Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU
NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A…B…a demandé au tribunal administratif de Rouen d’annuler l’arrêté du 7 février 2018 par lequel la préfète de la Seine-Maritime lui a refusé le renouvellement de son titre de séjour, l’a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 1800728 du 5 juin 2018, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 5 juillet 2018, M. A…B…, représenté par Me C…, demande à la cour :
1°) d’annuler ce jugement ;
2°) d’annuler l’arrêté du 7 février 2018 par lequel la préfète de la Seine-Maritime lui a refusé le renouvellement de son titre de séjour, l’a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination ;
3°) d’enjoindre à la préfète de la Seine-Maritime, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, de lui délivrer un certificat de résidence valable un an portant la mention » vie privée et familiale » ou » salarié » ou » étudiant » ou » commerçant » dans un délai d’un mois à compter de l’arrêt à intervenir ou, à défaut, en cas d’annulation pour vice de légalité externe, de procéder à un réexamen de sa demande et de lui délivrer dans un délai de huit jours une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 2 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
– la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;
– l’accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;
– le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;
– le code des relations entre le public et l’administration ;
– le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l’audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.
Le rapport de M. Rodolphe Féral, premier conseiller, a été entendu au cours de l’audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A…B…, ressortissant algérien né le 29 janvier 1983, est entré en France en octobre 2008 pour y poursuivre ses études. L’intéressé s’est alors vu délivrer un titre certificat de résidence valable un an portant la mention » étudiant » qui a été régulièrement renouvelé jusqu’au 31 octobre 2017. M. B…relève appel du jugement du 5 juin 2018 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l’annulation de l’arrêté du 7 février 2018 par lequel la préfète de la Seine-Maritime a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l’a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination.
Sur le refus de délivrance d’un certificat de résidence :
2. En premier lieu, après avoir visé les dispositions dont il est fait application, et notamment le titre III de l’accord franco-algérien du 27 décembre 1968, la décision refusant à M. B… la délivrance d’un certificat de résidence décrit son parcours universitaire depuis son entrée en France, constate qu’il s’inscrit pour la cinquième année consécutive dans le même cursus et conclut à l’absence de progression dans ses études. La décision litigieuse indique également qu’il est célibataire, sans charge de famille et n’est pas dépourvu d’attaches familiales dans son pays d’origine. En conséquence, même si cette décision ne fait pas état des problèmes de santé du requérant au cours de l’année universitaire 2016/2017 et ne mentionne pas la présence en France de membres de sa famille, elle comporte l’énoncé des éléments de droit et de fait sur lesquels la préfète de la Seine-Maritime s’est fondée. Par suite, le moyen tiré de l’insuffisance de motivation de la décision refusant la délivrance d’un certificat de résidence algérien au regard des dispositions de l’article L. 211-2 du code des relations entre le public et l’administration doit être écarté.
3. En deuxième lieu, il ne résulte d’aucune pièce du dossier, ni de la motivation de la décision en litige que la préfète de la Seine-Maritime n’aurait pas procédé à un examen particulier de la situation de M.B…. Si ce dernier soutient notamment que ce défaut d’examen particulier est établi dès lors que la préfète de la Seine-Maritime était informée de son activité professionnelle et qu’elle devait en conséquence examiner de sa propre initiative s’il pouvait prétendre à la délivrance d’un titre de séjour en qualité de » salarié » ou » commerçant « , il résulte toutefois des pièces du dossier que M. B…n’a demandé aux services préfectoraux que le renouvellement de son certificat de résidence en qualité » d’étudiant « . En conséquence, même si la préfète de la Seine-Maritime avait connaissance de l’activité professionnelle de M. B…, elle n’était pas légalement tenue d’examiner d’office la possibilité de lui délivrer un titre de séjour en qualité de » salarié » ou de » commerçant « . Par suite, le moyen tiré d’un défaut d’examen particulier de sa situation doit être écarté.
4. En troisième lieu, aux termes du titre III du protocole annexé à l’accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : » Les ressortissants algériens qui suivent un enseignement, un stage ou font des études en France et justifient de moyens d’existence suffisants (bourses ou autres ressources) reçoivent, sur présentation, soit d’une attestation de pré-inscription ou d’inscription dans un établissement d’enseignement français, soit d’une attestation de stage, un certificat de résidence valable un an, renouvelable et portant la mention » étudiant » ou » stagiaire « . (…). « . Ces dispositions permettent à l’administration d’apprécier, sous le contrôle du juge, la réalité et le sérieux des études poursuivies.
5. Il ressort des pièces du dossier que, si M. B…a obtenu entre 2008 et 2013 trois certificats d’études supérieures en technologie des matériaux employés en art dentaire, en option prothèse conjointe et en option prothèse adjointe partielle, il est toutefois inscrit depuis l’année universitaire 2013-2014 au certificat d’étude supérieure » option prothèse adjointe complémentaire » qu’il n’a pas réussi à obtenir. Si l’intéressé fait valoir qu’au titre de l’année universitaire 2013-2014, il était inscrit en double cursus et a eu des difficultés à suivre ces deux formations en même temps, qu’au cours de l’année universitaire 2016-2017 il a été affecté par des problèmes de santé qui l’ont empêché de suivre sa formation dans des conditions normales et qu’il a obtenu la moitié des quatre unités de son diplôme, ces circonstances ne sauraient cependant raisonnablement justifier l’absence de réussite dans la même formation depuis cinq années. En conséquence, la préfète de la Seine-Maritime n’a pas commis d’erreur d’appréciation en estimant que les études poursuivies par M. B…ne pouvaient être regardées comme présentant un caractère réel et sérieux. Par suite, elle a pu lui refuser le renouvellement de son titre de séjour en qualité d’étudiant sans méconnaître les stipulations précitées du titre III de l’accord franco-algérien.
