Brevets : définition de l’homme du métier

Brevets : définition de l’homme du métier

L’homme du métier est celui du domaine de l’invention ou du problème à la base de l’invention. Le premier alinéa de l’article L. 611-14 du code de la propriété intellectuelle dispose qu’«une invention est considérée comme impliquant une activité inventive si, pour un homme du métier, elle ne découle pas d’une manière évidente de l’état de la technique». L’article L. 612-5 dudit code énonce que «l’invention doit être exposée dans la demande de brevet de façon suffisamment claire et complète pour qu’un homme du métier puisse l’exécuter».

En l’espèce, les parties diffèrent sur la définition de l’homme du métier qui devrait être pour les sociétés appelantes «un technicien mécanicien compétent pour des dispositifs de repliement et de rangement d’une structure mécanique lourde, où se posent des problèmes de frottements et de manipulations» et pour la société intimée, «un spécialiste des dispositifs de guidage et de levage de garde-corps destinés à être repliés sur des plateformes en encorbellement».

En l’occurrence, l’invention, telle que présentée au premier paragraphe de la partie descriptive du brevet, relève du domaine des dispositifs de repliement et de rangement de structure et plus particulièrement du domaine des dispositifs de repliement de garde-corps sur des plateformes de travail en encorbellement. Ainsi, la cour retient comme pertinente la définition proposée par la société Hussor du «spécialiste des dispositifs de guidage et de levage du garde-corps destinés à être repliés sur des plateformes en encorbellement».

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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 2

ARRÊT DU 02 AVRIL 2021

(n°60, 13 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : n° RG 18/19722 – n° Portalis 35L7-V-B7C-B6ITB

Décisions déférées à la Cour :

1/ jugement du 1er décembre 2017 -Tribunal de grande instance de PARIS – 3e chambre 2e section – RG n°15/07194 2/ jugement rectificatif du 22 décembre 2017 -Tribunal de grande instance de PARIS – 3e chambre 2e section – RG n°17/17480

APPELANTES

S.A.S. OUTINORD ST AMAND – représentée par sa présidente, la S.A.S. DOLSKI, agissant elle-même en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social situé […] 59230 Saint-Amand-les-Eaux – ayant son siège social situé

[…]

59230 SAINT-AMAND-LES-EAUX

Immatriculée au rcs de Valenciennes sous le numéro 301 896 619

S.A.S. OUTINORD LOCATION – représentée par sa présidente, la S.A.S. DOLSKI, agissant elle-même en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social situé […] 59230 Saint-Amand-les-Eaux – ayant son siège social situé

[…]

59230 SAINT-AMAND-LES-EAUX

Immatriculée au rcs de Valenciennes sous le numéro 414 341 610

Représentées par Me Bertrand WARUSFEL de la SELARL FELTESSE – WARUSFEL – PASQUIER & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque K 0028

Assistées de Me Bertrand WARUSFEL plaidant pour la SELARL FELTESSE – WARUSFEL – PASQUIER & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque K 0028, Me Anne-Hélène CARSIN, avocate au barreau de PARIS, toque K 0028

INTIMEE

S.A.S. HUSSOR – représentée par sa présidente, la S.A.S. FINANCIERE WEISSBACH, prise elle-même en la personne de son représentant légal, M. C D, domicilié en cette qualité au siège social situé […] ayant son siège social situé

La Croix d’Orbey

[…]

Immatriculée au rcs de Colmar sous le numéro 333 566 727

Représentée par Me Benoît HENRY de la SELARL RECAMIER AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque K 148

Assistée de Me Guillaume HENRY plaidant pour l’AARPI SZLEPER – HENRY, avocat au barreau de PARIS, toque R 017

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 11 février 2021, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme E F, Présidente, en présence de Mme G H, Conseillère, chargée d’instruire l’affaire, laquelle a préalablement été entendue en son rapport

Mmes E F et G H ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme E F , Présidente

Mme G H, Conseillère

Mme Agnès MARCADE, Conseillère

Greffière lors des débats : Mme Carole TREJAUT

ARRET :

Contradictoire

Par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile

Signé par Mme E F, Présidente, et par Mme Carole TREJAUT, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

Vu le jugement contradictoire rendu le 01 décembre 2017 par le tribunal de grande instance de Paris et le jugement rectificatif en date du 22 décembre 2017,

Vu l’appel interjeté le 05 août 2018 par les sociétés Outinord St Amand et Outinord Location (ensemble les sociétés Outinord),

Vu les dernières conclusions remises au greffe, et notifiées par voie électronique le 02 mars 2020 par les sociétés Outinord, appelantes,

Vu les dernières conclusions remises au greffe, et notifiées par voie électronique le 04 mars 2020 par la société Hussor, intimée,

Vu l’ordonnance de clôture du 05 mars 2020.

SUR CE, LA COUR,

Il est expressément renvoyé, pour un exposé complet des faits de la cause et de la procédure à la décision entreprise et aux écritures précédemment visées des parties.

La société Hussor, inscrite au registre du commerce et des sociétés de Colmar, a pour activité la conception, la fabrication, la commercialisation, l’entretien et la réparation d’équipements destinés à l’industrie du bâtiment et des travaux publics.

