CAA de BORDEAUX, 5ème chambre – formation à 3, 06/03/2018, 16BX02079, 16BX02128, Inédit au recueil Lebon

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CAA de BORDEAUX, 5ème chambre – formation à 3, 06/03/2018, 16BX02079, 16BX02128, Inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE

AU
NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L’association solinoise de protection de l’environnement et M. B…ont demandé au tribunal administratif de Poitiers d’annuler la décision du 19 mai 2014 par laquelle le préfet de la Charente-Maritime a enregistré les installations de méthanisation et de combustion de la société Méthadoux Energies sur le territoire de la commune de Sainte-Soulle.

Par un jugement n° 1501241 du 28 avril 2016, le tribunal administratif de Poitiers a annulé la décision préfectorale du 19 mai 2014.

Procédure devant la cour :

I – Par une requête, enregistrée le 27 juin 2016 sous le n° 16BX02079 et un mémoire complémentaire du 19 avril 2017, la société Méthadoux Energies, représentée par la Selarl Huglo Lepage et Associés, demande à la cour :

1°) d’annuler ce jugement du tribunal administratif de Poitiers du 19 mai 2014 ;

2°) de mettre à la charge de l’association solinoise de protection de l’environnement et de M. B…la somme de 8 000 euros au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient, en ce qui concerne la régularité du jugement attaqué, que :

– le tribunal n’a pas exposé les raisons pour lesquelles il déduisait des articles L. 512-7-3 et R. 512-46-4 du code de l’environnement que le pétitionnaire est tenu de fournir des indications précises et étayées sur ses capacités techniques et financières, et notamment justifier de telles capacités en propre ou fournies par des tiers de manière suffisamment certaine ; il en résulte un défaut de motivation du jugement attaqué qui l’entache d’irrégularité.

Elle soutient, en ce qui concerne le bien-fondé du jugement attaqué, que :

– en application de l’article L. 512-7-3 du code de l’environnement, le préfet ne peut prendre un arrêté d’enregistrement que si le demandeur a justifié qu’il possède les capacités techniques et financières pour assurer l’exploitation de l’installation et la remise en état du site après son arrêt définitif ; c’est à tort que le tribunal a jugé que la capacité financière de la société Méthadoux Energies n’était pas établie pour annuler l’arrêté du 19 mai 2014 alors que dès son dossier de demande, la société Méthadoux Energies consacrait une section entière à cette question ; ce dossier a été jugé régulier et complet par les services instructeurs ;

– même si le dossier devait être regardé comme lacunaire sur ce point, la société pouvait produire l’ensemble des éléments attestant de ses capacités techniques et financière au cours de l’instance ; il appartient au juge administratif de tenir compte de l’évolution du contexte législatif et réglementaire régissant la démonstration par un exploitant d’une installation classée pour la protection de l’environnement de ses capacités financières à assumer un projet ; en effet, la législation a évolué de façon à permettre au pétitionnaire de disposer du financement au moment de la mise en service de l’installation classée et ce en application de la loi n° 2014-1 du 2 janvier 2014 et du nouvel article R. 181-14 du code de l’environnement ; il convient ainsi de considérer les capacités techniques et financières du demandeur non pas au moment où il dépose sa demande mais au moment où l’installation entrera en activité ; cette évolution est confirmée par les dispositions de l’article L. 512-7-3 du code de l’environnement issues de l’ordonnance n° 2017-80 du 26 janvier 2017, qui impose au préfet de tenir compte des capacités techniques et financières que le pétitionnaire entend mettre en oeuvre pour son projet ;

– dans une note de mai 2012, le syndicat des énergies renouvelables a précisé que le demandeur peut prouver ses capacités en produisant notamment un plan de financement prévisionnel, un plan d’investissement, un document présentant le montage financier de l’opération, des documents à caractère patrimonial ou comptable prouvant la solvabilité de ses actionnaires ;

– l’appartenance à un groupe de sociétés peut permettre de caractériser la suffisance des capacités financières ; par ailleurs, une attestation bancaire émettant un avis favorable sur le projet permet aussi d’attester des capacités financières du pétitionnaire ;

