Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU
NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. A… C…a demandé au tribunal administratif de Lyon de lui accorder la décharge des cotisations supplémentaires d’impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre des années 2006 à 2009.
Par un jugement n° 1205303 du 15 septembre 2015, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête et un mémoire enregistrés les 20 octobre 2015 et 28 juin 2016, M. C…, représenté par Me B…, demande à la cour :
1°) d’annuler ce jugement du 15 septembre 2015 du tribunal administratif de Lyon ;
2°) de lui accorder la décharge demandée ;
3°) de mettre une somme de 5 000 euros à la charge de l’Etat sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
– la proposition de rectification du 28 décembre 2009 qui a été adressée à la SCI du Brinon n’est pas suffisamment motivée et méconnait l’article L. 57 du livre des procédures fiscales ;
– la proposition de rectification du 30 septembre 2010 qui lui a été adressée n’est pas suffisamment motivée et n’était pas accompagnée de celle de 28 décembre 2009 ;
– les travaux litigieux n’ont pas pour effet d’ajouter des éléments nouveaux, mais seulement de remplacer les éléments existants : les deux bâtiments étaient dès l’origine équipés de tous les éléments qui ont été remplacés lors de ces travaux et il n’y a eu aucune transformation ni aucune modification quant à la destination de ces locaux ;
– l’administration, en ne formulant aucune observation sur les factures qui lui ont été communiquées, a formellement pris position sur l’appréciation d’une situation de fait au regard d’un texte fiscal.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 7 avril 2016 et 18 avril 2017, ce dernier n’ayant pas été communiqué, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
– la proposition de rectification adressée à la SCI du Brinon est suffisamment motivée ;
– il en est de même de la proposition de rectification adressée le 30 septembre 2010 à M. C… ;
– les travaux litigieux constituent dans leur ensemble des travaux d’amélioration qui se sont accompagnés d’une augmentation de la valeur de l’immeuble ; ils ne peuvent être admis en déduction dans le cadre de la détermination du revenu net foncier ;
– l’absence de formulation d’observation sur les documents produits par la SCI du Brinon n’a pu constituer une prise de position formelle de l’administration.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
– le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
– le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;
Après avoir entendu au cours de l’audience publique :
– le rapport de Mme Dèche, premier conseiller,
– les conclusions de Mme Bourion, rapporteur public,
– les observations de M. C…, requérant ;
1. Considérant que M. et Mme C… sont associés, respectivement à hauteur de 80 et 20 %, de la SCI du Brinon qui a pour activité la location de terrains et d’autres biens immobiliers ; que cette SCI a fait l’objet d’un contrôle sur place à l’issue duquel l’administration, par des propositions de rectification des 28 décembre 2009 et 30 septembre 2010, a remis en cause la déduction des revenus fonciers déclarés au titre des années 2006, 2007 et 2008 de travaux comptabilisés dans le compte » réparation entretien » concernant deux bâtiments dénommés Brinon A et Brinon B ; que l’administration a tiré les conséquences de ce contrôle sur les revenus déclarés par M. et Mme C…, d’une part, au titre de l’année 2006, par une proposition de rectification du 28 décembre 2009, d’autre part, au titre des années 2007, 2008 et 2009, par une proposition de rectification du 30 septembre 2010 et les a, en conséquence, assujettis à des cotisations supplémentaires d’impôt sur le revenu et de contributions sociales, ainsi qu’à des pénalités au titre des années 2006 à 2009 ; que M. C… relève appel du jugement du 15 septembre 2015 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions ;
Sur la régularité de la procédure d’imposition :
2. Considérant qu’aux termes de l’article 8 du code général des impôts : » (…) les associés des sociétés en nom collectif et les commandités des sociétés en commandite simple sont, lorsque ces sociétés n’ont pas opté pour le régime fiscal des sociétés de capitaux, personnellement soumis à l’impôt sur le revenu pour la part de bénéfices sociaux correspondant à leurs droits dans la société. Il en est de même (…) : 1° Des membres des sociétés civiles qui ne revêtent pas, en droit ou en fait, l’une des formes de sociétés visées au 1 de l’article 206 et qui, sous réserve des exceptions prévues à l’article 239 ter, ne se livrent pas à une exploitation ou à des opérations visées aux articles 34 et 35 (…) » ;
