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PC/AM
Numéro 15/ 3119
COUR D’APPEL DE PAU
1ère Chambre
ARRÊT DU 26/08/2015
Dossier : 14/00530
Nature affaire :
Demande en paiement ou en indemnisation formée par un intermédiaire
Affaire :
[X] [M]
C/
SARL IMMOPYRENEES
Grosse délivrée le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
A R R Ê T
prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour le 26 août 2015, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
* * * * *
APRES DÉBATS
à l’audience publique tenue le 30 mars 2015, devant :
Monsieur CASTAGNE, magistrat chargé du rapport,
assisté de Madame VICENTE, greffier, présente à l’appel des causes,
Monsieur CASTAGNE, en application des articles 786 et 907 du Code de Procédure Civile et à défaut d’opposition a tenu l’audience pour entendre les plaidoiries et en a rendu compte à la Cour composée de :
Madame PONS, Président
Monsieur CASTAGNE, Conseiller
Madame NICOLAS, Conseiller
qui en ont délibéré conformément à la loi.
dans l’affaire opposant :
APPELANT :
Monsieur [X] [M]
né le [Date naissance 1] 1941 à [Localité 1]
de nationalité française
[Adresse 1]
[Localité 2]
(bénéficie d’une aide juridictionnelle totale numéro 2014/001048 du 26/03/2014 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de PAU)
représenté et assisté de Maître Sonia BERNES-CABANNE, avocats au barreau de TARBES
INTIMEE :
SARL IMMOPYRENEES
[Adresse 2]
[Localité 3]
prise en la personne de son gérant Monsieur [L] [S]
représentée et assistée de Maître Harold ALOS, avocat au barreau de TARBES
sur appel de la décision
en date du 12 DECEMBRE 2013
rendue par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE TARBES
Le 22 juin 2011, M. [X] [M] a conclu avec la SARL Immopyrénées un mandat de vente avec exclusivité portant sur un terrain constructible d’environ 5 800 m² pour un prix net vendeur de 27€/m².
Le contrat stipulait qu’il était conclu pour une durée de trois mois renouvelable dans la limite d’une même durée, sans pouvoir excéder douze mois et qu’il pouvait être dénoncé à tout moment par lettre recommandée avec accusé de réception moyennant un préavis de quinze jours.
Le 21 octobre 2011, l’agence Immopyrénées a informé M. [M] de l’existence d’une proposition d’achat du terrain, au prix du mandat et, le 1er décembre 2011, elle a avisé M. [M] de la date de signature du compromis de vente, prévue pour le 12 décembre 2011.
M. [M] ne s’étant pas présenté devant le notaire chargé de la rédaction du compromis, la SARL Immopyrénées l’a fait assigner, par acte du 12 janvier 2012, en paiement de dommages-intérêts.
Par jugement du 12 décembre 2013, le tribunal de grande instance de Tarbes, rejetant l’exception de nullité du mandat soulevée par M. [M], a condamné celui-ci à payer à la SARL Immopyrénées la somme principale de 17 400 € à titre de dommages-intérêts et celle de 1 200 € en application de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.
M. [M] a interjeté appel de cette décision selon déclaration transmise au greffe de la Cour le 10 février 2014.
La clôture de l’instruction a été prononcée par ordonnance du magistrat de la mise en état en date du 27 février 2015.
Dans ses dernières conclusions – n° 3 – déposées le 24 février 2015, M. [M] demande à la Cour, réformant le jugement entrepris, au visa de la loi du 2 janvier 1970 et des articles 1108 et 1109 du code civil :
– à titre principal, de constater qu’il résulte des dispositions d’ordre public de l’article 6-1 de la loi du 2 janvier 1970 qu’aucune commission ni somme d’argent ne peut être exigée par l’agent immobilier ayant concouru à une opération qui n’a pas été effectivement conclue, de débouter la SARL Immopyrénées de ses demandes et de la condamner à lui payer la somme de 3 000 € au titre de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique, la somme de 1 000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens avec bénéfice de distraction au profit de la SCP Caillé – Bernès-Cabanne,
– subsidiairement, d’ordonner la nullité du mandat de vente pour absence d’objet certain formant la matière de l’engagement,
– à titre infiniment subsidiaire, d’ordonner la nullité du mandat de vente pour cause d’erreur ayant vicié son engagement,
– à titre infiniment infiniment subsidiaire, d’ordonner que le montant de la clause pénale soit ramené à l’euro symbolique,
– à titre infiniment infiniment infiniment subsidiaire, de lui octroyer un délai de paiement le plus large possible sur 24 mois avec obligation de régler la somme de 725 € par mois ou de statuer en équité et accorder un délai de paiement plus long que celui de 24 mois, d’ordonner que pour le cas où une seule échéance ne serait pas respectée, la décision à intervenir reprenne effet, après une mise en demeure de payer restée sans effet, passé un délai de quinze jours calendaires,
– de condamner la SARL Immopyrénées à lui payer la somme de 3 000 € au titre de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique, la somme de 1 000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens avec bénéfice de distraction au profit de la SCP Caillé – Bernès-Cabanne, (sic).