Elle est titulaire d’un brevet français délivré le 28 février 2014 (le brevet FR 126) sur une demande déposée auprès de l’Institut national de la propriété industrielle (INPI) le 5 janvier 2012 sous le numéro FR 12 50126 et publiée le 12 juillet 2013 sous le numéro FR 2 501 26, portant sur un «dispositif de guidage et de levage de garde-corps de plateforme de travail en encorbellement».

Ce brevet a fait l’objet le 9 mars 2016, au cours de la procédure de première instance, d’une requête en limitation acceptée par l’INPI suivant décision du 10 mai 2016 et portée au registre national des brevets le 12 mai 2016.

La société Outinord St Amand précise être spécialisée dans la conception, la fabrication et la commercialisation de coffrages métalliques et les moyens pour leur mise en ‘uvre.

La société Outinord Location, anciennement Outinord MSBI, issue de la reprise par la société Outinord St Amand de la société MSBI, se présente comme spécialisée dans la fabrication de tout matériel spécifique pour le bâtiment et à ce titre fabrique et commercialise la plateforme en encorbellement « PTS + » faisant l’objet du présent litige.

Les sociétés Outinord sont toutes deux inscrites au registre du commerce et des sociétés de Valenciennes, ont le même siège social et les mêmes dirigeants.

La société Hussor ayant constaté en 2013 que la société Outinord St Amand proposait à la vente une nouvelle plateforme en encorbellement munie d’un garde-corps dénommée PTS+, contrefaisant selon elle son brevet, a mis en demeure les 8 avril 2013 et 24 avril 2014 les sociétés Outinord de respecter ses droits de propriété intellectuelle et a fait procéder le 22 avril 2015 à une saisie-contrefaçon, autorisée par une ordonnance présidentielle en date du 20 avril 2015, sur le stand des sociétés Outinord au salon INTERMAT à Villepinte (93000).

Elle a ensuite, par acte d’huissier de justice du 21 mai 2015, fait assigner devant le tribunal de grande instance de Paris les sociétés Outinord en contrefaçon des revendications 1, 2, 3, 4, 5 et 11 du brevet FR 126. Les sociétés Outinord ont à titre reconventionnel soutenu la nullité du procès-verbal de saisie contrefaçon et la nullité des revendications opposées pour défaut d’activité inventive.

Le tribunal de grande instance de Paris par jugement du 01 décembre 2017 rectifié par jugement du 22 décembre 2017, a :

— débouté les sociétés Outinord de leur demande en nullité du procès-verbal de saisie-contrefaçon du 22 avril 2015,

— débouté les sociétés Outinord de leur demande en nullité du brevet FR 126 (nommé par le jugement brevet FR 2 985 533) portant sur un «dispositif de guidage et de levage de garde-corps de plateforme de travail en encorbellement» dont est titulaire la société Husso

— dit qu’en fabriquant, offrant en vente et commercialisant une plateforme en encorbellement dénommée «PTS +», les sociétés Outinord ont commis des actes de contrefaçon des revendications 1, 2, 4 et 10 dudit brevet,

— débouté la société Hussor de l’action en contrefaçon portant sur la revendication 3 dudit brevet,

En conséquence,

— fait interdiction aux sociétés Outinord de poursuivre de tels agissements et ce, sous astreinte de 8.000 euros par infraction constatée passé un délai de 1 mois à compter de la signification de la présente décision,

— ordonné aux sociétés Outinord de rappeler des circuits commerciaux, l’ensemble des dispositifs de guidage et de levage de garde-corps de plateformes incriminés et ce, sous astreinte de 5.000 euros par jour de retard, à l’issue d’un délai de 1 mois après la signification du jugement,

— ordonné aux sociétés Outinord de communiquer à la société Hussor, sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard à l’issue d’un délai de 1 mois à compter de la signification du présent jugement et pendant un délai de 3 mois, un état récapitulatif, certifié par un expert-comptable, du nombre de plateformes PTS+ fabriquées, offertes et vendues entre le 21 mai 2010 et le présent jugement et des bénéfices nets réalisés par ces deux sociétés du fait de la commercialisation de ces produits durant cette période,

— dit que le tribunal se réserve la liquidation des astreintes ordonnées,

— condamné les sociétés Outinord à payer à la société Hussor, à valoir sur l’indemnité définitive, la somme provisionnelle de 60.000 euros de dommages-intérêts au titre des conséquences négatives de la contrefaçon, la somme provisionnelle de 40.000 euros au titre des bénéfices du contrefacteur et la somme de 20.000 euros au titre du préjudice moral,

— condamné in solidum les sociétés Outinord à payer à la société Hussor la somme de 40.000 euros au titre de l’article 700 code de procédure civile,

— condamné in solidum les sociétés Outinord aux dépens, en ce compris les frais et honoraires de saisie-contrefaçon, dont distraction en application de l’article 699 code de procédure civile,

— ordonné l’exécution provisoire.

Sur la validité des revendications 1, 2, 3, 4 et 10 du brevet FR 126 opposées au titre de la contrefaçon par la société Hussor

Le brevet FR 126 intitulé «dispositif de guidage et de levage de garde-corps de plateforme de travail en encorbellement» déposé le 5 janvier 2012 et délivré le 28 février 2014 comportait initialement 11 revendications et en annexe de la description, cinq dessins.

