CAA de LYON, 2ème chambre – formation à 3, 03/04/2018, 16LY01705, Inédit au recueil Lebon

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CAA de LYON, 2ème chambre – formation à 3, 03/04/2018, 16LY01705, Inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE

AU
NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M et Mme E… A… ont demandé au tribunal administratif de Grenoble de leur accorder la décharge de la cotisation supplémentaire d’impôt sur les sociétés et de contributions sociales mise à leur charge au titre de l’année 2011 dans les rôles de la commune de Corenc et des pénalités y afférentes.

Par l’article 1er du jugement n° 1401867 du 17 mars 2016, le tribunal administratif de Grenoble les a déchargés de ces impositions et a rejeté le surplus de leur demande.

Procédure devant la cour

Par un recours enregistré le 19 mai 2016, le ministre des finances et des comptes publics demande à la cour :

1°) d’annuler l’article 1er de ce jugement du tribunal administratif de Grenoble en date du 17 mars 2016 ;

2°) de remettre à la charge de M. et Mme A… les droits supplémentaires et les pénalités y afférentes établis en matière d’impôt sur le revenu et de contributions sociales au titre de l’année 2011 pour un montant total de 39 878 euros et de réformer le jugement du tribunal administratif de Grenoble en ce sens.

Le ministre soutient que :

– si c’est à bon droit que le tribunal administratif de Grenoble a considéré que l’administration fiscale ne pouvait imposer entre leurs mains sur le seul fondement de l’article 111 c du code général des impôts la somme inscrite au crédit du compte courant d’associé de Mme A…, ne pouvant renoncer au bénéfice de la loi fiscale, elle est en droit, à tout moment de la procédure contentieuse, d’invoquer tous moyens nouveaux de nature à faire reconnaître le bien-fondé des impositions contestées ;

– la substitution de base légale sollicitée dans la présente instance peut être proposée pour la première fois en appel, et ne prive les contribuables qu’aucune garantie, les rectifications litigieuses ayant été proposées en application de la procédure contradictoire et les époux A…s’étant abstenus de répondre à la proposition de rectification, et la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d’affaires n’étant pas compétente pour connaître d’un éventuel désaccord sur l’imposition des revenus de capitaux mobiliers

– l’imposition de la somme de 51 214 euros créditée en 2011 au compte courant d’associée de Mme A… peut l’être au titre de revenus distribués sur le fondement de l’article 109-12° du code général des impôts ;

– dans le cadre de l’effet dévolutif, aucun des moyens soulevés en première instance par M et Mme A… n’est fondé.

Par un mémoire en défense, enregistré le 28 avril 2017, M. et Mme E… A…, représentés par Me D…, doivent être regardés comme concluant au rejet du recours et comme demandant à la cour :

2°) de confirmer la décharge des cotisations supplémentaires d’impôt sur le revenu et de contributions sociales mises à leur charge au titre de l’année 2011 et des pénalités y afférentes ;

3°) et subsidiairement de prononcer la décharge de la majoration de 25 % appliquée aux contributions sociales assises sur les revenus distribués au titre de l’année 2011 ;

4°) dans tous les cas, de mettre à la charge de l’Etat une somme de 1 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative au titre des frais non compris dans les dépens.

Ils exposent que :

– la situation financière de la SCI a empêchée Mme A… d’opérer tout prélèvement au débit de son compte courant d’associé en 2011 ;

– il ressort des écritures de l’administration fiscale que la situation de trésorerie de la société était négative et interdisait tout prélèvement ; les sommes inscrites au compte courant du gérant au 31 décembre ne peuvent être considérés comme ayant été réellement mises à sa disposition dès qu’il n’a pu, en fait, en opérer le prélèvement ; la somme litigieuse, faute d’avoir été mise à la disposition du contribuable, n’est pas imposable entre ses mains, au titre de l’année 2011 ; aucun redressement n’a pu être opéré en 2011 ;

– en vertu de la décision du Conseil Constitutionnel QPC du 10 février 2017 n°2016-610, les prélèvements sociaux sur les revenus distribués ne doivent pas être calculés sur une base majorée de 25 % sauf à méconnaître le principe d’égalité devant les charges publiques.

Par un mémoire en réplique, enregistré le 20 juin 2017, le ministre de l’action et des comptes publics conclut aux mêmes fins que son recours initial par les mêmes moyens.

Le ministre soutient, en outre, que :

– les intimés ne démontrent pas que la situation financière de la SCI Domaine de la tour empêchait la mise à disposition de la somme créditée au compte courant d’associé de Mme A… ; celle-ci est imposable sur le fondement de l’article 109-12° du code général des impôts ;

– si la cour fait droit à son recours, le montant des revenus distribués imposables aux prélèvements sociaux sera ramené de 64 018 euros à 51 214 euros.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

– le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

– le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique :

– le rapport de Mme C…, première conseillère,

– et les conclusions de M. Vallecchia, rapporteur public.

