CAA de BORDEAUX, 7ème chambre (formation à 3), 31/12/2020, 18BX01250, Inédit au recueil Lebon

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CAA de BORDEAUX, 7ème chambre (formation à 3), 31/12/2020, 18BX01250, Inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE

AU
NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée Loresti a demandé au tribunal administratif de Pau de prononcer la décharge du complément de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) qui lui a été réclamé au titre de de la période du 1er janvier 2014 au 30 septembre 2014.

Par un jugement n° 1600294 du 7 décembre 2017, le tribunal administratif de Pau a fait entièrement droit à sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 29 mars 2018, et un mémoire, enregistré le 5 février 2020, le ministre de l’économie, des finances et de la relance demande à la cour :

1°) d’annuler ce jugement du tribunal administratif de Pau du 7 décembre 2017.

2°) de rétablir le complément de TVA réclamé à la société Loresti au titre de la période du 1er janvier 2014 au 30 septembre 2014.

Il soutient que :

– l’application des dispositions de l’article 268 du code général des impôts est réservée aux mutations d’immeubles acquis et revendus selon la même qualification de terrain ou immeuble bâti ;

– ces dispositions ne méconnaissent pas les principes d’égalité devant les charges publiques, d’égalité de traitement et de neutralité de la TVA.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 12 juin 2018 et 4 février 2020, la société Loresti, représentée par Me A…, conclut au rejet de la requête et à ce qu’une somme de 5 000 euros soit mise à la charge de l’État au titre des frais exposés pour l’instance.

Elle soutient que les moyens invoqués par le ministre sont infondés et reprend les moyens développés à l’appui de la demande qu’elle a présentée devant le tribunal administratif de Pau.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

– la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 ;

– le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

– le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l’ordre administratif ;

– le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

– le rapport de M. B…,

– et les conclusions de Mme chauvin, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La société Loresti exerce une activité de marchand de biens immobiliers. À l’issue d’une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2012 au 30 septembre 2014, l’administration a réclamé à cette société un complément de taxe sur la valeur ajoutée (TVA), pour un montant de 17 430 euros au titre de la période du 1er janvier 2014 au 30 septembre 2014. Par un jugement du 7 décembre 2017, le tribunal administratif de Pau a prononcé la décharge du complément de TVA qui lui a été réclamé. Le ministre de l’économie, des finances et de la relance relève appel de ce jugement.

2. Aux termes de l’article 257 du code général des impôts dans sa version applicable au litige :  » I. – Les opérations concourant à la production ou à la livraison d’immeubles sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée dans les conditions qui suivent. (…) 2. Sont considérés : 1° Comme terrains à bâtir, les terrains sur lesquels des constructions peuvent être autorisées en application d’un plan local d’urbanisme, d’un autre document d’urbanisme en tenant lieu, d’une carte communale ou de l’article L. 111-1-2 du code de l’urbanisme (…) 2. Les dispositions qui précèdent ne sont pas applicables : aux opérations portant sur des immeubles ou parties d’immeubles qui sont achevés depuis plus de cinq ans « . En application de l’article 261 du même code :  » Sont exonérés de la taxe sur la valeur ajoutée : (…) 5. 2° Les livraisons d’immeubles achevés depuis plus de cinq ans.  »

3. Par ailleurs, l’article 392 de la directive du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée dispose que :  » Les États membres peuvent prévoir que, pour les livraisons de bâtiments et de terrains à bâtir achetés en vue de la revente par un assujetti qui n’a pas eu droit à déduction à l’occasion de l’acquisition, la base d’imposition est constituée par la différence entre le prix de vente et le prix d’achat « . L’article 268 du code général des impôts, pris pour la transposition de ces dispositions, prévoit que :  » S’agissant de la livraison d’un terrain à bâtir, ou d’une opération mentionnée au 2° du 5 de l’article 261 pour laquelle a été formulée l’option prévue au 5° bis de l’article 260, si l’acquisition par le cédant n’a pas ouvert droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée, la base d’imposition est constituée par la différence entre : 1° D’une part, le prix exprimé et les charges qui s’y ajoutent ; / 2° D’autre part, selon le cas : / a) soit les sommes que le cédant a versées, à quelque titre que ce soit, pour l’acquisition du terrain ou de l’immeuble ; b) soit la valeur nominale des actions ou parts reçues en contrepartie des apports en nature qu’il a effectués « .

