CAA de BORDEAUX, 7ème chambre (formation à 3), 18/06/2020, 18BX01026, Inédit au recueil Lebon

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CAA de BORDEAUX, 7ème chambre (formation à 3), 18/06/2020, 18BX01026, Inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE

AU
NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A… B… a demandé au tribunal administratif de Toulouse la décharge des cotisations supplémentaires d’impôt sur le revenu, de contributions sociales et de contribution exceptionnelle sur les hauts revenus auxquelles il a été assujetti au titre de l’année 2012.

Par un jugement n° 1505960 du 29 décembre 2017, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 9 mars et 15 octobre 2018, M. B…, représenté par Me C…, demande à la cour :

1°) d’annuler ce jugement du 29 décembre 2017 ;

2°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d’impôt sur le revenu, de contributions sociales et de contribution exceptionnelle sur les hauts revenus auxquelles il a été assujetti au titre de l’année 2012 ;

3°) de mettre à la charge de l’État la somme de 4 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

– en s’abstenant d’analyser le déroulement exact des opérations le tribunal a entaché son jugement d’un défaut de motivation ;

– en ne mentionnant pas l’existence de l’acte d’apport du 18 novembre 2011 pourtant régulièrement enregistré, et matérialisant sur le plan juridique les accords de toutes les parties sur la chose et sur le prix, donc le transfert de propriété légal, et en se bornant à reprendre le procès-verbal d’AGE de la SARL Xenodice du 31 janvier 2012 pour tout motif de l’imposition de la plus-value de revente des titres en 2012, le vérificateur a irrégulièrement motivé sa rectification ;

– c’est à tort que le service a considéré qu’il y avait une rupture de l’engagement de conserver les titres, dès lors qu’à la date de l’apport, la SARL Xenodice était détenue à 96 % par M. A…-E… B… et à 4 % par M. A… B…, et que la SARL Xenodice ne peut être regardée comme un tiers au groupe familial ;

– l’apport des titres à la SARL Xenodice a été réalisé le 18 novembre 2011, lors de la signature du contrat d’apport et d’acquisition de ces titres, dès lors qu’à cette date, la cession était parfaite en raison de l’accord intervenu sur la chose et le prix ; les conditions posées par l’acte ne peuvent être regardées comme suspensives, dès lors que leur réalisation dépendait de la seule volonté du cédant, M. A…-E… B…, et ne dépendait pas d’un événement futur et incertain.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 21 septembre 2018 et 23 septembre 2019, le ministre de l’action et des comptes publics conclut au rejet de la requête, et fait valoir que les moyens ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 30 août 2019, la clôture d’instruction a été fixée au 30 septembre 2019 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

– le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

– l’ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l’ordre administratif ;

– le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

– le rapport de Mme D…, rapporteure,

– les conclusions de M. Nicolas Normand, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. En 2008, M. A… B… a cédé à son fils A…-E… 375 parts de la SARL Entreprise A… B…. La plus-value ainsi dégagée a été exonérée d’impôt sur le revenu en application des dispositions du 3 du I de l’article 150-0 A du code général des impôts, en raison de ce que la cession avait été réalisée au sein de la famille. Toutefois, à la suite d’un contrôle sur pièces, l’administration a remis en cause cette exonération au motif que, le 31 janvier 2012, M. A…-E… B… avait apporté les titres à la SARL Xenodice, rompant ainsi l’engagement de conserver les parts. M. A… B… relève appel du jugement du 29 décembre 2017 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant la décharge des cotisations supplémentaires d’impôt sur le revenu, de contributions sociales et de contribution exceptionnelle sur les hauts revenus auxquelles il a été assujetti au titre de l’année 2012.

Sur la régularité du jugement :

2. Le jugement attaqué, qui n’avait pas à répondre à l’ensemble des arguments du demandeur, répond de façon suffisamment motivée aux moyens développés par M. B… devant les premiers juges. Le moyen tiré de ce que, en s’abstenant d’analyser le déroulement exact des opérations tel qu’il lui était présenté, le tribunal administratif aurait méconnu son obligation de motiver son jugement doit être écarté.

Sur la procédure d’imposition :

3. Aux termes de l’article L. 57 du livre des procédures fiscales :  » L’administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à permettre à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation (…) « .

4. La proposition de rectification du 19 septembre 2013 indique les motifs du rehaussement d’impôt envisagé, son fondement légal, la catégorie de revenus dans laquelle il est opéré ainsi que l’année d’imposition concernée. Cette proposition, qui n’avait pas à mentionner sous peine de nullité de la procédure l’existence de l’acte d’apport du 18 novembre 2011, est ainsi suffisamment motivée.