Au cours de la procédure de première instance le brevet a fait l’objet d’une limitation acceptée par l’INPI le 10 mai 2016 et comporte désormais 10 revendications seulement, les revendications 2 à 10 étant des revendications dépendantes.

La partie descriptive de l’invention précise qu’elle ressort du domaine des dispositifs de repliement et de rangement de structure et plus particulièrement du domaine des dispositifs de repliement de garde-corps sur des plateformes de travail en encorbellement permettant le déplacement et la circulation d’intervenants sur des chantiers en hauteur.

L’art antérieur tel que décrit propose des plateformes dont les garde-corps sont adaptés pour être positionnés horizontalement sous le plancher de la plateforme, lorsque la plateforme est repliée. Le changement de position du garde-corps depuis une position de stockage vers une position sécuritaire est effectué par retrait du garde-corps selon un plan horizontal jusqu’à ce que les pieds du

garde-corps entrent en butée bloquant le garde-corps dans une position intermédiaire pour être relevé et basculé dans une position sécuritaire.

Il est précisé que ce mode de réalisation présente l’inconvénient de générer une usure et des efforts importants en raison du frottement qui existe au niveau des pieds du garde-corps lors de son retrait du plancher de la plateforme et que ces plateformes sont lourdes et difficiles à manipuler par une personne seule.

L’invention, pour pallier ces inconvénients, propose un dispositif de guidage et levage du garde-corps d’une plateforme de travail permettant une manipulation facilitée aussi bien dans le déploiement que dans le repliement de la plateforme de travail tout en limitant l’usure et la dégradation de certaines des parties du garde-corps. Elle propose un dispositif de guidage et levage d’au moins un garde-corps pour son rangement et son déploiement sur une plateforme de travail, le garde-corps étant adapté pour être déplacé de façon réversible depuis une première position de rangement contre la surface d’un plancher de la plateforme de travail vers une seconde position intermédiaire translatée par rapport au plancher pour permettre une bascule du garde-corps par rapport à la plateforme de travail, puis vers une troisième position basculée par rapport au plan du plancher de la plateforme de travail.

Les sociétés Outinord soulèvent incidemment la nullité des revendications 1, 2, 3, 4 et 10 du brevet, qui sont les revendications opposées par la société Hussor au soutien de son action en contrefaçon, à titre principal pour défaut d’activité inventive et nouvellement en appel pour insuffisance de description à titre subsidiaire.

Le premier alinéa de l’article L. 611-14 du code de la propriété intellectuelle dispose qu’«une invention est considérée comme impliquant une activité inventive si, pour un homme du métier, elle ne découle pas d’une manière évidente de l’état de la technique».

L’article L. 612-5 dudit code énonce que «l’invention doit être exposée dans la demande de brevet de façon suffisamment claire et complète pour qu’un homme du métier puisse l’exécuter».

Les parties diffèrent sur la définition de l’homme du métier qui devrait être pour les sociétés appelantes «un technicien mécanicien compétent pour des dispositifs de repliement et de rangement d’une structure mécanique lourde, où se posent des problèmes de frottements et de manipulations» et pour la société intimée, «un spécialiste des dispositifs de guidage et de levage de garde-corps destinés à être repliés sur des plateformes en encorbellement».

L’homme du métier est celui du domaine de l’invention ou du problème à la base de l’invention.

Or comme ci-dessus rappelé l’invention, telle que présentée au premier paragraphe de la partie descriptive du brevet, relève du domaine des dispositifs de repliement et de rangement de structure et plus particulièrement du domaine des dispositifs de repliement de garde-corps sur des plateformes de travail en encorbellement.

Ainsi, la cour retient comme pertinente la définition proposée par la société Hussor du «spécialiste des dispositifs de guidage et de levage du garde-corps destinés à être repliés sur des plateformes en encorbellement».

L’état de la technique le plus proche, ainsi que constaté par les premiers juges et non contredit par les parties, résulte des documents élaborés par un groupe de travail qui a été constitué à l’initiative de la société SICRA, filiale du groupe Vinci, cherchant à renouveler ses plateformes de travail en encorbellement, et ayant demandé aux trois acteurs principaux du marché (à savoir les sociétés Hussor, Outinord et Sateco) de réfléchir à une nouvelle plateforme de travail en encorbellement, et plus particulièrement les comptes rendus SICRA des 7, 28 juin et 25 juillet 2011.

