Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU
NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société par actions simplifiée AM Immobilier a demandé au tribunal administratif de Poitiers de prononcer la décharge du complément de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamé au titre de la période du 19 août 2013 au 30 septembre 2015.
Par un jugement n° 1700281 du 26 février 2019, le tribunal administratif de Poitiers a déchargé la société AM Immobilier du complément de taxe sur la valeur ajoutée précité à hauteur d’une somme de 13 579 euros en droits, à laquelle s’ajoutent les intérêts correspondants.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 13 juin 2019, le ministre de l’économie, des finances et de la relance demande à la cour :
1°) d’annuler ce jugement du tribunal administratif de Poitiers du 26 février 2019 ;
2°) de rétablir la société AM Immobilier au complément de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamé au titre de la période du 19 août 2013 au 30 septembre 2015 pour un montant de 14 611 euros.
Il soutient que :
– contrairement à ce qu’a jugé le tribunal, le bénéfice du régime de la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge prévu par l’article 268 du code général des impôts est subordonné à l’existence d’une identité juridique entre l’immeuble acquis et celui revendu ; en l’espèce, le terrain à bâtir revendu a été acquis comme terrain d’assiette d’un immeuble bâti, de sorte que l’identité entre bien acquis et bien revendu n’est pas vérifiée ;
– contrairement à ce qu’a soutenu la société en première instance, la doctrine administrative publiée au BOI sous la référence TVA-IMM-10-20-10 § 20 n’ajoute pas à la loi ;
– enfin, si la société a procédé à une déclaration préalable de division, aucune division cadastrale et aucun bornage ne sont intervenus préalablement à l’acquisition.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
– la directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006 ;
– le code général des impôts ;
– le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.
Ont été entendus au cours de l’audience publique :
– le rapport de M. Rey-Bèthbéder, président-rapporteur,
– et les conclusions de Mme Florence Madelaigue, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. La société AM Immobilier, qui exerce une activité de marchand de biens, a fait l’objet d’une vérification de comptabilité à l’issue de laquelle le service l’a informée, par une proposition de rectification du 2 mai 2016, de son intention de remettre en cause l’application du régime de la marge prévu par l’article 268 du code général des impôts à la cession d’un terrain à bâtir réalisée le 20 mars 2014.
2. Le ministre de l’économie, des finances et de la relance relève appel du jugement du 26 février 2019 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a déchargé la société AM Immobilier du complément de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamé au titre de la période du 19 août 2013 au 30 septembre 2015 à hauteur d’une somme de 13 579 euros en droits, à laquelle s’ajoutent les intérêts correspondants.
3. Le I de l’article 257 du code général des impôts dans sa rédaction applicable, issue de l’article 16 de la loi du 9 mars 2010 de finances rectificative pour 2010, prévoit que les opérations concourant à la production ou à la livraison d’immeubles, lesquelles comprennent les livraisons à titre onéreux de terrains à bâtir, sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée. En vertu du 2 du b de l’article 266 du même code, l’assiette de la taxe est en principe constituée par le prix de cession.
4. L’article 392 de la directive du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée dispose toutefois que : » Les États membres peuvent prévoir que, pour les livraisons de bâtiments et de terrains à bâtir achetés en vue de la revente par un assujetti qui n’a pas eu droit à déduction à l’occasion de l’acquisition, la base d’imposition est constituée par la différence entre le prix de vente et le prix d’achat « . L’article 268 du code général des impôts, pris pour la transposition de ces dispositions, prévoit, dans sa rédaction également issue de l’article 16 de la loi du 9 mars 2010 de finances rectificative pour 2010, que : » S’agissant de la livraison d’un terrain à bâtir (…), si l’acquisition par le cédant n’a pas ouvert droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée, la base d’imposition est constituée par la différence entre : / 1° D’une part, le prix exprimé et les charges qui s’y ajoutent ; / 2° D’autre part, selon le cas : / – soit les sommes que le cédant a versées, à quelque titre que ce soit, pour l’acquisition du terrain(…); / – soit la valeur nominale des actions ou parts reçues en contrepartie des apports en nature qu’il a effectué « .
