Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU
NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La région Réunion a demandé au tribunal administratif de La Réunion :
– de condamner solidairement les sociétés » Georges Torcatis « , » France engineering division technique » (FEDT), » Menighetti programmation « , » Grands travaux de l’océan indien » (GTOI) et la société de développement et de gestion d’immobilier social (SODEGIS) à lui verser la somme de 62 225 euros HT au titre de l’oxydation des charpentes métalliques du lycée de Vincendo, à Saint-Joseph ;
– de condamner solidairement les sociétés FEDT et GTOI à lui verser les sommes de 18 170 euros HT au titre des bétons éclatés et des fissures infiltrantes, 9 300 euros HT au titre de l’affaissement du terrain et 51 043 euros HT au titre des dysfonctionnements des jalousies ;
– de condamner solidairement les sociétés » Georges Torcatis « , FEDT, » Socotec Réunion « , GTOI et SODEGIS à lui verser les sommes de 367 882 euros HT au titre des fuites en toiture et 848,31 euros au titre de la location d’échafaudages nécessaires à l’inspection de la toiture du gymnase ;
– de condamner solidairement les sociétés » Georges Torcatis » et GTOI à lui verser les sommes de 3 180 euros HT au titre de la réfection des peintures du logement de fonction et des joints d’étanchéités des panneaux polycarbonates et 25 500 euros HT au titre des désordres affectant les peintures extérieures ;
– de condamner solidairement les sociétés » Georges Torcatis « , GTOI et SODEGIS à lui verser la somme de 23 600 euros HT au titre des menuiseries extérieures ;
– de condamner solidairement les sociétés » Georges Torcatis « , Cotel, » Socotec Réunion » et SODEGIS à lui verser les sommes de 5 850 euros HT au titre des oxydations diverses du bâtiment du lycée, 20 094, 27 euros HT au titre du changement des cellules et du transformateur, 684,77 euros au titre de la réalisation des protections sur les ventilations et le transformateur et 14 784,95 euros HT au titre des frais engagés sur les installations de climatisation ;
– de condamner solidairement les sociétés » Georges Torcatis « , » Socotec Réunion « , GTOI et SODEGIS à lui verser les sommes de 10 800 euros HT au titre des désordres affectant le portail du lycée, 18 261 euros HT au titre de l’invasion de termites ;
– de condamner solidairement les sociétés » Georges Torcatis « , FEDT, » Socotec Réunion « , » Menighetti programmation « , GTOI et SODEGIS à lui verser la somme de 56 569,26 euros HT au titre des frais engagés pour l’habillage des débords de toiture ;
– de condamner solidairement les sociétés » Georges Torcatis « , FEDT, Cotel, » Socotec Réunion « , GTOI et SODEGIS à lui verser les sommes de 45 473,44 euros HT au titre des frais d’expertise et 95 827,53 euros au titre des mesures conservatoires ;
– de condamner la société » Georges Torcatis » à lui verser la somme de 1 105 euros HT au titre des pénétrations d’eau par les grilles de ventilation ;
– de condamner la société GTOI à lui verser la somme de 2 845,96 euros au titre de la réalisation des travaux sur les toitures des logements ;
– d’assortir ces condamnations du paiement des intérêts à compter du 27 mai 2008 et de leur capitalisation à compter du 27 mai 2009.
Par un jugement n° 1201101 du 6 mars 2015, le tribunal administratif de La Réunion a condamné la SODEGIS à verser à la région Réunion une indemnité de 644 342,56 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter de la date de réception de la réclamation préalable, en date du 27 mai 2008, cette somme devant être capitalisée pour porter elle-même intérêts à compter d’une année échue après cette date et à chaque date anniversaire de cette demande. Il a mis à la charge de la SODEGIS la somme de 3 000 euros à verser à la région au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il a rejeté le surplus des conclusions de la région et l’ensemble des conclusions présentées par les constructeurs.
