdectomie totale pour goitre multihétéronodulaire a été réalisée dans ce même hôpital le 8 septembre 2011 ; qu’à la suite de cette opération, elle a souffert d’abord d’aphonie, de troubles de la respiration avec dyspnée de repos et de décubitus avec troubles du sommeil et troubles de la déglutition ; qu’en l’absence d’amélioration de la symptomatologie respiratoire et compte tenu de l’angoisse d’asphyxie aigüe de Mme B…C…, une trachéotomie a été réalisée le 30 septembre 2011 au centre hospitalier universitaire de Dijon ; que, le 23 février 2012, Mme B… C…a saisi le juge des référés d’une demande d’expertise ; que parallèlement, elle a sollicité le 24 mai 2013 la commission régionale de conciliation et d’indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales de Bourgogne (CRCI) ; que, par avis du 7 octobre 2013, la CRCI a estimé qu’il existait un lien direct et certain entre la dysphonie majeure confinant à l’aphonie, le dyspnée d’effort majeure, les troubles de la déglutition et la lésion peropératoire des nerfs laryngés subie au cours de la thyroïdectomie du 8 septembre 2011 ; que la CRCI a estimé d’une part que la responsabilité du centre hospitalier de Nevers était engagée du fait d’un défaut d’information à hauteur de 50 % et d’autre part que Mme B… C…avait été victime d’un aléa thérapeutique responsable de son dommage à hauteur de 50 % ; que, toutefois, malgré cet avis de la CRCI, le centre hospitalier de Nevers n’a adressé aucune proposition d’indemnisation à Mme B…C…; que, par jugement du 25 juin 2015, le tribunal administratif de Dijon a condamné le centre hospitalier de Nevers et l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à verser chacun à Mme B…C…une somme de 87 095,98 euros outre les intérêts à compter du 29 septembre 2014 ; que le tribunal administratif a également condamné le centre hospitalier de Nevers à rembourser à la CPAM de la Nièvre une somme de 77 158,95 euros assortie des intérêts à compter du 18 décembre 2014, les frais futurs de santé de Mme B…C…sur présentation de justificatifs au fur et à mesure de leur exposition dans la limite d’un montant annuel de 1 465,06 euros ainsi qu’une somme de 1 037 euros au titre de l’indemnité forfaitaire de gestion ; qu’il a aussi mis à la charge du centre hospitalier de Nevers les frais d’expertise ; que Mme B…C…interjette appel de ce jugement en tant que la totalité de ses préjudices n’a pas été indemnisée ; que la CPAM de la Nièvre demande également la réformation du jugement en tant que l’ensemble de sa demande indemnitaire n’a pas été satisfaite ; que, par la voie de conclusions en appel incident, le centre hospitalier de Nevers demande l’annulation de ce jugement en tant que sa responsabilité a été retenue et à titre subsidiaire la minoration des indemnités à verser en lien avec cette opération ; que l’ONIAM présente également des conclusions en appel incident tendant à l’infirmation du jugement en ce qui concerne deux chefs de préjudice et au rejet de toute autre conclusion à son encontre ;

Sur la charge de l’indemnisation :

2. Considérant qu’aux termes de l’article L. 1142-1 du code de la santé publique :  » I. – Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d’un défaut d’un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d’actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu’en cas de faute. / Les établissements, services et organismes susmentionnés sont responsables des dommages résultant d’infections nosocomiales, sauf s’ils rapportent la preuve d’une cause étrangère. / II. – Lorsque la responsabilité d’un professionnel, d’un établissement, service ou organisme mentionné au I ou d’un producteur de produits n’est pas engagée, un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale ouvre droit à la réparation des préjudices du patient, et, en cas de décès, de ses ayants droit au titre de la solidarité nationale, lorsqu’ils sont directement imputables à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins et qu’ils ont eu pour le patient des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l’évolution prévisible de celui-ci et présentent un caractère de gravité, fixé par décret, apprécié au regard de la perte de capacités fonctionnelles et des conséquences sur la vie privée et professionnelle mesurées en tenant notamment compte du taux d’atteinte permanente à l’intégrité physique ou psychique, de la durée de l’arrêt temporaire des activités professionnelles ou de celle du déficit fonctionnel temporaire. (…)  » ; qu’en vertu des articles L. 1142-17 et L. 1142-22 du même code, la réparation au titre de la solidarité nationale est assurée par l’ONIAM ;

3. Considérant que la juridiction du fond saisie de conclusions tendant à l’engagement de la responsabilité d’une personne mentionnée au I de l’article L. 1142-1 du code de la santé publique est tenue, si elle estime que le dommage invoqué remplit les conditions pour être indemnisé en tout ou partie sur le fondement du II du même article ou de son article L. 1142-1-1, d’appeler l’ONIAM en la cause, au besoin d’office, puis de mettre à sa charge la réparation qui lui incombe même en l’absence de conclusions dirigées contre lui, sans préjudice de l’éventuelle condamnation de la personne initialement poursuivie à réparer la part du dommage dont elle serait responsable ; que si les dispositions du II de l’article L. 1142-1 du code de la santé publique font obstacle à ce que l’ONIAM supporte au titre de la solidarité nationale la charge de réparations incombant aux personnes responsables d’un dommage en vertu du I du même article, elles n’excluent toute indemnisation par l’office que si le dommage est entièrement la conséquence directe d’un fait engageant leur responsabilité ; que dans l’hypothèse où un accident médical non fautif est à l’origine de conséquences dommageables mais où une faute commise par une personne mentionnée au I de l’article L. 1142-1 a fait perdre à la victime une chance d’échapper à l’accident ou de se soustraire à ses conséquences, le préjudice en lien direct avec cette faute est la perte de chance d’éviter le dommage corporel advenu et non le dommage corporel lui-même, lequel demeure tout entier en lien direct avec l’accident non fautif ; que, par suite, un tel accident ouvre droit à réparation au titre de la solidarité nationale si l’ensemble de ses conséquences remplissent les conditions posées au II de l’article L. 1142-1, et présentent notamment le caractère de gravité requis, l’indemnité due par l’ONIAM étant seulement réduite du montant de celle mise, le cas échéant, à la charge du responsable de la perte de chance, égale à une fraction du dommage corporel correspondant à l’ampleur de la chance perdue ; que les dispositions du II de l’article L. 1142-1 du code de la santé publique ne prévoient d’indemnisation au titre de la solidarité nationale que pour les préjudices du patient et, en cas de décès, de ses ayants droit ; que l’indemnisation par l’ONIAM, au titre de la solidarité nationale, des conséquences d’un accident médical ne lui conférant pas la qualité d’auteur responsable des dommages, le recours subrogatoire des tiers payeurs ne peut dans ce cas être exercé contre lui ;

4. Considérant que l’article L. 1142-1 du code de la santé publique confère à la réparation par la solidarité nationale un caractère subsidiaire par rapport à


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