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République française
Au nom du Peuple français
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 4 – Chambre 9 – B
ARRET DU 24 Novembre 2022
(n° 222 , 5 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : S N° RG 21/00003 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CC6VC
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 11 Janvier 2021 par le tribunal judiciaire de PARIS RG n° 11-19-007710
APPELANTE
Madame [D] [O]
[Adresse 1]
[Localité 8]
comparante en personne, assistée de Me Kevin ZEGLIN, avocat au barreau de PARIS, toque : B0626
INTIMES
SIP [Localité 18]-[Localité 5]
Secteur recouvrement
[Adresse 10]
[Localité 5]
non comparante
SCI DU [Adresse 11]
[Adresse 4]
[Localité 7]
représentée par Me Arnaud BOURIANT, avocat au barreau de PARIS, toque : T11 substituée par Me Xavier COLOMES, avocat au barreau de l’AUBE
CAF DE [Localité 17]
[Adresse 2]
[Localité 9]
non comparant
[12]
[Adresse 3]
[Localité 6]
non comparante
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 11 Octobre 2022, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Madame Fabienne TROUILLER, conseillère chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme Muriel DURAND, présidente
Mme Fabienne TROUILLER, conseillère
Mme Laurence ARBELLOT, conseillère
Greffière : Mme Ekaterina RAZMAKHNINA, lors des débats
ARRET :
– RÉPUTÉ CONTRADICTOIRE
– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Madame Muriel DURAND, présidente et par Madame Ophanie KERLOC’H, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Le 6 février 2018, Mme [D] [O] a saisi la Commission de surendettement des particuliers de [Localité 17], qui a, le 5 mars 2018, déclaré sa demande recevable.
La SCI du [Adresse 11] à [Adresse 15], créancière, a formé un recours contre la recevabilité le 15 mars 2018. Par jugement du 10 janvier 2019, le tribunal d’instance a constaté le désistement du créancier.
Le 2 mai 2019, la Commission a imposé une mesure de rétablissement personnel sans liquidation judiciaire au bénéfice de Mme [O], entraînant l’effacement de l’intégralité de ses dettes soit 51 134,44 euros dont 46 038,02 euros concernant la créance locative de la SCI du [Adresse 11] de [Adresse 15].
La SCI du [Adresse 11] à [Adresse 15] a contesté le 16 mai 2019 les mesures recommandées.
Par jugement réputé contradictoire en date du 11 janvier 2021, le tribunal judiciaire de Paris a :
– déclaré le recours formé par le SIP de [Localité 18]-[Localité 5] caduc,
– déclaré le recours formé par la SCI du [Adresse 11] à [Adresse 15] recevable en la forme,
– constaté la mauvaise foi de Mme [O] et partant, son irrecevabilité à bénéficier d’une procédure de surendettement des particuliers,
– reçu en conséquence sur le fond le recours formé contre la décision de rétablissement personnel sans liquidation prononcée le 2 mai 2019 au bénéfice de Mme [O],
– déclaré irrecevable le dossier déposé par M. [O] auprès de la Commission de surendettement des particuliers de [Localité 17]
La juridiction a relevé que Mme [O] avait choisi de se maintenir de janvier 2016 à la moitié de l’année 2019 dans un logement d’un coût disproportionné par rapport à ses nouvelles ressources fortement réduites, s’abstenant de tout règlement même partiel de son loyer, et ne justifiant d’aucune démarche en vue de son relogement avant la seconde moitié de l’année 2019. Le tribunal a par conséquent estimé que Mme [O] s’était octroyée le droit de ne pas payer de loyer tout en espérant que la procédure de surendettement lui permettrait d’obtenir l’effacement de sa dette locative.
Par déclaration adressée le 18 janvier 2021 au greffe de la cour d’appel de Paris, Mme [O] a interjeté appel du jugement.
Les parties ont été appelées à l’audience du 11 octobre 2022.
À cette audience, Mme [O] a comparu en personne, assistée de son conseil qui a développé oralement ses conclusions et réclamé l’infirmation du jugement, le constat de la bonne foi de la débitrice et de sa recevabilité à bénéficier d’une procédure de surendettement, et le rejet des demandes adverses.
Il a fait valoir que Mme [O] gérait deux restaurants dans le quartier [Localité 19], qu’après les attentats de 2015, les touristes ont été moins nombreux et que les restaurants ont été placés en liquidation judiciaire.
Elle soutient qu’elle a fait des recherches de logement, que sa fille était scolarisée à [13] et qu’elle n’a pas pu payer son loyer de 2 200 euros, ne pouvant pas bénéficier du chômage.
