CAA de LYON, 2ème chambre, 06/07/2022, 20LY03241, Inédit au recueil Lebon

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CAA de LYON, 2ème chambre, 06/07/2022, 20LY03241, Inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE

AU
NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La SARL TK Immobilier a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2012 et des majorations correspondantes.

Par un jugement n° 1700782 du 21 février 2019, le tribunal administratif de Grenoble a fait droit à sa demande.

Procédure initiale devant la Cour

Par une requête, enregistrée le 29 mai 2019, le ministre de l’action et des comptes publics demande à la cour :

1°) d’annuler ce jugement ;

2°) de remettre à la charge de la SARL TK Immobilier ces impositions et pénalités, à hauteur de la somme totale de 17 188 euros.

Il soutient que la société ne pouvait bénéficier du régime de la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge en application de l’article 268 du code général des impôts à raison de la cession de terrains à bâtir qu’elle avait acquis comme maison à usage d’habitation avec terrain d’assiette, dès lors que la mise en œuvre de ce régime, dérogatoire à la règle selon laquelle la taxe est calculée sur le prix total, suppose nécessairement que le bien revendu ait une qualification juridique identique au bien acquis, sans avoir fait l’objet de transformation.

Par une ordonnance n° 19LY02023 du 4 juillet 2019, le président de la 2ème chambre de la cour administrative d’appel de Lyon a rejeté la requête.

Procédure devant le Conseil d’État

Par une décision n° 434022 du 6 novembre 2020, le Conseil d’Etat statuant au contentieux, saisi d’un pourvoi présenté par le ministre de l’action et des comptes publics, a annulé l’ordonnance du 4 juillet 2019 du président de la 2ème chambre de la cour administrative d’appel de Lyon et a renvoyé l’affaire devant la même cour.

Procédure devant la cour après renvoi du Conseil d’État

Par un mémoire, enregistré le 23 février 2021, le ministre de l’action et des comptes publics conclut aux mêmes fins que dans sa requête par les mêmes moyens.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

– la directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006 ;

– le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

– la loi n° 2010-237 du 9 mars 2010 ;

– le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties d u jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique :

– le rapport de Mme Evrard, présidente-assesseure,

– et les conclusions de Mme Vinet, rapporteure publique ;

Considérant ce qui suit :

1. La SARL TK Immobilier, qui exerce une activité de marchand de biens, a acquis le 30 janvier 2012 auprès d’un particulier une maison, des dépendances et le terrain y attenant dont elle a détaché, après division parcellaire, des parcelles qu’elle a revendues, par acte du 17 septembre 2012, comme terrains à bâtir. La société a fait l’objet d’une vérification de comptabilité à l’issue de laquelle des rappels de taxe sur la valeur ajoutée lui ont été notifiés au titre de la période du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2012, selon la procédure contradictoire, procédant de la remise en cause du bénéfice du régime de la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge sous lequel elle avait placé l’opération de cession du terrain à bâtir issu de la division parcellaire. Par un jugement du 21 février 2019, le tribunal administratif de Grenoble a accordé à la SARL TK Immobilier la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés à la suite de ce contrôle. Par une ordonnance du 4 juillet 2019, le président de la 2ème chambre de la cour administrative d’appel de Lyon a rejeté l’appel formé par le ministre de l’action et des comptes publics à l’encontre de ce jugement. Par une décision du 6 novembre 2020 n° 434022, le Conseil d’Etat, saisi d’un pourvoi en cassation contre cet arrêt par le ministre de l’action et des comptes publics, a annulé cette ordonnance et a renvoyé l’affaire à la cour pour qu’elle y statue de nouveau.

2. Le I de l’article 257 du code général des impôts dans sa rédaction applicable au litige, issue de l’article 16 de la loi du 9 mars 2010 de finances rectificative pour 2010, prévoit que les opérations concourant à la production ou à la livraison d’immeubles, lesquelles comprennent les livraisons à titre onéreux de terrains à bâtir, sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée. En vertu du 2 du b de l’article 266 du même code, l’assiette de la taxe est en principe constituée par le prix de cession.