Procédure devant la cour :
I – Par une première requête, enregistrée le 16 juin 2015 sous le n° 15BX02042, et quatre mémoires enregistrés respectivement les 28 juillet 2015, 1er septembre 2015, 30 décembre 2015 et 5 février 2016, la SODEGIS, représentée par Me C… et Me B…, demande à la cour :
1°) d’annuler ce jugement du tribunal administratif de La Réunion du 6 mars 2015 ;
2°) de rejeter la demande de la région Réunion ;
3°) de mettre à la charge de la région Réunion la somme de 5 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
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II – Par une seconde requête, enregistrée le 10 août 2015 sous le n°15BX02798, et un mémoire en réplique enregistré le 5 février 2016, la SODEGIS, représentée par Me C… et Me B…, demande à la cour :
1°) d’ordonner le sursis à exécution du jugement du tribunal administratif de Saint-Denis du 6 mars 2015 ;
2°) de mettre à la charge de la région Réunion la somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
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– le code civil ;
– le code des marchés publics ;
– le code de la construction et de l’habitation ;
– le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.
Ont été entendus au cours de l’audience publique :
– le rapport de Mme Sylvie Cherrier ;
– les conclusions de M. Guillaume de La Taille Lolainville, rapporteur public,
– et les observations de MeB…, représentant la société Sodegis, de MeA…, représentant la région Réunion, de MeD…, représentant la société d’architectes Georges Torcatis, de MeE…, représentant la société les Grands Travaux de l’Océan Indien.
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes d’une délibération en date du 18 octobre 1996, la commission permanente de la région Réunion a décidé de construire un lycée à Vincendo, sur le territoire de la commune de Saint-Joseph. Par une convention signée le 27 octobre 1997, elle a délégué la maîtrise d’ouvrage pour cette opération à la société de développement et de gestion d’immobilier social (SODEGIS). Par un marché en date du 3 novembre 1997, la maîtrise d’oeuvre a été confiée à un groupement conjoint, composé des sociétés » Georges Torcatis « , mandataire du groupement, FEDT, bureau d’études » VRD-Structure « , et Cotel, bureau d’études » fluides « . Par un marché signé le 25 novembre 1997, une mission de contrôle a été confiée à la société Socotec. Une mission de coordinateur de sécurité a par ailleurs été attribuée à la société Bureau Véritas. Par acte d’engagement signé le 7 août 1998, la réalisation de l’ensemble des travaux de construction du Lycée et de ses équipements sportifs a été confiée à la société » Grands travaux de l’océan indien » (GTOI), laquelle en a sous-traité une partie. La réception des travaux concernant les zones A et B du lycée, la salle de restauration et les logements de fonction a été prononcée avec réserves par une décision du 12 novembre 1999, avec effet au 6 septembre 1999. La réception des travaux concernant les équipements sportifs couverts (gymnase et salle EPC) et le logement du gardien a été prononcée par décision du 23 décembre 1999, avec effet au 9 novembre 1999. Enfin, la réception des travaux concernant la zone C du lycée et le centre de documentation a été prononcée avec réserves, avec effet le 18 octobre 1999. Des désordres ont commencé à apparaître au cours du mois de décembre 1999. Par ordonnance du président du tribunal administratif de La Réunion du 27 octobre 2005, un expert a été désigné à la demande de la région Réunion. Il a déposé son rapport le 30 novembre 2007. Par ordonnance du 17 décembre 2007, ses honoraires ont été liquidés à la somme de 45 473,44 euros toutes taxes comprises et mis à la charge de la région Réunion. Celle-ci a demandé au tribunal administratif de La Réunion de condamner solidairement les sociétés » Georges Torcatis « , FEDT, Cotel Ingénierie, Socotec Réunion, Menighetti Programmation, GTOI et SODEGIS à lui verser diverses sommes en réparation des dommages ayant affecté le lycée et ses équipements, ainsi qu’à lui rembourser les frais d’expertise et les sommes engagées au titre des mesures conservatoires. Elle demandait également, à titre subsidiaire, la condamnation du maître d’ouvrage délégué au titre de sa responsabilité contractuelle.
