Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU
NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Domaine des Clauts a demandé au tribunal administratif de Toulouse de prononcer le remboursement d’un crédit de taxe sur la valeur ajoutée d’un montant de 442 979 euros au titre du troisième trimestre 2009.
Par un jugement n° 1004667 du 17 juin 2014, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 8 août 2014, M.B…, ès qualités de liquidateur de la société Domaine des Clauts, représenté par MeC…, demande à la cour:
1°) d’annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 17 juin 2014 ;
2°) de prononcer le remboursement demandé ;
3°) de mettre à la charge de l’Etat une somme de 10 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
– les dispositions du a du 1 du 7° de l’article 257 du code général des impôts en vigueur jusqu’à cette date étaient incompatibles avec le système commun de taxe sur la valeur ajoutée en ce qu’elles exonéraient de taxe sur la valeur ajoutée les cessions faites aux particuliers de terrains à bâtir destinés à la construction d’immeubles d’habitation, alors que la directive relative à la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) ne prévoyait pas une telle exonération ;
– les dispositions du a du 6° de l’article 257 du code général des impôts étaient contraires au droit européen en ce qu’elles ne permettaient pas de soumettre à la taxe sur la valeur ajoutée les opérations réalisées par les marchands de biens et les lotisseurs en raison de leur seule qualité alors que la directive taxe sur la valeur ajoutée ne prévoyait cette taxation à la taxe sur la valeur ajoutée qu’à raison des opérations réalisées sans tenir compte de la profession de l’assujetti ;
– l’article 268 du code général des impôts était contraire au droit communautaire en ce qu’il prévoyait que la taxe sur la valeur ajoutée était calculée automatiquement sur la marge pour les opérations réalisées par les marchands de biens et les lotisseurs alors que la directive taxe sur la valeur ajoutée prévoyait que la taxe sur la valeur ajoutée était calculée sur la marge uniquement parce que l’assujetti cédant n’avait pas bénéficié de droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée lors de l’acquisition des terrains à bâtir ;
-les cessions de terrains à bâtir qu’elle a réalisées auraient dû, soit être soumises aux dispositions du a du 1 du 7° de l’article 257 du code général des impôts et le redevable de cette taxe sur la valeur ajoutée aurait dû être l’acquéreur des terrains à bâtir conformément à l’article 285-3° du code général des impôts, soit ne pas être taxées.
Par un mémoire en défense, enregistré le 9 mars 2015, le ministre des finances et des comptes publics conclut au non-lieu à statuer à hauteur de la somme de 7 491 euros dont l’administration a prononcé le dégrèvement par une décision du 6 mars 2015 et au rejet du surplus de la requête.
Il soutient que pour le surplus, la requête est tardive et, par suite, irrecevable.
Par ordonnance du 19 octobre 2015, la clôture d’instruction a été fixée au 4 décembre 2015 à 12h00.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
– la directive 77/388/CEE du Conseil du 17 mai 1977 reprise par la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 ;
– le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
– le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.
Ont été entendus au cours de l’audience publique :
– le rapport de Mme Marianne Pouget,
– et les conclusions de Mme Frédérique Munoz-Pauziès, rapporteur public,
Considérant ce qui suit :
1. La société Domaine des Clauts, qui exerçait une activité d’aménageur-lotisseur, a sollicité, par une réclamation en date du 4 janvier 2010, le remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée qu’elle estimait avoir acquittée à tort à compter de l’année 2007 en application du 6° de l’article 257 du code général des impôts à la suite des cessions de terrains à bâtir qu’elle a réalisées pour un montant de 442 979 euros, en invoquant l’incompatibilité de cet article avec le système commun de taxe sur la valeur ajoutée. M. B…agissant en qualité de liquidateur, de la société relève appel du jugement du 17 juin 2014 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté la demande de cette dernière.
Sur l’étendue du litige :
2. Par une décision en date du 6 mars 2015, postérieure à l’introduction de la requête, l’administration a prononcé le dégrèvement des droits de taxe sur la valeur ajoutée en litige à hauteur de la somme de 7 491 euros au titre de l’année 2007. Par suite, les conclusions de la requête sont, à due concurrence de cette somme, devenues sans objet. Il n’y a plus lieu, dans cette mesure, d’y statuer.
