CAA de LYON, 2ème chambre, 06/07/2022, 21LY01236, Inédit au recueil Lebon

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CAA de LYON, 2ème chambre, 06/07/2022, 21LY01236, Inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE

AU
NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL Avenir 3R a demandé au tribunal administratif de Lyon de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2014 et des majorations correspondantes.

Par un jugement n° 1901274 du 17 septembre 2019, le tribunal administratif de Lyon a fait droit à sa demande.

Procédure initiale devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 30 décembre 2019, le ministre de l’action et des comptes publics demande à la cour :

1°) d’annuler ce jugement ;

2°) de remettre à la charge de la SARL Avenir 3R ces impositions et pénalités, à hauteur de la somme totale de 9 429 euros.

Il soutient que la société ne pouvait bénéficier du régime de la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge en application de l’article 268 du code général des impôts à raison de la cession de terrains à bâtir qu’elle avait acquis comme maison à usage d’habitation, de garages et d’un terrain d’assiette, dès lors que la mise en œuvre de ce régime, dérogatoire à la règle selon laquelle la taxe est calculée sur le prix total, suppose nécessairement que le bien revendu ait une qualification juridique identique au bien acquis, sans avoir fait l’objet de transformation ;

Par une ordonnance n° 19LY04812 du 19 février 2020, le premier vice-président de la cour administrative d’appel de Lyon a rejeté la requête.

Procédure devant le Conseil d’État :

Par une décision n° 440135 du 19 avril 2021, le Conseil d’Etat statuant au contentieux, saisi d’un pourvoi présenté par le ministre de l’action et des comptes publics, a annulé l’ordonnance du 19 février 2020 du premier vice-président et a renvoyé l’affaire devant la même cour.

Procédure devant la cour après renvoi du Conseil d’État :

Par un mémoire, enregistré le 13 août 2021, le ministre de l’action et des comptes publics conclut aux mêmes fins que dans sa requête par les mêmes moyens.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

– la directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006 ;

– le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

– la loi n° 2010-237 du 9 mars 2010 ;

– le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique :

– le rapport de Mme Evrard, présidente-assesseure,

– et les conclusions de Mme Vinet, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. La SARL Avenir 3R, qui exerce une activité de marchand de biens, a acquis le 23 février 2012 auprès de particuliers, sans que cette opération ne soit soumise à la taxe sur la valeur ajoutée, une maison d’habitation comportant trois appartements, dix-neuf garages particuliers et un terrain attenant situés à Saint-Etienne (Loire), et, après avoir effectué la démolition des garages et la division de ce terrain, le 7 août 2012, a vendu des lots qui en sont issus comme terrains à bâtir par des actes des 30 octobre 2014, 31 octobre 2014 et 14 novembre 2014. La société a fait l’objet d’une vérification de comptabilité à l’issue de laquelle un rappel de taxe sur la valeur ajoutée lui a été notifié au titre de la période du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2014, selon la procédure contradictoire, procédant de la remise en cause du bénéfice du régime de taxation sur la marge sous lequel elle avait placé les opérations de cession des parcelles en cause comme terrains à bâtir. Par un jugement du 17 septembre 2019, le tribunal administratif de Lyon a accordé à la SARL Avenir 3R la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés à la suite de ce contrôle. Par une ordonnance du 19 février 2020, le premier vice-président de la cour administrative d’appel de Lyon a rejeté l’appel formé par le ministre de l’action et des comptes publics à l’encontre de ce jugement. Par une décision du 19 avril 2021 n° 440135, le Conseil d’Etat, saisi d’un pourvoi en cassation contre cet arrêt par le ministre de l’action et des comptes publics, a annulé cette ordonnance et a renvoyé l’affaire à la cour administrative d’appel de Lyon pour qu’elle y statue de nouveau.

