CAA de LYON, 2ème chambre – formation à 3, 03/01/2017, 15LY01704, Inédit au recueil Lebon

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CAA de LYON, 2ème chambre – formation à 3, 03/01/2017, 15LY01704, Inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE

AU
NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SAS E…et Cie a demandé au tribunal administratif de Grenoble la décharge des cotisations supplémentaires d’impôt sur les sociétés, de taxe sur la valeur ajoutée, des pénalités y afférentes et de la pénalité prévue à l’article 1759 du code général des impôts, auxquelles elle a été assujettie au titre de la période allant du 1er janvier 2006 au 31 décembre 2008.

Par un jugement n° 1204128 du 23 mars 2015, le tribunal administratif de Grenoble a partiellement fait droit à sa demande en prononçant la décharge, pour les exercices clos en 2007 et en 2008, des cotisations supplémentaires d’impôt sur les sociétés, et des pénalités y afférentes, résultant de la réintégration, dans ses charges, de la moitié du montant des factures Avvens du 30 juin 2007 et du 16 octobre 2008 ainsi que de la somme de 143 276 euros à la suite de la réévaluation du prix de cession à l’un de ses associés d’un bien situé à Dieulefit.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 22 mai 2015 et le 8 juin 2016, la SAS E… et Cie, représentée par Me F…, demande à la cour :

1°) d’annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 23 mars 2015 en tant qu’il a rejeté le surplus de sa demande ;

2°) de la décharger de ces impositions et des pénalités y afférentes ;

3°) de prononcer la restitution des sommes versées à tort, le cas échéant, assorties d’intérêts moratoires ;

4°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 5 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

La SAS E…et Cie soutient que :

Sur le bien fondé de l’imposition :

– elle était fondée à déduire la taxe sur la valeur ajoutée afférente à deux factures d’honoraires du cabinet Avvens, de 2007 et de 2008, qui portent sur l’évaluation des titres de la SAS E…et Cie rachetés auprès de MmeE…, ces dépenses, comme toute opération en capital, entretenant un lien direct et immédiat avec l’ensemble de l’activité de la société et faisant, de ce fait, partie de ses frais généraux ;

– elle était fondée à déduire, au titre de l’impôt sur les sociétés, de son revenu imposable, les charges qu’elle a engagées, dans l’intérêt de l’entreprise, en 2006, 2007 et 2008 relatives à l’exploitation des biens immobiliers, acquis en vue de les louer, mais qu’elle a été contrainte de céder, dont elle était propriétaire à Flaine et à Dieulefit ;

– la cession des biens de Dieulefit et de Flaine ne constituant pas un acte anormal de gestion de la société, qui n’a pas volontairement minoré, sans contrepartie, les prix de vente de ces biens, l’administration, qui supporte la charge de la preuve, n’était pas fondée à réintégrer dans le résultat imposable de la société la différence entre la valeur vénale des biens et leur prix de vente ; à tout le moins un expert judiciaire devra être nommé afin de déterminer la valeur vénale de ces biens ;

Sur les pénalités :

– l’amende prévue à l’article 1759 du code général des impôts n’est pas justifiée dans la mesure où, d’une part, aucun revenu ne peut être réputé avoir été distribué dans la mesure où les charges qu’elle a engagées en 2006, 2007 et 2008 relatives à l’exploitation des biens immobiliers dont elle était propriétaire à Flaine et à Dieulefit ont été engagées dans l’intérêt de l’entreprise, et où, d’autre part, la société avait désigné M. C…B…comme bénéficiaire des prétendues distributions et qu’il appartenait à l’administration de lui demander des précisions si elle l’estimait nécessaire, ce qu’elle n’a pas fait car elle connaissait l’identité de cette personne qui était l’ancien expert-comptable de la société et dont le nom figurait sur les déclarations de résultat de la société ;

– la pénalité de 40% pour manquement délibéré n’est pas justifiée, l’administration ne rapportant pas la preuve de ce qu’elle aurait délibérément minoré le prix de vente desdits biens, si tant est que la minoration soit établie.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 30 septembre 2015 et le 22 juin 2016, le ministre des finances et des comptes publics conclut au non-lieu à statuer à concurrence du dégrèvement prononcé en cours d’instance et au rejet du surplus de la requête.

