Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU
NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. et Mme B…C…ont demandé au tribunal administratif de Grenoble la décharge des cotisations supplémentaires d’impôt sur le revenu et des contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de l’année 2008 ainsi que des pénalités y afférentes.
Par un jugement n° 1203853 du 23 mars 2015, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 21 mai 2015, M. et Mme C…, représentés par Me D…, demandent à la cour :
1°) d’annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 23 mars 2015 ;
2°) de les décharger de ces impositions et des pénalités y afférentes ;
3°) de prononcer la restitution des sommes versées à tort, le cas échéant, assorties d’intérêts moratoires ;
4°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 5 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
M. et Mme C… soutiennent que :
Sur le bien-fondé des impositions :
– la minoration du prix de cession de l’appartement de Flaine n’est pas établie par l’administration qui n’a pas fait usage de termes de comparaison pertinents, ces termes de comparaison étant trop éloignés dans le temps de la date de cession et trop éloignés dans leurs caractéristiques ; les études réalisées par les notaires de la Haute-Savoie ne sont pas pertinentes ; les termes de comparaison dont ils justifient montrent que le prix de vente n’était pas minoré ; il convient de désigner un expert afin de déterminer précisément la valeur du bien cédé ;
– l’administration n’apporte pas la preuve de l’intention de la société d’octroyer une libéralité, comme celle de Mme C…de la recevoir, en se bornant à relever la qualité d’associé de la société C…et Cie de l’époux de Mme C…, alors qu’ils démontrent que la cession de Flaine a été réalisée dans les intérêts des structures opérationnelles C…qui manquaient de trésorerie à la suite de la forte baisse du chiffre d’affaires de la société industrielle C…SAS ;
Sur les pénalités :
– compte tenu des incertitudes sur la valeur vénale du bien de Flaine, l’application de la pénalité de 40% n’est pas justifiée ; l’administration n’apporte pas la preuve du manquement délibéré.
Par un mémoire en défense, enregistré le 24 septembre 2015, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Le ministre de l’économie et des finances soutient que les moyens soulevés par M. et Mme C… ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 29 avril 2016, la clôture d’instruction a été fixée au 9 juin 2016, en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
– le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
– le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;
Après avoir entendu au cours de l’audience publique :
– le rapport de Mme Duguit-Larcher, premier conseiller,
– et les conclusions de M. Besse, rapporteur public ;
1. Considérant que la société SAS C…et Cie, dont M. B…C…est associé, a cédé le 5 juin 2008 à Mme E…A…, épouse de M. B…C…, un appartement situé à Flaine pour un prix de 140 000 euros ; que l’administration, ayant estimé que la cession avait été réalisée à un prix volontairement minoré, a adressé une proposition de rectification à M. et Mme C… le 9 avril 2010 portant notamment sur l’imposition sur le revenu au titre de l’année 2008 de la libéralité ainsi constituée, sur le fondement de l’article 111 c du code général des impôts ; qu’en réponse aux observations présentées par M. et Mme C… le 10 juin 2010, l’administration a maintenu les redressements envisagés, par courrier en date du 23 juillet 2010 ; que les cotisations supplémentaires à l’impôt sur le revenu et aux contributions sociales résultant de cette rectification ont été mises en recouvrement le 30 novembre 2011, ainsi que les pénalités correspondantes ; que M. et Mme C… relèvent appel du jugement du 23 mars 2015 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande tendant à la décharge desdites cotisations supplémentaires et des pénalités y afférentes ;
Sur le bien-fondé de l’imposition :
