Brevets : la compétence territoriale et matérielle en matière de litige commercial

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Brevets : la compétence territoriale et matérielle en matière de litige commercial
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Si une clause attributive de juridiction trouve application s’agissant de la licence de brevet au regard de la compétence nationale du tribunal de Paris en matière de brevet, elle ne peut s’appliquer qu’au regard des dispositions précédentes auxquelles elle ne déroge pas expressément. Elle ne déroge pas ainsi à la disposition contractuelle par laquelle les parties ont spécifiquement prévu la compétence des tribunaux de commerce pour les procédures tendant à obtenir des mesures d’urgence ou conservatoires, en référé ou requête.

Par ailleurs, la compétence de la juridiction consulaire s’applique non seulement aux actes mais aussi aux agissements délictueux et quasi-délictueux dès lors qu’il est établi que ces faits juridiques sont en relation avec une activité commerciale.

Aux termes de l’article 75 du code de procédure civile, s’il est prétendu que la juridiction saisie est incompétente, la partie qui soulève cette exception doit, à peine d’irrecevabilité, la motiver et faire connaître dans tous les cas devant quelle juridiction elle demande que l’affaire soit portée.

L’article L.211-3 du code de l’organisation judiciaire précise que le tribunal judiciaire connaît de toutes les affaires civiles et commerciales pour lesquelles compétence n’est pas attribuée, en raison de la nature de la demande à une autre juridiction.

En vertu de l’article L.723-1 du code de commerce, les tribunaux de commerce connaissent :
1° Des contestations relatives aux engagements entre commerçants, entre artisans, entre établissements de crédit, entre sociétés de financement ou entre eux ;
2° De celles relatives aux sociétés commerciales ;
3° De celles relatives aux actes de commerce entre toutes personnes.

Ainsi, les tribunaux de commerce sont compétents pour connaître des contestations relatives aux engagements entre commerçants et de celles relatives aux sociétés commerciales.

L’article L.210-1 du même code précise que sont commerciales à raison de leur forme et quel que soit leur objet, notamment les sociétés par action et les sociétés anonymes.

Résumé de l’affaire

La société MYZEE TECHNOLOGY a assigné les sociétés KEOLIS [Localité 5] METROPOLE et KEOLIS [Localité 5] METROPOLE MOBILITES devant le président du tribunal judiciaire de Bordeaux en référé pour obtenir le paiement de factures impayées et faire cesser un prétendu dénigrement. Les sociétés défenderesses contestent la compétence du tribunal de Paris et demandent le rejet des demandes de MYZEE. L’affaire est en attente d’une décision sur l’exception d’incompétence.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

1 juillet 2024
Tribunal judiciaire de Paris
RG n°
24/52258
TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS

N° RG 24/52258 – N° Portalis 352J-W-B7I-C4NWK

N° : 10

Assignation du :
22 Mars 2024

[1]

[1] 2 Copies exécutoires
délivrées le:

ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ
rendue le 01 juillet 2024

par Violette BATY, Vice-présidente au Tribunal judiciaire de Paris, agissant par délégation du Président du Tribunal,

Assistée de Pascale GARAVEL, Greffier.
DEMANDERESSE

La société MYZEE TECHNOLOGY S.A.S.
[Adresse 2]
[Localité 4]

représentée par Me Pierre REYNAUD, avocat au barreau de PARIS – #D1685

DEFENDERESSES

La société KEOLIS [Localité 5] METROPOLE MOBILITES S.A.
[Adresse 1]
[Adresse 1]
[Localité 5]

La société KEOLIS [Localité 5] METROPOLE S.A.
[Adresse 1]
[Localité 5]

représentées par Maître Benoît DESCOURS de la SELARL VIGY LAW, RAVET AVOCATS, avocat au barreau de PARIS – #P209, avocat constitué et par Me Xavier VAHRAMIAN, avocat au barreau de LYON, CABINET CMS FRANCIS LEFEBVRE LYON, [Adresse 3], avocat plaidant

DÉBATS

A l’audience du 03 Juin 2024, tenue publiquement, présidée par Violette BATY, Vice-présidente, assistée de Pascale GARAVEL, Greffier,