Sur la validité de la revendication 1 :

La revendication numéro 1 se lit comme suit :

« Dispositif de guidage et levage d’au moins un garde-corps (11) pour son rangement et/ou son déploiement sur une plateforme de travail (10), le garde-corps (11) étant adapté pour être déplacé de façon réversible depuis une première position de rangement contre la surface d’un plancher (4) de la plateforme de travail (10) vers une seconde position intermédiaire translatée par rapport au planchet (4) pour permettre une bascule du garde-corps (11) par rapport à la plateforme de travail (10), puis une troisième position basculée par rapport au plan du plancher (4) de la plateforme de travail (10), caractérisé en ce que le dispositif de guidage et levage comprend :

  • au moins un rail de guidage (3) monté sur une des faces du plancher (4) de la plateforme (10),
  • au moins un ensemble roulant (1) monté sur une partie du garde-corps (11) et formant un élé’ment d’articulation pour la bascule du garde-corps (11) par rapport au rail de guidage (3) et a’ la plateforme de travail (10),

—  l’ensemble roulant (1) comprenant au moins un premier mécanisme de roulement (2) arrange’ pour se de’placer le long d’au moins une première surface du rail de guidage (3), de sorte que le de’placement de l’ensemble roulant (11) sur le rail (3) est réalisé selon un axe orthogonal a’ l’axe de pivotement du garde-corps (11) par rapport au plancher (4) de la plateforme de travail (10),

et en ce que l’ensemble roulant (1) comprend e’galement un ressort en torsion (5) comprenant au moins une extre’mite’ monte’e-fixe’e avec une partie du garde-corps (11) de sorte que le ressort (5) supporte une plus forte tension lorsque le garde-corps (11) est en position de rangement contre la surface d’un plancher (4) et une plus faible tension lorsque le garde-corps (11) est en position de bascule par rapport au rail de guidage (3)».

Les sociétés Outinord contestent l’activité inventive de la revendication 1 au regard des comptes rendus SICRA et notamment de celui daté du 25 juillet 2011 et des connaissances générales de l’homme du métier et subsidiairement en combinant les documents SICRA et un brevet US 2 925 081 «Shooter».

Les premiers juges ont à juste titre retenu, et les parties ne sont pas en désaccord sur ce point, que la seule différence entre la revendication 1 et l’état de la technique antérieure la plus proche tel qu’il ressort des documents SICRA est l’ajout sur l’ensemble roulant d’un «ressort en torsion comprenant au moins une extrémité montée-fixée avec une partie du garde-corps» précisé et décrit au dernier paragraphe de la revendication.

La cour observe qu’il s’agissait initialement d’une revendication numérotée 2 du brevet initial qui a été intégrée à la revendication 1 lors de la limitation acceptée par l’INPI le 10 mai 2016. La cour, comme l’a été le tribunal, est saisie de la validité de la revendication telle que limitée.

Les documents élaborés par le groupe de travail SICRA identifient la nécessité de remédier à deux inconvénients des plateformes en encorbellement que sont d’une part le poids trop important du garde-corps (dénommé « auvent » dans les documents SICRA) et d’autre part le manque de roulettes.

Il est clairement préconisé l’ajout de roulettes pour faciliter les mouvements du garde-corps, qui ne constituent pas dès lors une amélioration brevetable mais en aucun cas il n’est évoqué ou préconisé l’ajout d’un ressort de torsion au garde-corps.

La seule préconisation, outre les roulettes, pour contrecarrer l’inconvénient lié au poids du garde-corps est une recherche relative à de nouveaux matériaux plus légers, tel l’aluminium, ou à la

division du garde-corps en deux parties limitant ainsi le poids de chaque partie.

Les sociétés Outinord soutiennent qu’à partir de l’enseignement des comptes-rendus SICRA qui prévoyaient déjà les roulettes et qui posaient le problème technique du poids du garde-corps, l’homme du métier au regard de ses connaissances générales ou encore en utilisant le brevet US «Shooter», était incité à associer au garde-corps un ressort de torsion pour assister son levage.

Pour autant s’il n’est pas contestable que l’homme du métier connaît l’existence du ressort à torsion et sait qu’il peut aider au mouvement, la démonstration n’est pas apportée par les sociétés Outinord qu’il aurait été incité à y recourir pour résoudre le problème posé par le poids du garde-corps.

En effet, les brevets cités par les sociétés Outinord faisant usage de ressort à torsion concernent des domaines très différents de celui des dispositifs de repliement et de rangement de structure et en particulier des dispositifs de repliement de garde-corps sur des plateformes de travail en encorbellement, puisqu’ils s’agit de portes de garages (brevets FR 2630491 et EP 1229197), de trappes d’accès à des ouvrages du génie civil (brevets FR 2 683255 et EP 0741208), de capots de voitures (brevet US 2008/0016651), des barrières pivotantes (brevet FR 2 664 921), de coffres à bagages (brevet WO 2011/1333601) et ne peuvent être considérés comme constituant les connaissances générales de l’homme du métier tel que ci-dessus défini.

Par ailleurs et comme retenu par le tribunal, le catalogue technique «B800 EVOLUTION» de la société Outinord qui divulgue une branche comportant un ressort de torsion pour assister le pivotement autour d’un axe de pivot vertical d’un portillon, concerne un ressort ayant pour fonction d’assurer la fermeture automatique d’un portillon et non un ressort ayant pour fonction de faciliter l’action de levage d’un garde-corps et ne relève pas davantage du domaine technique de l’invention.

Les sociétés Outinord arguent nouvellement en appel de la combinaison des documents SICRA avec un brevet US 2925081 «Shooter» publié en février 1980 relatif à une structure de porte de four inséré dans une niche d’un mur de cuisine, plus couramment appelé four intégré.

S’agissant d’un domaine technique complètement étranger à celui des garde-corps de plateformes en encorbellement concerné par l’invention, il ne peut être sérieusement soutenu que l’homme du métier, confronté aux inconvénients auxquels l’invention propose de remédier, serait incité à s’intéresser aux enseignements du brevet américain opposé, relatif à de l’électroménager domestique.

