Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU
NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A… B… a demandé au tribunal administratif de Lyon d’annuler l’arrêté du 2 avril 2020 par lequel le président de la métropole de Lyon a restreint le contenu de son agrément d’assistante maternelle.
Par un jugement n° 2003845 du 2 mars 2021, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 2 mai 2021, Mme B…, représentée par Me Brun, demande à la cour :
1°) d’annuler ce jugement et cet arrêté ;
2°) d’enjoindre à la métropole de Lyon de lui accorder un agrément en qualité d’assistante maternelle pour l’accueil de quatre enfants dont deux de plus de dix-huit mois ;
3°) de mettre à la charge de la métropole de Lyon la somme de 2 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que la décision attaquée est entachée d’une erreur d’appréciation : le comportement qu’elle a adopté lors de la visite des puéricultrices à son domicile n’est pas en contradiction avec sa pratique ; le reproche qui lui a été fait de ne pas avoir changé un enfant ne peut fonder une restriction des conditions d’agrément ; l’accès à son logement, qui nécessite le franchissement de quelques marches, ne justifie pas la mesure attaquée ; elle avait pris l’engagement de ne plus utiliser des chaises inadaptées pour asseoir les enfants accueillis lors des repas ; le couchage dans la chambre de son fils n’est pas de nature à empêcher ou dégrader le sommeil des enfants accueillis.
Par un mémoire en défense enregistré le 27 août 2021, la métropole de Lyon, représentée par Me Prouvez, conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que le moyen soulevé C… B… n’est pas fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
– le code de l’action sociale et des familles ;
– le décret n° 2012-364 du 15 mars 2012 ;
– le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.
Ont été entendus au cours de l’audience publique :
– le rapport de M. Pin, premier conseiller,
– les conclusions de Mme Cottier, rapporteure publique,
– et les observations de Me Brun, représentant Mme B…, et de Me Litzler, représentant la métropole de Lyon.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B…, agréée en qualité d’assistante maternelle depuis le 7 juillet 2008, était autorisée, depuis juillet 2014, à accueillir quatre enfants, dont un de plus de deux ans et un de plus de trois ans. A l’échéance de cet agrément, Mme B… en a sollicité le renouvellement, mais par arrêté du 14 mai 2018, le président de la métropole de Lyon ne lui a accordé ce renouvellement que pour l’accueil de trois enfants, dont deux âgés de plus de dix-huit mois. Par un jugement du 23 décembre 2019, le tribunal administratif de Lyon a annulé cette décision en raison d’un vice de procédure tenant au défaut de saisine de la commission consultative paritaire départementale et enjoint au président de la métropole de Lyon de réexaminer la demande de renouvellement d’agrément de Mme B… dans un délai de deux mois. Après avoir procédé à une nouvelle évaluation des conditions d’accueil et saisi la commission consultative paritaire départementale, le président de la métropole de Lyon a, par un arrêté du 2 avril 2020, restreint l’agrément d’assistante maternelle de Mme B… à l’accueil de trois enfants, dont deux de plus de dix-huit mois. Mme B… relève appel du jugement du 2 mars 2021 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l’annulation de cet arrêté.
2. Aux termes de l’article L. 421-3 du code de l’action sociale et des familles : » L’agrément nécessaire pour exercer la profession d’assistant maternel ou d’assistant familial est délivré par le président du conseil départemental du département où le demandeur réside. Un référentiel approuvé par décret en Conseil d’Etat fixe les critères d’agrément. (…) L’agrément est accordé à ces deux professions si les conditions d’accueil garantissent la sécurité, la santé et l’épanouissement des mineurs et majeurs de moins de vingt et un ans accueillis, en tenant compte des aptitudes éducatives de la personne. Les modalités d’octroi ainsi que la durée de l’agrément sont définies par décret. (…) Les conditions de renouvellement de l’agrément sont fixées par ce décret. (…) « . Aux termes de l’article L. 421-4 de ce code, dans sa rédaction alors en vigueur : » L’agrément de l’assistant maternel précise le nombre et l’âge des mineurs qu’il est autorisé à accueillir simultanément ainsi que les horaires de l’accueil. Le nombre des mineurs accueillis simultanément ne peut être supérieur à quatre y compris le ou les enfants de moins de trois ans de l’assistant maternel présents à son domicile, dans la limite de six mineurs de tous âges au total. Toutefois, le président du conseil départemental peut, si les conditions d’accueil le permettent et à titre dérogatoire, autoriser l’accueil de plus de quatre enfants simultanément, dans la limite de six enfants au total pour répondre à des besoins spécifiques. Lorsque le nombre de mineurs fixé par l’agrément est inférieur à quatre, le président du conseil départemental peut modifier celui-ci pour augmenter le nombre de mineurs que l’assistant maternel est autorisé à accueillir simultanément, dans la limite de quatre mineurs et dans les conditions mentionnées ci-dessus. (…) « . Selon l’article R. 421-23 du même code : » Lorsque le président du conseil départemental envisage de retirer un agrément, d’y apporter une restriction ou de ne pas le renouveler, il saisit pour avis la commission consultative paritaire départementale mentionnée à l’article R. 421-27 en lui indiquant les motifs de la décision envisagée. (…) « .