2. Le I de l’article 257 du code général des impôts dans sa rédaction applicable au litige, issue de l’article 16 de la loi du 9 mars 2010 de finances rectificative pour 2010, prévoit que les opérations concourant à la production ou à la livraison d’immeubles, lesquelles comprennent les livraisons à titre onéreux de terrains à bâtir, sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée. En vertu du 2 du b de l’article 266 du même code, l’assiette de la taxe est en principe constituée par le prix de cession.

3. L’article 392 de la directive du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée dispose toutefois que :  » Les États membres peuvent prévoir que, pour les livraisons de bâtiments et de terrains à bâtir achetés en vue de la revente par un assujetti qui n’a pas eu droit à déduction à l’occasion de l’acquisition, la base d’imposition est constituée par la différence entre le prix de vente et le prix d’achat « . L’article 268 du code général des impôts, pris pour la transposition de ces dispositions, prévoit, dans sa rédaction également issue de l’article 16 de la loi du 9 mars 2010 de finances rectificative pour 2010, que :  » S’agissant de la livraison d’un terrain à bâtir (…), si l’acquisition par le cédant n’a pas ouvert droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée, la base d’imposition est constituée par la différence entre : / 1° D’une part, le prix exprimé et les charges qui s’y ajoutent ; / 2° D’autre part, selon le cas : / – soit les sommes que le cédant a versées, à quelque titre que ce soit, pour l’acquisition du terrain(…); / – soit la valeur nominale des actions ou parts reçues en contrepartie des apports en nature qu’il a effectués. « .

4. Il résulte des dispositions précitées de l’article 268 du code général des impôts, lues à la lumière de celles de la directive dont elles ont pour objet d’assurer la transposition, que les règles de calcul dérogatoires de la taxe sur la valeur ajoutée qu’elles prévoient s’appliquent aux opérations de cession de terrains à bâtir qui ont été acquis en vue de leur revente et ne s’appliquent donc pas à une cession de terrains à bâtir qui, lors de leur acquisition, avaient le caractère d’un terrain bâti, notamment quand le bâtiment qui y était édifié a fait l’objet d’une démolition de la part de l’acheteur-revendeur ou quand le bien acquis a fait l’objet d’une division parcellaire en vue d’en céder séparément des parties ne constituant pas le terrain d’assiette du bâtiment.

5. D’une part, aux termes de l’article 12 de la directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006 :  » 1. Les Etats membres peuvent considérer comme assujetti quiconque effectue, à titre occasionnel, une opération relevant des activités visées à l’article 9, paragraphe 1, deuxième alinéa, et notamment une seule des opérations suivantes : (…) / b) la livraison d’un terrain à bâtir (…). Aux fins du paragraphe 1. point b), sont considérés comme  » terrains à bâtir  » les terrains nus ou aménagés, définis comme tels par les Etats membres « . Aux termes de l’article 135 de cette directive :  » 1. Les États membres exonèrent les opérations suivantes : (…) k) les livraisons de biens immeubles non bâtis autres que celles des terrains à bâtir visés à l’article 12, paragraphe 1, point b) (…) « .

6. En premier lieu, il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne que la définition de la notion de  » terrain à bâtir  » est limitée par la portée de la notion de  » bâtiment « , définie de manière très large par le législateur de l’Union à l’article 12, paragraphe 2, premier alinéa, de la directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006 comme incluant  » toute construction incorporée au sol « . En deuxième lieu, eu égard au fait que la notion de  » terrain à bâtir  » englobe les terrains tant nus qu’aménagés, le critère déterminant aux fins de la distinction entre un terrain à bâtir et un terrain non bâti est celui de savoir si, au moment de la transaction, le terrain en cause est destiné à supporter un édifice. En troisième lieu, aux fins de garantir le respect du principe de neutralité fiscale, il est nécessaire que tous les terrains non bâtis destinés à supporter un édifice et, partant, destinés à être bâtis soient couverts par la définition nationale de la notion de  » terrains à bâtir « .