2. Considérant qu’aux termes de l’article 111 c du code général des impôts : » Sont notamment considérés comme revenus distribués : (…) c. Les rémunérations et avantages occultes ; (…) » ; qu’en cas d’acquisition par une société à un prix que les parties ont délibérément majoré par rapport à la valeur vénale de l’objet de la transaction, ou, s’il s’agit d’une vente, délibérément minoré, sans que cet écart de prix comporte de contrepartie, l’avantage ainsi octroyé doit être requalifié comme une libéralité représentant un avantage occulte constitutif d’une distribution de bénéfices au sens des dispositions précitées de l’article 111 c) du code général des impôts, alors même que l’opération est portée en comptabilité et y est assortie de toutes les justifications concernant son objet et l’identité du cocontractant, dès lors que cette comptabilisation ne révèle pas, par elle-même, la libéralité en cause ; que la preuve d’une telle distribution occulte doit être regardée comme apportée par l’administration lorsqu’est établie l’existence, d’une part, d’un écart significatif entre le prix convenu et la valeur vénale du bien cédé et, d’autre part, d’une intention, pour la société, d’octroyer et, pour le cocontractant, de recevoir, une libéralité du fait des conditions de la cession, sans que cet avantage ne soit assorti d’une contrepartie ;
3. Considérant que la SAS C…et Cie a vendu à Mme C…, par acte notarié du 5 juin 2008, un appartement situé dans la station de ski de Flaine, au 3ème étage d’un ensemble immobilier dénommé » Grand Massif Pégase « , achevé en 1993 ; que cet appartement, d’une surface de 54 m2, comprend une entrée, un dégagement, une salle de bains, un WC, un cabinet de toilettes avec WC, une chambre, une cabine, une salle de séjour, un coin cuisine et un balcon et la jouissance exclusive et particulière d’un casier à skis ; que ce bien, qui avait été acquis par la société en 2005 pour 140 000 euros, et qui était valorisé à l’actif de la société à hauteur de 164 455 euros compte tenu de travaux qui y avait été effectués, a été cédé à Mme C… pour un prix de 140 000 euros, soit 2 593 euros par m2 ; que l’administration a procédé à la comparaison du prix de cession de ce bien avec cinq cessions, intervenues entre mars 2007 et octobre 2007, d’appartements présentant des caractéristiques et des surfaces équivalentes, entre 51 et 64 m2, situés dans un rayon de 500 mètres environ, dans des constructions un peu plus anciennes, puisque achevées entre 1969 et 1977 ; que ces cinq cessions ont été réalisées à un prix moyen de 4 689 euros par m2 ; que l’administration s’est fondée sur ce prix moyen pour établir la valeur vénale réelle du bien cédé à Mme C… par la SAS C…et Cie ; que, si M. et Mme C… font grief à l’administration de ne s’être fondée que sur des cessions intervenues au cours de l’année 2007, alors que l’année 2008 a été marquée par une grave crise immobilière, l’administration a également fait état de deux ventes, réalisées en juin 2008 et en septembre 2008, d’appartements de 63 m2 situés dans le même ensemble immobilier qu’une des ventes réalisées en 2007 et ayant servi pour les termes de la comparaison ; que ces ventes ont été réalisées aux prix respectifs de 5 397 euros par m2 en juin 2008 et de 4 762 euros par m2 en septembre 2008, là où en juillet 2007, un appartement comparable avait été cédé au prix de 4 859 euros par m2 ; qu’en outre, les études réalisées par les notaires de la Haute-Savoie, font apparaître que le prix moyen des appartements anciens sur le secteur de Flaine, mais sans que ne soient précisées les autres caractéristiques de ces biens, s’établissait à 4 287 euros par m2 en 2008 avec une hausse de 23 % par rapport à 2007 ; qu’ainsi, au vu de ces éléments, lorsque la cession litigieuse est intervenue, la crise immobilière n’avait pas encore produit ses effets sur les cessions immobilières dans le secteur de Flaine, et l’administration a donc pu, à bon droit, se fonder sur des cessions intervenues quelques mois avant pour établir les termes de la comparaison ; que, si M. et Mme C… font également grief à l’administration d’avoir retenu, notamment pour les deux appartements cédés en 2008, des appartements dont la surface est un peu supérieure à la surface du bien litigieux, toutefois, sur les cinq cessions qui ont servi à établir le