– lors de sa constitution en juillet 2013, l’actionnariat de la société Méthadoux Energies était détenu à hauteur de 51 % du capital par la société Agrométhane 17, qui regroupe plusieurs exploitants agricoles concentrant leur action sur la production d’énergie verte, et à hauteur de 49 % du capital par la société Adelis, spécialisée dans les projets d’exploitation d’énergie renouvelable et filiale à 100 % de la société Idex, premier opérateur indépendant dans les domaine de la gestion de l’énergie ; puis 16 % du capital de la société Méthadoux Energies a été pris par la société Energie Partagée Investissement (EPI) qui constitue un outil financier d’investissement citoyen dans la production d’énergies renouvelables ; ensuite, 15 % du capital de la société Méthadoux Energies a été détenu par la société Adelis (groupe Idex) et 34 % par la société Bio Méthanisation Partenaires (BMP) ; ainsi, l’actionnariat de la société pétitionnaire s’est considérablement étoffé, témoignant de la confiance des différents acteurs dans son projet ; ces éléments attestent également de la solidité financière de la société Méthadoux Energies grâce à la robustesse financière de ses partenaires ;

– la société Méthadoux Energies a apporté tous les documents attestant de ses capacités financières ; elle a ainsi produit un plan prévisionnel des recettes et des coûts liés au fonctionnement de l’installation ; elle a été en mesure de chiffrer le montant des investissements nécessaires à la mise en place de l’installation ; le montage financier du projet a été présenté et il prévoit que son financement se fera sur fonds propres, au moyen de subventions et d’un emprunt bancaire ; les documents à caractère patrimonial et comptable ont aussi démontré la solidité financière des différents actionnaires de la société Méthadoux Energies ;

– la société Méthadoux Energies produit en appel de nouveaux éléments confirmant les conditions dans lesquelles son projet doit être financé (investissements sur fonds propres à hauteur de 20 % du coût du projet, subventions à hauteur de 20 % et prêt bancaire accordé à concurrence de 60 %) ;

– ces éléments constituent des engagements précis et fermes de financement qui sont suffisants, selon le Conseil d’Etat, pour admettre que le pétitionnaire dispose des capacités financières exigées (CE, 22 février 2016, n° 384821) ; toutefois, le Conseil d’Etat n’exige pas du demandeur qu’il produise la preuve de l’obtention d’un emprunt bancaire contrairement à ce qu’a jugé le tribunal administratif de Poitiers ;

– par ailleurs, le contenu du dossier de demande d’enregistrement n’était pas de nature à nuire à l’information du public ni à influencer le sens de la décision alors même que certains des éléments produits devant le tribunal n’y auraient pas figuré ; les capacités techniques et financières de la société Méthadoux Energies y sont décrites avec précision et n’ont pas été jugées insuffisantes par le préfet de la Charente-Maritime ; durant la consultation du public, les tiers n’ont pas émis des remarques sur les capacités techniques et financières du pétitionnaire ;

– l’enregistrement de l’installation auquel a procédé le préfet n’a pas méconnu les intérêts protégés par l’article L. 511-1 du code de l’environnement ; ainsi, le projet d’usine de méthanisation est situé en dehors des périmètres de protection rapprochée d’un captage d’eau destiné à la consommation humaine et à 300 mètres de la première habitation occupée par des tiers ; le projet est ainsi conforme aux exigences de l’article 6 de l’arrêté ministériel du 12 août 2010 relatif aux prescriptions générales applicables aux installations de méthanisation relevant de la rubrique n° 2781-1 ; les risques d’incendie et d’explosion que présente l’installation ont été identifiés dans le dossier de demande qui comporte toutes les dispositions à mettre en oeuvre pour éviter qu’ils ne se produisent ; les nuisances olfactives évoquées par les requérants de première instance sont très exagérées car dès lors que la méthanisation est un procédé qui se réalise en milieu fermé, il n’entraînera aucune diffusion d’odeurs à l’air libre ; le digestat résultant du processus de méthanisation doit être valorisé par épandage et non par compostage, seul ce dernier procédé pouvant engendrer la diffusion d’odeurs ; l’installation ne favorisera aucunement la prolifération de mouches contrairement aux allégations des requérants de première instance.