Dans ses dernières conclusions – n° 3 – déposées le 24 février 2015, la SARL Immopyrénées demande à la Cour de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et, y ajoutant, de condamner M. [M] à lui payer la somme de 3 000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens, avec bénéfice de distraction au profit de Me Alos.
MOTIFS
Sur le moyen tiré des dispositions de l’article 6-I de la loi du 2 janvier 1970 :
Les dispositions de l’article 6-I de la loi du 2 janvier 1970 (aux termes desquelles aucune commission ni somme d’argent quelconque ne peut être exigée par l’agent immobilier ayant concouru à une opération qui n’a pas été effectivement conclue) ne privent pas l’intermédiaire du droit de solliciter, en cas de non-respect par son mandant des clauses du mandat, le bénéfice de la clause pénale convenue et/ou de dommages-intérêts, en réparation du préjudice résultant pour lui du non-respect par son cocontractant de ses obligations contractuelles, en sorte qu’il convient de considérer que la demande de la SARL Immopyrénées est, en soi, recevable.
Sur les exceptions de nullité du mandat de vente :
Les différences invoquées par M. [M] entre les exemplaires de mandat respectivement produits par les parties (quant la désignation du bien même objet de la vente et aux conditions du mandat) ne sont pas de nature à justifier l’annulation de la convention pour indétermination de son objet étant considéré :
– d’une part, que l’indication des références cadastrales du bien objet du mandat de vente n’est pas exigée à peine de nullité du mandat,
– d’autre part, que le lieu de situation mentionné sur l’exemplaire détenu par M. [M] ([Adresse 3]) est manifestement le résultat d’une simple erreur de rédaction, le bien dont s’agit étant situé [Adresse 4] (ainsi qu’il résulte du bon de visite établi par une tierce agence, versé aux débats par la SARL Immopyrénées),
– enfin, que nonobstant les indications contraires concernant la nature (exclusive ou semi-exclusive) du mandat, les énonciations de celui-ci et spécialement la clause aux termes de laquelle ‘en cas de vente réalisée par le mandant celui-ci s’engage expressément au titre de clause pénale à verser à l’agence l’intégralité de ses honoraires’, établissent sans discussion possible la nature exclusive du mandat.
S’agissant de la demande d’annulation fondée sur un vice du consentement, il y a lieu d’observer :
– d’une part, que M. [M] (qui ne faisait l’objet d’aucune mesure de protection judiciaire à la date de souscription de l’engagement litigieux) ne rapporte pas la preuve qu’il était atteint, à ce moment, d’un trouble mental ayant aboli son discernement dans les conditions prévues par les articles 414-1 et 414-2 du code civil, lequel ne peut se déduire des malversations dont il a été victime de la part de tiers mal intentionnés, sans lien avec le présent litige,
– d’autre part, que la circonstance que M. [M] a fait l’objet d’un démarchage à domicile est en elle-même insuffisante à caractériser un vice du consentement, alors même qu’il n’est ni soutenu ni établi que les dispositions impératives protectrices des intérêts des personnes démarchées n’ont pas été respectées par l’intimée et qu’il n’est produit aucun élément probant établissant que M. [M] a pu se méprendre sur la portée de l’engagement qu’il souscrivait.
Sur la demande indemnitaire de la SARL Immopyrénées :
Le mandat liant les parties est ainsi rédigé :
‘Le mandant s’oblige à signer tout compromis avec l’acquéreur qui lui sera présenté par le mandataire.
Une commission forfaitaire fixée à 17 400 € net calculée en sus sur le prix net propriétaire sera payée par ce dernier le jour de la signature de l’acte écrit constatant l’accord du vendeur et de l’acquéreur.
Cette désignation de la partie ayant la charge de la commission ne préjudicie pas au droit pour le mandataire d’obtenir de toute partie à laquelle son éviction serait imputable, la réparation du préjudice causé au mandataire par la réalisation de l’opération sans son entremise avec toute personne ayant été informée ou présentée par ce dernier et donnera lieu au versement intégral de la commission que le mandataire aurait dû percevoir s’il n’avait été évincé et sans pouvoir être inférieure au montant ci-dessus.
Par les présentes, le mandant s’engage à ratifier la vente à tout acquéreur qui lui sera présenté par le mandataire, aux conditions, prix et charges précisés par ce mandat.
Le mandant s’oblige, en cas de vente réalisée par ses soins, à informer immédiatement le mandataire en lui notifiant par lettre recommandée, les noms et adresses de l’acquéreur et du notaire en charge de l’acte authentique.
Cette notification mettra fin au mandat de vente.
En cas de vente réalisée par le mandant, celui-ci s’engage expressément, à titre de clause pénale, à verser à la SARL Immopyrénées l’intégralité de ses honoraires.
Le présent mandat est donné avec exclusivité à compter de ce jour pour une durée de trois mois renouvelable, dans la limite d’une même durée (sans pouvoir excéder douze mois), sauf dénonciation par lettre recommandée avec accusé de réception avec préavis de 15 jours.’