prix moyen des ventes, trois présentent un écart de surface de moins de 3 m2 et deux un écart de moins de 10 m2 avec le bien litigieux ; que, si M. et Mme C… se prévalent de prix de cessions de 2 450 euros à 2 800 euros par m2 pour des cessions intervenues entre mars 2008 et août 2008, dans des immeubles présentant la même ancienneté et situés dans le même secteur que le bien litigieux, ces cessions concernent des studios ayant une surface de 25 m2, biens qui ne sont pas comparables au bien cédé par la SAS C…et Cie à Mme C… ; que l’attestation de l’agence immobilière Home international, faisant état de cessions, sur la période en litige, dans le secteur, réalisées entre 2 000 et 3 000 euros le m2, n’est pas suffisamment précise, en raison de sa généralité, pour utilement contester les termes de comparaison, précis, retenus par l’administration ; qu’enfin l’offre proposée sept ans après la cession litigieuse, pour la cession d’appartements dans une résidence voisine, ne saurait servir de référence pour la transaction litigieuse ; qu’ainsi, compte tenu de tout ce qui précède, eu égard aux données sur lesquelles l’administration s’est fondée, qui sont objectives et comparables à la cession litigieuse, et sans qu’il soit besoin d’ordonner une expertise, l’administration apporte la preuve d’une minoration de prix ; que l’écart entre le prix de cession, de 2 596 euros par m2, et la valeur vénale réelle du bien établie par l’administration, de 4 689 euros par m2, est significatif ;
4. Considérant que M. et Mme C… font valoir que la SAS C…et Cie a bénéficié d’une contrepartie en cédant à Mme C… cet appartement puisque cette cession lui a permis de renforcer, en urgence, sa trésorerie et celle de sa filiale, la société C…SAS, qui a connu une forte baisse de son chiffre d’affaires ; que, toutefois, il n’est nullement établi qu’à supposer que la SAS C…et Cie ait effectivement eu besoin de dégager rapidement de la trésorerie au cours de cette période, elle n’aurait pu le faire en cédant ce bien, au prix du marché, à son acquéreuse, ou à un tiers, dans les mêmes délais ; que, par suite, l’avantage ainsi consenti par la société à Mme C…n’était pas assorti d’une contrepartie ;
5. Considérant qu’en relevant que Mme C…, cessionnaire du bien, est l’épouse de l’un des actionnaires de la SAS C…et Cie, qui est une holding familiale, l’administration doit être regardée comme apportant la preuve de l’intention pour la société d’octroyer et pour Mme C… de recevoir une libéralité sous la forme d’une minoration du prix de la cession en cause ;
Sur les pénalités :
6. Considérant qu’aux termes de l’article 1729 du code général des impôts : » Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l’indication d’éléments à retenir pour l’assiette et la liquidation de l’impôt ainsi que la restitution d’une créance fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l’Etat entraînent l’application d’une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré (…) » ;
7. Considérant qu’en relevant l’écart de prix et les liens unissant la société cédante à l’acquéreuse du bien, l’administration établit l’intention délibérée des requérants d’éluder l’impôt justifiant l’application aux rectifications de la majoration de 40 % prévue par l’article 1729 du code général des impôts en cas de manquement délibéré ;
8. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme C… ne sont pas fondés à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande ; que, par voie de conséquence, leurs conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi, en tout état de cause, que leurs conclusions tendant à la restitution des sommes litigieuses, assorties d’intérêts moratoires, ne peuvent qu’être rejetées ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. et Mme C… est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme B…C…et au ministre de l’économie et des finances.
Délibéré après l’audience du 6 décembre 2016 à laquelle siégeaient :
M. Fraisse, président de la cour,
Mme Mear, président-assesseur,
Mme Duguit-Larcher, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 3 janvier 2017.
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N° 15LY01686