CAA de BORDEAUX, 5ème chambre, 16/06/2020, 18BX02231, Inédit au recueil Lebon

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CAA de BORDEAUX, 5ème chambre, 16/06/2020, 18BX02231, Inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE

AU
NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société J2D Invest, société à responsabilité limitée (SARL), a demandé au tribunal administratif de Bordeaux de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er au 30 avril 2014 et des pénalités correspondantes, pour un montant global de 6 314 euros.

Par un jugement n° 1601235 du 14 février 2018, le tribunal administratif de Bordeaux a fait droit à sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 4 juin 2018, le ministre de l’action et des comptes publics demande à la cour :

1°) d’annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 14 février 2018 ;

2°) de rétablir la SARL J2D Invest à l’imposition dont la décharge a été prononcée.

Il soutient que c’est par une erreur de droit que le tribunal a considéré que la vente d’un terrain à bâtir issu de la division parcellaire du terrain acquis, qui était bâti, était de nature, en application de l’article 268 du code général des impôts transposant l’article 392 de la directive 2006/112/CE, à ouvrir droit au bénéfice pour la revente du terrain à bâtir, au régime de la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge, dès lors qu’il n’y a alors pas identité entre le bien acquis et le bien vendu.

Par ordonnance du 23 janvier 2020, la clôture d’instruction a été fixée, en dernier lieu, au 24 février 2020 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

– la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 ;

– le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

– le code de justice administrative et l’ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

– le rapport de Mme A… B…,

– et les conclusions de Mme Sylvande Perdu, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La société J2D Invest, société à responsabilité limitée, exerce une activité de marchand de biens et de lotisseur depuis le 1er février 2013. Elle a fait l’objet d’un contrôle sur pièces à la suite duquel le service a notamment remis en cause l’application du régime de la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge à la vente, conclue le 16 avril 2014 au prix de 70 000 euros, d’un terrain à bâtir issu, après division parcellaire, d’un ensemble immobilier à usage d’habitation comprenant deux appartements avec dépendances bâties et non bâties. Il en est résulté pour la société la notification de rappels de taxe sur la valeur ajoutée. La société J2D Invest a demandé au tribunal administratif de Bordeaux la décharge de ces impositions et des pénalités correspondantes. Le ministre de l’action et des comptes publics relève appel du jugement par lequel les premiers juges ont fait droit à la demande de la société J2D Invest.

2. Le I de l’article 257 du code général des impôts dans sa rédaction applicable, issue de l’article 16 de la loi du 9 mars 2010 de finances rectificative pour 2010, prévoit que les opérations concourant à la production ou à la livraison d’immeubles, lesquelles comprennent les livraisons à titre onéreux de terrains à bâtir, sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée. En vertu du 2 du b de l’article 266 du même code, l’assiette de la taxe est en principe constituée par le prix de cession.

3. L’article 392 de la directive du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée dispose toutefois que :  » Les États membres peuvent prévoir que, pour les livraisons de bâtiments et de terrains à bâtir achetés en vue de la revente par un assujetti qui n’a pas eu droit à déduction à l’occasion de l’acquisition, la base d’imposition est constituée par la différence entre le prix de vente et le prix d’achat « . L’article 268 du code général des impôts, pris pour la transposition de ces dispositions, prévoit, dans sa rédaction également issue de l’article 16 de la loi du 9 mars 2010 de finances rectificative pour 2010, que :  » S’agissant de la livraison d’un terrain à bâtir (…), si l’acquisition par le cédant n’a pas ouvert droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée, la base d’imposition est constituée par la différence entre : / 1° D’une part, le prix exprimé et les charges qui s’y ajoutent ; / 2° D’autre part, selon le cas : / – soit les sommes que le cédant a versées, à quelque titre que ce soit, pour l’acquisition du terrain(…); / – soit la valeur nominale des actions ou parts reçues en contrepartie des apports en nature qu’il a effectués. « .

4. Il résulte de ces dernières dispositions, lues à la lumière de celles de la directive dont elles ont pour objet d’assurer la transposition, que les règles de calcul dérogatoires de la taxe sur la valeur ajoutée qu’elles prévoient s’appliquent aux opérations de cession de terrains à bâtir qui ont été acquis en vue de leur revente et ne s’appliquent donc pas à une cession de terrains à bâtir qui, lors de leur acquisition, avaient le caractère d’un terrain bâti, quand le terrain sur lequel le bâtiment qui y est édifié a fait l’objet d’une division en deux lots dont un terrain à bâtir.

5. Il résulte de l’instruction que le terrain à bâtir vendu par la société J2D Invest le 16 avril 2014 au prix de 70 000 euros provient  » d’un ensemble immobilier à usage d’habitation comprenant deux appartements avec dépendances bâties et non bâties  » qu’elle a acquis le 20 février 2013, et dont la division parcellaire en deux lots, dont un terrain à bâtir qui lui-même a été divisé en trois lots, a eu lieu postérieurement à cette acquisition. Dès lors, cette cession relative à un immeuble bâti, quand bien même l’acquisition de cet immeuble achevé depuis plus de cinq ans, a donné lieu à exonération de la taxe sur la valeur ajoutée en application des dispositions du 2° du 5 de l’article 261 du code général des impôts, ne peut ouvrir droit, contrairement à ce qu’a retenu le tribunal, à l’application du régime de taxation sur la marge.

6. Il résulte de ce qui précède que le ministre est fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal a fait droit à la demande de la société J2D Invest. Il y a lieu d’annuler le jugement attaqué et de remettre à la charge de la société J2D Invest les rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la vente du 16 avril 2014 ainsi que les pénalités correspondantes, pour un montant total de 6 314 euros.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Bordeaux est annulé.

Article 2 : Les rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à la charge de la société J2D Invest au titre de la vente d’un terrain à bâtir du 16 avril 2014 et dont le tribunal a prononcé la décharge, sont remis à la charge de la société, ainsi que les pénalités correspondantes.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL J2D Invest et au ministre de l’action et des comptes publics. Copie en sera délivrée à la direction de contrôle fiscal sud-ouest.

Délibéré après l’audience du 19 mai 2020 à laquelle siégeaient :

Mme Elisabeth Jayat, président,

M. Frédéric Faïck, président-assesseur,

Mme A… B…, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 16 juin 2020.

Le président,

Elisabeth Jayat La République mande et ordonne au ministre de l’action et des comptes publics en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution du présent arrêt.

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N° 18BX02231


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