Le ministre des finances et des comptes publics soutient que les moyens soulevés par la SAS E…et Cie ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 29 avril 2016, la clôture d’instruction a été fixée au 9 juin 2016, en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative.

Par une ordonnance du 9 juin 2016, la clôture de l’instruction a été reportée au 11 juillet 2016.

Les parties ont été informées, en application des dispositions de l’article R. 611-7 du code de justice administrative, par courrier en date du 7 novembre 2016, de ce que l’arrêt était susceptible d’être fondé sur un moyen relevé d’office, tiré de l’irrecevabilité des conclusions aux fins de condamnation de l’Etat à la restitution des suppléments d’impôts et de pénalités litigieux et au versement d’intérêts moratoires.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

– la sixième directive 77/388/CEE du Conseil des Communautés européennes du 17 mai 1977 en matière d’harmonisation des législations des Etats membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires ;

– le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

– le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique :

– le rapport de Mme Duguit-Larcher, premier conseiller,

– et les conclusions de M. Besse, rapporteur public ;

1. Considérant que la SAS E…et Cie, holding familiale, qui loue à la société SAS E…, dont elle détient 100 % du capital, l’essentiel de ses moyens de production et l’immeuble du site industriel qu’elle exploite ainsi qu’à des tiers ses autres biens immobiliers, a fait l’objet d’une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2006 au 31 décembre 2008, période qui a été portée au 30 septembre 2009 en matière de taxe sur la valeur ajoutée ; qu’à l’issue de cette vérification, l’administration a adressé à la société une première proposition de rectification du 21 décembre 2009 portant, au titre de l’exercice clos en 2006, sur la réintégration dans le résultat imposable de cet exercice de charges qu’elle a considérées comme non engagées dans l’intérêt de la société ; que cette réintégration conduisait seulement à réduire le déficit de la société au titre de cet exercice ; que l’administration invitait la société à désigner le ou les bénéficiaires des revenus réputés en conséquence distribués ; que la SAS E…et Cie a présenté des observations sur ces rehaussements le 19 février 2010 et désigné  » M. B…  » comme bénéficiaire des distributions, sans autre précision ; que, le 9 avril 2010, l’administration a adressé à la société une seconde proposition de rectification portant sur des rappels de taxe sur la valeur ajoutée pour les périodes du 1er janvier au 31 décembre 2007 et du 1er janvier au 31 décembre 2008, ainsi que des cotisations supplémentaires à l’impôt sur les sociétés au titre des exercices clos en 2007 et en 2008, résultant de la réintégration dans les résultats imposables de la société, au titre de ces deux exercices, de charges qu’elle a considérées comme non engagées dans l’intérêt de la société et, au titre de l’exercice 2008, de produits résultant de la cession à prix minorés de biens immobiliers lui appartenant situés à Dieulefit et à Flaine ; que ces derniers rehaussements ont été assortis de la majoration de 40 % pour manquement délibéré prévue à l’article 1729 du code général des impôts ; que l’administration invitait, dans cette seconde proposition de rectification, la société à désigner le ou les bénéficiaires des revenus réputés distribués ; qu’à la suite de la notification de cette seconde proposition de rectification, la SAS E…et Cie a présenté des observations le 10 juin 2010 et désigné  » M. B…  » comme bénéficiaire des revenus réputés distribués, sans autre précision ; que, par une lettre du 23 juillet 2010, l’administration a maintenu l’ensemble des rehaussements envisagés et décidé de faire application de l’amende prévue à l’article 1759 du code général des impôts en 2006, 2007 et 2008 eu égard à l’imprécision des réponses données par la société sur le bénéficiaire des revenus réputés distribués ; que, dans sa séance du 18 février 2011, la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d’affaires, saisie sur les rappels de taxe sur la valeur ajoutée et les rehaussements d’impôts sur les sociétés au titre des exercices clos en 2007 et 2008, a émis l’avis de maintenir les rappels de taxe sur la valeur ajoutée et de diminuer le montant des cotisations supplémentaires d’impôt sur les sociétés de 2007 et de 2008 en réintégrant, dans les charges de la société, une partie des factures qui avaient été écartées par l’administration au motif qu’elles n’avaient pas été exposées dans l’intérêt de l’exploitation ; que l’administration, suivant l’avis de la commission, a notifié le 8 avril 2011 à la SAS E…et Cie les nouvelles conséquences financières du contrôle ; que les amendes prévues à l’article 1759 du code général des impôts, dues pour les années 2006, 2007 et 2008, ont été mises en recouvrement le 12 novembre 2011 ; que les cotisations supplémentaires d’impôt sur les sociétés dues au titre des exercices 2007 et 2008, assorties d’intérêts de retard et d’une majoration de 40 % s’agissant des seuls redressements portant sur les cessions à prix minorés, ont été mises en recouvrement le 21 novembre 2011, concomitamment à la mise en recouvrement des rappels de taxe sur la valeur ajoutée portant sur la période du 1er janvier 2007 au 31 décembre 2008, assortis d’intérêts de retard ; que, par jugement du 23 mars 2015, le tribunal administratif de Grenoble a partiellement fait droit à la demande de la SAS E…et Cie tendant à la décharge de l’ensemble de ces rappels, cotisations supplémentaires et pénalités en prononçant la décharge, pour les exercices clos en 2007 et en 2008, des cotisations supplémentaires d’impôt sur les sociétés, et des pénalités y afférentes, résultant de la réintégration, dans ses charges, d’une part, de certaines charges écartées par l’administration au motif qu’elles n’avaient pas été engagées dans l’intérêt de la société et, d’autre part, d’une somme de 143 276 euros résultant de la réévaluation faite par le tribunal du prix de cession du bien situé à Dieulefit ; que l’administration a procédé, en exécution du jugement, au dégrèvement des cotisations supplémentaires d’impôt sur les sociétés correspondantes et des pénalités y afférentes, par un avis de dégrèvement du 2 avril 2015 ; que la SAS E…et Cie relève appel de ce jugement en tant qu’il a rejeté le surplus de sa demande ;

