CAA de LYON, 2ème chambre, 06/07/2022, 21LY01902, Inédit au recueil Lebon

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CAA de LYON, 2ème chambre, 06/07/2022, 21LY01902, Inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE

AU
NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL F.B. Immobilier a demandé au tribunal administratif de Dijon de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2015 et des majorations correspondantes.

Par un jugement n° 1701420 du 30 novembre 2017, le tribunal administratif de Dijon a fait droit à sa demande.

Procédure initiale devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 13 mars 2018, le ministre de l’action et des comptes publics demande à la cour :

1°) d’annuler ce jugement ;

2°) de remettre à la charge de la SARL F.B. Immobilier ces impositions et pénalités, à hauteur de 49 256 euros en droits et 4 651 euros en pénalités ;

3°) de condamner la SARL F. B. Immobilier à lui reverser la somme de 1 000 euros qui a été allouée à la société par le tribunal au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que la société ne pouvait bénéficier du régime de la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge en application de l’article 268 du code général des impôts à raison de la cession de terrains à bâtir qu’elle avait acquis comme maisons à usage d’habitation avec terrains d’assiette, dès lors que la mise en œuvre de ce régime, dérogatoire à la règle selon laquelle la taxe est calculée sur le prix total, suppose nécessairement que le bien revendu ait une qualification juridique identique au bien acquis, sans avoir fait l’objet de transformation ;

Par un mémoire, enregistré le 14 mai 2018, la SARL F.B. Immobilier, représentée par Me Grimpret, demande à la cour :

1°) de rejeter la requête ;

2°) de confirmer le jugement du tribunal administratif de Dijon du 30 novembre 2017 ;

3°) de condamner l’Etat aux dépens ;

4°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 3 750 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

– elle pouvait prétendre à l’application du régime de taxation sur la marge dès lors que l’acquisition ne lui a ouvert aucun droit à déduction de la taxe ;

– l’article 268 du code général des impôts ne subordonne pas le bénéfice de ce régime à une condition d’identité des biens ni de division parcellaire préalable ;

Par un arrêt n° 18LY01019 du 7 mai 2019, la cour administrative d’appel de Lyon a rejeté la requête.

Procédure devant le Conseil d’État :

Par une décision n° 432224 du 9 juin 2021, le Conseil d’Etat statuant au contentieux, saisi d’un pourvoi présenté par le ministre de l’action et des comptes publics, a annulé l’arrêt du 7 mai 2019 de la cour administrative d’appel de Lyon et a renvoyé l’affaire devant la même cour.

Procédure devant la cour après renvoi du Conseil d’État :

Par un mémoire, enregistré le 5 juillet 2021, la SARL F.B. Immobilier demande à la cour :

1°) de rejeter la requête ;

2°) de confirmer le jugement du tribunal administratif de Dijon du 30 novembre 2017 ;

3°) à titre subsidiaire, de surseoir à statuer dans l’attente de la réponse de la Cour de justice de l’Union européenne aux questions préjudicielles posées ;

4°) de condamner l’Etat aux dépens ;

5°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 5 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que, compte tenu des questions préjudicielles posées par le Conseil d’Etat, il y a lieu de surseoir à statuer dans l’attente de la réponse de la Cour de justice de l’Union européenne.

Par un mémoire, enregistré le 13 août 2021, le ministre de l’action et des comptes publics demande à la cour :

1°) d’annuler ce jugement ;

2°) de remettre à la charge de la SARL F.B. Immobilier les impositions et pénalités auxquelles elle a été assujettie à raison de la vente de terrains à bâtir issus des biens situés respectivement 1 000 rue d’Agey et 282 rue d’Agey à Sainte-Marie-sur-Ouche, à hauteur de 41 693 euros en droits et 4 348 euros en pénalités.

Il soutient en outre que les biens acquis ne pouvaient être qualifiés de terrains à bâtir à la date de leur acquisition.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

– la directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006 ;

– le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

– la loi n° 2010-237 du 9 mars 2010 ;

– le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique :

– le rapport de Mme Evrard, présidente-assesseure,

– et les conclusions de Mme Vinet, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. La SARL F.B. Immobilier, qui exerce une activité de marchand de biens, a acquis le 7 décembre 2012, le 8 janvier 2014 et le 1er septembre 2014 auprès de particuliers, sans que ces opérations ne soient soumises à la taxe sur la valeur ajoutée, trois ensembles immobiliers composés d’une maison d’habitation et du terrain attenant situés, respectivement, 1 000 rue d’Agey, 282 rue d’Agey et 735 rue d’Agey à Sainte-Marie-sur-Ouche (Côte d’Or). Après avoir effectué la division de ces terrains, elle a vendu les lots qui en sont issus comme terrains à bâtir par des actes des 16 septembre 2013, 31 juillet 2014, 31 octobre 2014, 22 décembre 2014, 29 décembre 2014 et 16 mars 2015. La société a fait l’objet d’une vérification de comptabilité à l’issue de laquelle des rappels de taxe sur la valeur ajoutée lui ont été notifiés au titre de la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2015, selon la procédure contradictoire, procédant de la remise en cause du bénéfice du régime de la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge sous lequel elle avait placé les opérations de cession des parcelles en cause comme terrains à bâtir. Par un jugement du 30 novembre 2017, le tribunal administratif de Dijon a accordé à la SARL F.B. Immobilier la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés à la suite de ce contrôle. Par un arrêt du 7 mai 2019, la cour administrative d’appel de Lyon a rejeté l’appel formé par le ministre de l’action et des comptes publics à l’encontre de ce jugement. Par une décision du 9 juin 2021 n° 432224, le Conseil d’Etat, saisi d’un pourvoi en cassation contre cet arrêt par le ministre de l’action et des comptes publics en tant qu’il portait sur la revente de terrains à bâtir issus des biens situés 1 000 rue d’Agey et 282 rue d’Agey, a annulé cet arrêt et a renvoyé l’affaire à la cour administrative d’appel de Lyon pour qu’elle y statue de nouveau.

2. Le I de l’article 257 du code général des impôts dans sa rédaction applicable au litige, issue de l’article 16 de la loi du 9 mars 2010 de finances rectificative pour 2010, prévoit que les opérations concourant à la production ou à la livraison d’immeubles, lesquelles comprennent les livraisons à titre onéreux de terrains à bâtir, sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée. En vertu du 2 du b de l’article 266 du même code, l’assiette de la taxe est en principe constituée par le prix de cession.

3. L’article 392 de la directive du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée dispose toutefois que :  » Les États membres peuvent prévoir que, pour les livraisons de bâtiments et de terrains à bâtir achetés en vue de la revente par un assujetti qui n’a pas eu droit à déduction à l’occasion de l’acquisition, la base d’imposition est constituée par la différence entre le prix de vente et le prix d’achat « . L’article 268 du code général des impôts, pris pour la transposition de ces dispositions, prévoit, dans sa rédaction également issue de l’article 16 de la loi du 9 mars 2010 de finances rectificative pour 2010, que :  » S’agissant de la livraison d’un terrain à bâtir (…), si l’acquisition par le cédant n’a pas ouvert droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée, la base d’imposition est constituée par la différence entre : / 1° D’une part, le prix exprimé et les charges qui s’y ajoutent ; / 2° D’autre part, selon le cas : / – soit les sommes que le cédant a versées, à quelque titre que ce soit, pour l’acquisition du terrain(…); / – soit la valeur nominale des actions ou parts reçues en contrepartie des apports en nature qu’il a effectués. « .

4. Il résulte des dispositions précitées de l’article 268 du code général des impôts, lues à la lumière de celles de la directive dont elles ont pour objet d’assurer la transposition, que les règles de calcul dérogatoires de la taxe sur la valeur ajoutée qu’elles prévoient s’appliquent aux opérations de cession de terrains à bâtir qui ont été acquis en vue de leur revente et ne s’appliquent donc pas à une cession de terrains à bâtir qui, lors de leur acquisition, avaient le caractère d’un terrain bâti, notamment quand le bâtiment qui y était édifié a fait l’objet d’une démolition de la part de l’acheteur-revendeur ou quand le bien acquis a fait l’objet d’une division parcellaire en vue d’en céder séparément des parties ne constituant pas le terrain d’assiette du bâtiment.

5. D’une part, aux termes de l’article 12 de la directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006 :  » 1. Les Etats membres peuvent considérer comme assujetti quiconque effectue, à titre occasionnel, une opération relevant des activités visées à l’article 9, paragraphe 1, deuxième alinéa, et notamment une seule des opérations suivantes : (…) / b) la livraison d’un terrain à bâtir (…). Aux fins du paragraphe 1. point b), sont considérés comme  » terrains à bâtir  » les terrains nus ou aménagés, définis comme tels par les Etats membres « . Aux termes de l’article 135 de cette directive :  » 1. Les États membres exonèrent les opérations suivantes : (…) k) les livraisons de biens immeubles non bâtis autres que celles des terrains à bâtir visés à l’article 12, paragraphe 1, point b) (…) « .

6. En premier lieu, il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne que la définition de la notion de  » terrain à bâtir  » est limitée par la portée de la notion de  » bâtiment « , définie de manière très large par le législateur de l’Union à l’article 12, paragraphe 2, premier alinéa, de la directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006 comme incluant  » toute construction incorporée au sol « . En deuxième lieu, eu égard au fait que la notion de  » terrain à bâtir  » englobe les terrains tant nus qu’aménagés, le critère déterminant aux fins de la distinction entre un terrain à bâtir et un terrain non bâti est celui de savoir si, au moment de la transaction, le terrain en cause est destiné à supporter un édifice. En troisième lieu, aux fins de garantir le respect du principe de neutralité fiscale, il est nécessaire que tous les terrains non bâtis destinés à supporter un édifice et, partant, destinés à être bâtis soient couverts par la définition nationale de la notion de  » terrains à bâtir « .