Nous, Président,

Après avoir entendu les conseils des parties,

Par acte délivré le 22 mars 2024, la société MYZEE TECHNOLOGIY a fait assigner la société KEOLIS [Localité 5] METROPOLE et la société KEOLIS [Localité 5] METROPOLE MOBILITES devant le président du tribunal judiciaire de Bordeaux statuant en matière de référé, au visa de l’article 835 du code de procédure civile, de l’article 1103 du code civil et de l’article L.131-1 du code des procédures civiles d’exécution, aux fins de voir :

“Dire que la créance de la Société MYZEE TECHNOLOGY S.A.S. revêt la nature d’une obligation de payer non sérieusement contestable par les Sociétés KEOLIS [Localité 5] MÉTROPOLE S.A. et KEOLIS [Localité 5] MÉTROPOLE MOBILITÉS S.A. ;

Condamner par provision et in solidum les Sociétés KEOLIS [Localité 5] MÉTROPOLE S.A. et KEOLIS [Localité 5] MÉTROPOLE MOBILITÉS S.A., ou l’une à défaut de l’autre, à payer à la Société MYZEE TECHNOLOGY S.A.S. une somme de 95.351,33 €, au titre de factures impayées ;

Assortir la provision allouée d’un intérêt du triple du taux légal à compter du lendemain de l’échéance de chaque facture, sur son montant, jusqu’à parfait paiement ;

Condamner par provision et in solidum les sociétés KEOLIS [Localité 5] MÉTROPOLE S.A. et KEOLIS [Localité 5] MÉTROPOLE MOBILITÉS S.A., ou l’une à défaut de l’autre, à payer à la Société MYZEE TECHNOLOGY S.A.S. une somme de 40 € par facture impayée ;

Ordonner la capitalisation des intérêts courus par année entière sur les condamnations à intervenir ;

Dire que la publicité donnée par les Sociétés KEOLIS [Localité 5] MÉTROPOLE S.A. et KEOLIS [Localité 5] MÉTROPOLE MOBILITÉS S.A. à leur différend avec la Société MYZEE TECHNOLOGY S.A.S. caractérise un trouble manifestement illicite, notamment au regard des stipulations contractuelles en vigueur entre les parties ;

Enjoindre aux Sociétés KEOLIS [Localité 5] MÉTROPOLE S.A. et KEOLIS [Localité 5] MÉTROPOLE MOBILITÉS S.A. de cesser toute divulgation publique d’informations relatives à sa relation contractuelle avec la Société MYZEE TECHNOLOGY S.A.S., notamment par tous médias (presse écrite, presse Internet, radio, télévision, réseaux sociaux) ;

Assortir cette injonction de faire d’une astreinte provisoire de 15.000 € (quinze mille euros) par infraction constatée postérieurement à la signification de l’ordonnance à intervenir ;

Enjoindre aux sociétés KEOLIS [Localité 5] MÉTROPOLE S.A. et KEOLIS [Localité 5] MÉTROPOLE MOBILITÉS S.A. à publier, à leurs frais exclusifs, le dispositif de l’ordonnance à intervenir dans un organe de presse écrite d’informations générales d’envergure régionale (NOUVELLE AQUITAINE), et dans un organe de presse écrite d’informations générales d’envergure nationale ;

Assortir cette injonction de faire d’une astreinte provisoire de 2.000 € (deux mille euros) par jour de retard, passé un délai de quinze jours, postérieurement à la signification de l’ordonnance à intervenir, et ce pour une durée de six mois ;

Réserver au Président du tribunal judiciaire de PARIS, statuant en référé, le soin de liquider éventuellement ces deux astreintes, et d’en prononcer de nouvelles, provisoires ou définitives, le cas échéant ;

Condamner par provision et in solidum les sociétés KEOLIS [Localité 5] MÉTROPOLE S.A. et KEOLIS [Localité 5] MÉTROPOLE MOBILITÉS S.A. à payer, chacune, à la Société MYZEE TECHNOLOGY S.A.S. une somme de 5.000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;

Condamner par provision et in solidum les sociétés KEOLIS [Localité 5] MÉTROPOLE S.A. et KEOLIS [Localité 5] MÉTROPOLE MOBILITÉS S.A. aux dépens de l’instance, en ce compris les 3.170,79 € de frais de constats par Commissaire de justice avancés par la Société MYZEE TECHNOLOGY S.A.S.”.

A l’audience du 3 juin 2024, la société MYZEE TECHNOLOGY, représentée par son conseil, a répliqué à l’exception d’incompétence matérielle et territoriale soulevée en défense in limine litis, en faisant valoir que le protocole d’accord valant licence signé entre les parties et régissant le dernier état de leur relation contractuelle, ayant notamment prolongé les effets de la convention de services, contient une clause attributive de compétence au tribunal judiciaire de Paris.