Sur le surplus des conclusions de la requête et sans qu’il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre des finances et des comptes publics :
3. D’une part, aux termes de l’article 2 de la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 : » 1. Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée (…) les livraisons de biens effectuées à titre onéreux sur le territoire d’un Etat membre par un assujetti agissant en tant que tel (…) « . Aux termes de l’article 12 de cette directive : » 1. Les Etats membres peuvent considérer comme assujetti quiconque effectue, à titre occasionnel, une opération relevant des activités visées à l’article 9, paragraphe 1, deuxième alinéa, et notamment une seule des opérations suivantes (…) b) la livraison d’un terrain à bâtir. (…) 3. Aux fins du paragraphe 1 point b), sont considérés comme » terrains à bâtir » les terrains nus ou aménagés, définis comme tels par les Etats membres. « . Aux termes de l’article 135 de la même directive : » 1. Les États membres exonèrent les opérations suivantes : (…) k) les livraisons de biens immeubles non bâtis autres que celles des terrains à bâtir visés à l’article 12, paragraphe 1, point b)(…) « . Aux termes de l’article 392 de la même directive : » Les Etats membres peuvent prévoir que, pour les livraisons de bâtiments et de terrains à bâtir achetés en vue de la revente par un assujetti qui n’a pas eu droit à déduction à l’occasion de l’acquisition, la base d’imposition est constituée par la différence entre le prix de vente et le prix d’achat » ;
4. D’autre part, aux termes de l’article 257 du code général des impôts, dans sa rédaction en vigueur avant sa modification par l’article 16 de la loi n° 2010-237 du 9 mars 2010 de finances rectificative pour 2010 et applicable aux faits du litige : » Sont également soumis à la taxe sur la valeur ajoutée : (…) 6° Sous réserve du 7° : a) Les opérations qui portent sur des immeubles, des fonds de commerce ou des actions ou parts de sociétés immobilières et dont les résultats doivent être compris dans les bases de l’impôt sur le revenu au titre des bénéfices industriels et commerciaux ; (…) 7° Les opérations concourant à la production ou à la livraison d’immeubles. / Ces opérations sont imposables même lorsqu’elles revêtent un caractère civil. 1. Sont notamment visés : a) Les ventes et les apports en société de terrains à bâtir, des biens assimilés à ces terrains par le A de l’article 1594-0 G ainsi que les indemnités de toute nature perçues par les personnes qui exercent sur ces immeubles un droit de propriété ou de jouissance, ou qui les occupent en droit ou en fait ; (…) / Ces dispositions ne sont pas applicables aux terrains acquis par des personnes physiques en vue de la construction d’immeubles que ces personnes affectent à un usage d’habitation (…) « . Aux termes de l’article 268 du même code, dans sa rédaction en vigueur avant sa modification par l’article 16 de la loi n° 2010-237 du 9 mars 2010 : » En ce qui concerne les opérations visées au 6° de l’article 257, la base d’imposition à la taxe sur la valeur ajoutée est constituée par la différence entre : /a. D’une part, le prix exprimé et les charges qui viennent s’y ajouter, ou la valeur vénale du bien si elle est supérieure au prix majoré des charges ; /b. D’autre part, selon le cas : /- soit les sommes que le cédant a versées, à quelque titre que ce soit, pour l’acquisition du bien ; /- soit la valeur nominale des actions ou parts reçues en contrepartie des apports en nature qu’il a effectués (…) « .
5. La société Domaine des Clauts fait valoir que les dispositions du a du 1 du 7° de l’article 257 du code général des impôts, en tant qu’elles exonèrent les cessions faites aux particuliers de terrains à bâtir destinés à la construction d’immeubles d’habitation sont incompatibles avec les règles communautaires issues de la directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006, notamment ses dispositions des articles 12 et 135, une telle incompatibilité ayant été relevée par la Commission européenne, qui a adressé à la France un avis motivé en date du 20 novembre 2009 tendant à ce que celle-ci modifie sa législation, cette modification étant ensuite intervenue à la suite de l’adoption de la loi n° 2010-237 du 9 mars 2010 de finances rectificative pour 2010. Elle se prévaut également de l’incompatibilité avec les objectifs de cette même directive du régime alors prévu par les dispositions combinées du 6° de l’article 257 du code général des impôts et de l’article 268 du même code, en tant qu’il prévoyait l’assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée calculée sur la marge.