Elle précise qu’en 2019, un logement lui a été accordé mais qu’il devait être rénové puis qu’elle n’a pas pu déménager pendant la crise sanitaire.
Elle ajoute qu’elle a retrouvé un travail de serveuse, qu’elle travaille à mi-temps, qu’elle fait un virement tous les mois pour régler ses impôts et qu’elle a remboursé la CAF. Elle estime qu’elle n’est pas de mauvaise foi.
Le SCI du [Adresse 11] à [Adresse 15] est représentée par son conseil qui a développé oralement ses conclusions et réclamé la confirmation du jugement.
Elle souligne qu’elle avait signifié à sa locataire un congé pour vente le 4 janvier 2016, que le loyer n’a pas été payé de janvier 2016 à juin 2020, date de l’expulsion et que sa créance s’élève à la somme de 72 235 euros à la date de l’expulsion.
Elle ajoute que Mme [O] est de mauvaise foi, qu’elle était gérante de deux sociétés, qu’elle connaît les affaires et qu’elle s’est maintenu dans un logement avec un loyer disproportionné par rapport à ses revenus, sans justifier d’une recherche effective de relogement.
Par courrier reçu au greffe le 8 août 2022, le SIP de [Localité 18] et [Localité 5] a précisé que sa créance s’élevait à la somme de 2 272,92 euros.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Il convient d’indiquer à titre liminaire que l’appel en matière de procédure de surendettement des particuliers, est formé, instruit et jugé selon les règles de la procédure sans représentation obligatoire figurant aux articles 931 à 949 du code de procédure civile. La procédure applicable devant la cour d’appel est donc la procédure orale de droit commun dans laquelle la prise en considération des écrits d’une partie par la cour est subordonnée à l’indication orale à l’audience par cette partie ou son représentant qu’elle se réfère à ses écritures. Dès lors, la cour ne peut prendre en compte les demandes ou observations présentées par écrit par les parties non comparantes.
En l’absence de tout élément de nature à contredire le jugement sur ce point, la décision entreprise sera confirmée en ce qu’elle a déclaré caduc le recours du SIP [Localité 18] et [Localité 5] et recevable le recours exercé par la SCI du [Adresse 11] à [Adresse 15].
Il résulte de l’article L.711-1 du code de la consommation que la recevabilité de la demande de traitement de la situation de surendettement est subordonnée à la bonne foi du débiteur, conçue comme une absence de mauvaise foi. Il convient de rappeler que la bonne foi est présumée et qu’il appartient au créancier d’apporter la preuve de la mauvaise foi du débiteur. La simple imprudence ou imprévoyance n’est pas constitutive de mauvaise foi. De même, la négligence du débiteur ne suffit pas à caractériser la mauvaise foi en l’absence de conscience de créer ou d’aggraver l’endettement en fraude des droits des créanciers. Les faits constitutifs de mauvaise foi doivent de surcroît être en rapport direct avec la situation de surendettement.
En application de l’article L.761-1 du code de la consommation, la mauvaise foi procédurale est également sanctionnée en ce qu’est déchue du bénéfice des mesures de traitement des situations de surendettement toute personne :
1° ayant sciemment fait de fausses déclarations ou remis des documents inexacts,
2° ayant détourné ou dissimulé, ou tenté de détourner ou de dissimuler, tout ou partie de ses biens,
3° ayant, sans l’accord de ses créanciers, de la commission ou du juge, aggravé son endettement en souscrivant de nouveaux emprunts ou ayant procédé à des actes de disposition de son patrimoine pendant le déroulement de la procédure de traitement de la situation de surendettement ou de rétablissement personnel, ou pendant l’exécution du plan ou des mesures de traitement.
Le débiteur doit donc être de bonne foi pendant la phase d’endettement mais aussi au moment où il saisit la commission de surendettement, ce qui implique sa sincérité, et tout au long du déroulement de la procédure. Il est admis qu’un débiteur qui a conscience de créer ou d’aggraver son endettement, notamment par de fausses déclarations au moment de la souscription d’un nouveau crédit est de mauvaise foi.
Le juge doit se déterminer au jour où il statue.
Pour retenir l’absence de bonne foi et prononcer la déchéance du bénéfice de la procédure de surendettement, le premier juge a relevé que Mme [O], qui n’a plus payé son loyer à compter de 2016, a fortement tardé avant d’engager les démarches pour se reloger dans des conditions plus conformes à ses capacités financières. Il souligne que Mme [O] a préféré se maintenir dans un logement d’un coût largement disproportionné eu égard à ses revenus et que le seul justificatif d’une démarche entreprise pour mettre fin à cette situation est un bon de visite établi le 3 juillet 2019.
