CAA de DOUAI, 4e chambre – formation à 3, 23/10/2018, 16DA00597, Inédit au recueil Lebon

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CAA de DOUAI, 4e chambre – formation à 3, 23/10/2018, 16DA00597, Inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE

AU
NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B…Salentey a demandé, par une première requête, enregistrée sous le n° 1303251, la décharge des cotisations supplémentaires d’impôt sur le revenu, de contributions sociales et des pénalités afférentes mises à sa charge au titre des années 2007, 2008 et 2009.

M. Salentey a demandé, par une seconde requête, enregistrée sous le n° 1400426, la décharge des cotisations supplémentaires d’impôt sur le revenu, de contributions sociales et de pénalités afférentes mises à sa charge au titre des années 2007, 2008 et 2009.

Par un jugement n° 1303251-1400426 du 21 janvier 2016, le tribunal administratif d’Amiens a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 21 mars 2016, 22 septembre 2016 et 13 février 2018, M. Salentey, représenté par MeA…, demande à la cour :

1°) à titre principal, de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d’impôt sur le revenu, de contributions sociales et des pénalités afférentes mises à sa charge au titre des années 2007, 2008 et 2009 ;

2°) à titre subsidiaire, de prononcer la décharge de la majoration de 40 % prévue par le a. de l’article 1729 du code général des impôts mise à sa charge au titre des années 2007, 2008 et 2009 ;

3°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

– l’ordonnance n°58-1067 du 7 novembre 1958 ;

– la décision n° 2016-546 QPC du 24 juin 2016 du Conseil constitutionnel ;

– le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

– le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

– le rapport de M. Xavier Fabre, premier conseiller,

– et les conclusions de M. Jean-Michel Riou, rapporteur public,

Sur la question prioritaire de constitutionnalité :

1. Aux termes de l’article 23-2 de l’ordonnance n°58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel modifié :  » La juridiction statue sans délai par une décision motivée sur la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil d’Etat ou à la Cour de cassation. Il est procédé à cette transmission si les conditions suivantes sont remplies : / 1° La disposition contestée est applicable au litige ou à la procédure, ou constitue le fondement des poursuites ; / 2° Elle n’a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d’une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances ; / 3° La question n’est pas dépourvue de caractère sérieux. En tout état de cause, la juridiction doit, lorsqu’elle est saisie de moyens contestant la conformité d’une disposition législative, d’une part, aux droits et libertés garantis par la Constitution (…) se prononcer par priorité sur la transmission de la question de constitutionnalité au Conseil d’Etat ou à la Cour de cassation. / (…) « . Par ailleurs, aux termes de l’article R. 771-6 du code de justice administrative selon lesquelles :  » La juridiction n’est pas tenue de transmettre une question prioritaire de constitutionnalité mettant en cause, par les mêmes motifs, une disposition législative dont le Conseil d’Etat ou le Conseil constitutionnel est déjà saisi. En cas d’absence de transmission pour cette raison, elle diffère sa décision sur le fond, jusqu’à ce qu’elle soit informée de la décision du Conseil d’Etat ou, le cas échéant, du Conseil constitutionnel « .

2. Le Conseil constitutionnel a été saisi, le 30 mars 2016, par la Cour de cassation, dans les conditions prévues à l’article 61-1 de la Constitution, d’une question prioritaire de constitutionnalité relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit des articles 1729 et 1741 du code général des impôts. Par une décision n° 2016-546 QPC du 24 juin 2016, le Conseil Constitutionnel a déclaré que, sous certaines réserves, l’application combinée des articles 1729 et 1741 du code général des impôts n’était pas contraire aux dispositions de l’article 8 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen. Par suite, et alors que la question prioritaire de constitutionnalité a, dans ces conditions, pu régulièrement ne pas être transmise au Conseil d’Etat, il n’y a plus lieu de surseoir à statuer sur la présente instance.