Sur l’étendue du litige :

2. Considérant que, par décision en date du 2 octobre 2015 postérieure à l’introduction de la requête, l’administration fiscale a prononcé le dégrèvement à concurrence d’une somme de 80 038 euros en droits et de 35 857 euros en pénalités, des cotisations supplémentaires d’impôt sur les sociétés mises à la charge de la SAS E…et Cie au titre de l’exercice clos le 31 décembre 2008 ; que les conclusions de la requête de la SAS E…et Cie relatives à ces cotisations supplémentaires et pénalités sont, dans cette mesure, devenues sans objet ;

Sur le bien-fondé de l’imposition :

En ce qui concerne les rappels de taxe sur la valeur ajoutée :

3. Considérant qu’aux termes du 1 du I de l’article 271 du code général des impôts :  » La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d’une opération imposable est déductible de la taxe à la valeur ajoutée applicable à cette opération  » ; qu’il résulte de ces dispositions, interprétées à la lumière des paragraphes 1 et 2 et 3 et 5 de l’article 17 de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil des Communautés européennes du 17 mai 1977, que l’existence d’un lien direct et immédiat entre une opération particulière en amont et une ou plusieurs opérations en aval ouvrant droit à déduction est, en principe, nécessaire pour qu’un droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée en amont soit reconnu à l’assujetti et pour déterminer l’étendue d’un tel droit ; que le droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée grevant l’acquisition de biens ou de services en amont suppose que les dépenses effectuées pour acquérir ceux-ci fassent partie des éléments constitutifs du prix des opérations taxées en aval ouvrant droit à déduction ; qu’en l’absence d’un tel lien, un assujetti est toutefois fondé à déduire la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé des biens et services en amont lorsque les dépenses liées à l’acquisition de ces biens et services font partie de ses frais généraux et sont, en tant que telles, des éléments constitutifs du prix des biens produits ou des services fournis par cet assujetti ;