Par deux mémoires en défense, enregistrés le 27 mars 2017 et le 15 mai 2017, l’association solinoise de protection de l’environnement et M. A…B…, représentés par la SCP Pielberg-Kolenc, concluent au rejet de la requête et à ce qu’il soit mis à la charge de la société Méthadoux Energies le paiement à M. B…de la somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

– le jugement du tribunal n’est pas irrégulier dès lors qu’il ne pose aucune exigence nouvelle en ce qui concerne l’application des articles L. 512-7-3 et R. 512-46-4 du code de l’environnement qu’il lui appartenait de motiver spécifiquement ;

– il appartient au juge du plein contentieux des installations classées pour la protection de l’environnement d’apprécier le respect des règles de procédure régissant la demande d’enregistrement au regard des circonstances de fait et de droit en vigueur à la date de délivrance de l’enregistrement, étant précisé que les obligations relatives à la composition du dossier de demande d’autorisation d’une installation classée relèvent des règles de procédure ; à la date de l’arrêté attaqué, la société Méthadoux Energies n’avait pas produit de pièces démontrant qu’elle disposait des capacités financières pour mener à bien son projet ;

– il appartient en effet au pétitionnaire de fournir des indications précises et étayées sur ses capacités techniques et financières à l’appui de son dossier ; à ce titre, il doit justifier disposer de ces capacités en propre ou fournies par des tiers de manière suffisamment certaine ; conformément à cette exigence, le juge administratif est venu indiquer qu’il appartient au pétitionnaire de fournir des éléments probants démontrant que, si le financement doit se réaliser par des emprunts bancaires, il soit produit des engagements fermes d’un établissement financier ;

– en l’espèce, le financement du projet en litige s’élève à la somme de 6 027 000 euros alors qu’à aucun moment, la société Methadoux Energies n’a produit un engagement ferme d’un organisme financier ou bancaire lui garantissant qu’elle bénéficierait d’un emprunt ; elle s’est bornée à affirmer avoir mis en place un montage financier  » lorsque l’autorisation sera devenue définitive, pratique courante pour ce genre de projet  » ; une telle affirmation n’est pas probante pour le juge administratif (CE, 22 février 2016, n° 384821) ; de plus, il ressortait du dossier d’enregistrement et des pièces produites en cours d’instance que la société Méthadoux Energies ne disposait pas du capital lui permettant de financer la totalité du projet ; il a en outre été établi que le montant des travaux n’est plus estimé à 6 027 000 euros mais à 7 500 000 euros ; si de nouveaux associés sont entrés au capital de la société Methadoux, celui-ci s’élève toujours à la somme de 30 000 euros ; il n’est absolument pas justifié du financement par emprunt autrement que par la production d’un acte sans portée juridique qui ne constitue pas un engagement ferme d’un établissement financier ;

– par ailleurs, la société Methadoux Energies ne peut soutenir que l’absence au sein du dossier de demande d’enregistrement des nombreuses pièces qu’elle a été amenée à produire devant le tribunal était insusceptible de nuire à l’information du public ou d’influencer le sens de la décision préfectorale ; en effet, en application des articles L. 512-7-3 et R. 512-46-4 du code de l’environnement, une demande d’enregistrement doit comporter toutes les informations utiles sur les capacités techniques et financières de l’exploitant afin qu’il soit établi non seulement qu’il pourra exploiter l’installation dans des conditions de fonctionnement compatibles avec la protection de l’environnement et la sécurité des personnes, mais encore qu’en fin d’exploitation, il sera en capacité de procéder à la remise en état du site ;

– en l’espèce, le dossier de demande initial présenté par la société Methadoux Energies ne comportait qu’une description très théorique du financement à intervenir ; les éléments qui ont été produits aux débats devant le tribunal puis la cour par la société Methadoux sont constitués de documents qui n’ont jamais été produits ou mis à la disposition du public lorsque celui-ci a eu à faire connaître ses observations sur ledit projet ; le public n’a ainsi disposé d’aucune information sur l’investissement impliqué par la création de l’installation de méthanisation, ses frais de fonctionnement, le coût d’une éventuelle remise en état ; aucun plan de financement n’a été fourni, permettant de savoir quel moyen d’investissement global serait pris en charge ; le fait qu’aucune personne sur les 70 qui ont présenté des observations sur le projet n’aient discuté des capacités financières de la société Methadoux Energies tend à démontrer que le public n’a pu s’interroger sur les capacités financières de cette dernière ;