7. En outre, une opération de livraison d’un terrain supportant, à la date de cette livraison, un bâtiment ne peut être qualifiée de livraison d’un  » terrain à bâtir « , même si l’intention des parties était que le bâtiment soit totalement ou partiellement démoli, sauf à ce que l’opération de démolition puisse être regardée comme formant avec l’opération de livraison du terrain une opération unique. Une telle opération a été reconnue dans le cas où le vendeur est chargé de la démolition du bâtiment existant et que celle-ci a déjà débuté à la date de livraison du bien.

8. Enfin, il incombe au juge de l’impôt de déterminer, en tenant compte des définitions législatives nationales et de toutes les circonstances dans lesquelles se sont déroulées les opérations en cause au principal, si un terrain relève de la notion de  » terrain à bâtir « .

9. D’autre part, aux termes de l’article 257 du code général des impôts, dans sa version applicable au litige :  » 2. Sont considérés : 1° Comme terrains à bâtir, les terrains sur lesquels des constructions peuvent être autorisées en application d’un plan local d’urbanisme, d’un autre document d’urbanisme en tenant lieu, d’une carte communale ou de l’article L. 111-1-2 du code de l’urbanisme. « . Aux termes de l’article 261 du même code :  » Sont exonérés de la taxe sur la valeur ajoutée : / (…) / 5. (Opérations immobilières) : / 1° Les livraisons de terrains qui ne sont pas des terrains à bâtir au sens du 1° du 2 du I de l’article 257 ; / (…) « .

10. Il résulte de l’instruction que l’ensemble immobilier acquis, sans que cette opération soit soumise à la taxe sur la valeur ajoutée, par la SARL Avenir 3R le 21 février 2012, était composé d’une maison d’habitation comportant trois appartements, dix-neuf garages particuliers et un terrain attenant. Il est constant que cet ensemble immobilier était ainsi constitutif d’un terrain bâti et non d’un terrain nu ou aménagé ainsi que l’exige le b) du 1. l’article 12 de la directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006. Il en résulte que l’ensemble immobilier acquis par la SARL Avenir 3R ne pouvait être regardé, à la date de l’achat, comme un terrain à bâtir au sens de l’article 268 du code général des impôts. Par suite, à défaut d’identité juridique entre le bien acquis et le bien revendu, l’opération de cession du bien en cause n’entrait pas dans le champ de l’article 268 du code général des impôts. Il s’ensuit que c’est à tort que le tribunal administratif de Lyon a considéré que la SARL Avenir 3R pouvait prétendre au bénéfice du régime de la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge à raison de la vente de quatre terrains à bâtir issus de la division du terrains d’assiette des anciens bâtiments et qu’il a prononcé la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre la période du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2014.

11. Aucun autre moyen n’ayant été invoqué devant le tribunal administratif de Lyon par la SARL Avenir 3R à l’appui de sa demande, dont la cour se trouverait saisie par l’effet dévolutif de l’appel, le ministre de l’action et des comptes publics est fondé à demander l’annulation du jugement attaqué.

12. Il résulte de ce qui précède que le ministre de l’action et des comptes publics est fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a fait droit à la demande de la SARL Avenir 3R, et à demander que les impositions et majorations soient remises à la charge de la société, à hauteur de la somme totale de 9 429 euros.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Lyon du 17 septembre 2019 est annulé.

Article 2 : Les rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui ont été réclamés à la SARL Avenir 3R au titre de la période du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2014 et les majorations correspondantes, d’un montant de 9 429 euros, sont remis à sa charge.

Article 3 : La demande présentée par la SARL Avenir 3R devant le tribunal administratif de Lyon est rejetée.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et à la SARL Avenir 3R.

Délibéré après l’audience du 16 juin 2022, à laquelle siégeaient :

M. Pruvost, président de chambre,

Mme Evrard, présidente-assesseure,

Mme Caraës, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 juillet 2022.

La rapporteure,

A. Evrard

Le président,

D. Pruvost

La greffière,

M.-Th. Pillet

La République mande et ordonne au ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 21LY01236


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