En outre et comme justement relevé par les premiers juges, force est de constater qu’au sein du groupe de travail SICRA, lequel était composé des spécialistes des trois principales entreprises du secteur et dont l’objet était précisément de renouveler les plateformes en encorbellement, aucune des réflexions menées n’a conduit à proposer l’ajout d’un tel dispositif de ressort pour faciliter le déploiement des garde-corps.

Ainsi, les sociétés Outinord échouent à démontrer l’absence d’activité inventive de la revendication 1 et le jugement sera confirmé de ce chef.

Les sociétés Outinord soutiennent nouvellement en appel, à titre subsidiaire, la nullité de la revendication 1 pour insuffisance de description. Elles prétendent que l’homme du métier n’est pas mis en mesure de parvenir au résultat recherché à savoir un changement de tension entre les deux positions du garde-corps.

L’exigence de suffisance de description a pour finalité de garantir la possibilité pour l’homme du métier possédant les connaissances normales de la technique en cause, d’exécuter la revendication contestée sans effort excessif grâce aux informations fournies par l’ensemble du brevet et ses propres connaissances techniques.

Il a ci-dessus été retenu que la seule différence entre la revendication 1 et l’état de la technique le plus proche, tel qu’il ressort des documents SICRA, est l’ajout sur l’ensemble roulant d’un «ressort en torsion comprenant au moins une extrémité montée-fixée avec une partie du garde-corps» qui est décrit au dernier paragraphe de la revendication et constitue l’apport inventif de la revendication.

Or, il est précisé par la revendication que ce ressort en torsion comprend au moins une extre’mite’ monte’e-fixe’e avec une partie du garde-corps de sorte que le ressort supporte une plus forte tension lorsque le garde-corps est en position de rangement contre la surface d’un plancher et une plus faible tension lorsque le garde-corps est en position de bascule par rapport au rail de guidage.

Les sociétés Outinord ne peuvent être suivies lorsqu’elles énoncent une insuffisance de description relativement aux cinq premiers paragraphes de la revendication qui décrivent un dispositif deguidage et levage d’un garde-corps en des termes clairs et aisément compréhensibles.

La plupart des critiques portées par les sociétés Outinord au sujet de ces cinq premiers paragraphes sont relatives au résultat escompté et qui ne serait pas obtenu (il ne pourrait pas tenir en position intermédiaire, il ne pourrait empêcher les frottements, il ne serait pas possible de le déplacer ‘). Ces griefs ne peuvent être pertinents relativement à la critique de l’insuffisance de description dès lors que l’invention doit être réalisable par l’homme du métier peu important qu’elle atteigne ou non le but escompté.

Les sociétés Outinord indiquent également que le descriptif préconise deux rails alors que la revendication suggère qu’un seul serait possible. Pour autant, l’énoncé de la revendication «au moins un rail » est clair et le descriptif s’il propose une solution de deux rails ne l’impose pas.

Elles prétendent aussi que ni la structure de l’élément roulant, ni le point d’attache au garde-corps de celui-ci, ni le positionnement du rail de guidage ne sont suffisamment précisés pour réaliser l’invention et enfin qu’il n’est pas clairement explicité qu’en position basculée, le garde-corps repose sur le dispositif roulant et non grâce à l’extrémité du pied.

Pour autant, si la revendication ne décrivait pas suffisamment ces éléments, il conviendrait de se reporter en complément à la partie descriptive du brevet et aux dessins annexés.

La cour constate que l’homme du métier aidé de la description et des dessins est parfaitement à même de réaliser la revendication 1 du brevet et il ne sera pas fait droit à la demande d’annulation pour insuffisance de description.

Sur la validité des revendications dépendantes 2, 3, 4 et 10 :

Les revendications dépendantes, objet du litige, se lisent :

revendication 2 :

«Dispositif de guidage et de levage selon la revendication 1 caractérisée en ce que le ressort en torsion (5) comprend également une extrémité en appui contre une surface d’un rail, directement ou par l’intermédiaire d’un second mécanisme de roulement (6)».

revendication 3 :

«Dispositif de guidage et de levage selon la revendication 2 caractérisée en ce que le rail de guidage (3) pour le premier mécanisme de roulement (2) et le rail contre lequel appuie le ressort de torsion (5) sont une structure identique où la partie du rail (3) contre laquelle appuie le ressort en torsion (5) est une seconde surface du rail de guidage (3) différente de

revendication 4 :

«Dispositif de guidage et levage selon une des revendication précédentes, caractérisé en ce que les spires du ressort en torsion (5) sont centrés sur l’axe du premier mécanisme de roulement (2) de déplacement de l’ensemble de roulement (1) sur le rail de guidage (3)».

revendication 10 :

«Dispositif de guidage et levage selon une des revendication précédentes caractérisé en ce que l’ensemble roulant (1) est monté au niveau de l’extrémité inférieure du bord d’un garde-corps (11) et que le rail de guidage (3) est monté sur la surface inférieure du plancher (4) de la plateforme (10)».

