CAA de LYON, 2ème chambre, 25/02/2021, 19LY03221, Inédit au recueil Lebon

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CAA de LYON, 2ème chambre, 25/02/2021, 19LY03221, Inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE

AU
NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B… a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d’impôt sur le revenu et des cotisations sociales auxquelles il a été assujetti au titre des années 2013 et 2014.

Par un jugement n° 1705558 du 18 juin 2019, le tribunal administratif de Grenoble a constaté un non-lieu à statuer sur les conclusions de la demande de M. B… à concurrence du dégrèvement prononcé par le directeur départemental des finances publiques de l’Isère au titre des années 2013 et 2014 et a rejeté le surplus de ses conclusions.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 14 août 2019, M. B…, représenté par Me F…, demande à la cour :

1°) d’annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge de la majoration de 25 % appliquée aux compléments de contributions sociales établis au titre des années 2013 et 2014 ;

3°) de prononcer la décharge, à concurrence en base de, respectivement, 18 920 et 27 929 euros, des compléments d’impôt sur le revenu et des cotisations sociales établis au titre des années 2013 et 2014 ;

4°) de mettre à la charge de l’Etat une somme de 2 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

M. B… soutient que :

– le jugement attaqué est irrégulier faute pour les premiers juges d’avoir relevé d’office le moyen d’ordre public tiré de ce que les prélèvements sociaux sur les distributions occultes ne doivent pas être calculés sur une base majorée de 25 %, et d’en avoir tiré les conséquences ;

– les sommes comptabilisées par la société comme des salaires du gérant et qu’il a déclarées dans la catégorie des traitements et salaires à hauteur de 18 920 euros en 2013 et 27 929 euros en 2014, ne peuvent être qualifiées de revenus de capitaux mobiliers, au sens et pour l’application du a) de l’article 111 du code général des impôts, et ne peuvent être imposées que sur le fondement du d) de l’article 111 ;

– en l’absence de demande de substitution de base légale, il peut prétendre à la décharge des cotisations supplémentaires d’impôt sur le revenu et des cotisations sociales auxquelles il a été assujetti au titre de ces sommes ;

– il y a lieu de prononcer le dégrèvement intégral des majorations de 1,25 appliquées aux contributions sociales.

Par un mémoire, enregistré le 15 avril 2020, le ministre de l’action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Le ministre soutient que :

– compte tenu du dégrèvement d’office, prononcé en première instance, des majorations appliquées aux contributions sociales, les conclusions sur ce point sont sans objet ;

– le requérant n’établit pas avoir eu une fonction salariée ou exercé une gérance rémunérée justifiant que des sommes soient imposées en traitements et salaires ;

– les sommes redressées ne sont pas les salaires déclarés mais des soldes débiteurs de compte courant, dont le montant a été ramené à 24 496 euros au titre de l’année 2014, qui sont imposables sur le fondement du a) et non pas du d) de l’article 111 a) du code ;

– à titre subsidiaire, l’imposition à l’impôt sur le revenu doit être maintenue sur le fondement de l’article 79 du code général des impôts qu’il y a lieu de substituer à la base légale retenue initialement.

Par ordonnance du 16 juillet 2020, la clôture d’instruction a été fixée au 17 septembre 2020, en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

– le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

– le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique :

– le rapport de Mme E…, première conseillère,

– et les conclusions de Mme H…, rapporteure publique ;

Considérant ce qui suit :

1. A la suite d’une vérification de comptabilité de la SARL Pôle Conseils, qui exerçait une activité de conseil en gestion et d’assistance aux entreprises et dont M. B… était le gérant et l’associé minoritaire, l’administration a notamment imposé entre ses mains, sur le fondement du a) de l’article 111 du code général des impôts, les soldes débiteurs de son compte courant reconstitués après analyse des prélèvements et apports non comptabilisés. Les compléments d’impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquels M. B… a été assujetti, suivant la procédure contradictoire, au titre des années 2013 et 2014, ont été assortis de la majoration de 40 % pour manquement délibéré et, s’agissant des contributions sociales, de la majoration de 1,25 prévue au 2° du 7 de l’article 158 du code général des impôts. Par un jugement du 18 juin 2019, le tribunal administratif de Grenoble, après avoir constaté un non-lieu à statuer à hauteur du dégrèvement prononcé en cours d’instance, a rejeté le surplus des conclusions de la demande de décharge de l’intéressé. M. B… relève appel de ce jugement en tant qu’il a rejeté ses conclusions relatives aux majorations appliquées aux contributions sociales et aux compléments d’impôt sur le revenu procédant de ce chef de redressement.

Sur la majoration appliquée aux contributions sociales :

2. Il résulte de l’instruction, ainsi que l’on relevé les premiers juges au point 2 de leur jugement, que, par une décision du 26 mars 2018, le directeur départemental des finances publiques de l’Isère a prononcé le dégrèvement, en droit et pénalités, d’une somme de 7 420 euros correspondant non seulement à la limitation des revenus taxés sur le fondement du a) de l’article 111 du code général des impôts au titre de l’année 2014 à la seule différence entre le solde débiteur du compte courant d’associé de M. B…, à la date du 31 décembre 2013 et celui évalué au 31 décembre 2014 mais aussi à la base majorée de 25 % appliquée aux prélèvements sociaux en 2013 et 2014. Ce dégrèvement ayant été accordé postérieurement à l’introduction de la demande de M. B… devant le tribunal administratif de Grenoble, sa demande était ainsi également devenue sans objet s’agissant de la majoration de 25 % appliquée aux bases rectifiées imposables aux contributions sociales en 2013 et 2014. Il y a donc lieu pour la cour d’annuler le jugement attaqué en tant qu’il a statué sur des impositions dégrevées, d’évoquer les conclusions de la demande de M. B… devant le tribunal administratif relatives aux majorations appliquées aux contributions sociales devenues sans objet au cours de la procédure de première instance et de constater qu’il n’y a pas lieu d’y statuer.