Sur le non-lieu :

3. Par une réclamation du 6 octobre 2017, M. Salentey s’est prévalu auprès de l’administration fiscale de la décision n°2016-610 QPC du 10 février 2017 du Conseil Constitutionnel relative à la majoration d’assiette de 25 % prévue au 2° du 7 de l’article 158 du code général des impôts. Par une décision du 26 janvier 2018, l’administration fiscale a fait droit à cette demande de dégrèvement et a prononcé, au titre des prélèvements sociaux des années 2007 à 2009, un dégrèvement total de 27 513 euros. Il n’y a par suite plus lieu, à concurrence de ce dégrèvement, de statuer les conclusions à fin de décharge présentées par M. Salentey.

Sur le surplus des conclusions :

En ce qui concerne les cotisations supplémentaires d’impôt sur le revenu :

4. Aux termes de l’article 1658 du code général des impôts :  » Les impôts directs et les taxes y assimilées sont recouvrés en vertu de rôles rendus exécutoires par arrêté du préfet ou d’avis de mise en recouvrement. / Pour l’application de la procédure de recouvrement par voie de rôle prévue au premier alinéa, le représentant de l’Etat dans le département peut déléguer ses pouvoirs aux agents de catégorie A placés sous l’autorité des directeurs départementaux des finances publiques ou des responsables de services à compétence nationale, détenant au moins un grade fixé par décret en Conseil d’Etat. La publicité de ces délégations est assurée par la publication des arrêtés de délégation au recueil des actes administratifs de la préfecture « .

5. Il résulte de l’instruction que les cotisations supplémentaires d’impôt sur le revenu mises à la charge de M. Salentey ont été mises en recouvrement le 30 septembre 2013 et que les avis d’imposition correspondants lui ont été adressés. Si l’intéressé soutient que les impositions litigieuses n’auraient pas été régulièrement mises en recouvrement, en méconnaissance des dispositions précitées de l’article 1658 du code général des impôts, faute d’avoir fait l’objet d’avis de mise en recouvrement, toutefois, les dispositions précitées prévoient que les impôts directs et taxes assimilés peuvent être recouvrés tant par voie de rôle que par voie d’avis de mise en recouvrement. Le moyen ne peut, dès lors, qu’être écarté.

6. Aux termes de l’article 109 du code général des impôts :  » 1. Sont considérés comme revenus distribués : / 1° Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital ; / 2° Toutes les sommes ou valeurs mises à la disposition des associés, actionnaires ou porteurs de parts et non prélevées sur les bénéfices. / (…) « . Aux termes de l’article 110 dudit code :  » Pour l’application du 1° du 1 de l’article 109 les bénéfices s’entendent de ceux qui ont été retenus pour l’assiette de l’impôt sur les sociétés. / (…) « . Enfin, aux termes de l’article 111 de ce code :  » Sont notamment considérés comme revenus distribués : / (…) c. Les rémunérations et avantages occultes ; / (…) « .

7. En cas de refus des propositions de rectifications par le contribuable qu’elle entend imposer comme bénéficiaire de sommes regardées comme distribuées, il incombe à l’administration d’apporter la preuve que celui-ci en a effectivement disposé. Toutefois, le contribuable qui, disposant seul des pouvoirs les plus étendus au sein de la société, est en mesure d’user sans contrôle de ses biens comme de biens qui lui sont propres et doit ainsi être regardé comme le seul maître de l’affaire, est présumé avoir appréhendé les distributions effectuées par la société qu’il contrôle.

8. Il résulte de l’instruction que la société Etablissements Salentey a fait l’objet d’une vérification de sa comptabilité par l’administration fiscale. A cette occasion, le service a notamment analysé les mouvements de stocks n’ayant pour origine ni une opération commerciale ni un transfert entre établissements. En l’absence d’explication de la part de cette société, l’administration a considéré, d’une part, que des corrections de stocks opérées sous différents codes, constitutifs de mouvements d’entrée et de sortie de stocks, correspondaient à des opérations habituelles d’achat-revente pour lesquelles la facturation n’avait pas été comptabilisée et, d’autre part, que cette absence de comptabilisation était constitutive d’une minoration de recettes. M. Salentey n’apporte aucune contestation sur ce point et indique d’ailleurs, dans sa requête d’appel, que la société Etablissements Salentey a acquitté, sans plus les contester, l’intégralité des cotisations supplémentaires d’impôt sur les sociétés mises à sa charge.

