Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU
NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société à responsabilité limitée ADI a demandé au tribunal administratif de Pau de prononcer la réduction des compléments de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre des années 2012 et 2013 à hauteur, respectivement, des sommes de 14 823 euros et 36 951 euros, à l’occasion de la cession de deux terrains.
Par un jugement n° 1600468 du 21 décembre 2017, le tribunal administratif de Pau a accordé à la société ADI la réduction sollicitée.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 16 avril 2018 et le 28 janvier 2020, le ministre de l’action et des comptes publics demande à la cour :
1°) d’annuler ce jugement du tribunal administratif de Pau du 21 décembre 2017 ;
2°) de rejeter la demande de réduction des compléments de taxe sur la valeur ajoutée litigieux.
Il soutient que :
– contrairement à ce qu’a jugé le tribunal, le régime de la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge prévu par les dispositions de l’article 268 du code général des impôts ne trouvait pas à s’appliquer en l’occurrence ;
– en effet ce régime, issu de l’article 392 de la directive européenne sur la taxe sur la valeur ajoutée, ne concerne que les livraisons de terrains à bâtir qui ont eu pour origine l’achat de terrains à bâtir alors qu’en l’espèce les opérations ont porté sur des parcelles qui étaient initialement bâties et qui ont fait l’objet d’une division parcellaire, ce qui a entraîné un changement de qualification et un changement physique, de sorte qu’il n’existait plus d’identité entre le bien acquis et le bien revendu.
Par deux mémoires en défense, enregistrés le 3 juillet 2018 et le 13 février 2020, la société ADI, représentée par Me A…, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de l’État le paiement d’une somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
– la directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006 ;
– le code général des impôts ;
– le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l’ordre administratif ;
– le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.
Ont été entendus au cours de l’audience publique :
– le rapport de M. Rey-Bèthbéder, président-rapporteur,
– et les conclusions de Mme Aurélie Chauvin, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La société ADI exerce une activité de marchand de biens. Elle a fait l’objet d’un contrôle sur pièces à la suite duquel le service a, notamment, remis en cause l’application du régime de la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge à deux ventes, conclues, pour la première, le 20 juin 2012 au prix hors taxe de 232 000 euros, et, pour la seconde, le 7 août 2013 au prix hors taxe de 313 117,22 euros, de terrains à bâtir issus, après division parcellaire, de maisons à usage d’habitation avec dépendances bâties et non bâties situées à Anglet (Pyrénées-Atlantiques).
2. La société ADI a demandé au tribunal administratif de Pau la décharge de la taxe sur la valeur ajoutée qui trouve son origine dans la remise en cause de l’application du régime de la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge aux deux opérations précitées. Le ministre de l’action et des comptes publics relève appel du jugement par lequel les premiers juges ont fait droit à la demande de cette société.
3. Le I de l’article 257 du code général des impôts dans sa rédaction applicable, issue de l’article 16 de la loi du 9 mars 2010 de finances rectificative pour 2010, prévoit que les opérations concourant à la production ou à la livraison d’immeubles, lesquelles comprennent les livraisons à titre onéreux de terrains à bâtir, sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée. En vertu du 2 du b de l’article 266 du même code, l’assiette de la taxe est en principe constituée par le prix de cession.
4. L’article 392 de la directive du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée dispose toutefois que : » Les États membres peuvent prévoir que, pour les livraisons de bâtiments et de terrains à bâtir achetés en vue de la revente par un assujetti qui n’a pas eu droit à déduction à l’occasion de l’acquisition, la base d’imposition est constituée par la différence entre le prix de vente et le prix d’achat « . L’article 268 du code général des impôts, pris pour la transposition de ces dispositions, prévoit, dans sa rédaction également issue de l’article 16 de la loi du 9 mars 2010 de finances rectificative pour 2010, que : » S’agissant de la livraison d’un terrain à bâtir (…), si l’acquisition par le cédant n’a pas ouvert droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée, la base d’imposition est constituée par la différence entre : / 1° D’une part, le prix exprimé et les charges qui s’y ajoutent ; / 2° D’autre part, selon le cas : / – soit les sommes que le cédant a versées, à quelque titre que ce soit, pour l’acquisition du terrain(…); / – soit la valeur nominale des actions ou parts reçues en contrepartie des apports en nature qu’il a effectué « .
5. Il résulte de ces dernières dispositions, lues à la lumière de celles de la directive dont elles ont pour objet d’assurer la transposition, que les règles de calcul dérogatoires de la taxe sur la valeur ajoutée qu’elles prévoient s’appliquent aux opérations de cession de terrains à bâtir qui ont été acquis en vue de leur revente et ne s’appliquent donc pas à une cession de terrains à bâtir qui, lors de leur acquisition, avaient le caractère d’un terrain bâti.
6. Il est constant que les terrains à bâtir vendus par la société intimée, cités au point 1, proviennent de terrains sur lesquels étaient édifiées des maisons à usage d’habitation et dont la division parcellaire postérieure à leur acquisition par la société a créé des lots comprenant les terrains à bâtir ici en cause. Dès lors et contrairement à ce qu’a jugé le tribunal, ces cessions ne peuvent ouvrir droit à l’application du régime de taxation sur la marge.
7. Il résulte de ce qui précède que le ministre est fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal a fait droit à la demande de la société ADI. Il y a lieu d’annuler le jugement attaqué et de remettre à la charge de cette société les rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre des deux ventes concernées ainsi que les pénalités correspondantes.
8. Il suit de ce qui vient d’être exposé que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l’État verse à la société ADI la somme qu’elle demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Pau du 21 décembre 2017 est annulé.
Article 2 : La taxe sur la valeur ajoutée réclamée à la société ADI au titre des ventes de deux terrains le 20 juin 2012 et le 7 août 2013 est remise à la charge de la société, ainsi que les pénalités correspondantes.
Article 3 : Les conclusions de la société ADI relatives à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l’économie, des finances et de la relance et à la société à responsabilité limitée ADI.
Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Ouest.
Délibéré après l’audience du 19 novembre 2020 à laquelle siégeaient :
M. Éric Rey-Bèthbéder, président,
Mme B…, présidente-assesseure,
M. Manuel Bourgeois, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 17 décembre 2020.
Le président de chambre,
Éric Rey-Bèthbéder
La République mande et ordonne au ministre de l’économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution du présent arrêt.
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N° 18BX01562