– sur le fond, la décision d’enregistrement a été prise en méconnaissance de l’article L. 511-1 du code de l’environnement en vertu duquel une installation classée pour la protection de l’environnement ne peut être autorisée à fonctionner à l’occasion de la délivrance d’un enregistrement que s’il est établi qu’elle n’est pas de nature à porter une atteinte grave en terme de danger ou d’inconvénient à l’environnement ou bien à la commodité du voisinage ;

– le projet de la société Methadoux Energies consiste à créer une unité de méthanisation sur un terrain situé à proximité d’entreprises déjà en activité, ainsi que dans les environs immédiats de la zone urbanisée du Saut-la-Ragenaud dont les premières maisons d’habitation sont situées à trois cent mètres dudit projet ; cette unité de méthanisation sera amenée à traiter 18 249 tonnes par an de matières végétales brutes, d’effluents d’élevages et autres matières et déchets végétaux, d’industries agroalimentaires ; ces effluents et déchets entraînent la création de  » digestats  » solides ou liquides destinés à l’épandage agricole ; le processus de méthanisation implique la création de méthane, un gaz hautement inflammable et malodorant, à partir de la macération des déchets ; ainsi, le projet d’unité de méthanisation présente des risques d’explosion et d’incendie, génère des problèmes olfactifs et de salubrité générés qui auraient dû conduire le préfet à refuser l’enregistrement de la demande de la société Méthadoux Energies.

Par ordonnance du 3 avril 2017, la clôture d’instruction a été fixée au 15 mai 2017 à 12 heures.

L’association solinoise de protection de l’environnement a été admise à l’aide juridictionnelle totale par une décision du 20 octobre 2016.

II – Par un recours, enregistré le 29 juin 2016 sous le n° 16BX02128 et des mémoires complémentaires, présentés le 2 août 2016 et le 29 août 2017, le ministre de l’environnement, de l’énergie et de la mer demande à la cour d’annuler le jugement n° 1501241 du tribunal administratif de Poitiers du 28 avril 2016.

Il soutient, en ce qui concerne la régularité du jugement attaqué, que :

– en annulant l’arrêté préfectoral du 19 mai 2014, les premiers juges ont statué ultra petita dès lors que les demandeurs de première instance ont seulement entendu soulever un moyen tiré de l’insuffisance du dossier de demande d’enregistrement concernant les capacités techniques et financières du pétitionnaire ; le moyen contestait ainsi la légalité externe de la décision préfectorale ; or, le tribunal a jugé que la société Méthadoux Energies ne disposait pas des capacités techniques et financières pour exploiter l’installation et pour remettre le site en état lors de son arrêt définitif alors qu’un tel moyen n’était pas soulevé devant eux ;

– le jugement est insuffisamment motivé car il ne permet pas de savoir si le tribunal a entendu sanctionner l’insuffisance des capacités financières de la société au titre de la légalité externe (article L. 512-7-3 du code de l’environnement) ou au titre de la légalité interne (article R. 512-46-4 du même code).

Il soutient, en ce qui concerne le bien-fondé du jugement attaqué, que :

– il convient de considérer les capacités techniques et financières du demandeur non pas au moment où il dépose sa demande mais au moment où l’installation entrera en activité en application des dispositions de l’article L. 512-7-3 du code de l’environnement, issues de l’ordonnance n° 2017-80 du 26 janvier 2017, qui imposent au préfet de tenir compte des capacités techniques et financières que le pétitionnaire entend mettre en oeuvre pour son projet ;

– l’appréciation rigoureuse des capacités financières du pétitionnaire telle qu’elle résulte de la décision du Conseil du 22 février 2016 (n° 384821) invoquée par les demandeurs de première instance ne saurait trouver application en l’espèce dès lors qu’elle s’applique à une installation classée pour la protection de l’environnement soumise à autorisation ; en l’espèce, le projet de la société Méthadoux Energies est soumis à la formalité de l’enregistrement, laquelle porte sur des activités dont les enjeux environnementaux et les risques connus sont mieux maîtrisés ;

