CAA de LYON, 2ème chambre – formation à 3, 05/12/2017, 16LY00738, Inédit au recueil Lebon

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CAA de LYON, 2ème chambre – formation à 3, 05/12/2017, 16LY00738, Inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE

AU
NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société Finexsto a demandé au tribunal administratif de Grenoble la décharge de la retenue à la source ainsi que des pénalités correspondantes mises à sa charge au titre de l’année 2011 à hauteur de 35 889 euros.

Par un jugement n° 1400699 du 30 décembre 2015, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 29 février 2016, la société Finexsto, représentée par Me A…, demande à la cour :

1°) d’annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 30 décembre 2015 ;

2°) de la décharger de ces impositions et des pénalités y afférentes ;

3°) de prononcer la restitution des sommes versées à tort assorties d’intérêts moratoires ;

4°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 5 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

La société Finexsto soutient que :

Sur la régularité de la procédure d’imposition :

– l’administration fiscale lui a irrégulièrement notifié différents actes de procédure à Romans-sur-Isère alors que la siège social de son entreprise avait été transféré le 13 décembre 2012 au Luxembourg, ce que l’administration n’ignorait pas puisque la société avait procédé à l’ensemble des formalités afférentes à ce changement et qu’elle l’avait signalé auprès du centre de formalité des entreprises ; il en va notamment ainsi de l’avis de mise en recouvrement du 7 juin 2013 qui aurait dû lui être notifié en Suisse en application de l’article R. 256-6 du livre des procédures fiscales ;

– en raison de ce changement de siège social, l’avis de mise en recouvrement devait être émis non par le service des impôts des entreprises de Romans, incompétent, mais par le service des impôts des entreprises des résidents hors de France ;

Sur le bien-fondé de l’imposition :

– l’administration n’est pas fondée à mettre à la charge de la société Finexsto une retenue à la source, en application des dispositions du paragraphe 2 de l’article 119 bis du code général des impôts, sur les dividendes qu’elle a distribués à sa société mère, la société Hesperides Equity SA, puisqu’elle n’apporte pas la preuve qui lui incombe que sa société mère était contrôlée directement ou indirectement par le résident d’un Etat non membre de l’Union européenne, en l’occurrence par la société Gatlin international LLC qui réside en Floride ; qu’immédiatement après sa constitution, la société Gatlin international LLC est sortie du capital de la société Hesperides Equity SA, comme en atteste le registre des actions de la société ; que les actions au porteur ne permettent pas à la société Finexsto de connaître l’identité des actionnaires de sa société mère.

Par un mémoire en défense, enregistré le 27 mai 2016, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Le ministre des finances et des comptes publics soutient que :

– les moyens soulevés par la société Finexsto ne sont pas fondés ;

– à supposer que la cour estime qu’il appartenait à l’administration d’apporter la preuve du contrôle de la société Hesperides Equity SA par un résident d’un Etat non membre de l’Union européenne, toutefois, la retenue à la source appliquée est justifiée dans la mesure où, en application des dispositions de l’article 119 ter 2a du code général des impôts, la société Hesperides Equity SA devait justifier auprès de la société Finexsto qu’elle a son siège de direction effective dans un Etat membre de l’Union européenne, ce que ne démontre pas, en l’absence de toute identification des actionnaires, le certificat de résidence produit le 26 octobre 2012 par la société Hesperides Equity SA.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

– le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

– le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique :

– le rapport de Mme Duguit-Larcher, premier conseiller,

– et les conclusions de M. Vallecchia, rapporteur public ;

1. Considérant que la société Finexsto a distribué, le 30 juin 2011, 594 000 euros de dividendes à sa société mère luxembourgeoise, la société Hesperides Equity SA ; qu’à l’issue d’une vérification de comptabilité menée selon la procédure contradictoire, l’administration a décidé, par une proposition de rectification du 21 décembre 2012, de soumettre ces dividendes à la retenue à la source prévue par l’article 119 bis du code général des impôts ; que, par courrier du 11 mars 2013, en réponse aux observations du contribuable, l’administration a confirmé les rectifications envisagées ; que les impositions litigieuses et les pénalités correspondantes ont été mises en recouvrement le 31 mai 2013 ; que la société Finexsto relève appel du jugement du 30 décembre 2015 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à la décharge de la retenue à la source ainsi que des pénalités correspondantes mises à sa charge au titre de l’année 2011 à hauteur de 35 889 euros ;