1. Considérant que M. et Mme A… sont associés, à hauteur respectivement de 48 et 49 parts, leurs trois filles détenant chacune une part, au sein de la société civile immobilière (SCI) Domaine de la tour qui exerce une activité de marchands de biens ; que cette société a opté pour l’imposition de ses résultats à l’impôt sur les sociétés ; que la SCI Domaine de la Tour a fait l’objet d’une vérification de comptabilité sur la période du 1er janvier 2009 au 30 novembre 2011, période prolongée en matière de taxe sur la valeur ajoutée jusqu’au 31 août 2012, à l’issue de laquelle l’administration fiscale a relevé qu’elle n’avait pas comptabilisé le versement d’une prime de fusion et avait porté au crédit du compte courant d’associé de Mme A… une somme de 51 214 euros ne correspondant ni à une dette, ni à la somme qui aurait du être comptabilisée comme prime de fusion ; qu’elle a réintégrée cette somme dans les résultats de l’exercice clos le 30 novembre 2011 et, dans le cadre d’un contrôle sur pièces, l’a imposée à l’impôt sur le revenu et aux contributions sociales entre les mains de M et Mme A… comme un revenu distribué sur le fondement du c) de l’article 111 du code général des impôts dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, en la majorant de 1,25 en application des dispositions du 7° de l’article 158 du code général des impôts ; que M. et Mme A… se sont abstenus de répondre à la proposition de rectification du 19 février 2013 leur notifiant ces suppléments d’imposition assortis des intérêts de retard et de la majoration de 40 % pour manquement délibéré prévue à l’article 1729 du code général des impôts ; qu’après rejet de leur réclamation, M. et Mme A… ont saisi du litige le juge de l’impôt ; que, par jugement du 17 mars 2016, le tribunal administratif de Grenoble a prononcé la décharge des impositions litigieuses en censurant pour méconnaissance du champ d’application de la loi, l’application des dispositions du c) de l’article 111 du code général des impôts pour fonder les redressements ; que, par le présent recours, le ministre des finances et des comptes publics relève appel de ce jugement dont il demande la réformation par le rejet de la demande de M. et Mme A… en sollicitant une substitution de base légale en justifiant l’imposition litigieuse de revenus distribués sur le fondement du 2° du 1. de l’article 109 du code général des impôts ;

Sur le bien-fondé de l’impôt sur le revenu :

2. Considérant que l’administration peut, à tout moment de la procédure, y compris pour la première fois en appel, invoquer une nouvelle base légale propre à justifier l’imposition à condition que le contribuable ait bénéficié de toutes les garanties attachées à cette nouvelle base légale ;

3. Considérant qu’aux termes de l’article 109 du code général des impôts :  » 1. Sont considérés comme revenus distribués : (…) 2° Toutes les sommes ou valeurs mises à la disposition des associés, actionnaires ou porteurs de parts et non prélevées sur les bénéfices. Les sommes imposables sont déterminées pour chaque période retenue pour l’établissement de l’impôt sur les sociétés par la comparaison des bilans de clôture de ladite période et de la période précédente selon des modalités fixées par décret en conseil d’Etat.  » ; qu’aux termes de ces dispositions, sont considérées comme revenus distribués, toutes les sommes ou valeurs mises à la disposition des associés, actionnaires, ou porteurs de parts et non prélevés sur les bénéfices ; que, sauf preuve contraire apportée par l’associé titulaire du compte, les sommes inscrites au compte courant d’associé ont le caractère de revenus imposables, dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers ; que la présomption de disponibilité d’une somme inscrite sur un compte courant ne peut être écartée que si le contribuable établit qu’il était dans l’impossibilité juridique de prélever ladite somme ou que la situation de trésorerie de la société rendait tout prélèvement financièrement impossible ;