6. En vertu des stipulations de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale. Si M. B…fait valoir que la plupart de ses frères et soeurs ainsi que son père, titulaire d’un certificat de résidence valable dix ans, vivent en France et si les attestations produites en appel démontrent qu’il entretient des liens avec eux, il ressort toutefois des pièces du dossier que le requérant, célibataire et sans enfants, n’est pas dépourvu d’attaches dans son pays d’origine où résident l’une de ses soeurs et sa mère et où il a toujours vécu jusqu’à l’âge de vingt-cinq ans, avant son arrivée en France pour y poursuivre ses études. Par ailleurs, si M. B… réside en France depuis 2008 ce n’est que sous couvert de titres » étudiant » qui ne lui ouvrent pas en principe un droit au séjour de manière pérenne, ces titres ne l’ayant autorisé à travailler à temps partiel que dans le but de subvenir à ses besoins pour le seul temps de ses études. Enfin, si M. B…soutient qu’il est devenu associé au sein de la société de son frère, cette circonstance est postérieure à la décision attaquée. Ainsi, compte tenu de l’ensemble des circonstances de l’espèce, et notamment eu égard aux conditions de séjour de M. B…sur le territoire français, la décision de refus de titre de séjour n’a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales doit être écarté. Pour les mêmes motifs, la préfète de la Seine-Maritime n’a pas entaché sa décision d’une erreur manifeste d’appréciation sur les conséquences qu’elle comporte sur la situation personnelle de l’intéressé.
7. Il résulte de ce qui précède que M. B…n’est pas fondé à soutenir que la décision lui refusant la délivrance d’un certificat de résidence serait illégale.
Sur l’obligation de quitter le territoire français :
8. En application des dispositions du 3° du I de l’article L. 511-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, l’obligation de quitter le territoire français n’a pas à faire l’objet d’une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour. Or, en l’espèce, l’arrêté comporte, ainsi qu’il a été dit au point 2 ci-dessus, l’énoncé des considérations de droit et de fait sur lesquelles l’autorité préfectorale s’est fondée pour refuser de délivrer un titre de séjour à M.B…. Par suite, le moyen tiré de l’insuffisance de motivation de la décision l’obligeant à quitter le territoire français doit être écarté.
9. Il résulte de ce qui a été dit au point 7 que M. B…n’est pas fondé à exciper de l’illégalité de la décision de refus de séjour à l’encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire national.
10. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 6, la décision obligeant M. B… à quitter le territoire français n’a pas été prise en méconnaissance des stipulations de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et n’est pas entachée d’une erreur manifeste dans l’appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l’intéressé.
11. Aux termes de l’article 5 de l’accord franco-algérien : » Les ressortissants algériens s’établissant en France à un autre titre que celui de travailleurs salariés reçoivent, après le contrôle médical d’usage et sur justification, selon le cas, de leur inscription au registre du commerce ou au registre des métiers ou à un ordre professionnel ou de la possession de moyens d’existence suffisants, un certificat de résidence dans les conditions fixées aux articles 7 et 7 bis « . L’article 7 c du même accord stipule que » les ressortissants algériens désireux d’exercer une activité professionnelle soumise à autorisation reçoivent, s’ils justifient l’avoir obtenue, un certificat de résidence valable un an renouvelable et portant la mention de cette activité « . S’il ressort des pièces du dossier que M. B…a acquis la moitié des parts de la SAS » Bati Norm « , cette acquisition ne lui confère que la qualité d’actionnaire alors qu’il n’est établi par aucune autre pièce du dossier que l’intéressé serait inscrit au registre du commerce ou au registre des métiers. En particulier aucun extrait Kbis du registre des sociétés n’est produit. Dans ces conditions, l’intéressé ne justifie pas pouvoir bénéficier de plein droit d’un certificat de résidence sur le fondement des stipulations précitées de l’accord franco-algérien. Par suite, M. B…pouvait faire l’objet d’une obligation de quitter le territoire français en application des dispositions du I de l’article L. 511-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.
12. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que M. B…n’est pas fondé à soutenir que la décision l’obligeant à quitter le territoire français serait illégale.
Sur la décision fixant le pays de destination :
13. Il résulte de ce qui a été dit au point 12 que M. B…n’est pas fondé à exciper de l’illégalité de la décision l’obligeant à quitter le territoire national à l’encontre de la décision fixant le pays de destination.
14. Il résulte de tout ce qui précède que M. B…n’est pas fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, doivent être rejetées ses conclusions à fin d’injonction et d’astreinte ainsi que celles présentées sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B…est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A…B…et au ministre de l’intérieur.
Copie en sera transmise pour information à la préfète de la Seine-Maritime.
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N°18DA01377