4. Considérant que l’administration a remis en cause la déduction, par la SAS E…et Cie, de la taxe sur la valeur ajoutée afférente à deux factures d’honoraires du cabinet Avvens, de juin 2007 et d’octobre 2008 aux motifs, d’une part, que ces frais avaient été exposés spécifiquement pour la réalisation de l’acquisition de titres, opération autonome au sens de la taxe sur la valeur ajoutée, n’ouvrant pas droit à déduction s’agissant d’une opération non taxable et, d’autre part, que ces frais, qui résultaient de la seule volonté d’éviter une dispersion du capital et de préserver l’autonomie familiale du contrôle de la société, ne présentaient pas de lien suffisamment direct et immédiat avec l’activité économique de la SAS E…et Cie ; que ces factures portaient sur l’évaluation par le cabinet Avvens de la valeur des titres de la SAS E…et Cie, évaluation qui a permis à la SAS E…et Cie de procéder au rachat en 2008 des titres de Mme E… qui souhaitait s’en défaire ; qu’eu égard à leur nature, ces dépenses, dont l’administration n’établit pas qu’elles se rapporteraient à une opération purement patrimoniale, c’est-à-dire une opération n’ayant pas de lien avec l’ensemble de l’activité économique de la société, et qui n’ont pas été répercutées sur le prix de rachat des titres, font partie des frais généraux de la société et sont, en tant que telles, des éléments constitutifs du prix des biens produits ou des services fournis par cet assujetti ; que, par suite, c’est à tort que l’administration a remis en cause la déduction, par la SAS E…et Cie, de la taxe sur la valeur ajoutée afférente à ces deux factures ;

En ce qui concerne les cotisations supplémentaires d’impôt sur les sociétés :

S’agissant de l’acte anormal de gestion résultant de la cession à un prix minoré d’un appartement à Flaine :

5. Considérant qu’il résulte des articles 38 et 39 du code général des impôts que le bénéfice imposable est celui qui provient des opérations de toute nature faites par l’entreprise, à l’exception de celles qui, en raison de leur objet ou de leurs modalités, sont étrangères à une gestion commerciale normale ; que les renonciations à recettes et abandons de créances consentis par une entreprise au profit d’un tiers ne relèvent pas, en règle générale, d’une gestion commerciale normale, sauf s’il apparaît qu’en consentant de tels avantages, l’entreprise a agi dans son propre intérêt ; que, s’il appartient à l’administration d’apporter la preuve des faits sur lesquels elle se fonde pour estimer que les avantages octroyés par une entreprise à un tiers constituent un acte anormal de gestion, elle est réputée apporter cette preuve dès lors que cette entreprise n’est pas en mesure de justifier qu’elle a bénéficié en retour de contreparties ; que, dans l’hypothèse où l’entreprise s’acquitte de cette obligation, il incombe ensuite à l’administration d’apporter la preuve que cet avantage est dépourvu de contrepartie, qu’il a une contrepartie dépourvue d’intérêt pour l’entreprise ou que la rémunération de cette contrepartie est excessive ;

