Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU
NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A… E… a demandé au tribunal administratif de Toulouse de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d’impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre des années 2011 à 2013.
Par un jugement n° 1603453 du 2 mai 2018, le tribunal administratif de Toulouse a prononcé un non-lieu à statuer à hauteur des dégrèvements prononcés en cours d’instance de 4 966 euros au titre de l’année 2011, 9 155 euros au titre de l’année 2012 et 1 875 euros au titre de l’année 2013 et a rejeté le surplus de la demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 2 juillet 2018, régularisée le 26 juillet 2018, M. E…, représenté par Me C…, demande à la cour :
1°) de réformer ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 2 mai 2018 ;
2°) de prononcer la décharge des impositions restant en litige ;
3°) de mettre à la charge de l’État la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
– la réintégration des charges d’honoraires au résultat imposable de la SCI et, par suite, la distribution effectuée à son nom, ne sont pas fondées, dès lors que ces charges, justifiées dans leur principe et dans leur montant, ont été engagées dans l’intérêt de la société ; il en est ainsi de la facture établie le 22 décembre 2011 par le cabinet d’avocats E… de 77 419,31 euros HT, de la facture du même cabinet en date du 19 décembre 2012 d’un montant de 142 976,59 euros HT justifiée par les prestations d’assistance de gestion fournies, et de la facture du 30 décembre 2013 concernant l’étude par le cabinet E… de la prise de participation dans la SARL Baget ;
– les rehaussements opérés à raison de la renonciation à loyers pour l’immeuble situé 11 avenue du général Leclerc à Perpignan sont irréguliers, au motif que les produits correspondant ont été dûment comptabilisés pour la détermination du résultat imposable ressortant de déclarations rectificatives souscrites par la SCI en février 2015 ;
– le service ne motive pas les raisons pour lesquelles les factures ne justifient pas l’existence de prestations engagées dans l’intérêt de l’entreprise, ce qui justifie la décharge de la majoration, le manquement délibéré sanctionné n’étant pas caractérisé.
Par un mémoire en défense, enregistré le 1er février 2019, le ministre de l’action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. E… ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 28 octobre 2019, la clôture d’instruction a été fixée au 22 novembre 2019 à 12 heures.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
– le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
– le code de justice administrative et l’ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.
Ont été entendus au cours de l’audience publique :
– le rapport de Mme F… G…,
– les conclusions de M. Nicolas Normand, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La société civile immobilière ESA qui a pour activité toutes opérations de promotions immobilières, de construction vente, de rénovation d’immeubles, de viabilisation et de lotissement a fait l’objet d’une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2013, en matière d’impôt sur les sociétés, étendue jusqu’au 31 août 2014 en matière de taxe sur la valeur ajoutée. Une première proposition de rectification a été adressée à M. E…, en sa qualité d’associé de la SCI le 18 décembre 2014, l’informant des conséquences sur son imposition personnelle à l’impôt sur le revenu et aux contributions sociales dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers en tant que revenus distribués, sur le fondement du 1° de l’article 109-1 du code général des impôts, des constatations opérées à l’occasion de la vérification de comptabilité de la SCI au titre de l’exercice 2011. Une proposition de rectification modificative en date du 16 février 2015 lui a été notifiée compte tenu du dépôt par la SCI le 29 décembre 2014 d’une déclaration rectificative afférente à l’exercice 2011 emportant substitution de base du 2° de l’article 109-1 du code général des impôts au lieu et place du 1° de cet article. Enfin, par une troisième proposition de rectification du 5 mars 2015, M. E… a été informé des conséquences sur son imposition personnelle dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, en tant que revenus distribués, sur le fondement du 1° de l’article 109-1 du code général des impôts, des constatations opérées à l’occasion de la vérification de comptabilité de la SCI relative aux années 2012 et 2013. M. E… relève appel du jugement du tribunal administratif de Toulouse qui, après avoir prononcé un non-lieu à statuer à hauteur des dégrèvements prononcés en cours d’instance, a rejeté le surplus de ses demandes qui tendaient à la décharge des suppléments d’impôt sur le revenu trouvant leur origine dans le contrôle précité.
Sur le bien-fondé des impositions :
En ce qui concerne la charge de la preuve :
2. Aux termes du premier alinéa de l’article R. 194-1 du livre des procédures fiscales : » Lorsque, ayant donné son accord à la rectification ou s’étant abstenu de répondre dans le délai légal à la proposition de rectification, le contribuable présente cependant une réclamation faisant suite à une procédure contradictoire de rectification, il peut obtenir la décharge ou la réduction de l’imposition, en démontrant son caractère exagéré « .
3. Il est constant que M. E… s’est abstenu de répondre dans le délai légal à la proposition de rectification du 5 mars 2015 relative aux rehaussements des années 2012 et 2013. Par suite, en application des dispositions précitées, il ne peut obtenir la décharge des impositions au titre des années 2012 et 2013 qu’en apportant la preuve de l’exagération des bases d’imposition retenues par l’administration.