2. Par une requête n° 15BX02042, enregistrée le 16 juin 2015, la SODEGIS relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de La Réunion l’a condamnée à verser à la région Réunion la somme de 644 342,56 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 27 mai 2008, date de réception de la réclamation préalable, et de la capitalisation des intérêts à compter d’une année échue après cette date et à chaque date anniversaire. Par la voie de l’appel provoqué, et pour le cas où il serait fait droit à la demande de la SODEGIS, la région Réunion demande que les constructeurs soient condamnés, sur le terrain de la garantie décennale, à l’indemniser au titre des différents désordres qui ont affecté le lycée Vincendo, tels qu’ils ont été identifiés par l’expert. La société » Georges Torcatis « , la société Cotel Ingénierie, la société FEDT, la société Menighetti Programmation, la société Socotec Réunion et la société GTOI demandent enfin, également par la voie de l’appel provoqué, à être dégagées de toute responsabilité et, pour le cas où leur responsabilité serait retenue, à être garanties par les autres sociétés impliquées dans le marché. Par une seconde requête enregistrée le 10 août 2015, sous le n° 15BX02798, la SODEGIS demande par ailleurs à la cours d’ordonner qu’il soit sursis à l’exécution du jugement du 6 mars 2015.
3. Les requêtes n° 15BX02042 et 15BX02798 sont dirigées contre le même jugement. Il convient par conséquent de les joindre pour y statuer par un seul arrêt.
Sur la requête n° 15BX02042 :
Sur la recevabilité de la requête :
4. Aux termes de l’article R. 811-2 du code de justice administrative : » Sauf disposition contraire, le délai d’appel est de deux mois. Il court contre toute partie à l’instance à compter du jour où la notification a été faite (…) « . Aux termes de l’article R. 811-5 de ce code : » Les délais supplémentaires de distance prévus à l’article R. 421-7 s’ajoutent aux délais normalement impartis (…) « . Enfin, l’article R. 421-7 du même code dispose que : » Lorsque la demande est portée devant un tribunal administratif qui a son siège en France métropolitaine ou devant le Conseil d’Etat statuant en premier et dernier ressort, le délai de recours prévu à l’article R. 421-1 est augmenté d’un mois pour les personnes qui demeurent (…) à La Réunion (…) « .
5. Il ressort des pièces du dossier transmis par le tribunal administratif de La Réunion que le jugement attaqué a été notifié à la SODEGIS par un courrier daté du 12 mars 2015 qu’elle a reçu le 17 mars 2015, comme en atteste l’avis de réception postale retourné au tribunal. Par suite, sa requête, qui a été enregistrée au greffe de la cour le 16 juin 2015, n’est pas tardive.
Sur la régularité du jugement en tant qu’il statue sur les droits de la région à l’égard de la SODEGIS :
6. Dans sa requête introductive d’instance devant le tribunal administratif, la région Réunion a demandé que la SODEGIS soit condamnée solidairement avec les constructeurs au titre des désordres affectant le lycée d’enseignement général et technologique de Vincendo en se fondant, à titre principal sur le terrain de la garantie décennale et, à titre subsidiaire, sur le terrain des obligations contractuelles résultant du contrat de maîtrise d’ouvrage déléguée conclu le 27 octobre 1997. Or, dans le jugement attaqué du 6 mars 2015, le tribunal administratif a fait droit aux conclusions de la région en se fondant sur le moyen tiré de la responsabilité contractuelle de la SODEGIS, sans avoir au préalable écarté le moyen tiré de la garantie décennale des constructeurs. Le tribunal administratif a ainsi fondé sa décision sur un moyen relevé d’office dans la mesure où un tel moyen, présenté par la région à titre subsidiaire, ne pouvait être regardé comme soulevé devant lui avant que le moyen invoqué à titre principal n’ait été expressément écarté. Ce faisant, et dès lors qu’un tel moyen n’est pas d’ordre public, le tribunal administratif a entaché son jugement d’irrégularité en tant qu’il a condamné la SODEGIS à verser à la région Réunion la somme de 644 342,56 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter de la date de réception de la réclamation préalable, en date du 27 mai 2008 et de la capitalisation des intérêts à compter d’une année échue après cette date et à chaque date anniversaire. Il y a lieu, dès lors, d’annuler le jugement attaqué en tant que, par ses articles 1er,2 et 3 il a condamné la SODEGIS au profit de la région, et de statuer par voie d’évocation sur les conclusions que la région a présentées en première instance à l’encontre de la SODEGIS.