7. En outre, une opération de livraison d’un terrain supportant, à la date de cette livraison, un bâtiment ne peut être qualifiée de livraison d’un  » terrain à bâtir « , même si l’intention des parties était que le bâtiment soit totalement ou partiellement démoli ou qu’il fasse l’objet d’une division parcellaire en vue d’en céder séparément des parties, sauf à ce que les opérations de démolition et de division parcellaire puissent être regardées comme formant avec l’opération de livraison du terrain une opération unique.

8. Enfin, il incombe au juge de l’impôt de déterminer, en tenant compte des définitions législatives nationales et de toutes les circonstances dans lesquelles se sont déroulées les opérations en cause au principal, si un terrain relève de la notion de  » terrain à bâtir « .

9. D’autre part, aux termes de l’article 257 du code général des impôts, dans sa version applicable au litige :  » 2. Sont considérés : 1° Comme terrains à bâtir, les terrains sur lesquels des constructions peuvent être autorisées en application d’un plan local d’urbanisme, d’un autre document d’urbanisme en tenant lieu, d’une carte communale ou de l’article L. 111-1-2 du code de l’urbanisme. « . Aux termes de l’article 261 du même code :  » Sont exonérés de la taxe sur la valeur ajoutée : / (…) / 5. (Opérations immobilières) : / 1° Les livraisons de terrains qui ne sont pas des terrains à bâtir au sens du 1° du 2 du I de l’article 257 ; / (…) « .

10. Il résulte de l’instruction que les ensembles immobiliers demeurant en litige, acquis par la SARL F.B. Immobilier le 7 décembre 2012 et le 8 janvier 2014, étaient composés de maisons d’habitation et de leurs terrains d’assiette. Ces ensembles immobiliers était ainsi constitutifs de terrains bâtis et non de terrains nus ou aménagés ainsi que l’exige le b) du 1. de l’article 12 de la directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006. La SARL F.B. Immobilier ne conteste pas que ces ensembles immobiliers, qui comportaient des constructions, ne présentaient pas, à la date de l’acquisition, le caractère de terrains à bâtir. Par suite, à défaut d’identité juridique entre les biens acquis et les biens revendus, les opérations de cession des biens en cause n’entraient pas dans le champ de l’article 268 du code général des impôts. Il s’ensuit que c’est à tort que le tribunal administratif de Dijon a considéré que la SARL F.B. Immobilier pouvait prétendre au bénéfice du régime de la taxation sur la marge à raison de la vente de terrains à bâtir issus de la division des terrains d’assiette des anciens bâtiments et qu’il a prononcé la décharge du rappel de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamé au titre la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2015.

11. Aucun autre moyen n’ayant été invoqué devant le tribunal administratif de Dijon par la SARL F.B. Immobilier à l’appui de sa demande, dont la cour se trouverait saisie par l’effet dévolutif de l’appel, le ministre de l’action et des comptes publics est fondé à demander l’annulation du jugement attaqué.

12. Il résulte de ce qui précède que, sans qu’il soit besoin de surseoir à statuer, le ministre de l’action et des comptes publics est fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a fait droit à la demande de la SARL F.B. Immobilier en tant qu’elle concerne la revente de terrains à bâtir issus des biens situés 1 000 rue d’Agey et 282 rue d’Agey, et à demander que les impositions et majorations soient remises à la charge de la société, à hauteur de 41 693 euros en droits et 4 348 euros en pénalités. Dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu de rejeter les conclusions de la SARL F.B. Immobilier tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative, et, en tout état de cause, à la condamnation de l’Etat aux dépens.

DECIDE :

Article 1er : Les rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui ont été réclamés à la SARL F.B. Immobilier au titre de la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2015 et les majorations correspondantes, dont la décharge a été prononcée par le jugement n° 1701420 du tribunal administratif de Dijon du 30 novembre 2017, sont remis à sa charge à hauteur de 41 693 euros en droits et 4 348 euros en pénalités.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Dijon du 30 novembre 2017 est réformé en ce qu’il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : La demande présentée par la SARL F.B. Immobilier devant le tribunal administratif de Dijon, en tant qu’elle concerne la revente de terrains à bâtir issus des biens situés 1000 rue d’Agey et 282 rue d’Agey, ainsi que ses conclusions d’appel sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et à la SARL F.B. Immobilier.

Délibéré après l’audience du 16 juin 2022, à laquelle siégeaient :

M. Pruvost, président de chambre,

Mme Evrard, présidente-assesseure,

Mme Caraës, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 juillet 2022.

La rapporteure,

A. Evrard

Le président,

D. Pruvost

La greffière,

M.-Th. Pillet

La République mande et ordonne au ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 21LY01902


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