Par de justes motifs que la cour adopte, le jugement entrepris a rejeté la demande d’annulation pour défaut d’inventivité des revendications 2, 3, 4 et 10 qui sont des revendications dépendantes de la principale numérotée 1 déclarée inventive.

Les sociétés Outinord seront également déboutées de leur demandes d’annulation de ces revendications dépendantes pour insuffisance de description dès lors qu’elles n’explicitent, ni ne motivent aucunement en quoi ces revendications dépendantes en seraient dépourvues.

Ainsi le jugement doit être confirmé en ce qu’il a débouté les sociétés Outinord de leurs demandes en annulation des revendications 1, 2, 3, 4 et 10 du brevet de la société Hussor.

Sur l’action en contrefaçon des revendications 1, 2, 3, 4 et 10 du brevet FR 126

Sur la validité du proce’s-verbal de saisie-contrefac’on du 22 avril 2015

Les sociétés Outinord demandent l’annulation du procès-verbal de saisie-contrefaçon estimant que les rôles ont été inversés entre l’huissier de justice et le conseil en propriété industrielle, M. X, qui aurait dirigé les opérations de saisie-contrefac’on et qu’il y a une reprise quasi-servile des descriptions de celui-ci dans le rapport. Elles affirment également qu’il y a des errements et des contradictions concernant les aspects essentiels du dispositif argué de contrefaçon, et en dernier lieu que la saisie a outrepassé les limites de l’ordonnance.

La cour rappelle que l’huissier de justice commis par ordonnance présidentielle ne peut effectuer que des constatations purement matérielles, exclusives de tout avis sur les conséquences de fait ou de droit qui peuvent en résulter, et dans la limite de la mission qui lui est confiée.

En l’espèce, l’ordonnance rendue le 20 avril 2015 par le président du tribunal de grande instance de Paris ayant autorisé la saisie contrefaçon a, notamment, autorisé l’huissier instrumentaire :

  • 1) à procéder à :

— la description détaillée des plateformes en encorbellement commercialisées par les sociétés Outinord, notamment leur dispositif de déploiement et de repliement du garde-corps, ainsi que de tout autre matériel permettant de mettre en ‘uvre les plateformes de travail en encorbellement et les opérations de déploiement et de repliement de leur garde-corps.

— la saisie de tout document se rapportant à la contrefaçon permettant d’établir la réalité, l’origine, la consistance et l’étendue de la contrefaçon, et notamment tout document technique ou commercial (fiches de fabrication, plans, notices, brochures, etc.) en quatre exemplaires après avoir proposé d’en payer le prix.

— la prise de copie de tout document original se rapportant à la contrefaçon permettant d’en établir la

réalité, l’origine, la consistance et l’étendue, et notamment tout bons de commande, bon de livraison, factures, etc.

  • 2) pour ce faire l’a autorisé à se faire assister dans les opérations de saisie-contrefaçon par tout homme de l’art qui ne soit pas préposé de la requérante, et notamment par MM. I Y et C X, conseils en propriété industrielle.
  • 3) dit que l’huissier pourra demander à tout préposé du saisi, ou réaliser lui-même avec l’assistance des hommes de l’art, la mise en ‘uvre du déploiement et du repliement du garde-corps des plateformes Outinord et de tout matériel se rapportant à la plateforme.
  • 4) dit que l’huissier notera toute déclaration, sans toutefois poser d’autres questions que celles nécessaires à1’accomplissement de sa mission.

L’huissier de justice instrumentaire était en outre autorisé à recueillir des éléments susceptibles d’établir l’origine, la consistance et l’étendue de la contrefaçon, de faire fonctionner le matériel informatique, de faire réaliser des enregistrements, vidéos et photographiques, notamment lors de la mise en ‘uvre des plateformes et de ne procéder à la signification des photographies ou films que postérieurement à la saisie-contrefaçon.

Il résulte du procès-verbal de saisie contrefaçon dressé manuscritement le 22 avril 2015 que l’huissier de justice s’est rendu, accompagné de MM. Y et X, sur le stand Outinord et y a trouvé M. Z dont la fonction est indiquée «président» sans autre précision, auquel il a signifié l’ordonnance.

Il ne peut être fait reproche à l’huissier instrumentaire d’avoir été accompagné de deux conseils en propriété industrielle, et non d’un seul, alors que les termes de l’ordonnance ne précisait pas expressément un nombre limité « d’hommes de l’art » dont l’assistance était autorisée et prévoyait au contraire expressément la possibilité de recourir à l’assistance de MM. Y et X du cabinet Y.

L’huissier a dans un premier temps demandé M. Z de lui faire une démonstration du fonctionnement de la plateforme trouvée montée sur le stand mais celui-ci lui a répondu qu’il était impossible de le faire en raison de la présence d’une mezzanine et qu’il était interdit d’effectuer de telles manipulations sur le salon. Il mentionne en fin de son constat avoir lui-même interrogé M. A, responsable sécurité du salon, qui lui a indiqué que pour opérer la manipulation souhaitée de la plateforme il fallait attendre 18 heures, horaire de fermeture du salon au public.

L’huissier instrumentaire n’a pas fait le choix de se mettre dans les conditions pour faire procéder à la manipulation de la plateforme mais a demandé à M. Z de lui expliquer le fonctionnement de celle-ci et recueilli ses explications.