Sur la responsabilité de la SODEGIS à l’égard de la région Réunion :
En ce qui concerne la garantie décennale :
7. Il résulte de l’article 1792 du code civil que sont seuls responsables envers le maître de l’ouvrage des dommages qui compromettent la solidité de l’ouvrage ou le rendent impropre à sa destination les personnes ayant la qualité de constructeur. En sa qualité de mandataire de la région Réunion, la SODEGIS, maître d’ouvrage délégué, n’a pas la qualité de constructeur au sens desdites dispositions. Aussi, cette société est-elle fondée à soutenir que sa responsabilité ne peut être recherchée sur le terrain de la garantie décennale.
En ce qui concerne la responsabilité contractuelle :
8. Contrairement à ce que soutient la SODEGIS, la région Réunion a invoqué devant le tribunal administratif, à titre subsidiaire, sa responsabilité contractuelle. Aussi, la fin de non-recevoir tirée de ce que cette responsabilité n’a été invoquée qu’en appel doit-elle être rejetée.
9. Aux termes de l’article 5 de la convention de mandat conclue le 27 octobre 1997, la SODEGIS avait notamment pour mission d’assurer le » suivi du chantier sur les plans techniques, financier et administratif « . Dans ce cadre, l’article 11 de cette même convention prévoit, d’une part qu’elle » assurera la gestion des marchés dans les conditions prévues par le code des marchés publics, de manière à garantir les intérêts de la Collectivité « , » délivrera les ordres de service ayant des conséquences financières « , » vérifiera les situations de travaux préalablement contrôlées par le maître d’oeuvre » et, d’autre part, qu’elle » devra être représentée lors des différents contrôles pour essais à effectuer (sécurité, etc.) » et » s’efforcera de trouver des solutions pour remédier aux anomalies constatées dans le déroulement des travaux (délais), la qualité des prestations ou le non-respect des marchés et en informera la Collectivité « . Enfin, il résulte de l’article 16.1 de ladite convention que dans le cas où des réserves auraient été faites à la réception, ou des désordres dénoncés pendant la période de parfait achèvement, il lui appartiendra de » suivre la levée des réserves ou la réparation des désordres « .
S’agissant de l’oxydation des charpentes métalliques et des fuites en toiture :
10. La région soutient que la SODEGIS a contribué à ces désordres dès lors qu’elle s’est abstenue de dénoncer l’absence de cohérence entre le CCTP du lot » Charpente « , qui ne prévoit pas de complément anticorrosion à la charge du charpentier, et le CCTP du lot » Peintures « , qui prévoit que la peinture sera appliquée sur des éléments de charpente et des éléments en acier noir ayant reçu un complément anticorrosion réalisé par le charpentier. Cependant, et outre que la rédaction des CCTP incombait au maître d’oeuvre et non au maître d’ouvrage délégué, aucune stipulation de la convention de maîtrise d’ouvrage ne mettait à la charge de la SODEGIS le soin de vérifier l’adéquation des différents CCTP afférents à chaque lot. Il ne résulte par ailleurs pas de l’instruction que des anomalies auraient été constatées en cours de chantier concernant l’insuffisance de protection anticorrosion sur les éléments de la charpente métallique et sur les chéneaux du gymnase. Dans ces conditions, la responsabilité contractuelle de la SODEGIS ne saurait être mise en jeu concernant ces désordres.