En ce qui concerne les rehaussements en matière de revenus de capitaux mobiliers à la suite de la vérification de la comptabilité de la SCI ESA :
4. Aux termes de l’article 109 du code général des impôts : » 1. Sont considérés comme revenus distribués : 1° Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital / 2º Toutes les sommes ou valeurs mises à la disposition des associés, actionnaires ou porteurs de parts et non prélevées sur les bénéfices (…). « . Ces dispositions font obligation à l’administration, lorsqu’elle estime devoir imposer un associé qui n’a pas accepté, même tacitement, le redressement de son imposition à l’impôt sur le revenu, d’apporter la preuve que celui-ci a eu la disposition des sommes ou valeurs qu’elle entend imposer au nom de celui-ci. Toutefois, les sommes inscrites au crédit d’un compte courant d’associé ont, sauf preuve contraire apportée par l’associé titulaire du compte, le caractère de revenus distribués et doivent être regardées comme mises à sa disposition au titre de l’année au cours de laquelle elles ont fait l’objet d’une inscription en compte courant.
5. Au cours de la vérification de comptabilité de la SCI ESA, le service a constaté la comptabilisation de charges d’honoraires d’un montant de 77 419,31 euros HT au titre de l’exercice 2011, de 142 976,59 euros HT au titre de l’exercice 2012 et de 24 665 euros HT au titre de l’exercice 2013.
6. En premier lieu, il est constant que la facture présentée à l’appui de la charge comptabilisée dans les écritures de la SCI ESA émise le 22 décembre 2011 a été créditée non à un poste fournisseur mais au compte courant de M. E…. Ainsi, une somme de 92 593 euros TTC (77 419 euros HT) a été portée au crédit de ce compte courant détenu par M. E… dans les écritures de la SCI ESA, ledit crédit compensant le montant du solde débiteur présenté sur ce compte. Pour justifier l’existence de cette charge, M. E… soutient que le fonctionnement de la SCI constituée avec une logique dite » foncière » nécessite qu’elle s’adjoigne les conseils d’un avocat spécialisé, associé de la société, ce qui lui permet de ne régler les factures de son prestataire de service que lorsqu’elle dispose de la trésorerie pour les acquitter. Il a présenté une convention d’honoraires complémentaires en date du 17 février 2006 et soutient que la facture du cabinet d’avocats du 22 décembre 2011 est relative à un honoraire de résultat convenu le 17 février 2006, facturé à l’issue de la procédure judiciaire de déplafonnement du loyer du locataire de la filiale de la SCI du 28 allées Jean Jaurès qui a permis à la SCI ESA d’obtenir le financement de l’acquisition de l’immeuble situé quai Vauban à Perpignan. Toutefois, d’une part, M. E… n’explique pas l’émission tardive de cette facture le 22 décembre 2011 alors que la perception des loyers issue de la procédure est intervenue en novembre 2009. En outre, la circonstance qu’une partie des détenteurs du capital de la filiale auraient été opposés au principe de la convention d’honoraires complémentaire du 17 février 2006, établie entre la SCI ESA et le cabinet d’avocats, ne justifie pas la prise en charge de cette facture par la SCI ESA qui ne justifie pas de l’intérêt de cette prestation en l’absence de démonstration d’un lien entre le gain financier résultant de cette procédure de déplafonnement et l’investissement de l’immeuble situé quai Vauban en 2010. Par ailleurs, la SCI ESA dont l’écriture comptable a eu pour effet de solder le compte courant d’associé débiteur de M. E… n’a fourni aucune cession de créances du cabinet d’avocats au profit de M. E… qui lui aurait permis de régler cette facture par inscription d’un crédit d’égal montant sur son compte courant d’associé.
7. En deuxième lieu, à l’appui de la charge comptabilisée au titre de l’exercice 2012, la SCI a présenté une facture datée du 19 décembre 2012, émise par le cabinet E… ainsi qu’une convention d’honoraires datée du 17 janvier 2012, signée par M. E… pour le cabinet d’avocats et par Mme B… E… pour la SCI ESA. L’appelant soutient que cette facture, contestée pour 155 000 euros TTC, recouvre des commissions sur la vente de plusieurs biens immobiliers, la facturation de plusieurs interventions et la gestion du dossier de Salses-le-Château. Toutefois aucune des pièces produites dépourvues de date, de signature ou de lien avec l’objet facturé, n’est de nature à établir la réalité des prestations facturées. Par suite, l’appelant n’établit pas que la facture établie par son cabinet d’avocats correspondrait à des services effectivement rendus dans l’intérêt de la SCI ESA. Au demeurant, M. E… a reconnu que la somme de 155 000 euros versée par la SCI ESA, comptabilisée en tant que règlement de la facture émise par le cabinet d’avocats E… au débit du poste collectif fournisseur, n’a pas été versée à la SCI ESA mais utilisée afin de solder un crédit court terme qu’il avait contracté en son nom personnel.
