CAA de BORDEAUX, 7ème chambre (formation à 3), 05/05/2022, 20BX00781, Inédit au recueil Lebon

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CAA de BORDEAUX, 7ème chambre (formation à 3), 05/05/2022, 20BX00781, Inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE

AU
NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L’entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL) Château Saint Jean d’Angle a demandé au tribunal administratif de Poitiers de prononcer la décharge du complément de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamé au titre de la période du 1er février 2012 au 31 janvier 2015.

Par un jugement n° 1802267 du 19 novembre 2019, le tribunal administratif de Poitiers a déchargé l’EURL Château Saint Jean d’Angle du complément de taxe sur la valeur ajoutée précité.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 3 mars 2020, le ministre de l’économie, des finances et de la relance demande à la cour :

1°) d’annuler ce jugement du tribunal administratif de Poitiers du 19 novembre 2019;

2°) de rétablir l’EURL Château Saint Jean d’Angle au complément de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamé au titre de la période du 1er février 2012 au 31 janvier 2015 pour un montant de 47 012 euros.

Il soutient que contrairement à ce qu’a jugé le tribunal, le bénéfice du régime de la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge prévu par l’article 268 du code général des impôts est subordonné à l’existence d’une identité juridique entre l’immeuble acquis et celui revendu ; en l’espèce, les terrains à bâtir revendus ont été acquis comme terrains d’assiette d’immeubles bâtis, de sorte que l’identité entre bien acquis et bien revendu n’est pas vérifiée.

Par un mémoire en défense, enregistré le 18 mars 2022, qui n’a pas été communiqué, l’EURL Château Saint Jean d’Angle, représentée par Me Dunyach, conclut au rejet de la requête et à ce qu’une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de l’État sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

– la directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006 ;

– le code général des impôts ;

– le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

– le rapport de M. Rey-Bèthbéder, président-rapporteur,

– les conclusions de Mme Florence Madelaigue, rapporteure publique,

– et les observations de Me Girardin, représentant l’EURL Château Saint Jean d’Angle.

Considérant ce qui suit :

1. L’EURL Château Saint Jean d’Angle, qui exerce une activité de marchand de biens, a fait l’objet d’une vérification de comptabilité à l’issue de laquelle le service l’a informée, par une proposition de rectification du 21 juillet 2015, de son intention de remettre en cause l’application du régime de la marge prévu par l’article 268 du code général des impôts à quatre opérations de cessions de terrains à bâtir réalisées entre le 1er février 2012 et le 31 janvier 2015.

2. Le ministre de l’économie, des finances et de la relance relève appel du jugement du 19 novembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a déchargé l’EURL Château Saint Jean d’Angle du complément de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamé au titre de la période du 1er février 2012 au 31 janvier 2015 et qui trouve son origine dans le contrôle précité.

3. Le I de l’article 257 du code général des impôts dans sa rédaction applicable, issue de l’article 16 de la loi du 9 mars 2010 de finances rectificative pour 2010, prévoit que les opérations concourant à la production ou à la livraison d’immeubles, lesquelles comprennent les livraisons à titre onéreux de terrains à bâtir, sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée. En vertu du 2 du b de l’article 266 du même code, l’assiette de la taxe est en principe constituée par le prix de cession.

4. L’article 392 de la directive du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée dispose toutefois que :  » Les États membres peuvent prévoir que, pour les livraisons de bâtiments et de terrains à bâtir achetés en vue de la revente par un assujetti qui n’a pas eu droit à déduction à l’occasion de l’acquisition, la base d’imposition est constituée par la différence entre le prix de vente et le prix d’achat « . L’article 268 du code général des impôts, pris pour la transposition de ces dispositions, prévoit, dans sa rédaction également issue de l’article 16 de la loi du 9 mars 2010 de finances rectificative pour 2010, que :  » S’agissant de la livraison d’un terrain à bâtir (…), si l’acquisition par le cédant n’a pas ouvert droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée, la base d’imposition est constituée par la différence entre : / 1° D’une part, le prix exprimé et les charges qui s’y ajoutent ; / 2° D’autre part, selon le cas : / – soit les sommes que le cédant a versées, à quelque titre que ce soit, pour l’acquisition du terrain(…); / – soit la valeur nominale des actions ou parts reçues en contrepartie des apports en nature qu’il a effectué « .