De même, à la demande de M. X, il a «interrogé M. B J, responsable R et D sur le fonctionnement des roulettes lors de la bascule» et noté ses réponses.

Il apparaît qu’en agissant ainsi et en interrogeant M. Z et M. B, la présence de ce dernier aux opérations n’avait d’ailleurs pas été notée antérieurement au procès-verbal, l’huissier de justice instrumentaire a outrepassé la mission qui avait été autorisée par l’ordonnance présidentielle ci-dessus rappelée.

L’huissier instrumentaire a également sollicité l’assistance de M. X pour procéder à la description de la plateforme et a pris soin de retranscrire sa description entre guillemets et en indiquant qu’il s’agit de la description faite par celui-ci. Il a ensuite précisé ses propres constatations, lesquelles débutent par la formule «j’ai constaté …» de telle sorte qu’il n’en résulte aucune confusion

possible sur les rôles respectifs de l’huissier et du conseil en propriété industrielle.

Les constatations de l’huissier de justices peuvent être soit très proches, voire identiques, de celles de M. X mais peuvent aussi parfois en différer, comme justement relevé par le tribunal, ce qui permet de s’assurer qu’il s’agit bien de constatations personnelles de l’huissier qui sont énoncées après la formule «je constate».

De même, si M. X a pu suggérer de poser des questions à M. Z, il ressort du procès-verbal que la question est directement posée par l’huissier instrumentaire qui garde ainsi la maîtrise des opérations de saisie.

Ainsi le reproche d’inversion des rôles entre l’huissier instrumentaire et l’expert ne peut être retenu.

De même, comme retenu par le tribunal, l’existence d’éventuelles constatations contradictoires du procès-verbal de l’huissier n’entache pas sa régularité mais peut seulement affaiblir sa force probante.

L’huissier instrumentaire a également pris des photos qu’il a réunies et signifiées par un procès-verbal établi le 23 avril 2015.

Ainsi, il s’infère de ce qui précède que le procès-verbal de saisie-contrefaçon doit être partiellement annulé en ce qu’il a transcrit les réponses apportées par MM. Z et B aux questions posées par l’huissier instrumentaire au delà de la mission qui avait été autorisée par l’ordonnance présidentielle du 20 avril 2015. Le jugement sera infirmé de ce chef.

Sur la matérialité de la contrefaçon

Les opérations de saisie-contrefaçon du 22 avril 2015 ont permis de constater que les sociétés Outinord exposaient au salon INTERMAT à Villepinte et proposaient à la vente par le biais de leur service commercial, une plateforme dénommée «passerelle PTS+».

Comme ci-dessus indiqué l’huissier instrumentaire n’a pas observé de manipulation de la plateforme litigieuse mais l’a seulement décrite en position montée et statique et en a pris des photos.

Compte tenu de l’annulation partielle du procès-verbal de saisie-contrefaçon ci-dessus prononcée, seules les descriptions faites par l’huissier consignées au procès-verbal du 22 avril 2015 et les photographies du procès-verbal du 23 avril 2015 peuvent servir de fondement au grief de contrefaçon.

La cour observe que si l’huissier instrumentaire a indiqué dans son constat avoir acquis 4 exemplaires de la plaquette commerciale de la plateforme PTS+ contenant une fiche descriptive et les caractéristiques techniques du produit, contre paiement du prix, cette plaquette n’est ni annexée au procès-verbal de constat, ni produite aux débats.

La société Hussor ne produit pas d’autre pièce aux débats que les deux procès-verbaux des 22 et 23 avril 2015 pour justifier des contrefaçons alléguées des passerelles PTS+ des société Outinord.

  • la contrefaçon de la revendication 1

La revendication 1, ci-dessus citée, décrit un dispositif de guidage et de levage d’au moins un garde-corps, permettant selon le préambule de la revendication, une premie’re position de rangement contre la surface d’un plancher, une seconde position interme’diaire translate’e par rapport au plancher pour permettre une bascule du garde-corps et une troisie’me position bascule’e par rapport au plan du plancher de la plateforme de travail, et caractérisé en ce qu’il comprend :

— au moins un rail de guidage monté sur une des faces du plancher de la plateforme,

— un ensemble roulant monté sur une partie du garde-corps et formant un élément d’articulation pour la bascule du garde-corps par rapport au rail de guidage et à la plateforme de travail, comprenant au moins un premier mécanisme de roulement arrangé pour se déplacer le long d’au moins une première surface du rail de guidage, de sorte que le déplacement de l’ensemble roulant sur le rail est réalisé selon un axe orthogonal à l’axe de pivotement du garde-corps par rapport au plancher de la plateforme de travail, et également un ressort en torsion. Cet élément de torsion comprenant au moins une extrémité montée-fixée avec une partie du garde-corps de sorte que le ressort supporte une plus forte tension lorsque le garde-corps est en position de rangement contre la surface d’un plancher et une plus faible tension lorsque le garde-corps est en position de bascule par rapport au rail de guidage.

Il n’est pas contesté que la plateforme présentée par les sociétés Outinord au salon INTERMAT, objet des opérations de saisie-contrefaçon comporte un dispositif de guidage et de levage permettant les trois positionnements décrits au préambule de la revendication.