9. Il résulte également de l’instruction, et n’est d’ailleurs pas davantage contesté, que M. Salentey, président de la SAS Etablissements Salentey, détient, au travers de la société Salentey Investissements, plus de 95 % du capital de la société Etablissements Salentey et qu’il dispose de la signature sur les comptes bancaires de cette société. Par suite, M. Salentey a pu être regardé par l’administration fiscale, à raison de sa qualité de maître de l’affaire, comme ayant appréhendé les revenus réputés distribués par la société Etablissements Salentey pour les montants retenus par l’administration fiscale.

10. M. Salentey entend contester l’imposition des revenus distribués en se prévalant de ce que la société Etablissements Salentey a déjà été soumise sur les mêmes assiettes à la pénalité de 50 % prévue par l’article 1737 du code général des impôts et à la pénalité de 100 % prévue par l’article 1759 du même code. Il résulte cependant de l’instruction, d’une part, que l’amende de 50 % mentionnée ci-dessus vise à sanctionner l’émission de factures à certains clients pour des produits qui ne leur étaient pas destinés et est donc sans rapport avec les recettes non déclarées et, par voie de conséquence, avec les revenus réputés distribués à M. Salentey. D’autre part, la pénalité de 100 % vise à sanctionner l’absence de désignation des bénéficiaires de revenus distribués en 2009 pour un montant total de 304 564 euros, les revenus retenus à ce titre excluant ceux qui ont été imposés dans les mains de M. Salentey. Le moyen doit, par suite, et en tout état de cause s’agissant d’impositions mises à la charge de la société et non du contribuable requérant, être écarté.

11. Si M. Salentey soutient que la rectification contestée serait contraire à la présomption d’innocence, au principe de nécessité des peines, au respect des biens et au principe de proportionnalité, ces moyens ne sont pas assortis des précisions nécessaires permettant à la cour d’en apprécier l’éventuel bien-fondé.

En ce qui concerne la majoration de 40 % prévue par l’article 1729 du code général des impôts :

12. Aux termes de l’article L. 195 du livre des procédures fiscales :  » En cas de contestation des pénalités fiscales appliquées à un contribuable au titre des impôts directs, de la taxe sur la valeur ajoutée et des autres taxes sur le chiffre d’affaires, des droits d’enregistrement, de la taxe de publicité foncière et du droit de timbre, la preuve de la mauvaise foi et des manoeuvres frauduleuses incombe à l’administration « . Par ailleurs, aux termes de l’article 1729 du code général des impôts :  » Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l’indication d’éléments à retenir pour l’assiette ou la liquidation de l’impôt ainsi que la restitution d’une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l’Etat entraînent l’application d’une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré ; / (…) « .

13. En se prévalant de l’importance des minorations de recettes, de leur réitération sur plusieurs années et de la circonstance que l’intéressé était maître de l’affaire, l’administration fiscale apporte la preuve, qui lui incombe, du caractère délibéré des manquements imputés à M. Salentey.

14. Les moyens tirés de la méconnaissance des principes de nécessité des peines, de respect des biens et de proportionnalité sont dépourvus des précisions nécessaires permettant à la cour d’en apprécier l’éventuel bien-fondé.

15. Il résulte de ce qui a été dit aux points 12 à 14 que la majoration de 40 % mise à la charge de M. Salentey au titre de l’article 1729 du code général des impôts était légalement justifiée.

16. Il résulte de tout ce qui précède que M. Salentey n’est pas fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d’Amiens a, dans la limite des sommes restant en litige, rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

17. Dès lors que l’Etat n’est pas partie perdante pour l’essentiel dans la présente instance, les conclusions présentées à son encontre par M. Salentey sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1 : Il n’y a pas lieu de transmettre au Conseil d’Etat la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par M. Salentey.

Article 2: Il n’y a pas lieu de statuer sur les conclusions à fin de décharge de M. Salentey à concurrence de la somme de 27 513 euros.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. Salentey est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B…Salentey et au ministre de l’action et des comptes publics.

Copie en sera transmise pour information à l’administrateur général des finances publiques chargé de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.

5

N°16DA00597


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