3. Considérant qu’aux termes de l’article L. 57 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable en l’espèce : » L’administration adresse au contribuable une notification de redressement qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation (…) Lorsque l’administration rejette les observations du contribuable sa réponse doit également être motivée (…) » ; qu’aux termes de l’article R. 57-1 du même livre : » La notification de redressement prévue par l’article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs du redressement envisagé. L’administration invite, en même temps, le contribuable à faire parvenir son acceptation ou ses observations dans un délai de trente jours à compter de la réception de la notification » ; qu’il résulte de ces dispositions que, pour être régulière, une notification de redressements doit comporter la désignation de l’impôt concerné, de l’année d’imposition et de la base d’imposition, et énoncer les motifs sur lesquels l’administration entend se fonder pour justifier les redressements envisagés, de façon à permettre au contribuable de formuler utilement ses observations ;
4. Considérant, en premier lieu, qu’il résulte de l’instruction que la proposition de rectification en date du 28 décembre 2009 adressée à la SCI du Brinon comporte la désignation des impôts concernés, de la période d’imposition et des bases d’imposition, énonce les motifs sur lesquels l’administration entend se fonder pour justifier les rectifications envisagées, à savoir le rejet de l’imputation d’un déficit foncier sur le revenu global en raison de la nature des travaux, de façon à permettre au contribuable de formuler ses observations de façon utile ; que ces précisions de droit et de fait répondent suffisamment aux prévisions de l’article L. 57 du livre des procédures fiscales ; que, par suite, le moyen tiré de l’absence de motivation de la proposition de rectification doit être écarté ;
5. Considérant, en second lieu, qu’il résulte des dispositions précitées que les membres d’une des sociétés de personnes énumérées à l’article 8 du code général des impôts sont personnellement assujettis à l’impôt sur le revenu pour la part des bénéfices sociaux correspondant à leurs droits dans la société ; que l’administration ne peut légalement mettre des suppléments d’imposition à la charge personnelle des associés sans leur avoir notifié, dans les conditions prévues à l’article L. 57 du livre des procédures fiscales, les corrections apportées aux déclarations qu’ils ont eux-mêmes souscrites, en motivant cette notification au moins par une référence aux rehaussements apportés aux bénéfices sociaux et par l’indication de la quote-part de ces bénéfices à raison de laquelle les intéressés seront imposés ;
6. Considérant qu’en l’espèce, l’administration a précisé aux intéressés, par une proposition de rectification du 30 septembre 2010, la nature et le montant des redressements envisagés, à raison de leurs quotes-parts dans les résultats de la société civile immobilière du Brinon ; que, si les motifs des redressements n’ont été donnés aux intéressés que par référence à la proposition de rectification et à la réponse aux observations du contribuable adressées à cette société, cette circonstance, eu égard aux modalités selon lesquelles doivent être imposés les résultats d’une société placée sous le régime des sociétés de personnes, ainsi qu’au fait que la proposition de rectification adressée à la SCI du Brinon était suffisamment motivée, n’a pas comporté d’irrégularité au regard des dispositions de l’article L. 57 du livre des procédures fiscales ; que la circonstance qu’un délai de neuf mois se soit écoulé entre l’envoi de la proposition de rectification à la SCI du Brinon et l’envoi de la proposition de rectification à ses associés n’a aucune incidence sur la régularité des impositions en litige ; qu’enfin, si M. C… soutient que la proposition de rectification qui lui a été personnellement adressée le 30 septembre 2010 ne contenait pas la copie annoncée de la proposition de rectification de la SCI du Brinon, il ne conteste pas en avoir eu personnellement connaissance ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l’article L. 57 du livre des procédures fiscales doit être écarté ;
Sur le bien-fondé de l’imposition :
En ce qui concerne l’application de la loi fiscale :