5. Il résulte de ces dernières dispositions, lues à la lumière de celles de la directive dont elles ont pour objet d’assurer la transposition, que les règles de calcul dérogatoires de la taxe sur la valeur ajoutée qu’elles prévoient s’appliquent aux opérations de cession de terrains à bâtir qui ont été acquis en vue de leur revente et ne s’appliquent donc pas à une cession de terrains à bâtir qui, lors de leur acquisition, avaient le caractère d’un terrain bâti, notamment quand le bâtiment qui y était édifié a fait l’objet d’une démolition de la part de l’acheteur-revendeur ou quand le bien acquis a fait l’objet d’une division parcellaire en vue d’en céder séparément des parties ne constituant pas le terrain d’assiette du bâtiment.

6. Il résulte de l’instruction que l’intimée a, au cours de la période d’imposition litigieuse, cédé quatre terrains à bâtir et soumis ces cessions à la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge, régime dont l’application a été remise en cause par le service ainsi qu’indiqué au point 1. Cependant, dans la mesure où les terrains acquis par la société intimée supportaient une construction, ils revêtaient le caractère de terrains bâtis et, en conséquence et ainsi qu’il a été dit au point 5, les cessions, après division parcellaire, de parties non bâties provenant de ces terrains ne pouvaient ouvrir droit au régime prévu par les dispositions précitées de l’article 268 du code général des impôts, contrairement à ce qu’a jugé le tribunal.

7. Si l’intimée invoque, en se prévalant de la garantie offerte aux contribuables par l’article L. 80 A du livre des procédures fiscales, une réponse ministérielle n° 42486 du 1er février 2022, ce document, postérieur à la période d’imposition en litige, ne saurait utilement être opposé à l’administration. Du reste, les commentaires de l’administration maintenus en vigueur, selon cette réponse, eux-mêmes d’ailleurs postérieurs à la période d’imposition litigieuse, ne donnent pas de la loi une interprétation différente de celle exposée au point 5 du présent arrêt.

8. Il résulte de ce qui précède que le ministre de l’économie, des finances et de la relance est fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a accordé à l’EURL Château Saint Jean d’Angle la décharge du complément de taxe sur la valeur ajoutée litigieux. Par voie de conséquence, les conclusions de l’EURL Château Saint Jean d’Angle relatives à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu’être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Poitiers du 19 novembre 2019 est annulé.

Article 2 : La taxe sur la valeur ajoutée réclamée à l’EURL Château Saint Jean d’Angle au titre de la période du 1er février 2012 au 31 janvier 2015 est remise à la charge de cette dernière, ainsi que les pénalités correspondantes.

Article 3 : Les conclusions de l’EURL Château Saint Jean d’Angle relatives à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l’économie, des finances et de la relance et à l’EURL Château Saint Jean d’Angle.

Une copie en sera transmise à la direction de contrôle fiscal Sud-Ouest.

Délibéré après l’audience du 24 mars 2022 à laquelle siégeaient :

M. Éric Rey-Bèthbéder, président,

Mme Frédérique Munoz-Pauziès, présidente-assesseure,

Mme Florence Rey-Gabriac, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 5 mai 2022.

La présidente-assesseure,

Frédérique Munoz-PauzièsLe président-rapporteur,

Éric Rey-Bèthbéder

La greffière,

Angélique Bonkoungou

La République mande et ordonne au ministre de l’économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution du présent arrêt.

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N° 20BX00781


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