Les société défenderesses, représentées par leur conseil, a repris oralement les conclusions déposées tendant à voir, au visa des articles 42, 47, 48, 75, 700 et 835 du code de procédure civile :

“IN LIMINE LITIS, SUR LA COMPETENCE

– SE DECLARER incompétent au profit du Président du tribunal de commerce de Bordeaux

A TITRE SUBSIDIAIRE,

SUR LE TROUBLE MANIFESTEMENT ILLICITE

– JUGER que les articles/communications visées par MYZEE ne caractérise aucun dénigrement et partant qu’aucun trouble manifestement illicite n’est caractérisé

En conséquence,

– DEBOUTER MYZEE de l’intégralité de ses demandes principales et accessoires

SUR LA PREVENTION D’UN PERIL IMMINENT

– JUGER l’absence de péril imminent caractérisé

En conséquence

– DEBOUTER MYZEE de l’intégralité de ses demandes à ce titre principales et accessoires

EN TOUT ETAT DE CAUSE,

– DEBOUTER MYZEE de sa demande au titre des frais de constat

– DEBOUTER MYZEE au titre de sa demande d’article 700 du code de procédure civile

– CONDAMNER la société MYZEE à verser la somme de 5.000 € à chacune des défenderesses au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;

– CONDAMNER la société MYZEE aux entiers dépens”.

Les sociétés KEOLIS [Localité 5] METROPOLE et KEOLIS [Localité 5] METROPOLE MOBILITES soutiennent in limine litis l’incompétence matérielle et territoriale du président du tribunal judiciaire de Paris au profit du président du tribunal de commerce de Bordeaux statuant en référé en faisant valoir que le contrat de services a été signé entre la requérante et la société KEOLIS [Localité 5] METROPOLE, le 7 février 2019, pour deux ans, puis suivi de trois avenants portant prorogation de la date d’échéance du contrat et transférant aux termes du dernier avenant, le contrat au profit de la nouvelle délégataire de service public, la société KEOLIS [Localité 5] METROPOLE MOBILITES ; que les parties ont signé un protocole d’accord valant licence sur l’utilisation du brevet déposé par la société MYZEE TECHNOLOGY en contrepartie de la prolongation du contrat de services de six mois jusqu’au 31 décembre 2023 aux conditions antérieures ; que le litige portant sur le paiement de facture et un prétendu dénigrement entre sociétés commerciales, relève de la compétence du tribunal de commerce ; que par ailleurs, au regard du siège social du défendeur et du lieu d’exécution du contrat mais aussi de la clause attributive de compétence incluse au contrat initial, seul le tribunal de commerce de Bordeaux est compétent ; que la clause attributive de compétence au tribunal judiciaire de Paris, invoquée en demande est sans lien avec l’action en paiement et ne se rapporte qu’aux actes la contenant et notamment aux droits de propriété intellectuelle sur lesquels les parties ont transigé.

A l’issue des débats des parties sur l’exception d’incompétence soulevée en défense, le juge des référés a avisé les parties qu’il serait statué sur cette exception par ordonnance mise à disposition au greffe, le 1er juillet 2024.

SUR CE,

Aux termes de l’article 75 du code de procédure civile, s’il est prétendu que la juridiction saisie est incompétente, la partie qui soulève cette exception doit, à peine d’irrecevabilité, la motiver et faire connaître dans tous les cas devant quelle juridiction elle demande que l’affaire soit portée.

L’article L.211-3 du code de l’organisation judiciaire précise que le tribunal judiciaire connaît de toutes les affaires civiles et commerciales pour lesquelles compétence n’est pas attribuée, en raison de la nature de la demande à une autre juridiction.

En vertu de l’article L.723-1 du code de commerce, les tribunaux de commerce connaissent :
1° Des contestations relatives aux engagements entre commerçants, entre artisans, entre établissements de crédit, entre sociétés de financement ou entre eux ;
2° De celles relatives aux sociétés commerciales ;
3° De celles relatives aux actes de commerce entre toutes personnes.

Ainsi, les tribunaux de commerce sont compétents pour connaître des contestations relatives aux engagements entre commerçants et de celles relatives aux sociétés commerciales.

