Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU
NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
La SARL Gala Immobilier a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2014.
Par un jugement n°1705928 du 17 octobre 2019, le tribunal administratif de Grenoble a fait droit à sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 22 janvier 2020 et le 30 octobre 2020, le ministre de l’action et des comptes publics demande à la cour :
1°) d’annuler ce jugement ;
2°) de rejeter la demande présentée par la SARL Gala Immobilier devant le tribunal administratif de Grenoble ;
3°) de remettre à sa charge les rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2014, à hauteur de la somme totale de 13 986 euros.
Il soutient que la SARL Gala Immobilier ne pouvait appliquer, lors de la cession d’un terrain à bâtir situé à Chonas-l’Amballan acquis comme terrain bâti, la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge sur le fondement de l’article 268 du code général des impôts, à défaut d’identité de qualification juridique entre le bien acheté et le bien revendu.
Par un mémoire, enregistré le 16 mars 2020, la SARL Gala Immobilier, représentée par Me Molé-Ringressi, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de l’Etat la somme de 2 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que l’article 268 n’exige pas une condition d’identité de qualification juridique entre le bien acquis et celui revendu.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
– la directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006 ;
– le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
– la loi n° 2010-237 du 9 mars 2010 ;
– le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;
Après avoir entendu au cours de l’audience publique :
– le rapport de Mme Aline Evrard, présidente-assesseure,
– et les conclusions de Mme Vinet, rapporteure publique ;
Considérant ce qui suit :
1. La SARL Gala Immobilier, qui exerce l’activité de marchands de biens, a acquis le 23 septembre 2013, sans que cette opération soit soumise à la taxe sur la valeur ajoutée, un tènement immobilier comprenant deux maisons d’habitation avec terrain attenant à Chonas-l’Amballan (Isère), situé sur un terrain cadastré section AI n° 363. Par un acte du 20 février 2014, elle a vendu, en tant que terrain à bâtir, une parcelle détachée de cet ensemble immobilier, en soumettant la cession à la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge sur le fondement de l’article 268 du code général des impôts. Elle a fait l’objet en d’une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2014, à l’issue de laquelle l’administration lui a réclamé des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2014 résultant de la remise en cause du régime de taxation sur la marge sous le bénéfice duquel la cession du terrain à bâtir du 20 février 2014 a été opérée. Le ministre de l’action et des comptes publics relève appel du jugement du 17 octobre 2019 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a prononcé la décharge de ces impositions.
2. Le I de l’article 257 du code général des impôts dans sa rédaction applicable au litige, issue de l’article 16 de la loi du 9 mars 2010 de finances rectificative pour 2010, prévoit que les opérations concourant à la production ou à la livraison d’immeubles, lesquelles comprennent les livraisons à titre onéreux de terrains à bâtir, sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée. En vertu du 2 du b de l’article 266 du même code, l’assiette de la taxe est en principe constituée par le prix de cession.
3. L’article 392 de la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée dispose toutefois que : » Les États membres peuvent prévoir que, pour les livraisons de bâtiments et de terrains à bâtir achetés en vue de la revente par un assujetti qui n’a pas eu droit à déduction à l’occasion de l’acquisition, la base d’imposition est constituée par la différence entre le prix de vente et le prix d’achat « . L’article 268 du code général des impôts, pris pour la transposition de ces dispositions, prévoit, dans sa rédaction également issue de l’article 16 de la loi du 9 mars 2010 de finances rectificative pour 2010, que : » S’agissant de la livraison d’un terrain à bâtir (…), si l’acquisition par le cédant n’a pas ouvert droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée, la base d’imposition est constituée par la différence entre : / 1° D’une part, le prix exprimé et les charges qui s’y ajoutent ; / 2° D’autre part, selon le cas : / – soit les sommes que le cédant a versées, à quelque titre que ce soit, pour l’acquisition du terrain(…) ; / – soit la valeur nominale des actions ou parts reçues en contrepartie des apports en nature qu’il a effectués. « .
4. Il résulte des dispositions précitées de l’article 268 du code général des impôts, lues à la lumière de celles de la directive dont elles ont pour objet d’assurer la transposition, que les règles de calcul dérogatoires de la taxe sur la valeur ajoutée qu’elles prévoient s’appliquent aux opérations de cession de terrains à bâtir qui ont été acquis en vue de leur revente et ne s’appliquent donc pas à une cession de terrains à bâtir qui, lors de leur acquisition, avaient le caractère d’un terrain bâti, notamment quand le bâtiment qui y était édifié a fait l’objet d’une démolition de la part de l’acheteur-revendeur ou quand le bien acquis a fait l’objet d’une division parcellaire en vue d’en céder séparément des parties ne constituant pas le terrain d’assiette du bâtiment.
5. Il résulte de l’instruction que l’ensemble immobilier que la SARL Gala Immobilier a acquis le 23 septembre 2013 était composé de deux maisons à usage d’habitation et d’un terrain attenant. La société ne conteste pas que cet ensemble immobilier, qui comportait des constructions, ne présentait pas, à la date de l’acquisition, le caractère d’un terrain à bâtir. Dans ces conditions, dès lors que la qualification de l’ensemble immobilier initial a été modifiée entre son acquisition et la revente des terrains qui en sont issus, la condition d’identité juridique des terrains à laquelle renvoie l’article 268 du code général des impôts n’est pas satisfaite. Il s’ensuit que c’est à tort que le tribunal administratif de Grenoble a considéré que la SARL Gala Immobilier pouvait prétendre au bénéfice du régime de la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge à raison de la vente d’un terrain à bâtir et qu’il a prononcé, pour ce motif, la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée en litige.
6. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l’ensemble du litige par l’effet dévolutif de l’appel, d’examiner les autres moyens soulevés par la SARL Gala Immobilier devant le tribunal administratif de Grenoble et devant la cour.
7. Il résulte de l’instruction que, pour procéder aux rappels de taxe sur la valeur ajoutée en litige, l’administration s’est fondée sur les dispositions de l’article 268 et du 2 du b de l’article 266 du code général des impôts, et non sur sa propre doctrine. Par suite, la SARL Gala Immobilier ne peut utilement soutenir que la doctrine sur laquelle l’administration se serait fondée est illégale.
8. Il résulte de ce qui précède que le ministre de l’action et des comptes publics est fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a prononcé la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui ont été réclamés à la SARL Gala Immobilier au titre de la période du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2014, et à demander la remise de ces impositions à la charge de cette société, à hauteur de la somme totale de 13 986 euros.
9. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l’Etat qui n’a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, verse à la SARL Gala Immobilier la somme qu’elle réclame au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1705928 du tribunal administratif de Grenoble du 17 octobre 2019 est annulé.
Article 2 : Les rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui ont été réclamés à la SARL Gala Immobilier au titre de la période du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2014 sont remis à sa charge, à hauteur de la somme totale de 13 986 euros.
Article 3 : La demande présentée par la SARL Gala Immobilier devant le tribunal administratif de Grenoble ainsi que ses conclusions d’appel sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et à la SARL Gala Immobilier.
Délibéré après l’audience du 2 juin 2022 à laquelle siégeaient :
M. Pruvost, président,
Mme Evrard, présidente-assesseure,
Mme Lesieux, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 6 juillet 2022.
La rapporteure,
A. EvrardLe président,
D. Pruvost
La greffière,
N. Lecouey
La République mande et ordonne au ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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N° 20LY00328