3. Aux termes de l’article R. 421-3 du code de l’action sociale et des familles : » Pour obtenir l’agrément d’assistant maternel ou d’assistant familial, le candidat doit : 1° Présenter les garanties nécessaires pour accueillir des mineurs dans des conditions propres à assurer leur développement physique, intellectuel et affectif ; (…) 3° Disposer d’un logement ou, dans le cas d’un agrément pour l’exercice dans une maison d’assistants maternels, d’un local dédié dont l’état, les dimensions, les conditions d’accès et l’environnement permettent d’assurer le bien-être et la sécurité des mineurs, compte tenu du nombre d’enfants et des exigences fixées par le référentiel en annexe 4-8 pour un agrément d’assistant maternel (…) « . Aux termes de l’article R. 421-6 de ce code : » Les entretiens avec un candidat à des fonctions d’assistant maternel ou avec un assistant maternel agréé et les visites à son lieu d’exercice doivent permettre d’apprécier, au regard des critères précisés dans le référentiel figurant à l’annexe 4-8 du présent code, si les conditions légales d’agrément sont remplies « . Cette annexe prévoit que : » Section 1 Les capacités et les compétences pour l’exercice de la profession d’assistant maternel Sous-section 1 La santé de l’enfant accueilli Il convient de prendre en compte : (…) 3° La capacité à appliquer les règles relatives à l’hygiène (…) Section 2 Les conditions matérielles d’accueil et de sécurité Le lieu d’accueil ainsi que son environnement et son accessibilité doivent présenter des caractéristiques permettant, compte tenu, le cas échéant, des aides publiques accordées ou susceptibles de l’être, de garantir la santé, la sécurité et l’épanouissement des jeunes enfants accueillis en tenant compte de leur nombre et de leur âge. (…) Sous-section 1 Les dimensions, l’état du lieu d’accueil, son aménagement, l’organisation de l’espace et sa sécurité. I. ‘ Il convient de prendre en compte : (…) 2° L’existence d’un espace suffisant permettant de respecter le sommeil, le repas, le change et le jeu du ou des enfants accueillis. II. ‘ En termes de sécurité, une vigilance particulière doit être apportée : 1° A la capacité à prévenir les accidents domestiques et les risques manifestes pour la sécurité de l’enfant (…), en proposant spontanément les aménagements nécessaires ou en acceptant ceux prescrits par les services départementaux de protection maternelle et infantile ; (…) Sous-section 5 Les transports et les déplacements Il convient de prendre en compte : 1° Les modalités d’organisation et de sécurité des sorties, en tenant compte de l’âge et du nombre d’enfants accueillis (…) « .
4. Il ressort des termes de la décision litigieuse du 2 avril 2020 que la restriction apportée à l’agrément dont disposait Mme B… en qualité d’assistante maternelle, passant de l’accueil de quatre enfants, dont un de plus de deux ans et un de plus de trois ans, à trois enfants, dont deux de plus de dix-huit mois, est fondée sur une organisation du couchage des enfants accueillis à améliorer, des connaissances théoriques qui ne sont pas toujours mises en œuvre, des règles de sécurité non prises en compte, un accès à l’ascenseur de l’immeuble par quatre marches ne permettant pas d’effectuer des sorties avec deux bébés ou quatre enfants plus grands, alors même que l’intéressée a proposé l’achat et la mise en place d’une rampe d’accès pliante, la présence de chaises ne garantissant pas une assise en toute sécurité pour de jeunes enfants, et son refus de changer une selle débordante en présence des puéricultrices, révélant un manque de professionnalisme ainsi qu’un défaut de prise en compte des besoins essentiels de l’enfant.