Sur la régularité de la procédure d’imposition :

2. Considérant qu’aux termes de l’article L. 45 du livre des procédures fiscales :  » Les agents de l’administration des impôts peuvent assurer le contrôle et l’assiette de l’ensemble des impôts et taxes dus par le contribuable qu’ils vérifient  » ; qu’aux termes de l’article 350 terdecies de l’annexe III au code général des impôts, dans sa rédaction applicable au litige :  » I. Sous réserve des dispositions des articles 409 et 410 de l’annexe II au code général des impôts, seuls les fonctionnaires de la direction générale des impôts appartenant à des corps des catégories A et B peuvent fixer les bases d’imposition et liquider les impôts, taxes et redevances ainsi que notifier les redressements. (en Floride) II. Les fonctionnaires mentionnés au premier alinéa du I peuvent exercer les attributions que ces dispositions leur confèrent à l’égard des personnes (en Floride) morales (en Floride) qui ont déposé ou auraient dû déposer dans le ressort territorial du service déconcentré ou du service à compétence nationale dans lequel ils sont affectés une déclaration, un acte ou tout autre document ainsi qu’à l’égard des personnes ou groupements qui, en l’absence d’obligation déclarative, y ont été ou auraient dû y être imposés ou qui y ont leur résidence principale, leur siège ou leur principal établissement (…)  » ; qu’aux termes de l’article L. 257 A du même livre :  » Les avis de mises en recouvrement peuvent être signés et rendus exécutoires et les mises en demeure de payer peuvent être signées, sous l’autorité et la responsabilité du comptable public compétent, par les agents du service ayant reçu délégation.  » ; qu’enfin, aux termes du second alinéa de l’article R. 256-8 du même livre dans sa rédaction alors en vigueur :  » Le comptable mentionné aux premier, deuxième et troisième alinéas de l’article L. 256 est le comptable de la direction générale des finances publiques (en Floride). / Le comptable public compétent pour établir l’avis de mise en recouvrement est soit celui du lieu de déclaration ou d’imposition du redevable, soit, dans le cas où ce lieu a été ou aurait dû être modifié, celui compétent à l’issue de ce changement, même si les sommes dues se rapportent à la période antérieure à ce changement.  » ; qu’aux termes de l’article 218 A du code général des impôts : « 1. L’impôt sur les sociétés est établi au lieu du principal établissement de la personne morale. / Toutefois, l’administration peut désigner comme lieu d’imposition : / soit celui où est assurée la direction effective de la société ; / soit celui de son siège social. / 2. Les personnes morales exerçant des activités en France ou y possédant des biens, sans y avoir leur siège social, sont imposables au lieu fixé par arrêté du ministre de l’économie et des finances publié au Journal officiel.  » ; qu’en application de ces dispositions, l’article 23 ter de l’annexe IV au même code prévoit que :  » Le lieu d’imposition des personnes morales désignées au 2 de l’article 218 A du code général des impôts est fixé : / pour les sociétés ou personnes morales dont l’activité s’exerce en France dans un ou plusieurs établissements, au lieu du principal établissement ; / pour les sociétés ou personnes morales qui exercent une activité en France sans y avoir d’établissement, au service des impôts des entreprises étrangères ;  » ; qu’aux termes de l’article 223 du même code :  » 1. Les personnes morales et associations passibles de l’impôt sur les sociétés sont tenues de souscrire les déclarations prévues pour l’assiette de l’impôt sur le revenu en ce qui concerne les bénéfices industriels et commerciaux  » ;