6. Considérant que la SAS E…et Cie a vendu à Mme E…, par acte notarié du 5 juin 2008, un appartement situé dans la station de ski de Flaine, au 3ème étage d’un ensemble immobilier dénommé  » Grand Massif Pégase « , achevé en 1993 ; que cet appartement, d’une surface de 54 m2, comprend une entrée, un dégagement, une salle de bains, un WC, un cabinet de toilettes avec WC, une chambre, une cabine, une salle de séjour, un coin cuisine et un balcon et la jouissance exclusive et particulière d’un casier à skis ; que ce bien, qui avait été acquis par la société en 2005 pour 140 000 euros, et qui était valorisé à l’actif de la société à hauteur de 164 455 euros compte tenu de travaux qui y avait été effectués, a été cédé à Mme E… pour un prix de 140 000 euros, soit 2 593 euros par m2 ; que l’administration a procédé à la comparaison du prix de cession de ce bien avec cinq cessions, intervenues entre mars 2007 et octobre 2007, d’appartements présentant des caractéristiques et des surfaces équivalentes, entre 51 et 64 m2, situés dans un rayon de 500 mètres environ, dans des constructions un peu plus anciennes, puisque achevées entre 1969 et 1977 ; que ces cinq cessions ont été réalisées à un prix moyen de 4 689 euros par m2 ; que l’administration s’est fondée sur ce prix moyen pour établir la valeur vénale réelle du bien cédé à Mme E… par la SAS E…et Cie ; que, si M. et Mme E… font grief à l’administration de ne s’être fondée que sur des cessions intervenues au cours de l’année 2007, alors que l’année 2008 a été marquée par une grave crise immobilière, l’administration a également fait état de deux ventes, réalisées en juin 2008 et en septembre 2008, d’appartements de 63 m2 situés dans le même ensemble immobilier qu’une des ventes réalisées en 2007 et ayant servi pour les termes de la comparaison ; que ces ventes ont été réalisées aux prix respectifs de 5 397 euros par m2 en juin 2008 et de 4 762 euros par m2 en septembre 2008, là où, en juillet 2007, un appartement comparable avait été cédé au prix de 4 859 euros par m2 ; qu’en outre, les études réalisées par les notaires de la Haute-Savoie, font apparaître que le prix moyen des appartements anciens sur le secteur de Flaine, mais sans que ne soient précisées les autres caractéristiques de ces biens, s’établissait à 4 287 euros par m2 en 2008 avec une hausse de 23 % par rapport à 2007 ; qu’ainsi, au vu de ces éléments, lorsque la cession litigieuse est intervenue, la crise immobilière n’avait pas encore produit ses effets sur les cessions immobilières dans le secteur de Flaine, et l’administration a donc pu, à bon droit, se fonder sur des cessions intervenues quelques mois avant pour établir les termes de la comparaison ; que, si M. et Mme E… font également grief à l’administration d’avoir retenu, notamment pour les deux appartements cédés en 2008, des appartements dont la surface est un peu supérieure à la surface du bien litigieux, toutefois, sur les cinq cessions qui ont servi à établir le prix moyen des ventes, trois présentent un écart de surface de moins de 3 m2 et deux un écart de moins de 10 m2 avec le bien litigieux ; que, si M. et Mme E… se prévalent de prix de cessions de 2 450 euros à 2 800 euros par m2 pour des cessions intervenues entre mars 2008 et aout 2008, dans des immeubles présentant la même ancienneté et situés dans le même secteur que le bien litigieux, ces cessions concernent des studios ayant une surface de 25 m2, biens qui ne sont pas comparables au bien cédé par la SAS E…et Cie à Mme E… ; que l’attestation de l’agence immobilière Home international, faisant état de cessions, sur la période en litige, dans le secteur, réalisées entre 2 000 et 3 000 euros le m2, n’est pas suffisamment précise, en raison de sa généralité, pour utilement contester les termes de comparaison, précis, retenus par l’administration ; qu’enfin l’offre proposée sept ans après la cession litigieuse, pour la cession d’appartements dans une résidence voisine, ne saurait servir de référence pour la transaction litigieuse ; qu’ainsi, compte tenu de tout ce qui précède, eu égard aux données sur lesquelles l’administration s’est fondée, qui sont objectives et comparables à la cession litigieuse, et sans qu’il soit besoin d’ordonner une expertise, l’administration apporte la preuve d’une minoration de prix ; que la SAS E…et Cie fait valoir qu’elle a bénéficié d’une contrepartie en cédant à Mme E… cet appartement puisque cette cession lui a permis de renforcer, en urgence, sa trésorerie et celle de sa filiale, la société E…SAS, qui a connu une forte baisse de son chiffre d’affaires ; que, toutefois, il n’est nullement établi qu’à supposer que la SAS E…et Cie ait effectivement eu besoin de dégager rapidement de la trésorerie au cours de cette période, elle n’aurait pu le faire en cédant ce bien, au prix du marché, à son acquéreuse, ou à un tiers, dans les mêmes délais ; que, dans ces conditions, l’administration fiscale est réputée apporter la preuve de l’existence d’un acte anormal de gestion ; que, par suite, l’administration était fondée à imposer la SAS E…et Cie à raison de l’acte anormal de gestion constitué par sa renonciation à des recettes ;

S’agissant de la réintégration des charges exposées par la société en 2007 et en 2008 relatives aux biens dont elle était alors propriétaire, situés à Flaine et à Dieulefit :

7. Considérant qu’en application des dispositions de l’article 39 du code général des impôts, applicable en vertu de l’article 209 du même code pour la détermination de l’impôt sur les sociétés, le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant notamment les frais généraux de toute nature ; que la déduction de tels frais n’est cependant admise que s’ils constituent une charge effective, ont été exposés dans l’intérêt direct de l’entreprise et sont appuyés par des justifications suffisantes ; que, pour l’application de ces dispositions, il appartient au contribuable de justifier tant du montant des charges qu’il entend déduire du bénéfice net que du principe même de leur déductibilité ; qu’il apporte cette justification par la production de tous éléments suffisamment précis portant sur la nature de la charge en cause, ainsi que sur l’existence et la valeur de la contrepartie qu’il en a retirée ; que, dans l’hypothèse où le contribuable s’acquitte de cette obligation, il incombe ensuite au service, s’il s’y croit fondé, d’apporter la preuve de ce que la charge en cause n’est pas déductible par nature, qu’elle est dépourvue de contrepartie, qu’elle a une contrepartie dépourvue d’intérêt pour le contribuable ou que la rémunération de cette contrepartie est excessive ;