Sur le bien-fondé des impositions :

5. Aux termes de l’article 150-0 A du code général des impôts :  » I. 1. (…) les gains nets retirés des cessions à titre onéreux (…) de droits sociaux, de titres mentionnés au 1° de l’article 118 et aux 6° et 7° de l’article 120, de droits portant sur ces valeurs, droits ou titres ou de titres représentatifs des mêmes valeurs, droits ou titres, sont soumis à l’impôt sur le revenu. (…) Lorsque les droits détenus directement ou indirectement par le cédant avec son conjoint, leurs ascendants et leurs descendants ainsi que leurs frères et soeurs dans les bénéfices sociaux d’une société soumise à l’impôt sur les sociétés ou à un impôt équivalent (…) ont dépassé ensemble 25 % de ces bénéfices à un moment quelconque au cours des cinq dernières années, la plus-value réalisée lors de la cession de ces droits, pendant la durée de la société, à l’une des personnes mentionnées au présent alinéa, est exonérée si tout ou partie de ces droits sociaux n’est pas revendu à un tiers dans un délai de cinq ans. À défaut, la plus-value est imposée au nom du premier cédant au titre de l’année de la revente des droits au tiers « .

6. En premier lieu, il résulte de ces dispositions que l’exonération qu’elles prévoient ne bénéficie qu’aux cessions de droits sociaux consenties par le cédant à son conjoint ainsi qu’aux ascendants et descendants de ces deux personnes et, par conséquent, ne s’applique pas aux cessions consenties à des personnes morales. De même, le cédant cesse de bénéficier de l’exonération lorsque les droits sociaux sont revendus, dans le délai de cinq ans, à une personne autre que le conjoint du cédant et ses ascendants et descendants.

7. Il résulte de l’instruction que les 375 parts de la SARL Entreprise A… B… cédées par M. A… B… à son fils ont été apportées, dans le délai de cinq ans mentionné par les dispositions du 3 du I de l’article 150-0 A du code général des impôts, à la SARL Xenodice. Cet apport a été réalisé, non au profit de l’une des personnes physiques limitativement énumérées par ces dispositions, mais au profit d’une personne morale qui possède une personnalité juridique différente de celle de ses actionnaires. Par suite, alors même que la SARL Xenodice était détenue au moment de l’apport par MM. B… père et fils, c’est à bon droit que l’administration a imposé la plus-value réalisée par M. A… B… au titre de l’année de cession des droits par son fils.

8. En second lieu, la cession de droits sociaux est réputée réalisée à la date à laquelle intervient entre les parties un accord sur la chose et sur le prix. Lorsque la cession est consentie sous une condition suspensive, c’est la date de réalisation de cette condition qu’il convient de retenir.

9. M. B… soutient que c’est par un acte du 18 novembre 2011 que son fils A…-E… a apporté ses parts à la SARL Xenodice, dès lors qu’à cette date, les parties étaient d’accord tant sur la chose que sur le prix.

10. Toutefois, l’acte du 18 novembre 2011, intitulé  » contrat d’apport de parts sociales sous conditions suspensives « , stipule en son article 6,  » Conditions suspensives  » :  » Le présent contrat ne produira d’effet que par et à compter du jour : / 1° de l’intervention d’une décision collective des associés de la société  » Entreprise A… B…  » autorisant le projet d’apport par Monsieur A…-E… B… des mille six cent vingt-cinq parts sociales et des six cent vingt-cinq parts sociales lui appartenant respectivement en pleine propriété et en nue-propriété au profit de la société SARL Xenodice. / 2° de son évaluation et approbation par une décision collective des associés de la société SARL Xenodice : / – décidant, au vu du rapport établi par Monsieur Emmanuel Morvan, commissaire aux apports désigné par ordonnance de Monsieur le Président du Tribunal de Commerce d’Albi du dix-sept novembre deux mille onze, l’augmentation du capital par voie d’apport en nature, / – approuvant ledit apport, son évaluation et sa rémunération, – constatant la réalisation définitive de l’augmentation de capital « . Or, les décisions collectives des associés mentionnées par ces stipulations sont intervenues lors de l’assemblée générale extraordinaire du 31 janvier 2012. Par suite, et nonobstant la circonstance que la SARL Xenodice avait pour uniques associés MM. B… père et fils, et qu’en conséquence, à la date du 18 novembre 2011, il existait peu de doute sur la réalisation des conditions suspensives, c’est à bon droit que l’administration a estimé que la cession devait être regardée comme réalisée en 2012.

11. Il résulte de tout ce qui précède que M. B… n’est pas fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d’impôt sur le revenu, de contributions sociales et de contributions sur les hauts revenus auxquelles il a été assujetti au titre de l’année 2012. Par voie de conséquence, il y a lieu de rejeter ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B… est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A… B… et au ministre de l’action et des comptes publics.

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscale sud-ouest.

Délibéré après l’audience du 20 mai 2020 à laquelle siégeaient :

M. Éric Rey-Bèthbéder, président,

Mme D…, présidente-assesseure,

Mme Florence Madelaigue, premier-conseiller.

Lu en audience publique, le 18 juin 2020.

Le président,

Éric Rey-Bèthbéder

La République mande et ordonne au ministre de l’action et des comptes publics en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution du présent arrêt.

N° 18BX01026 2


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