6. Les dispositions du 7° de l’article 257 du code général des impôts prévoyant que ce 7° n’était pas applicable aux cessions de terrains acquis par des personnes physiques en vue de la construction d’immeubles que ces personnes affectent à un usage d’habitation n’étaient incompatibles avec la directive du 28 novembre 2006 qu’en tant qu’elles aboutissaient à faire échapper entièrement à cette taxe les opérations en cause, dès lors qu’en application des dispositions combinées du § 1 point k) de l’article 135 et de l’article 2 de cette directive, toute livraison de terrains à bâtir réalisée à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel doit être soumise à la taxe sur la valeur ajoutée. Cependant, tel n’était pas le cas des opérations ainsi visées lorsqu’elles étaient réalisées par des lotisseurs ou des marchands de biens, ces dispositions n’ayant pas pour effet, pour de telles opérations, d’aboutir à une exonération mais seulement, compte tenu des dispositions du 6° de l’article 257 du code général des impôts, de les soumettre au régime de taxation sur la marge prévu par la combinaison de cet article et de l’article 268 du même code.
7. Or, le régime ainsi prévu au 6° de l’article 257 du code général des impôts était lui même compatible avec la directive du 28 novembre 2006, son article 392 autorisant les Etats membres à prévoir que, pour la livraison de terrains à bâtir achetés en vue de la revente par un assujetti qui n’a pas eu droit à déduction à l’occasion de l’acquisition, la base d’imposition est constituée par la différence entre le prix de vente et le prix d’achat, ce que l’article 268 précité du code général des impôts mettait régulièrement en oeuvre. De même, la seule circonstance que le législateur ait, postérieurement aux années en litige, modifié le régime de taxation sur la marge ainsi établi par les dispositions de l’article 268 est sans incidence sur la compatibilité de ce régime avec le système commun de taxe sur la valeur ajoutée. Par suite, la société Domaine des Clauts n’est pas fondée à soutenir que l’incompatibilité des dispositions du 7° de l’article 257 du code général des impôts imposait d’écarter l’application du 6° du même article et celle de l’article 268 du code général des impôts pour les opérations de cession de terrains à bâtir à des personnes physiques en vue de la construction d’immeubles que ces personnes affectaient à un usage d’habitation qu’elle a réalisées au cours des années 2006 et 2007.
7. Contrairement à ce que soutient la société Domaine des Clauts, l’administration n’a pas entendu se prévaloir directement des stipulations de la directive du 28 novembre 2006 qui n’auraient pas été transposées en droit interne mais s’est bornée à appliquer la législation nationale en vigueur jusqu’au 10 mars 2010 mettant en oeuvre le système commun de taxe sur la valeur ajoutée, compatible avec les stipulations de la directive et ainsi opposable à la société.
8. Il résulte de tout ce qui précède que M.B…, en sa qualité de liquidateur de la société Domaine des Clauts, n’est pas fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté la demande de remboursement de taxe sur la valeur ajoutée en litige pour le montant restant en litige après dégrèvement. Il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire droit aux conclusions de M.B…, ès qualités de liquidateur de la société Domaine des Clauts, tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE
Article 1er : Il n’y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de M.B…, ès qualités de liquidateur de la société Domaine des Clauts, à concurrence du dégrèvement prononcé en cours d’instance pour un montant de 7 491 euros.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M.B…, ès qualités de liquidateur de la société Domaine des Clauts, est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A…B…, ès qualités de liquidateur de la société Domaine des Clauts et au ministre de l’économie et des finances.
Délibéré après l’audience du 1er décembre 2016 à laquelle siégeaient :
M. Philippe Pouzoulet, président,
Mme Marianne Pouget, président-assesseur,
Mme Florence Madelaigue, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 30 décembre 2016.
Le rapporteur,
Marianne Pouget
Le président,
Philippe Pouzoulet
Le greffier,
Florence Deligey
La République mande et ordonne au ministre de l’économie et des finances, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution du présent arrêt.
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N° 14BX02420