8. Considérant que la SAS E…et Cie a déduit, au titre des années 2007 et 2008 de son revenu imposable des charges locatives, d’entretien, d’amortissements et de taxe foncière concernant deux biens, situés à Flaine et Dieulefit qu’elle avait acquis antérieurement en vue de leur location ; que l’administration fiscale, qui n’a remis en cause ni la réalité de ces charges, ni le fait que de telles charges pouvaient entrer dans l’objet social de la société, lequel comprend notamment la location de biens immobiliers, a réintégré ces charges dans le résultat imposable de la société au motif qu’elles avaient été exposées non dans son intérêt, mais dans l’intérêt personnel de ses associés ; que, si, ainsi que l’a fait valoir l’administration, la société n’a retiré que des recettes marginales de l’exploitation de ces biens, ce qui ne suffit pas à démontrer que les charges en cause n’auraient pas été exposées dans l’intérêt de la société, il n’est nullement établi que ces biens immobiliers ont été, au cours des exercices litigieux, gracieusement mis à disposition des associés de la société ou des membres de leur famille ; que la circonstance que ces biens ont été finalement acquis par certains associés de la société ne suffit pas à établir que ces charges avaient été engagées dans leur intérêt ; que, si l’administration ajoute que ces cessions ont été réalisées à un prix minoré, d’une part, elle n’apporte pas la preuve du fait que la maison de Dieulefit a été cédée à M. A… E…à un prix de vente minoré en se fondant uniquement sur le comparaison du prix de cession de ce bien avec le prix de cession d’un seul bien comparable et, d’autre part, la circonstance que l’appartement de Flaine a été acheté à un prix minoré par l’épouse de M. D… E…, circonstance qui a justifié que la renonciation à recette en résultant pour la société soit imposée en tant qu’acte anormal de gestion, ne justifie pas, à elle-seule, que l’administration réintègre dans les résultats de la société les charges supportées par la société préalablement à la cession de ce bien ; que, dans ces conditions, la société SAS E…et Cie est fondée à demander à déduire de son bénéfice imposable les charges qu’elle a supportées au titre des biens situés à Flaine et à Dieulefit ; qu’il y a lieu, par suite, de prononcer la décharge des rappels de cotisations supplémentaires à l’impôt sur les sociétés résultant de la réintégration, dans les charges de la SAS E…et Cie, de 43 413 euros au titre de l’exercice clos en 2007, correspondant aux 32 905 euros de charges supportées pour la maison de Dieulefit et 10 508 euros de charges supportées pour l’appartement de Flaine, et de 22 436 euros au titre de l’exercice clos en 2008, correspondant aux 16 540 euros de charges supportées pour la maison de Dieulefit et 5 896 euros de charges supportées pour l’appartement de Flaine ;

Sur la pénalité mentionnée à l’article 1759 du code général des impôts :

9. Considérant qu’aux termes de l’article 117 du code général des impôts :  » Au cas où la masse des revenus distribués excède le montant total des distributions tel qu’il résulte de déclarations de la personne morale visées à l’article 116, celle-ci est invitée à fournir à l’administration, dans un délai de trente jours, toutes indications complémentaires sur les bénéficiaires de l’excédent de distribution. / En cas de refus ou à défaut de réponse dans ce délai, les sommes correspondantes donnent lieu à l’application de la pénalité prévue à l’article 1759  » ; qu’aux termes de l’article 1759 du code général des impôts :  » Les sociétés et les autres personnes morales passibles de l’impôt sur les sociétés qui versent ou distribuent, directement ou par l’intermédiaire de tiers, des revenus à des personnes dont, contrairement aux dispositions des articles 117 et 240, elles ne révèlent pas l’identité, sont soumises à une amende égale à 100 % des sommes versées ou distribuées. ( …).  » ;

10. Considérant qu’il résulte de l’instruction que l’administration a infligé à la SAS E… et Cie la pénalité prévue à l’article 1759 du code général des impôts au motif que celle-ci n’avait pas indiqué avec suffisamment de précision l’identité des bénéficiaires des distributions correspondant aux dépenses exposées par la société en 2006, 2007 et 2008 relatives aux biens immobiliers de Flaine et de Dieulefit ; que les amendes qu’elle a ainsi mises à la charge de la SAS E…et Cie s’élevaient à 47 299 euros en 2006, 43 413 euros au titre de 2007 et 22 436 euros au titre de 2008 ;