S’agissant du défaut d’étanchéité des menuiseries extérieures :
11. La région, qui se contente de faire valoir que la SODEGIS n’a pas veillé à l’exécution correcte des travaux et a manqué à son devoir d’information envers le maître d’ouvrage, n’assortit pas ce moyen de précisions suffisantes pour permettre à la cour d’en apprécier le bien-fondé.
S’agissant de l’oxydation des matériels :
12. Si la région fait valoir que ces désordres sont consécutifs à une sous-estimation de l’agressivité du milieu ambiant ainsi qu’à un choix de leur emplacement ne permettant pas de répondre à l’exigence d’entretien aisé mentionnée dans le programme architectural, technique et fonctionnel de l’opération, elle ne précise pas en quoi la SODEGIS aurait manqué sur ces points à ses obligations contractuelles. Par suite, la responsabilité contractuelle de cette société ne saurait être mise en jeu à ce titre.
S’agissant de l’invasion des termites :
13. La région fait valoir que la SODEGIS n’a pas surveillé convenablement l’exécution des travaux, n’a pas pris les mesures nécessaires afin de permettre d’évacuer les matériaux de coffrage abandonnés par la société GTOI sous les gradins du gymnase et a manqué à son devoir d’information à ce titre envers le maître d’ouvrage. Toutefois, et outre qu’il ne ressort pas des stipulations mentionnées au point 12 ci-dessus qu’il revenait à la SODEGIS de surveiller la réalisation du traitement anti-termites mis à la charge de la société GTOI, l’abandon par cette dernière de matériaux de coffrage sous les gradins du gymnase n’a fait l’objet d’aucune réserve lors des opérations de réception. Aussi n’incombait-il pas davantage à la SODEGIS de s’assurer de leur évacuation dans le cadre de sa mission de suivi de la levée des réserves. Dans ces conditions, sa responsabilité contractuelle ne saurait être engagée à ce titre.
14. Il résulte de ce qui a été dit aux points 9 à 13, et sans qu’il soit besoin de déterminer si elle a ou non obtenu quitus de sa mission technique dans les conditions prévues par l’article 16.1 de la convention de maîtrise d’ouvrage déléguée, que la région n’est pas fondée à rechercher la responsabilité contractuelle de la SODEGIS.
15. Il résulte de ce qui a été dit aux points 7 à 14 que les conclusions par lesquelles la région a demandé au tribunal administratif la condamnation de la SODEGIS à réparer les préjudices subis et à supporter les frais exposés et non compris dans les dépens doivent être rejetées.
Sur les conclusions de la région Réunion dirigées contre les constructeurs :
16. La situation de la région Réunion étant aggravée en raison de l’admission de l’appel principal formé par la SODEGIS, la région est recevable à demander, par la voie de l’appel provoqué, la condamnation des constructeurs à réparer les désordres.
En ce qui concerne la mise en jeu de la garantie décennale et le montant des sommes dues à la région :
17. Il résulte des principes qui régissent la garantie décennale des constructeurs que des désordres apparus dans le délai d’épreuve de dix ans, de nature à compromettre la solidité de l’ouvrage ou à le rendre impropre à sa destination dans un délai prévisible, engagent leur responsabilité au titre de la garantie décennale, même s’ils ne se sont pas révélés dans toute leur étendue avant l’expiration du délai de dix ans. Les désordres ayant fait l’objet de réserves à la réception ne peuvent toutefois engager la responsabilité des constructeurs que sur le seul fondement de leur responsabilité contractuelle aussi longtemps que ces réserves n’ont pas été levées.