L’article L.210-1 du même code précise que sont commerciales à raison de leur forme et quel que soit leur objet, notamment les sociétés par action et les sociétés anonymes.

La compétence de la juridiction consulaire s’applique non seulement aux actes mais aussi aux agissements délictueux et quasi-délictueux dès lors qu’il est établi que ces faits juridiques sont en relation avec une activité commerciale.

La société MYZEE TECHNOLOGY, commerciale par la forme s’agissant d’une société par action simplifiée, sollicite le paiement d’une provision à valoir sur le paiement de prestations de nature commerciale nées du contrat de service la liant à la société KEOLIS [Localité 5] METROPOLE, stipulant par ailleurs une clause attributive de compétence aux tribunaux de [Localité 5] pour tout différent relatif à l’interprétation, la validité et/ou l’exécution du contrat y compris pour les procédures tendant à obtenir des mesures d’urgence ou conservatoires, en référé ou requête.

Elle impute par ailleurs un comportement fautif de dénigrement commercial aux sociétés KEOLIS [Localité 5] METROPOLE et KEOLIS [Localité 5] METROPOLE MOBILITES, également commerciales par la forme s’agissant de sociétés anonymes.

Les avenants successifs portant modification des clauses relatives à la durée et au transfert prévoient que les clauses du contrat initial demeurent applicables tant qu’elles ne sont pas contraires aux dispositions contenues dans l’avenant, que l’avenant est régi par le droit français et que toute difficulté liée à son interprétation ou à son exécution sera soumise aux tribunaux de Paris.

Le litige ne portant pas sur les clauses de durée et de transfert aménagées par avenant, la clause attributive de compétence territoriale contenue aux avenants n’a pas vocation à s’appliquer à la présente instance.

La transaction valant licence signée par les parties le 29 juin 2023 contient en outre une clause attributive de compétence au tribunal judiciaire de Paris. Cette clause est également cantonnée à la validité, l’interprétation et/ou l’exécution de la transaction valant licence.

Il est d’évidence en l’espèce qu’il n’est pas fait état d’atteinte spécifique aux droits que la requérante tiendrait du brevet dont elle est titulaire.

Si cette clause trouve application s’agissant de la licence de brevet au regard de la compétence nationale du tribunal de Paris en matière de brevet, elle ne peut s’appliquer qu’au regard des dispositions précédentes auxquelles elle ne déroge pas expressément. Elle ne déroge pas ainsi à la disposition contractuelle par laquelle les parties ont spécifiquement prévu la compétence des tribunaux de Bordeaux pour les procédures tendant à obtenir des mesures d’urgence ou conservatoires, en référé ou requête.

L’article 873 du code de procédure civile donne compétence au président du tribunal de commerce pour prescrire en référé, même en présence d’une contestation sérieuse, les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite, ainsi que, dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, pour accorder une provision au créancier, ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire.

Puisque le litige pour la solution et dans la perspective duquel sont requises des provisions ainsi que des mesures conservatoires et de remise en état, par la société MYZEE TECHNOLOGY, relève de la juridiction commerciale, il convient de faire droit à l’exception d’incompétence matérielle et territoriale et de nous dessaisir au profit du président du tribunal de commerce de Bordeaux, territorialement compétent à raison de l’adresse du siège social des défenderesses mais aussi du lieu d’exécution des prestations et du dommage et enfin du lieu principal d’exécution des mesures conservatoires et de remise en état sollicitées sous astreinte.

La décision de renvoi ne mettant pas fin au litige, il n’y a pas lieu de statuer sur les frais irrépétibles et les dépens.

PAR CES MOTIFS

Statuant en référé, par remise au greffe le jour du délibéré, après débats en audience publique, par décision contradictoire et en premier ressort,

Faisons droit à l’exception d’incompétence et nous déclarons matériellement et territorialement incompétent ;

Renvoyons l’affaire et les parties devant le président du tribunal de commerce de Bordeaux statuant en référé ;

Ordonnons que la présente décision soit notifiée aux parties par lettre recommandée en application de l’article 84 du code de procédure civile,

Disons qu’à défaut d’appel dans un délai de quinze jours à compter de cette notification, le dossier de l’affaire sera transmis par le secrétariat avec une copie de la décision de renvoi à la juridiction désignée, en application de l’article 82 du code de procédure civile.

Ainsi fait à PARIS, le 1er juillet 2024.

Le Greffier,Le Président,

Pascale GARAVELViolette BATY


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