11. Considérant que, eu égard à ce qui a été indiqué précédemment sur le caractère déductible des dépenses exposées en 2007 et 2008 par la SAS E…et Cie s’agissant des biens de Dieulefit et de Flaine, et qui, pour les mêmes motifs, justifie le caractère déductible de ces dépenses au titre de l’année 2006, la SAS E…et Cie est fondée à demander la décharge des pénalités qui lui ont été infligées en 2006, 2007 et 2008 sur le fondement de l’article 1759 du code général des impôts ;

Sur les pénalités mentionnées à l’article 1729 du code général des impôts :

12. Considérant qu’aux termes de l’article 1729 du code général des impôts :  » Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l’indication d’éléments à retenir pour l’assiette et la liquidation de l’impôt ainsi que la restitution d’une créance fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l’Etat entraînent l’application d’une majoration de :/ a. 40 % en cas de manquement délibéré (…)  » ;

13. Considérant qu’en relevant l’écart de prix entre le prix de vente du bien cédé et sa valeur vénale réelle, les liens unissant Mme G…E…, acquéreuse du bien, épouse de M. D… E…, actionnaire de la société E…et Cie, à la société E…et Cie, et le fait que la société E…et Cie, du fait de son activité patrimoniale, avait connaissance de la situation du marché, l’administration établit l’intention délibérée d’éluder l’impôt justifiant l’application à la rectification de la majoration de 40 % prévue par l’article 1729 du code général des impôts en cas de manquement délibéré ;

14. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que la SAS E… et Cie est seulement fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté le surplus de sa demande tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie à raison de la remise en cause de la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée afférente à deux factures d’honoraires du cabinet Avvens, de juin 2007 et d’octobre 2008, à la décharge des cotisations supplémentaires d’impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2007 et en 2008 à raison de la réintégration dans ses charges de 43 413 euros au titre de l’exercice clos en 2007 et de 22 436 euros au titre de l’exercice clos en 2008, à la décharge des intérêts de retard et de la pénalité prévue à l’article 1759 du code général des impôts, correspondants à cette réduction en base, ainsi qu’à la décharge de la pénalité prévue à l’article 1759 du code général des impôts à laquelle elle a été assujettie au titre de l’exercice clos en 2006 ;

Sur la demande de restitution des suppléments d’impôts assortis des intérêts moratoires avec capitalisation des intérêts :

15. Considérant qu’aux termes de l’article L. 208 du livre des procédures fiscales :  » Quand l’Etat est condamné à un dégrèvement d’impôt par un tribunal ou quand un dégrèvement est prononcé par l’administration à la suite d’une réclamation tendant à la réparation d’une erreur commise dans l’assiette ou le calcul des impositions, les sommes déjà perçues sont remboursées au contribuable et donnent lieu au paiement d’intérêts moratoires dont le taux est celui de l’intérêt de retard prévu à l’article 1727 du code général des impôts. Les intérêts courent du jour du paiement. Ils ne sont pas capitalisés. (…)  » ;

16. Considérant que ces dispositions prévoient le remboursement des sommes déjà perçues par l’administration et le paiement d’office au contribuable des intérêts moratoires en cas de décharge de tout ou partie des impositions ; qu’à la date à laquelle la SAS E… et Cie a saisi la cour des conclusions susvisées, il n’existait aucun litige né et actuel entre l’administration et elle-même, qui n’avait formulé aucune réclamation relative au remboursement des suppléments d’impôts déjà acquittés et au paiement des intérêts ; que le litige n’est pas davantage né en cours d’instance, l’administration n’ayant pas contesté devant la cour le principe ou le montant de la restitution et des intérêts demandés ; que par suite, les conclusions présentées à ce titre par la SAS E… et Cie sont irrecevables ;

Sur l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

17. Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l’Etat la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par la SAS E… et Cie et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Il n’y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de la SAS E… et Cie à concurrence de la somme de 80 038 euros en droits et de 35 857 euros en pénalités en ce qui concerne le complément d’impôt sur les sociétés auquel la SAS E… et Cie a


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