– en tout état de cause, la société Méthadoux Energies justifiait des capacités financières lui permettant de mener à bien son projet ; son dossier de demande exposait le résultat d’exploitation prévisionnel, qui était positif, et comportait les éléments permettant d’apprécier la capacité financière de ses actionnaires ; les autres éléments que la société a présentés devant le tribunal administratif et la cour administrative d’appel sont venus confirmer qu’elle disposait des capacités financières nécessaires à la réalisation de l’usine de méthanisation ( » business plan « , pacte d’associé du 4 mai 2015, engagements en vue de l’octroi de subventions et offre de financement bancaire) ; de plus, les producteurs de biométhane bénéficient d’un tarif d’achat réglementé et de débouchés certains ;

– c’est à tort que le tribunal a recherché si le pétitionnaire avait la capacité financière nécessaire à la remise en état du site dans l’hypothèse où elle cesserait son activité avant le délai de treize ans correspondant au remboursement de son emprunt bancaire ; une telle exigence ne découle en effet d’aucun texte ; les capacités financières doivent être appréciées globalement, elles sont censées couvrir tous les risques sans que le pétitionnaire soit tenu de préciser les garanties qu’il entend mobiliser pour chaque cas de figure ;

– si le tribunal est regardé comme s’étant fondé sur un motif de légalité externe pour annuler l’arrêté préfectoral du 19 mai 2014, il a commis une erreur de droit en ne recherchant pas si les insuffisances de la demande d’enregistrement, à les supposer établies, ont nui à l’information complète du public ou ont exercé une influence sur le sens de la décision prise ;

– il appartiendra à la cour, dans le cadre de l’effet dévolutif de l’appel, d’écarter les autres moyens soulevés par les demandeurs de première instance au regard des moyens de défense exposés par le préfet devant le tribunal.

Par un mémoire en défense, présenté le 25 juillet 2017, l’association solinoise de protection de l’environnement et M.B…, représentés par la SCP Pielberg-Kolenc, concluent au rejet de la requête et à ce qu’il soit mis à la charge de l’Etat le paiement à M. B…de la somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

– le jugement du tribunal n’est pas irrégulier car le tribunal s’est régulièrement prononcé sur le moyen tiré de la méconnaissance de l’article L. 512-7-3 du code de l’environnement qui était expressément soulevé devant lui ; et le tribunal a recherché, comme il devait le faire, non seulement si le dossier de demande comportait les justifications des capacités financières de la société mais encore si celles-ci ressortaient des pièces qui lui étaient soumises ;

– il appartient au juge du plein contentieux des installations classées pour la protection de l’environnement d’apprécier le respect des règles de procédure régissant la demande d’enregistrement au regard des circonstances de fait et de droit en vigueur à la date de délivrance de l’enregistrement, étant précisé que les obligations relatives à la composition du dossier de demande d’autorisation d’une installation classée relèvent des règles de procédure ; à la date de l’arrêté attaqué, la société Méthadoux Energies n’avait pas produit de pièces démontrant qu’elle disposait des capacités financières pour mener à bien son projet ;

– il appartient en effet au pétitionnaire de fournir des indications précises et étayées sur ses capacités techniques et financières à l’appui de son dossier ; à ce titre, il doit justifier disposer de ces capacités en propre ou fournies par des tiers de manière suffisamment certaine ; conformément à cette exigence, le juge administratif est venu indiquer qu’il appartient au pétitionnaire de fournir des éléments probants démontrant que, si le financement doit se réaliser par des emprunts bancaires, il soit produit des engagements fermes d’un établissement financier ;

– en l’espèce, le financement du projet en litige s’élève à la somme de 6 027 000 euros alors qu’à aucun moment, la société Methadoux Energies n’a produit un engagement ferme d’un organisme financier ou bancaire lui garantissant qu’elle bénéficierait d’un emprunt ; elle s’est bornée à affirmer avoir mis en place un montage financier  » lorsque l’autorisation sera devenue définitive, pratique courante pour ce genre de projet  » ; une telle affirmation n’est pas probante pour le juge administratif (CE, 22 février 2016, n° 384821) ; de plus, il ressortait du dossier d’enregistrement et des pièces produites en cours d’instance que la société Méthadoux Energies ne disposait pas du capital lui permettant de financer la totalité du projet ; il a en outre été établi que le montant des travaux n’est plus estimé à 6 027 000 euros mais à 7 500 000 euros ; si de nouveaux associés sont entrés au capital de la société Methadoux, celui-ci s’élève toujours à la somme de 30 000 euros ; il n’est absolument pas justifié du financement par emprunt autrement que par la production d’un acte sans portée juridique qui ne constitue pas un engagement ferme d’un établissement financier ;