4. Considérant qu’il résulte de l’instruction que lors de la vérification de comptabilité de la SCI Domaine de la tour, l’administration fiscale a constaté que le compte courant d’associé de Mme A… avait été crédité en 2011 d’une somme de 51 214 euros, qu’elle a regardée comme constitutive d’un revenu distribué imposable sur le fondement de l’article 109-1-2° du code général des impôts entre les mains de Mme A…, en sa qualité de bénéficiaire ; qu’en défense, M. et Mme A… soutiennent que l’intéressée n’a pas eu la disposition de cette somme en raison de la situation financière de la SCI qui interdisait tout prélèvement au terme de l’exercice ; que, toutefois, ils n’apportent aucun élément justificatif de nature à démontrer l’impossibilité de tout prélèvement alors que le ministre fait valoir que si les comptes bancaires de la SCI étaient débiteurs à la clôture de l’exercice, la société qui disposait d’importantes facilités de paiement accordées par sa banque principale dédiée aux professionnels de l’immobilier, d’un découvert autorisé de 900 000 euros et d’une situation certes déficitaire mais assainie à la clôture de l’exercice en 2011 avec un découvert limité à 117 000 euros, disposait, en outre, compte tenu de son activité de marchands de biens, d’un important parc de biens immobiliers immédiatement cessibles et de revenus à très court terme sous forme de perception de loyers ce qui a d’ailleurs permis à la société de solder une partie de ses dettes ; que le ministre fait enfin valoir que le compte courant d’associé de Mme A… présentait un solde créditeur de 201 674 euros à la clôture de l’exercice ; que, dans ces conditions, nonobstant l’absence de prélèvement effectif, les contribuables ne démontrent pas l’impossibilité de tout prélèvement dont ils se prévalent et ne combattent pas sérieusement la présomption de disponibilité de cette somme justifiant son imposition ; que par suite, et dès lors que la substitution de base légale sollicitée par l’administration fiscale pour fonder les rectifications litigieuses sur les dispositions du 2° du 1. de l’article 109 du code général des impôts ne prive M. et Mme A…, qui se sont abstenus de répondre à la proposition de rectification, d’aucune garantie, l’administration fiscale était fondée à regarder la somme de 51 214 euros comme constitutive d’une distribution au profit de Mme A… et à l’imposer à l’impôt sur le revenu dû par son foyer fiscal au titre de l’année 2011 ;

Sur les contributions sociales :

5. Considérant que le ministre fait valoir que les revenus mobiliers faisant l’objet d’une inscription au crédit d’un compte au nom du bénéficiaire sont, en application du 1° du 3 de l’article 158 et de l’article 125 du code général des impôts, imposables, en principe, au titre de l’année de cette inscription, notamment en cas d’inscription sur un compte courant d’associé ;

6. Considérant que M. et Mme A… contestent l’application aux revenus distribués litigieux de la majoration de 1,25 prévue par le 2° du 7 de l’article 158 du code général des impôts pour définir l’assiette des contributions sociales auxquelles sont soumis ces revenus de capitaux mobiliers ; que les contributions litigieuses procédant initialement de l’imposition de revenus distribués sur le fondement du c) de l’article 111 du code général des impôts, les appelants se sont prévalu pour contester la majoration appliquée de la réserve d’interprétation résultant de la décision n° 2016-610 QPC, du 10 février 2017 du Conseil Constitutionnel se prononçant sur la conformité des dispositions combinées du 2° de l’article 158-7 du code général des impôts et de l’article L. 136-6 du code de la sécurité sociale à la Constitution s’agissant des distributions occultes ; qu’eu égard à la substitution de base légale précédemment admise et regardée comme fondée, il y a lieu de regarder le moyen comme invoquant la décision du 7 juillet 2017 n°2017-643/650 QPC, par laquelle le Conseil Constitutionnel a émis la même réserve d’interprétation s’agissant des revenus distribués mentionnés à l’article 109 résultant d’une rectification des résultats de la société distributrice qui en vertu des dispositions du 2° du 7 de l’article 158 du code général des impôts, font également l’objet d’une assiette majorée ; que, par suite, M. et Mme A… sont fondés à demander la réduction des contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis à raison du montant correspondant à la majoration de 1,25 appliquée sur la base imposable des revenus distribués imposés au titre de l’année 2011 ;

7. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que, sous réserve de la décharge partielle susmentionnée, le ministre est seulement fondé à soutenir que c’est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a déchargé en intégralité M. et Mme A… des cotisations supplémentaires d’impôt sur le revenu et de contributions sociales mises à leur charge au titre de l’année 2011 ;

Sur les frais exposés et non compris dans les dépens :

8. Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l’Etat la somme de 2 000 euros à verser à M. et Mme A… au titre des frais exposés en cours d’instance et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : Les cotisations supplémentaires d’impôt sur le revenu et les contributions sociales non majorées dues au titre de l’année 2011 sont remises à la charge de M. et Mme A….

Article 2 : Les suppléments de contributions sociales remis à la charge de M. et Mme A… au titre de l’année 2011 sont réduits en base de 0,25.

Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Grenoble n° 1401867, en date du 17 mars 2016, est réformé en ce qu’il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : L’Etat versera à M. et Mme A… une somme de 2 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative

Article 5 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme E… A… et au ministre de l’action et des comptes publics. Copie en sera adressée au directeur du contrôle fiscal de Rhône-Alpes Bourgogne.

Délibéré après l’audience du 13 mars 2018, à laquelle siégeaient :

M. Bourrachot, président de chambre,

Mme C…, première conseillère,

Mme B…, première conseillère.

Lu en audience publique, le 3 avril 2018.

2

N° 16LY01705

fg


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