Il ressort également des constatations de l’huissier instrumentaire que le dispositif comprend un rail de guidage monté sur une des faces du plancher de la plateforme et un ensemble roulant monté sur une partie du garde-corps se déplaçant selon un axe orthogonal à l’axe de pivotement du garde-corps par rapport au plancher de la plateforme de travail.

Les sociétés Outinord contestent la contrefaçon de la revendication en indiquant que :

  • l’ensemble roulant de leur garde-corps ne forme pas «un élément d’articulation pour la bascule du garde-corps» comme revendiqué dès lors que le garde-corps pivote sur ses pieds qui comportent un «pion» en saillie et une extrémité inférieure de chaque jambe en biais (chanfrein) et que tant lors de l’action de basculement que dans la position montée, l’élément roulant n’est pas en appui sur le rail.
  • si un ressort à torsion est bien present dans leur garde-corps, celui-ci n’est pas contrairement à la revendication du brevet, intégré dans un organe de roulement mais est installé indépendamment des roulettes et comporte un axe qui n’est pas le même que celui du dispositif du brevet. Quant à l’extrémité du ressort, elle n’est pas fixée au garde-corps mais simplement montée en appui sur une butée alors que le brevet prévoit qu’au moins une extrémité est «montée-fixée» avec une partie du garde-corps.

La cour retient l’existence de contradictions dans les descriptions faites par l’huissier instrumentaire qui constate en annexe 5 (page 5) que la roulette «fixé à l’extrémité inférieure du montant métallique n’est pas en appui sur la face supérieure de la glissière [‘]» alors que précédemment en annexe 4 (page 4) il avait indiqué que cette même roulette est en appui sur cette glissière.

Par ailleurs la présence du chanfrein, que les sociétés Outinord invoquent pour expliquer que leur garde-corps pivote sur ses pieds qui comportent un «pion» en saillie et une extrémité inférieure de chaque jambe en biais (chanfrein) et que tant lors de l’action de basculement que dans la position montée, l’élément roulant n’est pas en appui sur le rail, est bien visible sur les photographies prises par l’huissier.

La cour, après avoir attentivement pris connaissances des seules descriptions statiques effectuées par l’huissier instrumentaire lors des opérations de saisies-contrefaçon et des photographies prises lors des opérations, constate que la preuve de la contrefaçon de la revendication 1 du brevet n’est pas rapportée à suffisance s’agissant des points contestés par les sociétés Outnord : les roulettes comme élément d’articulation pour la bascule du garde-corps et l’utilisation et le positionnement du ressort à torsion.

La contrefaçon de la revendication principale numéro 1 n’étant pas retenue, les contrefaçons des revendications dépendantes 2, 3, 4 et 10 ne peuvent être retenues.

Le jugement sera infirmé en ce qu’il a retenu la contrefaçon par la plateforme PTS+ des sociétés Outinord des revendications 1, 2, 4 et 10 du brevet de la société Hussor et prononcé des condamnations de ce chef.

Sur les autres demandes

Les sociétés Outinord sollicitent la condamnation de la société Hussor sur le fondement de la procédure abusive.

Pour autant l’exercice d’une action en justice constitue un droit et ne dégénère en abus pouvant donner naissance à des dommages et intérêts que dans le cas de malice, de mauvaise foi, d’erreur grossière équipollente au dol ou de légèreté blâmable.

Les sociétés Outinord ne rapportent pas la preuve d’une telle faute de la part de la société Hussor et seront déboutées de leurs demandes de ce chef.

Le sens de l’arrêt conduit à infirmer le jugement sur les condamnations prononcées au titre des dépens et de l’article 700 du code de procédure civile.

La société Hussor qui succombe en son action en contrefaçon sera condamnée aux dépens de première instance et d’appel et à verser à chacune des sociétés Outinord St Amand et Outinord Location la somme de 25.000 euros soit au total 50.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Infirme le jugement du tribunal de grande instance de Paris du 01 décembre 2017, tel que rectifié par le jugement du 22 décembre 2017, sauf en ce qu’il a rejeté la demande d’annulation du brevet français déposée sous le numéro FR 1250126 et publiée sous le numéro 2 985533 portant sur un «dispositif de guidage et de levage de garde-corps de plateforme de travail en encorbellement».

Y substituant et y ajoutant,

Annule partiellement le procès-verbal de saisie-contrefaçon du 22 avril 2015 en ce que l’huissier instrumentaire a outrepassé la mission autorisée par l’ordonnance présidentielle du 20 avril 2015 pour avoir posé des questions à MM. Z et B et retranscrit leurs réponses,

Déboute la société Hussor de ses demandes relatives à la contrefaçon de son brevet FR 1250126 et de ses demandes subséquentes,

Déboute les sociétés Outinord St Amand et Outinord Location de leurs demandes sur le fondement de la procédure abusive,

Condamne la société Hussor à payer à chacune des sociétés Outinord St Amand et Outinord Location la somme de 25.000 euros soit au total 50.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Rejette toutes autres demandes des parties contraires à la motivation,

Condamne la société Hussor aux dépens de première instance et d’appel dont distraction conformément à l’article 699 du code de procédure civile.

La Greffière La Présidente


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