5. Il ressort des pièces du dossier, notamment du rapport d’évaluation effectué le 28 janvier 2020 par deux infirmières puéricultrices des services de la métropole à la suite d’une visite à domicile, que Mme B… utilise des chaises s’apparentant à des tabourets de bar, sans accoudoir ni appui dorsal, pour asseoir dans la cuisine les enfants à compter de l’âge de deux ans et demi. De telles chaises, qui ne peuvent pas être équipées de rehausseurs ni de cale-pieds, ne permettent pas de garantir la sécurité des enfants accueillis. Si Mme B…, qui avait estimé lors de la visite à domicile que de telles chaises ne présentaient pas de risque de chute pour les enfants, s’est proposée, lors de la séance de la commission consultative paritaire départementale, de changer ce matériel pour acquérir des chaises adaptées à des enfants âgés entre deux et trois ans, il est constant qu’elle n’avait pas, à la date de la décision en litige, procédé à cette acquisition, laquelle lui avait pourtant été prescrite par les services de la métropole pour prévenir les accidents domestiques et les risques pour la sécurité des enfants.
6. Il ressort du même rapport d’évaluation que le couchage de deux des enfants accueillis C… B… est organisé dans la chambre de son fils, âgé de seize ans, au moyen d’un lit tiroir et d’un lit pliant qui lui est accolé, rendant ainsi la circulation impossible dans cette pièce et ne garantissant pas la sécurité des enfants. En outre, si Mme B… fait valoir que son fils est absent lorsque ces couchages sont utilisés dans sa chambre, il ressort des rapports d’évaluation que celui-ci était présent lors des deux dernières visites à domicile, effectuées lors de la sieste des enfants. Si Mme B… souligne que son fils est compréhensif, il ressort toutefois du rapport d’évaluation que celui-ci utilise sa chambre en rentrant de l’école dans l’après-midi, ce qui est susceptible de nuire au sommeil des enfants accueillis.
7. Les infirmières puéricultrices de la protection maternelle et infantile ont également constaté, lors de leur visite à domicile en janvier 2020, le réveil d’un enfant sans que Mme B… ne prenne l’initiative de le lever. En outre, la requérante n’a pas estimé utile de changer cet enfant, qui présentait une selle débordante et un pantalon souillé, avant le départ des puéricultrices, malgré la proposition de celles-ci de procéder immédiatement à son change. L’intéressée, qui exerce des fonctions d’assistante maternelle depuis 2008, n’établit pas que son comportement aurait été influencé par un état de stress en lien avec la visite domiciliaire des puéricultrices. Comme le fait valoir la métropole, les éléments ainsi recueillis dans le rapport d’évaluation remettent en cause la capacité de Mme B… à s’adapter aux besoins essentiels de l’enfant et à appliquer les règles relatives à l’hygiène.
8. Enfin, il est constant que l’accès à l’appartement de Mme B…, qui se situe au dixième étage d’un immeuble, nécessite de gravir quatre marches dans le hall d’entrée avant de prendre un ascenseur. Ainsi que le soutient la métropole, il ne ressort pas des pièces du dossier, contrairement aux allégations de Mme B…, que, lors de sorties, celle-ci serait à même de monter et descendre ces escaliers avec deux enfants dans une poussette double tout en surveillant simultanément deux autres enfants ayant acquis la marche et aptes à gravir ces marches. Au demeurant, si Mme B…, consciente du risque pour la sécurité des enfants, avait elle-même envisagé d’acquérir une rampe pliante pour sécuriser cet accès, il ressort des éléments du rapport d’évaluation qu’elle a indiqué y avoir renoncé au motif que la métropole ne lui avait pas proposé de prise en charge financière pour ce faire.
9. Compte tenu de l’ensemble des faits décrits ci-dessus, et en dépit de la circonstance que Mme B… a été autorisée, à titre exceptionnel, le 1er avril 2020 à accueillir six enfants simultanément pour assurer la continuité de l’accueil des enfants confiés dans une situation urgente et imprévisible au sens de l’article D. 421-17 du code de l’action sociale et des familles en raison de la situation sanitaire liée à l’épidémie de covid-19, le président de la métropole de Lyon a pu considérer, sans commettre d’erreur d’appréciation, que les conditions d’accueil proposées C… B… ne permettaient pas d’assurer le bien-être et la sécurité d’un quatrième enfant au sens des dispositions citées au point3 des articles R. 421-3 et R. 421-6 de ce code, et décider de restreindre l’agrément dont elle bénéficiait de quatre à trois enfants, dont deux de plus de dix-huit mois.
10. Il résulte de ce qui précède que Mme B… n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d’injonction ainsi que celles tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme B… est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A… B… et à la métropole de Lyon.
Délibéré après l’audience du 7 avril 2022, à laquelle siégeaient :
M. Gayrard, président,
Mme Conesa-Terrade, première conseillère,
M. Pin, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 mai 2022.
Le rapporteur,
F.-X. Pin
Le président,
J.-P. Gayrard La greffière,
F. Abdillah
La République mande et ordonne au préfet du Rhône, en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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N° 21LY01370