7. Considérant qu’aux termes de l’article 31 du code général des impôts : » I. Les charges de la propriété déductibles pour la détermination du revenu net comprennent : / 1° Pour les propriétés urbaines : / a) Les dépenses de réparation et d’entretien (…) ; b. Les dépenses d’amélioration afférentes aux locaux d’habitation (…) ; / b bis. Les dépenses d’amélioration afférentes aux locaux professionnels et commerciaux destinés à faciliter l’accueil des handicapés (…) » ; qu’il résulte de ces dispositions que pour les locaux autres que ceux qui sont à usage d’habitation, seules sont déductibles des revenus fonciers les dépenses correspondant à des travaux d’entretien et de réparation ; que ces travaux sont ceux qui ont pour objet de maintenir ou de remettre un immeuble en bon état et d’en permettre un usage normal sans en modifier la consistance, l’agencement ou l’équipement initial ;
8. Considérant qu’il résulte de l’instruction et notamment des factures jointes au dossier, que les travaux effectués dans les locaux à usage professionnel des bâtiments Brinon A et B ont permis le remplacement des fenêtres par de nouvelles fenêtres oscillo-battantes avec volets roulants électriques et celui des installations d’électricité, de climatisation et de chauffage par des équipements plus adaptés ; que ces travaux ont également consisté à remplacer des installations sanitaires existantes et à en créer de nouvelles, permettant d’apporter des éléments de confort nouveaux ; que, s’agissant du bâtiment B, des travaux ont permis l’affectation à usage de bureaux de locaux initialement à usage de stockage et d’entrepôts ; qu’une partie de ces travaux a consisté en un réagencement important des locaux, comportant notamment la modification du cloisonnement intérieur ainsi que l’agrandissement de plusieurs bureaux ; que ces travaux qui ont consisté également en la dépose d’un monte-charge dont il n’est pas établi qu’il aurait déjà été transformé en ascenseur, pour mettre en place un nouvel ascenseur, ne peuvent être regardés comme de simples travaux d’entretien et de réparation ; qu’ainsi, et même s’il n’y a pas eu de changement d’affectation des lieux, ou d’importantes modifications du gros-oeuvre, de tels travaux ne peuvent être regardés comme des travaux de réparation et d’entretien dont le montant serait déductible en application des dispositions rappelées ci-dessus du I de l’article 31 du code général des impôts ; que si M. C… fait valoir qu’avant les travaux litigieux, il existait dans tout le bâtiment Brinon A un système de climatisation générale dénommé » conditionnement d’air « , son remplacement par la pose de climatisations individuelles comportant l’installation d’un système réversible chaud et froid a eu pour effet de modifier l’équipement initial des bureaux ; qu’enfin, si l’installation d’une marquise à l’entrée du bâtiment A peut être regardée comme destinée à remplacer un ancien auvent, cette installation correspond à des travaux indissociables de l’ensemble des travaux d’amélioration précédemment décrits et ne peut donc être admise en déduction ;
En ce qui concerne l’application de la doctrine :
9. Considérant qu’aux termes de l’article L. 80 A du livre des procédures fiscales : » Il ne sera procédé à aucun rehaussement d’impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l’administration est un différend sur l’interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s’il est démontré que l’interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l’époque, formellement admise par l’administration. (…) » ; qu’aux termes de l’article L. 80 B du même livre : » La garantie prévue au premier alinéa de l’article L. 80 A est applicable lorsque l’administration a formellement pris position sur l’appréciation d’une situation de fait au regard d’un texte fiscal » ;
10. Considérant que si le requérant fait valoir que le contrôleur des impôts n’a formulé aucune observation sur les factures qu’il lui a communiquées et a estimé que son dossier était complet, ces circonstances ne sauraient constituer une prise de position formelle de l’administration dont il pourrait se prévaloir, au sens des dispositions de l’article L. 80 B du livre des procédures fiscales ;
11. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que M. C… n’est pas fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande ; que ses conclusions tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, par voie de conséquence, être rejetées ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. C… est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A… C…et au ministre de l’économie et des finances.
Délibéré après l’audience du 3 mai 2017 à laquelle siégeaient :
M. Clot, président de chambre,
M. Pourny, président-assesseur,
Mme Dèche, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 23 mai 2017.
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N° 15LY03392