8. En troisième lieu, l’appelant soutient que la facture de 24 665 euros HT, établie le 30 décembre 2013 par le cabinet E…, a pour objet d’étudier une prise de participation dans la SARL Baget pour la réalisation d’un projet de lotissement. Il ajoute en appel que si son entrée au capital de ladite SARL n’est intervenue que le 22 janvier 2015 et que les pièces émanant de l’architecte du projet font référence à des prestations réalisées en 2007 et en 2008, c’est au motif que le permis a fait l’objet d’un refus et que le projet a été réorienté en 2014 vers une prise de participation de la SCI ESA dans la SARL Baget avec un simple projet d’aménagement qui a été réalisé en 2016, la SARL Baget intervenant en qualité de maître d’oeuvre. Toutefois, l’examen des documents produits montre que les courriers de l’architecte concernent la conception d’un lotissement à Rabastens (Tarn) sur les parcelles Kl244 et Kl242, alors que la déclaration d’intention et le projet Urbactis du 18 juin 2015 concernent un projet immobilier différent sur les parcelles AE59 et AE62. En outre, ces prestations ne peuvent avoir été engagées dans l’intérêt de la SCI ESA qui n’est devenue associée de la SARL Baget que le 20 août 2018. S’agissant du solde de la facture correspondant à l’intervention du cabinet d’avocats dans le contentieux opposant la SCI à M. D…, l’appelant ne produit pas d’élément justifiant de la facturation de prestations par le cabinet d’avocats. Ainsi, l’appelant n’établit pas davantage en appel que les prestations facturées auraient été réalisées dans l’intérêt de la SCI ESA. Au demeurant, la facture émise par le cabinet d’avocats E… a été créditée au compte-courant individuel de M. E… et non à un poste fournisseur, sans que ce dernier ne produise aucun élément susceptible de justifier d’écarter la présomption de distribution.
En ce qui concerne les loyers non comptabilisés par la SCI ESA :
9. M. E… reprend en appel, sans l’assortir d’éléments nouveaux ni de critiques utiles du jugement, le moyen tiré de ce que les déclarations rectificatives déposées par la SCI ESA comptabilisent en produits les loyers de l’immeuble situé au 11 avenue du général Leclerc à Perpignan. Il y a lieu d’écarter ce moyen par adoption des motifs pertinents retenus par les premiers juges.
Sur les pénalités :
10. En premier lieu, l’appelant reprend en appel, sans l’assortir d’éléments nouveaux ni de critiques utiles du jugement, le moyen tiré de l’insuffisante motivation des pénalités. Il y a lieu d’écarter ce moyen par adoption des motifs pertinents retenus par les premiers juges.
11. En second lieu, aux termes de l’article 1729 du code général des impôts : » Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l’indication d’éléments à retenir pour l’assiette ou la liquidation de l’impôt ainsi que la restitution d’une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l’État entraînent l’application d’une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré (…) « .
12. Eu égard à l’ensemble des circonstances de l’espèce et notamment à sa position au sein de la société, M. E…, associé et nu-propriétaire des parts constituant le capital de la SCI, ne pouvait ignorer que les loyers qu’il devait à la société ESA, à raison des locaux occupés en tant que résidence principale, mis à sa disposition par cette dernière, n’étaient pas comptabilisés, qu’ils ne lui étaient pas réclamés et n’étaient pas acquittés par ses soins. Il ne pouvait davantage ignorer que la comptabilisation des factures émises par le cabinet d’avocats E… au titre des exercices 2011 et 2013 n’avait pas vocation à impacter le solde de son compte courant en neutralisant la dette dont il était redevable envers la société à la date des écritures en cause, ni avoir appréhendé au titre de 2012 des fonds sociaux affectés, tel qu’il l’a reconnu, au règlement d’un emprunt souscrit à titre personnel pour l’acquisition d’un bien immobilier. Eu égard à la nature de ces manquements, à leur nombre et à leur répétition, l’administration a démontré l’intention délibérée de M. E… de minorer les impôts dus et a dès lors à bon droit appliqué la majoration de 40 % pour manquement délibéré prévue par les dispositions précitées de l’article 1729 du code général des impôts.
13. Il résulte de tout ce qui précède que M. E… n’est pas fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté le surplus de sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu’être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. E… est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A… E… et au ministre de l’action et des comptes publics.
Copie en sera adressée au directeur du contrôle fiscal Sud-Ouest.
Délibéré après l’audience du 18 juin 2020 à laquelle siégeaient :
M. Éric Rey-Bèthbéder, président,
Mme H…, présidente-assesseure,
Mme F… G…, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 9 juillet 2020.
Le président,
Éric Rey-Bèthbéder
La République mande et ordonne au ministre de l’action et des comptes publics en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution du présent arrêt.
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N° 18BX02578