18. En l’espèce, la réception du lycée, qui s’est opérée en trois étapes successives, a donné lieu, dans les trois cas, à un certain nombre de réserves qui ont été précisées sur une liste jointe à chacun des trois procès-verbaux de réception. Alors que la SODEGIS soutient que ces réserves avaient toutes été levées au mois d’octobre 2002, ce que ne conteste aucun des constructeurs ayant participé à la réalisation de l’ouvrage, la région fait valoir qu’à la date du 15 octobre 2002, des prestations demeuraient à réaliser ou à reprendre, telles que la peinture du hall d’entrée et du logement du proviseur adjoint, la réparation d’une fuite dans le lot A 309, la reprise de la colonne d’ascenseur.
19. Il résulte cependant de l’instruction que par un courrier du 4 novembre 2002, la SODEGIS a informé la région que, au vu de la réception de trois postes de travaux et de différentes réserves du parfait achèvement, ainsi que de la visite de levée des réserves de parfait achèvement notifiée par le maître d’oeuvre le 8 octobre 2002, ce qui suppose que les réserves faites à la réception avaient nécessairement été préalablement levées, elle procédait » à la main levée des actes de cautionnement de la retenue de garantie de marché et de l’avenant n° 1 du marché de GTOI « , laquelle était l’unique titulaire du marché de travaux afférents à la réalisation du lycée. Par ailleurs, le procès-verbal de levée de réserves du » parfait achèvement » en date du 12 janvier 2004, établi par le mandataire du groupement de maîtrise d’oeuvre, la société » Georges Torcatis « , indique que » au vu des comptes-rendus de la maîtrise d’ouvrage, de l’architecte (08/10/02), j’atteste par la présente que la GPA est levée et que les garanties décennales prennent le relais sur cette opération « . Enfin, en réponse à la deuxième demande de quitus qui lui a été adressée par la SODEGIS le 26 juillet 2005, la région a répondu, par courrier du 19 août 2005, qu’il convenait de lui transmettre l’attestation d’assurance afin qu’elle procède au paiement du solde et donne à la société quitus de sa mission, sans faire mention d’aucune réserve qui n’aurait alors pas été levée.
20. Dans ces conditions, l’ensemble des réserves émises lors de la réception du lycée Vincendo doivent être regardées comme ayant été levées préalablement à l’introduction de la demande de la région Réunion devant le tribunal administratif.
S’agissant de l’oxydation des charpentes métalliques :
21. Il résulte de l’instruction, et notamment du rapport de l’expert désigné par le tribunal administratif, qu’une oxydation affecte la charpente métallique du lycée et le gymnase ainsi que les parties enterrées qui supportent l’escalier du patio central. Cette oxydation, due principalement à une protection insuffisante contre l’agressivité du milieu ambiant, le site se trouvant exposé aux vents dominants chargés d’embruns marins, n’était pas apparente au moment de la réception des travaux. Elle est de nature à fragiliser les éléments sur lesquels elle porte et donc à compromettre la solidité de l’ouvrage. Par suite, elle engage la responsabilité décennale des constructeurs. L’expert a considéré qu’il pouvait y être remédié par un traitement de la charpente consistant à égrener, poncer, brosser et apposer un inhibiteur de rouille, pour un montant total de 37 500 euros concernant le lycée et de 25 000 euros concernant le gymnase, le coût du remplacement des éléments détériorés ayant par ailleurs été évalué à un montant forfaitaire de 3 000 euros. Le montant des réparations ainsi rendues nécessaires doit par conséquent être fixé à 65 500 euros HT. L’expert a par ailleurs relevé que les chéneaux métalliques de la charpente du gymnase n’avaient pas fait l’objet d’un entretien approprié de la part de la région, compte tenu de l’agressivité du milieu ambiant. Si la société GTOI fait valoir que la responsabilité du maître d’ouvrage doit également être retenue en raison du choix du site dont il n’ignorait pas qu’il était particulièrement exposé aux vents et aux embruns, cette circonstance n’est toutefois pas de nature à engager la responsabilité de la région au titre de l’oxydation des charpentes métalliques dès lors que la survenance de ce dommage aurait pu être évitée par le choix et la mise en oeuvre de matériaux de construction et de procédés de protection adaptés. Aussi la région Réunion, à laquelle il convient d’imputer 5 % du dommage du fait de ses carences concernant l’entretien de certains éléments de la charpente, est-elle fondée à demander que la somme qui lui est due au titre de ce désordre soit fixée à 62 225 euros HT.