3. L’article 392 de la directive du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée dispose toutefois que :  » Les États membres peuvent prévoir que, pour les livraisons de bâtiments et de terrains à bâtir achetés en vue de la revente par un assujetti qui n’a pas eu droit à déduction à l’occasion de l’acquisition, la base d’imposition est constituée par la différence entre le prix de vente et le prix d’achat « . L’article 268 du code général des impôts, pris pour la transposition de ces dispositions, prévoit, dans sa rédaction également issue de l’article 16 de la loi du 9 mars 2010 de finances rectificative pour 2010, que :  » S’agissant de la livraison d’un terrain à bâtir (…), si l’acquisition par le cédant n’a pas ouvert droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée, la base d’imposition est constituée par la différence entre : / 1° D’une part, le prix exprimé et les charges qui s’y ajoutent ; / 2° D’autre part, selon le cas : / – soit les sommes que le cédant a versées, à quelque titre que ce soit, pour l’acquisition du terrain(…); / – soit la valeur nominale des actions ou parts reçues en contrepartie des apports en nature qu’il a effectués. « .

4. Il résulte des dispositions précitées de l’article 268 du code général des impôts, lues à la lumière de celles de la directive dont elles ont pour objet d’assurer la transposition, que les règles de calcul dérogatoires de la taxe sur la valeur ajoutée qu’elles prévoient s’appliquent aux opérations de cession de terrains à bâtir qui ont été acquis en vue de leur revente et ne s’appliquent donc pas à une cession de terrains à bâtir qui, lors de leur acquisition, avaient le caractère d’un terrain bâti, notamment quand le bâtiment qui y était édifié a fait l’objet d’une démolition de la part de l’acheteur-revendeur ou quand le bien acquis a fait l’objet d’une division parcellaire en vue d’en céder séparément des parties ne constituant pas le terrain d’assiette du bâtiment.

5. Il résulte de l’instruction que l’ensemble immobilier, situé à Vernioz (Isère), que la SARL TK Immobilier a acquis le 30 janvier 2012 était composé d’une construction à usage d’habitation, de dépendances et de terrains attenants. La société ne conteste pas que cet ensemble immobilier n’avait pas le caractère d’un terrain à bâtir. Il est constant que le bien qu’elle a cédé le 17 septembre 2012, qui est issu de la division de l’ensemble immobilier acquis, constituait un terrain à bâtir. Il en résulte que, dès lors que la qualification de l’ensemble immobilier a été modifiée entre son acquisition et la revente du terrain qui en est issu, la condition d’identité juridique des terrains à laquelle renvoie l’article 268 du code général des impôts n’est pas satisfaite. Il s’ensuit que c’est à tort que le tribunal administratif de Grenoble a considéré que la SARL TK Immobilier pouvait prétendre au bénéfice du régime de la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge à raison de la vente de ce terrain à bâtir et qu’il a prononcé la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2012 et des majorations correspondantes.

6. Aucun autre moyen n’ayant été invoqué devant le tribunal administratif de Grenoble par la SARL TK Immobilier à l’appui de sa demande, dont la cour se trouverait saisie par l’effet dévolutif de l’appel, le ministre de l’action et des comptes publics est fondé à demander l’annulation du jugement attaqué.

7. Il résulte de ce qui précède que le ministre de l’action et des comptes publics est fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a fait droit à la demande de la SARL TK Immobilier, et à demander que les impositions et majorations soient remises à la charge de la société, à hauteur de la somme totale de 17 188 euros.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1700782 du tribunal administratif de Grenoble du 21 février 2019 est annulé.

Article 2 : Les rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui ont été réclamés à la SARL TK Immobilier au titre de la période du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2012 et les majorations correspondantes, d’un montant de 17 188 euros, sont remis à sa charge.

Article 3 : La demande présentée par la SARL TK Immobilier devant le tribunal administratif de Grenoble est rejetée.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et à la SARL TK Immobilier.

Délibéré après l’audience du 2 juin 2022, à laquelle siégeaient :

M. Pruvost, président de chambre,

Mme Evrard, présidente-assesseure,

Mme Lesieux, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 6 juillet 2022.

La rapporteure,

A. Evrard

Le président,

D. Pruvost

La greffière,

N. Lecouey

La République mande et ordonne au ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 20LY03241


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