5. Il résulte de ces dernières dispositions, lues à la lumière de celles de la directive dont elles ont pour objet d’assurer la transposition, que les règles de calcul dérogatoires de la taxe sur la valeur ajoutée qu’elles prévoient s’appliquent aux opérations de cession de terrains à bâtir qui ont été acquis en vue de leur revente et ne s’appliquent donc pas à une cession de terrains à bâtir qui, lors de leur acquisition, avaient le caractère d’un terrain bâti, notamment quand le bâtiment qui y était édifié a fait l’objet d’une démolition de la part de l’acheteur-revendeur ou quand le bien acquis a fait l’objet d’une division parcellaire en vue d’en céder séparément des parties ne constituant pas le terrain d’assiette du bâtiment.
6. Il résulte de l’instruction que la société AM Immobilier a acquis, le 10 janvier 2014, un bien immobilier situé 5 impasse de la Motte Grenet à Angoulins (Charente-Maritime), comportant une maison d’habitation, en vue de le céder à des particuliers après division cadastrale en deux parcelles, dont un lot de terrain à bâtir. Elle a ainsi placé la cession du terrain à bâtir du 20 mars 2014 sous le régime de la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge au motif qu’elle n’avait pas bénéficié d’un droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée lors de l’acquisition initiale de l’immeuble achevé depuis plus de cinq ans. Cependant, dans la mesure où le terrain acquis par la société intimée supportait une construction, il revêtait le caractère d’un terrain bâti et, en conséquence et ainsi qu’il a été dit au point 5, la cession, après division parcellaire, d’une partie non bâtie provenant de ce terrain ne pouvait ouvrir droit au régime prévu par les dispositions précitées de l’article 268 du code général des impôts, contrairement à ce qu’a jugé le tribunal.
7. Il appartient à la cour, saisie par l’effet dévolutif de l’appel, d’examiner les conclusions présentées par la société devant le tribunal administratif de Poitiers.
8. Si la société fait valoir que le bien litigieux a été acquis en tant que terrain à bâtir, en raison de ce qu’elle a déposé une déclaration préalable de division et a obtenu un certificat de non-opposition, la surface du terrain à bâtir mentionnée sur ce document est de 345 m², alors qu’après division le terrain à bâtir cédé avait une surface de 419 m². De plus, la décision de non opposition, datée du 22 janvier 2014, est postérieure à l’acquisition du terrain d’origine, intervenue le 10 janvier 2014. Dans ces conditions, elle n’établit pas que la parcelle vendue en tant que terrain à bâtir pouvait être regardée comme possédant ce caractère lors de l’acquisition effectuée par elle. Par conséquent, et comme il a été exposé au point 6, c’est à bon droit que le service a remis en cause l’application du régime de taxation sur la marge à la vente du terrain à bâtir détaché de la parcelle acquise à l’origine par la société.
9. Par ailleurs et à supposer même que la société ait entendu se prévaloir de la garantie offerte aux contribuables par l’article L. 80 A du livre des procédures fiscales, la doctrine administrative exposée sous la référence BOI-TVA-IMM-10-20-10 § 20 ne donne pas des dispositions législatives applicables à une interprétation différente de celle dont il a été fait application au point 7 du présent arrêt.
10. Il résulte de ce qui précède que le ministre de l’économie, des finances et de la relance est fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a accordé à la société AM Immobilier la décharge du complément de taxe sur la valeur ajoutée litigieux.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Poitiers du 26 février 2019 est annulé.
Article 2 : La taxe sur la valeur ajoutée réclamée à la société AM Immobilier au titre de la période du 19 août 2013 au 30 septembre 2015 est remise à la charge de cette dernière, ainsi que les pénalités correspondantes.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l’économie, des finances et de la relance et à la société par actions simplifiée AM Immobilier.
Délibéré après l’audience du 24 février 2022 à laquelle siégeaient :
M. Éric Rey-Bèthbéder, président,
Mme Frédérique Munoz-Pauziès, présidente-assesseure,
Mme Nathalie Gay, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 24 mars 2022.
La présidente-assesseure,
Frédérique Munoz-PauzièsLe président-rapporteur,
Éric Rey-Bèthbéder
La greffière,
Angélique Bonkoungou
La République mande et ordonne au ministre de l’économie, des finances et de la relance,en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution du présent arrêt.
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N° 19BX02528