S’agissant des bétons éclatés sur le garde-corps de la coursive :
22. Selon l’expert, ce désordre est dû à un défaut d’enrobages ponctuels, aggravé par la pénétration d’eau en rives de coursive non étanchées. Dès lors qu’il est de nature à compromettre la solidité de l’ouvrage, il relève de la garantie décennale des constructeurs. Pour évaluer le montant de la réparation due à ce titre à la région, l’expert s’est fondé sur un devis établi par la société GTOI, joint en annexe 48 de son rapport, aux termes duquel le garde corps des coursives comporte dix-sept bétons éclatés dont la reprise présente un coût unitaire de 400 euros HT. Par suite, la réparation due à la région Réunion au titre de ce dommage doit être fixée à 6 800 euros HT.
S’agissant de l’affaissement du terre-plein :
23. Il résulte du rapport d’expertise que l’affaissement de la bâche à eau, qui a entraîné l’affaissement du terre-plein central servant au stationnement des véhicules, est dû à la rupture de la canalisation d’eaux pluviales en amont de la bâche, ayant entraîné la circulation d’eau souterraine non canalisée. Ce désordre, qui compromet la solidité de la voie qui surplombe ladite bâche, et qui affecte par ailleurs également la circulation des véhicules et des piétons, est de nature décennale. Pour y remédier il convient, selon l’expert, de consolider la bâche à eau au moyen d’une reprise en sous-oeuvre par micropieux, de procéder à une réfection de la canalisation d’eaux pluviales concernée ainsi que des fissures de la bâche et de reprendre la chaussée et les trottoirs avec du béton bitumeux ainsi qu’une géogrille de renfort anti-fissures, pour un montant total de 93 000 euros HT. Il y a lieu, par suite, de fixer le montant de la réparation due à ce titre à la région Réunion à la somme de 93 000 euros HT.
S’agissant des fuites en toitures :
Quant aux fuites au-dessus des salles de classe avec endommagement des faux plafonds et au-dessus de la salle de restauration des élèves :
24. L’expert a constaté d’importantes fuites en toiture dans les salles de classes, le local informatique ainsi que dans la salle de restauration, lesquelles se traduisent par l’inondation des salles concernées en cas de forte pluie. Un tel phénomène est de nature à faire obstacle à une utilisation normale de l’ouvrage et à le rendre impropre à sa destination qui est d’accueillir les élèves et les matériels de façon pérenne, dans un contexte sécurisé. Il ressort du rapport d’expertise que ces fuites ont pour origine un effet de pile résultant du contact entre les tôles nervurées en aluminium qui recouvrent ces salles et les pannes sur lesquelles elles reposent. Ces pannes ont été galvanisées en continu et donc protégées par zinc fondu. Elles sont dès lors conformes au DTU 40.36 qui autorise les contacts de l’aluminium avec les éléments métalliques pourvus d’un revêtement à base de zinc. Néanmoins, en raison de l’absence de complément anticorrosion sur les éléments de la charpente, notamment sur les pannes, et eu égard à la forte exposition du site aux embruns, la simple galvanisation des pannes s’est avérée insuffisante pour éviter l’effet de pile susmentionné. Il en est résulté un percement de la couverture en aluminium au niveau des pannes. Ce désordre est imputable à des carences dans l’élaboration du CCTP afférent au lot » charpente » et dans le suivi de la réalisation des travaux, ainsi qu’à une exécution défectueuse de ceux-ci. Selon l’expert, il est également imputable pour partie à la région, ce que ne conteste d’ailleurs pas celle-ci, dès lors qu’elle a tardé à faire installer des sous-rives dans les parties fermées du lycée. Il sera fait une juste appréciation de sa part de responsabilité à ce titre en la fixant à 5 % du dommage. Afin de remédier aux désordres, l’expert a préconisé le remplacement de la couverture du lycée et de la salle de restauration, pour un montant de 277 240 euros HT. Dans ces conditions, la réparation due à ce titre à la région doit être fixée à 263 378 euros HT.