Sur le bien-fondé du complément d’impôt sur le revenu :

3. Aux termes de l’article 111 du même code :  » Sont notamment considérés comme revenus distribués : / a. Sauf preuve contraire, les sommes mises à la disposition des associés directement ou par personnes ou sociétés interposées à titre d’avances, de prêts ou d’acomptes. (…) « .

4. En application de ces dispositions, doivent être regardées comme des revenus distribués, sauf preuve contraire, les montants des soldes débiteurs des comptes courants ouverts dans les écritures d’une société au nom de ses associés, actionnaires ou porteurs de parts au 31 décembre de l’année en cause. En cas de variation de ce solde d’une année civile sur l’autre, seule la différence positive entre ces deux soldes peut légalement être incluse dans le revenu imposable de l’associé, l’actionnaire ou le porteur de parts pour l’année en cause.

5. Il résulte de l’instruction que l’administration, après avoir constaté que les écritures comptables de la société Pôle Conseils, relatives au compte courant d’associé de son gérant, ne faisaient pas ressortir un certain nombre d’opérations le concernant, a reconstitué à partir des relevés de compte bancaire de la société, les prélèvements et apports effectués par M. B…. Parmi ces sommes figurent celles de 18 920 et 27 929 euros que l’intéressé a déclarées dans la catégorie des traitements et salaires au titre de l’impôt sur le revenu des années 2013 et 2014, et dont il conteste la réintégration à son compte courant d’associé dont la variation d’une année civile sur l’autre a été imposée sur le fondement du a) de l’article 111 du code général des impôts au titre de l’année 2014.

6. Aux termes de l’article R. 194-1 du livre des procédures fiscales :  » Lorsque, ayant donné son accord à la rectification ou s’étant abstenu de répondre dans le délai légal à la proposition de rectification, le contribuable présente cependant une réclamation faisant suite à une procédure contradictoire de rectification, il peut obtenir la décharge ou la réduction de l’imposition, en démontrant son caractère exagéré « . M. B… s’étant abstenu de répondre, dans le délai de trente jours, à la proposition de rectification du 29 avril 2016, notifié le 12 mai suivant, il est réputé avoir tacitement acquiescé aux rectifications qui lui ont été notifiées résultant de l’imposition entre ses mains de revenus distribués. La charge de la preuve du caractère infondé ou exagéré de ces impositions supplémentaires lui incombe donc.

7. M. B…, qui assure bénévolement la gérance de la SARL Pôle Conseils ainsi qu’il en résulte de l’article 13 des statuts de cette société, ne se prévaut d’aucune décision des associés réunis en assemblée générale lui attribuant une rémunération et ne conteste pas ne pas être salarié de la SARL Pôle Conseils. Il se borne à faire valoir que les sommes qu’il a prélevées sur le compte bancaire de la société en 2013 et 2014 seraient, pour certaines d’entre elles, la contrepartie d’un travail effectif. Toutefois, et alors que l’objet de ces prélèvements, dont le montant excède celui des rémunérations déclarées par M. B…, n’est pas précisé, l’appelant n’assortit ses allégations d’aucun élément prouvant que les sommes dont il s’agit lui auraient été accordées pour rémunérer un travail effectif en sa qualité de gérant. La circonstance que des rémunérations ont été déclarées en comptabilité de la société, au titre de l’exercice clos le 31 décembre 2014, n’est pas de nature à remettre en cause l’appréciation quant à la nature indéterminée de la somme en cause. Ainsi, M. B… n’établit ni que les sommes qu’il a déclarées dans la catégorie des traitements et salaires au titre de l’impôt sur le revenu des années 2013 et 2014 seraient la contrepartie d’une activité imposable à l’impôt sur le revenu en vertu de l’article 79 du code général des impôts, ni qu’elles constitueraient une fraction de ses rémunérations présentant un caractère excessif non déductibles du bénéfice net de la SARL Pôle Conseils entrant ainsi dans le champ d’application du d) de l’article 111 du code général des impôts. Il s’en déduit que l’administration fiscale pouvait légalement, sur le fondement du a) de l’article 111 précité, imposer entre ses mains la différence entre le solde débiteur de son compte courant d’associé constaté au 31 décembre 2013 et celui évalué au 31 décembre 2014.

8. Il résulte de ce qui précède, sans qu’il soit besoin d’examiner la demande de substitution de base légale présentée à titre subsidiaire par l’administration, que M. B… n’est pas fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

9. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l’Etat qui n’a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, verse à M. B… la somme qu’il réclame au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 18 juin 2019 est annulé en tant qu’il a statué sur des impositions dégrevées.

Article 2 : Il n’y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de M. B… tendant à la décharge des cotisations de contributions sociales et des majorations y afférentes, auxquelles il a été assujetti au titre des années 2013 et 2014, à concurrence du dégrèvement prononcé par l’administration le 26 mars 2018 correspondant à l’abandon de la majoration de 25 % appliquée à la base des contributions sociales sur le fondement des dispositions du 2° du 7 de l’article 158 du code général des impôts.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A… B… et au ministre de l’économie, des finances et de la relance.

Délibéré après l’audience du 28 janvier 2021 à laquelle siégeaient :

M. Pruvost, président,

Mme C…, présidente-assesseure,

Mme E…, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition du greffe, le 25 février 2021.

2

N° 19LY03221

yb


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