– par ailleurs, la société Methadoux Energies ne peut soutenir que l’absence au sein du dossier de demande d’enregistrement des nombreuses pièces qu’elle a été amenée à produire devant le tribunal était insusceptible de nuire à l’information du public ou d’influencer le sens de la décision préfectorale ; en effet, en application des articles L. 512-7-3 et R. 512-46-4 du code de l’environnement, une demande d’enregistrement doit comporter toutes les informations utiles sur les capacités techniques et financières de l’exploitant afin qu’il soit établi non seulement qu’il pourra exploiter l’installation dans des conditions de fonctionnement compatibles avec la protection de l’environnement et la sécurité des personnes, mais encore qu’en fin d’exploitation, il sera en capacité de procéder à la remise en état du site ;

– en l’espèce, le dossier de demande initial présenté par la société Methadoux Energies ne comportait qu’une description très théorique du financement à intervenir ; les éléments qui ont été produits aux débats devant le tribunal puis la cour par la société Methadoux sont constitués de documents qui n’ont jamais été produits ou mis à la disposition du public lorsque celui-ci a eu à faire connaître ses observations sur ledit projet ; le public n’a ainsi disposé d’aucune information sur l’investissement impliqué par la création de l’installation de méthanisation, ses frais de fonctionnement, le coût d’une éventuelle remise en état ; aucun plan de financement n’a été fourni, permettant de savoir quel moyen d’investissement global serait pris en charge ; le fait qu’aucune personne sur les 70 qui ont présenté des observations sur le projet n’aient discuté des capacités financières de la société Methadoux Energies tend à démontrer que le public n’a pu s’interroger sur les capacités financières de cette dernière ;

– sur le fond, la décision d’enregistrement a été prise en méconnaissance de l’article L. 511-1 du code de l’environnement en vertu duquel une installation classée pour la protection de l’environnement ne peut être autorisée à fonctionner à l’occasion de la délivrance d’un enregistrement que s’il est établi qu’elle n’est pas de nature à porter une atteinte grave en terme de danger ou d’inconvénient à l’environnement ou bien à la commodité du voisinage ;

– le projet de la société Methadoux Energies consiste à créer une unité de méthanisation sur un terrain situé à proximité d’entreprises déjà en activité, ainsi que dans les environs immédiats de la zone urbanisée du Saut-la-Ragenaud dont les premières maisons d’habitation sont situées à trois cent mètres dudit projet ; cette unité de méthanisation sera amenée à traiter 18 249 tonnes par an de matières végétales brutes, d’effluents d’élevages et autres matières et déchets végétaux, d’industries agroalimentaires ; ces effluents et déchets entraînent la création de  » digestats  » solides ou liquides destinés à l’épandage agricole ; le processus de méthanisation implique la création de méthane, un gaz hautement inflammable et malodorant, à partir de la macération des déchets ; ainsi, le projet d’unité de méthanisation présente des risques d’explosion et d’incendie, génère des problèmes olfactifs et de salubrité générés qui auraient dû conduire le préfet à refuser l’enregistrement de la demande de la société Méthadoux Energies.

Par un mémoire en intervention, présenté le 28 août 2017, la société Méthadoux Energies, représentée par la Selarl Huglo Lepage et Associés, conclut à l’annulation du jugement attaqué et à la confirmation de l’arrêté préfectoral du 19 mai 2014.

Elle soutient, en ce qui concerne la régularité du jugement attaqué, que :

– le tribunal n’a pas exposé les raisons pour lesquelles il déduisait des articles L. 512-7-3 et R. 512-46-4 du code de l’environnement que le pétitionnaire est tenu de fournir des indications précises et étayées sur ses capacités techniques et financières, et notamment justifier de telles capacités en propre ou fournies par des tiers de manière suffisamment certaine ; il en résulte un défaut de motivation du jugement attaqué qui l’entache d’irrégularité ;

Elle soutient, en ce qui concerne le bien-fondé du jugement attaqué, que :