Il a également retenu l’absence de tout versement, même partiel, alors qu’elle a pu être en mesure de régler au bailleur social un loyer de 451,96 euros, somme qu’elle s’est abstenue de régler à son précédent bailleur durant trois ans et demi et a considéré que Mme [O] s’était unilatéralement arrogée le droit de ne pas payer ses loyers en espérant que la procédure de surendettement lui permettrait d’obtenir à terme un effacement de sa dette locative.
À l’appui de son appel, Mme [O] souligne qu’elle est de bonne foi, qu’elle a déposé une demande de logement social le 20 janvier 2017, qu’elle était prioritaire pour l’attribution, qu’elle a fait l’objet d’un jugement d’expulsion le 13 décembre 2017, que le bailleur a bénéficié du déblocage du dépôt de garantie, ce qui a diminué sa dette, qu’elle a candidaté sur 24 annonces entre janvier 2018 et janvier 2020 qui ont toutes été refusées, que sa fille était scolarisée à [13], ce qui limitait ses recherches, que l’appartement qui lui a été attribué n’a été disponible qu’en février 2020 suite à des travaux de rénovation.
Il ressort des pièces produites et des débats que Mme [O] a signé son contrat de bail le 1er août 2013, qu’elle a cessé de régler ses loyers à compter de janvier 2016 et que son expulsion a été prononcée par jugement du 20 janvier 2017. Si elle justifie avoir effectué une demande de logement social à compter de janvier 2017, renouvelée en janvier 2018 puis en 2019, il apparaît que dès 2015, Mme [O] ne disposait plus des revenus nécessaires à son maintien dans les lieux et que ses demandes étaient limitées à certains quartiers de [Localité 17] et [Localité 16].
À cet égard, ses démarches pour retrouver un logement sont manifestement restées très formelles et peu effectives. Les attestations de ses compatriotes ne revêtent qu’un intérêt probatoire assez limité sur le sérieux de ses recherches et les copies d’écran qu’elle produit, qui concernent essentiellement l’année 2018, sont anonymes, ce qui ne permet pas d’en mesurer l’effectivité, ni même de les attribuer. Comme l’a retenu le premier juge, ce n’est qu’à compter du 3 juillet 2019 qu’elle a signé un bon de visite.
Il doit être signalé qu’elle a, en janvier 2019, interrogé les services de la Mairie de [Localité 17] sur le rapatriement dans le port de [14], d’un bateau qu’elle possède en Grèce, bien qui ne semble pas avoir été déclaré lors de son dépôt de dossier de surendettement.
Il est également curieux d’invoquer une scolarité dans un établissement renommé sans produire un seul justificatif de scolarité dans ledit établissement.
Parallèlement, Mme [O], qui a su gérer deux commerces de restauration, ne justifie pas d’aucune démarche pour retrouver un travail. Elle justifie d’un emploi de serveuse pendant trois mois, d’août à octobre 2019, avant de faire l’objet d’un licenciement économique permettant cette fois une inscription à Pôle emploi. Il est d’ailleurs à noter que la Mairie de [Localité 17], pour refuser sa candidature, avait souligné l’absence d’une insertion professionnelle suffisante et régulière.
Il sera remarqué enfin que l’indemnisation par l’État du refus de concours de la force publique pour exécuter la décision d’expulsion prononcée le 13 décembre 2017, d’un montant de 21 038,05 euros, n’a pas fait disparaître la dette locative que Mme [O] a laissé s’accroître démesurément pour atteindre, en février 2020, la somme astronomique de 105 791,03 euros.
Enfin, comme l’a relevé justement le premier juge, il est frappant de constater que Mme [O], qui n’a procédé à aucun versement entre janvier 2016 et juin 2020, a pu régler son nouveau loyer de 451,96 euros, alors qu’elle s’est dispensée de tout versement, même partiel, pendant plus de quatre ans, auprès de son bailleur privé non institutionnel, s’arrogeant ainsi unilatéralement un droit de ne pas payer son loyer. Cette abstention délibérée, ajoutée aux démarches minimalistes entreprises pour se reloger, à l’ignorance de son bailleur et à une absence totale de recherche d’emploi pour améliorer sa situation financière, signent sa mauvaise foi.
Partant, le jugement est confirmé en toutes ses dispositions.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire,
Confirme le jugement en toutes ses dispositions ;
Dit que la présente décision sera notifiée par lettre simple à la commission de surendettement des particuliers et aux parties par lettre recommandée avec avis de réception,
Laisse à la charge de chaque partie les éventuels dépens d’appel
LA GREFFIERE LA PRESIDENTE