Il est par ailleurs constant que M. [M] qui n’a pas fait usage de la faculté de rétractation qui lui a été régulièrement offerte en application des articles L. 121-23 et suivants du code de la consommation en vigueur à la date de signature du mandat litigieux, a refusé de donner suite à une offre d’achat (aux conditions strictement conformes à celles stipulées au mandat) que lui avait notifiée la SARL Immopyrénées par lettre recommandée avec accusé de réception du 21 octobre 2011), sans justifier d’un autre motif que sa décision de ne plus vendre le bien.
Aux termes de l’article 1152 du code civil, lorsque la convention porte que celui qui manquera de l’exécuter payera une certaine somme à titre de dommages-intérêts, il ne peut être alloué à l’autre partie une somme plus forte, ni moindre mais que, néanmoins, le juge peut, même d’office, modérer ou augmenter la peine qui avait été convenue si elle est manifestement excessive ou dérisoire et que toute stipulation contraire est réputée non écrite.
La disproportion manifeste justifiant une révision de la clause pénale doit s’apprécier, à la date à laquelle il est statué, en comparant le montant de la peine conventionnellement fixé et celui du préjudice effectivement subi.
Il y a lieu en l’espèce de constater que la volte-face de M. [M] est intervenue avant même la conclusion d’un quelconque avant-contrat et que la lecture du courrier du notaire chargé de la rédaction du compromis établit que l’offre d’achat évoquée dans le courrier du 1er décembre 2011 (qui ne précise d’ailleurs pas l’identité de l’offrant) émane d’une personne différente (Terenciel OPH) de celle ayant signé la seule offre d’acquisition versée aux débats (Mme [B]).
Il résulte de cette confusion et du fait que le refus de M. [M] est intervenu avant la conclusion d’un engagement ferme et définitif scellant la vente, que le préjudice effectivement subi par la SARL Immopyrénées ne peut être équivalent au montant intégral d’une commission dont il n’est pas établi qu’elle a été privée de manière certaine.
On en déduit que la peine stipulée dans le mandat doit être considérée comme manifestement excessive au regard du préjudice effectivement subi par le mandataire en suite du refus de M. [M] de donner suite aux offres d’achat qui lui avaient été soumises, lequel n’est constitué que par la perte d’un gain éventuel et les frais divers exposés pour la mise en vente et les négociations avec les éventuels acquéreurs.
Elle sera dans ces conditions réduite à la somme de 5 000 € pour le paiement de laquelle il sera octroyé à M. [M] (qui justifie de revenus mensuels de 730 € environ ainsi qu’il résulte de sa déclaration de revenus et de l’attestation MSA par lui versées aux débats), en application de l’article 1244-1 du code civil, et compte tenu des besoins relatifs du créancier, professionnel de l’immobilier, un délai de paiement de 24 mois dont les modalités seront précisées dans le dispositif de la présente décision.
L’équité ne commande pas de faire application de l’article 700 du code de procédure civile en faveur de l’une quelconque des parties tant au titre des frais irrépétibles exposés en première instance qu’au titre des frais exposés en cause d’appel.
M. [M] sera condamné aux entiers dépens d’appel et de première instance, sans qu’il y ait lieu en conséquence de faire application en sa faveur des dispositions de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sur l’aide juridictionnelle.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Après en avoir délibéré, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort :
Vu le jugement du tribunal de grande instance de Tarbes en date du 12 décembre 2013,
Réformant le jugement entrepris et statuant à nouveau :
Condamne M. [X] [M] à payer à la SARL Immopyrénées la somme de 5 000 € (cinq mille euros) à titre de dommages-intérêts,
Accorde à M. [M], en application de l’article 1244-1 du code civil, un délai de paiement de 24 mois pour s’acquitter de la somme due à la SARL Immopyrénées,
Dit que M. [M] devra s’acquitter de cette somme en 23 mensualités de 208,33 € (deux cent huit euros et trente trois centimes) chacune puis une 24ème d’un montant égal au solde de sa dette en principal, intérêts, frais et accessoires,
Dit que la première mensualité sera exigible le 5 du premier mois suivant la signification du présent arrêt et les suivantes le 5 de chaque mois,
Dit qu’en cas de non-paiement d’une seule mensualité aux échéances ainsi fixées, le solde de la créance sera intégralement exigible, huit jours après mise en demeure par lettre recommandée avec accusé de réception demeurée vaine,
Dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile en faveur de l’une quelconque des parties au litige, tant en ce qui concerne les frais irrépétibles exposés en première instance que ceux exposés en cause d’appel,
Condamne M. [M] aux entiers dépens de première instance et d’appel, avec bénéfice de distraction au profit de Me Alos, conformément à l’article 699 du code de procédure civile,
Dit n’y avoir à application de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Le présent arrêt a été signé par Mme Pons, Président, et par Mme Vicente, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER,LE PRESIDENT,
Sandra VICENTE Françoise PONS