– en application de l’article L. 512-7-3 du code de l’environnement, le préfet ne peut prendre un arrêté d’enregistrement que si le demandeur a justifié qu’il possède les capacités techniques et financières pour assurer l’exploitation de l’installation et la remise en état du site après son arrêt définitif ; c’est à tort que le tribunal a jugé que la capacité financière de la société Méthadoux Energies n’était pas établie pour annuler l’arrêté du 19 mai 2014 alors que dès son dossier de demande, la société Méthadoux Energies consacrait une section entière à cette question ; ce dossier a été jugé régulier et complet par les services instructeurs ;

– même si le dossier devait être regardé comme lacunaire sur ce point, la société pouvait produire l’ensemble des éléments attestant de ses capacités techniques et financière au cours de l’instance ; il appartient au juge administratif de tenir compte de l’évolution du contexte législatif et réglementaire régissant la démonstration par un exploitant d’une installation classée pour la protection de l’environnement de ses capacités financières à assumer un projet ; en effet, la législation a évolué de façon à permettre au pétitionnaire de disposer du financement au moment de la mise en service de l’installation classée et ce en application de la loi n° 2014-1 du 2 janvier 2014 et du nouvel article R. 181-14 du code de l’environnement ; il convient ainsi de considérer les capacités techniques et financières du demandeur non pas au moment où il dépose sa demande mais au moment où l’installation entrera en activité ; cette évolution est confirmée par les dispositions de l’article L. 512-7-3 du code de l’environnement issues de l’ordonnance n° 2017-80 du 26 janvier 2017, qui impose au préfet de tenir compte des capacités techniques et financières que le pétitionnaire entend mettre en oeuvre pour son projet ;

– dans une note de mai 2012, le syndicat des énergies renouvelables a précisé que le demandeur peut prouver ses capacités en produisant notamment un plan de financement prévisionnel, un plan d’investissement, un document présentant le montage financier de l’opération, des documents à caractère patrimonial ou comptable prouvant la solvabilité de ses actionnaires ;

– l’appartenance à un groupe de sociétés peut permettre de caractériser la suffisance des capacités financières ; par ailleurs, une attestation bancaire émettant un avis favorable sur le projet permet aussi d’attester des capacités financières du pétitionnaire ;

– lors de sa constitution en juillet 2013, l’actionnariat de la société Méthadoux Energies était détenu à hauteur de 51 % du capital par la société Agrométhane 17, qui regroupe plusieurs exploitants agricoles concentrant leur action sur la production d’énergie verte, et à hauteur de 49 % du capital par la société Adelis, spécialisée dans les projets d’exploitation d’énergie renouvelable et filiale à 100 % de la société Idex, premier opérateur indépendant dans les domaine de la gestion de l’énergie ; puis 16 % du capital de la société Méthadoux Energies a été pris par la société Energie Partagée Investissement (EPI) qui constitue un outil financier d’investissement citoyen dans la production d’énergies renouvelables ; ensuite, 15 % du capital de la société Méthadoux Energies a été détenu par la société Adelis (groupe Idex) et 34 % par la société Bio Méthanisation Partenaires (BMP) ; ainsi, l’actionnariat de la société pétitionnaire s’est considérablement étoffé, témoignant de la confiance des différents acteurs dans son projet ; ces éléments attestent également de la solidité financière de la société Méthadoux Energies grâce à la robustesse financière de ses partenaires ;

– la société Méthadoux Energies a apporté tous les documents attestant de ses capacités financières ; elle a ainsi produit un plan prévisionnel des recettes et des coûts liés au fonctionnement de l’installation ; elle a été en mesure de chiffrer le montant des investissements nécessaires à la mise en place de l’installation ; le montage financier du projet a été présenté et il prévoit que son financement se fera sur fonds propres, au moyen de subventions et d’un emprunt bancaire ; les documents à caractère patrimonial et comptable ont aussi démontré la solidité financière des différents actionnaires de la société Méthadoux Energies ;

– la société Méthadoux Energies produit en appel de nouveaux éléments confirmant les conditions dans lesquelles son projet doit être financé (investissements sur fonds propres à hauteur de 20 % du coût du projet, subventions à hauteur de 20 % et prêt bancaire accordé à concurrence de 60 %) ;

– ces éléments constituent des engagements précis et fermes de financement qui sont suffisants, selon le Conseil d’Etat, pour admettre que le pétitionnaire dispose des capacités financières exigées (CE, 22 février 2016, n° 384821)


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