Quant aux fuites en toiture du gymnase :
25. L’inspection de la toiture du gymnase a permis de constater une oxydation des fixations de toiture. Alors même que, comme le fait valoir la société » Georges Torcatis « , l’expert n’a pu procéder à un constat décisif quant à la réalité et à l’importance des fuites en toiture, le rapport d’expertise faisant simplement état de » coulures dénoncées à plusieurs reprises par les utilisateurs » du gymnase, l’oxydation des fixations en toiture a bien été constatée et, les mêmes causes produisant les mêmes effets, dès lors que la couverture du gymnase a été conçue et réalisée selon les mêmes principes et avec les mêmes matériaux que celles du lycée et de la salle de restauration, et se trouve soumise aux mêmes aléas climatiques, le phénomène d’électrolyse relevé sur les secondes, s’est également nécessairement produit sur la première. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 24 ci-dessus, le désordre en résultant est de nature à rendre le gymnase impropre à sa destination et engage dès lors la responsabilité décennale des constructeurs. Comme pour le lycée et la salle de restauration, l’expert a considéré que la seule solution susceptible de faire disparaître un tel désordre consistait à changer la couverture du gymnase, pour un coût de 110 004 euros HT. Comme précédemment, et dès lors que ce désordre est partiellement imputable à la région, dont la part de responsabilité doit être fixée à 5 %, la réparation qui lui est due à ce titre doit être fixée à 104 504 euros HT, à laquelle il convient d’ajouter la somme de 848,31 euros TTC, correspondant à 95 % des frais d’échafaudage qu’elle a exposés dans le cadre de l’inspection de la toiture du gymnase.
Quant aux fuites en toiture dans le bâtiment CDI et dans les logements de fonction :
26. Comme pour les autres bâtiments du lycée, les fuites en toiture constatées dans le bâtiment CDI et dans les logements de fonction sont de nature à rendre ces parties du lycée impropres à leur destination et engagent par suite la responsabilité décennale des constructeurs.
27. Pour ce qui concerne le bâtiment CDI, les fuites constatées dans la coursive sont dues à la dégradation des joints entre les tôles translucides et les supports, en raison de l’agressivité du milieu ambiant. L’expert a estimé que la réparation de ce désordre nécessitait de reprendre les joints d’étanchéité des panneaux polycarbonate, pour un coût qu’il convient de fixer à 1 500 euros HT.
28. S’agissant du logement de fonction Ouest, les fuites étaient dues à l’insuffisance de hauteur des tôles de rives. La société CMOI, sous-traitant de la société GTOI, est intervenue pour mettre en place des tôles de rives plus larges, ce qui a permis de mettre fin au désordre. Le coût de cette intervention, acquitté par la région, s’est élevé à 1 302 euros TTC. Ces fuites se sont par ailleurs traduites par la dégradation des peintures et du plafond du logement concerné, dont l’expert a évalué la reprise à un coût de 1 680 euros HT.
29. Enfin, la société ADP est intervenue au mois de mai 2005, sur la toiture d’un autre logement de fonction, afin d’effectuer une opération similaire à celle réalisée par la société CMOI sur le logement de fonction Ouest, à savoir la mise en place de tôles de rive plu