4 Il résulte de ces dernières dispositions, lues à la lumière de celles de la directive dont elles ont pour objet d’assurer la transposition, que les règles de calcul dérogatoires de la taxe sur la valeur ajoutée qu’elles prévoient s’appliquent aux opérations de cession de terrains à bâtir qui ont été acquis en vue de leur revente et ne s’appliquent donc pas à une cession de terrains à bâtir qui, lors de leur acquisition, avaient le caractère d’un terrain bâti.

5. l’administration fiscale a remis en cause l’application du régime de taxe sur la valeur ajoutée prévu par les dispositions précitées de l’article 268 du code général des impôts à la vente par la société Loresti, le 10 février 2014, d’un terrain à bâtir issu, après division parcellaire, d’un ensemble immobilier constitué d’un bâtiment à usage d’habitation et de son terrain d’assiette, dont l’acquisition à des particuliers, le 21 février 2012, ne lui avait pas ouvert droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée.

6. En premier lieu, il résulte des dispositions combinées des articles 257 et 261 du code général des impôts que le terrain dont s’agit ne présentait pas, lors de son acquisition, le caractère d’un terrain à bâtir mais d’un immeuble bâti. Dès lors, il résulte de ce qui a été dit au point 4 du présent arrêt, d’une part, que le ministre de l’économie, des finances et de la relance est fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, les premiers juges ont considéré que le régime de TVA prévu par les dispositions précitées de l’article 268 du code général des impôts s’appliquait à la vente de ce terrain à bâtir, d’autre part, que la société Loresti ne peut utilement soutenir que l’interprétation retenue par l’administration des dispositions précitées de l’article 268 du code général des impôts est contraire à l’intention du législateur.

7. En outre, elle ne peut pas utilement soutenir que l’instruction publiée sous la référence BOI-TVA-IMM-10-20-10 selon laquelle  » Il n’y a lieu de rechercher le régime de l’acquisition aux fins de déterminer la base d’imposition que pour les seules livraisons d’immeubles acquis et revendus en gardant la même qualification, c’est-à-dire respectivement : – De terrains à bâtir qui ont été acquis précédemment comme terrains n’ayant pas le caractère d’immeubles bâtis ; – Ou d’immeubles achevés depuis plus de cinq ans qui ont été acquis précédemment en l’état d’immeuble déjà bâti  » méconnaîtrait les dispositions précitées de l’article 268 du code général des impôts, l’article 34 de la Constitution du 4 octobre 1958, le principe d’égalité tel qu’il est garanti par les articles 6 et 13 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 ou les dispositions de la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 relatives au principe de neutralité de la TVA et qu’elle méconnaît le principe de non rétroactivité de l’interprétation des lois fiscales dès lors que l’administration ne s’est pas fondée sur cette doctrine, qui n’est au demeurant pas opposable aux contribuables, mais s’est bornée à faire une exacte application des dispositions de l’article 268 du code général des impôts lues à la lumière de celles de cette même directive dont elles ont pour objet d’assurer la transposition.

8. En second lieu, la société appelante ne peut pas plus utilement se prévaloir, sur le fondement de l’article L. 80 A du livre des procédures fiscales, de l’instruction publiée sous la référence BOI-TVA-IMM-10-10-10-20-20140929 n° 20 et suivants, laquelle ne comporte aucune interprétation différente de la loi fiscale dont il a été fait application cidessus.

9. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l’économie, des finances et de la relance est fondé à demander l’annulation du jugement attaqué du 23 novembre 2017. En outre, il y a également lieu, pour les mêmes motifs et par l’effet dévolutif de l’appel, de rejeter les conclusions de la société Loresti tendant à la décharge du complément de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamé au titre de la période du 1er janvier 2014 au 30 septembre 2014, ainsi que celles tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Pau du 7 décembre 2017 est annulé.

Article 2 : Les conclusions présentées par la société Loresti en première instance et en appel sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société à responsabilité limitée Loresti et au ministre de l’économie, des finances et de la relance.

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Ouest.

Délibéré après l’audience du 3 décembre 2020 à laquelle siégeaient :

M. Éric Rey-Bèthbéder, président,

Mme C…, présidente-assesseure,

M. Manuel B…, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 31 décembre 2020.

Le président de chambre,

Éric Rey-Bèthbéder

La République mande et ordonne au ministre de l’économie, des finances et de la relance, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution du présent arrêt.

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N° 18BX01250


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