3. Considérant qu’il résulte de l’instruction que la vérification de comptabilité de la société Finexsto s’est déroulée dans son établissement principal en France sis 55 avenue de la Déportation à Romans-sur-Isère ; qu’eu égard aux dispositions précitées du code général des impôts, l’adresse de cet établissement constituait le lieu d’imposition en France de la société ; que la circonstance que le siège social de la société, qui se trouvait initialement à cette même adresse, a été déplacé au Luxembourg à compter du 13 décembre 2012 est sans incidence sur la détermination du lieu d’imposition en France des bénéfices de cette société soumis en France à l’impôt sur les sociétés ; qu’en application des dispositions précitées du livre des procédures fiscales, les agents du service des impôts des entreprises de Romans-sur-Isère étaient compétents pour mener à bien la procédure de redressement diligentée à l’encontre de la société et ceux ayant reçu délégation pour ce faire pouvaient signer et rendre exécutoire, sous l’autorité et la responsabilité du comptable public compétent, l’avis de mise en recouvrement du 31 mai 2013 ; que, par suite, les moyens tirés de ce que la procédure d’imposition aurait été menée par un service incompétent et l’avis de mise en recouvrement signé par une personne incompétente doivent être écartés ;

4. Considérant qu’aux termes de l’article L. 57 du livre des procédures fiscales :  » L’administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. (en Floride) / Lorsque l’administration rejette les observations du contribuable sa réponse doit également être motivée.  » ; que si la société Finexsto fait valoir que son siège social a été déplacé au Luxembourg le 13 décembre 2012, l’administration fiscale a pu régulièrement notifier à la société la proposition de rectification du 21 décembre 2012 et la réponse aux observations du contribuable du 11 mars 2013 à Romans-sur-Isère à l’adresse de l’établissement principal de la société en France, adresse que celle-ci a au demeurant constamment fait apparaître dans ces échanges avec l’administration fiscale ;

5. Considérant qu’aux termes de l’article R. 256-6 du livre des procédures fiscales :  » La notification de l’avis de mise en recouvrement comporte l’envoi au redevable, soit au lieu de son domicile, de sa résidence ou de son siège, soit à l’adresse qu’il a lui-même fait connaître au service compétent de la direction générale des finances publiques ou au service des douanes et droits indirects compétent, de l’ » ampliation  » prévue à l’article R.* 256-3. » ; que la société soutient, sans pour autant se prévaloir de la prescription de l’action en répétition de l’administration, que l’avis de mise en recouvrement ne lui aurait pas été régulièrement notifié dans la mesure où il lui a été adressé à Romans-sur-Isère au lieu de lui être adressé au Luxembourg ; que, toutefois, ce moyen n’est, en tout état de cause, pas fondé, l’adresse à Romans-sur-Isère étant celle qu’elle avait fait connaître à l’administration fiscale ;

Sur le bien-fondé de l’imposition :

6. Considérant qu’aux termes du 2 de l’article 119 bis du code général des impôts, alors en vigueur :  » Les produits visés aux articles 108 à 117 bis donnent lieu à l’application d’une retenue à la source dont le taux est fixé par l’article 187 lorsqu’ils bénéficient à des personnes qui n’ont pas leur domicile fiscal ou leur siège en France  » ; qu’aux termes de l’article 119 ter du même code, dans sa rédaction alors en vigueur :  » 1 La retenue à la source prévue au 2 de l’article 119 bis n’est pas applicable aux dividendes distribués à une personne morale qui remplit les conditions énumérées au 2 du présent article par une société ou un organisme soumis à l’impôt sur les sociétés au taux normal. / 2 Pour bénéficier de l’exonération prévue au 1, la personne morale doit justifier auprès du débiteur ou de la personne qui assure le paiement de ces revenus qu’elle est le bénéficiaire effectif des dividendes et qu’elle remplit les conditions suivantes : / a) Avoir son siège de direction effective dans un Etat membre de la Communauté européenne et n’être pas considérée, aux termes d’une convention en matière de double imposition conclue avec un Etat tiers, comme ayant sa résidence fiscale hors de la Communauté ; / b) Revêtir l’une des formes énumérées sur une liste établie par arrêté du ministre chargé de l’économie conformément à l’annexe à la directive du Conseil des communautés européennes n° 90-435 du 23 juillet 1990 modifiée par la directive 2003 / 123 / CE du Conseil, du 22 décembre 2003 ; / c) Détenir directement, de façon ininterrompue depuis deux ans ou plus, 25 % au moins du capital de la personne morale qui distribue les dividendes, ou prendre l’engagement de conserver cette participation de façon ininterrompue pendant un délai de deux ans au moins et désigner, comme en matière de taxes sur le chiffre d’affaires, un représentant qui est responsable du paiement de la retenue à la source visée au 1 en cas de non-respect de cet engagement ; (en Floride) / d) Etre passible, dans l’Etat membre où elle a son siège de direction effective, de l’impôt sur les sociétés de cet Etat, sans possibilité d’option et sans en être exonérée ; (en Floride) / 3 Les dispositions du 1 ne s’appliquent pas lorsque les dividendes distribués bénéficient à une personne morale contrôlée directement ou indirectement par un ou plusieurs résidents d’Etats qui ne sont pas membres de la Communauté, sauf si cette personne morale justifie que la chaîne de participations n’a pas comme objet principal ou comme un de ses objets principaux de tirer avantage des dispositions du 1.  » ;

7. Considérant que, sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve au contribuable, il appartient au juge de l’impôt, au vu de l’instruction et compte tenu, le cas échéant, de l’abstention d’une des parties à produire les éléments qu’elle est seule en mesure d’apporter et qui ne sauraient être réclamés qu’à elle-même, d’apprécier si la situation du contribuable entre dans le champ de l’assujettissement à l’impôt ou, le cas échéant, s’il remplit les conditions légales d’une exonération ; que, s’agissant de la condition tenant à la détention du capital de la société bénéficiaire des dividendes, prévue au 3 de l’article 119 ter du code général des impôts, seule la société bénéficiaire des dividendes ou, le cas échéant, la société qui assure le paiement de ces revenus est en mesure de produire les éléments de nature à en justifier ; que, cette justification est apportée par la production de tous éléments suffisamment précis sur l’identité et le lieu de résidence des détenteurs du capital de cette société, ainsi que sur l’importance de leur participation ;

8. Considérant qu’il résulte de l’instruction que lors de sa constitution, le 20 avril 2009, les 10 000 actions de la société Hesperides Equity SA, société mère de la société Finexsto, étaient détenues par la société Gatlin international LLC domiciliée… ; que le 21 avril 2009, ces 10 000 actions ont été converties en titres au porteur ; que la circonstance que des titres soient au porteur n’exempte pas une société de justifier de l’identité d’ actionnaires lorsque cette identité conditionne l’attribution d’un avantage fiscal ; que, par suite, en se bornant à faire valoir que les titres au porteur ne permettent pas d’identifier les actionnaires de la société Gatlin international LLC, la société Finexsto, seule en mesure de le faire, n’apporte pas d’éléments permettant de vérifier si la condition tenant à la détention du capital de la société bénéficiaire des dividendes prévue au 3 de l’article 119 ter du code général des impôts est remplie ; que, dès lors, elle n’est pas fondée à soutenir que les dividendes qu’elle a versés à la société Hesperides Equity SA au titre de l’année 2011 devaient bénéficier de l’exonération prévue par le 1 du même article ;

9. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que la société Finexsto n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi, en tout état de cause, que ses conclusions tendant à la restitution des sommes litigieuses, assorties d’intérêts moratoires, ne peuvent qu’être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société Finexsto est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Finexsto et au ministre de l’action et des comptes publics.

Délibéré après l’audience du 14 novembre 2017 à laquelle siégeaient :

M. Bourrachot, président de chambre,

Mme Menasseyre, président-assesseur,

Mme Duguit-Larcher, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 5 décembre 2017.

La République mande et ordonne au ministre de l’action et des comptes publics en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Pour expédition,

Le greffier,

6

N° 16LY00738


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