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MINUTE N° 388/2022
Copie exécutoire à
– Me Patricia CHEVALLIER
-GASCHY
– Me Laurence FRICK
Le 16 septembre 2022
Le Greffier
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE COLMAR
DEUXIEME CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 16 Septembre 2022
Numéro d’inscription au répertoire général : 2 A N° RG 21/01082 – N° Portalis DBVW-V-B7F-HQMF
Décision déférée à la cour : 26 avril 2018 par le tribunal de grande instance de COLMAR.
APPELANTS et intimés sur incident :
Monsieur [C] [Y]
Madame [O] [N] épouse [Y]
demeurant [Adresse 3]
représentés par Me Patricia CHEVALLIER-GASCHY, avocat à la cour.
INTIMÉE et appelante sur incident :
La S.À.R.L. AMV IMMO devenue SAS AMV IMMO exploitant sous l’enseigne ‘Guy Hoquet’
ayant son siège social [Adresse 1]
représentée par Me Laurence FRICK, avocat à la cour.
plaidant : Me Nicolas SIMOENS, avocat à Colmar.
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 03 Juin 2022, en audience publique, devant la cour composée de :
Madame Isabelle DIEPENBROEK, Présidente de chambre
Madame Myriam DENORT, Conseiller
Mme Nathalie HERY, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : Mme Dominique DONATH faisant fonction.
ARRET contradictoire
– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile.
– signé par Madame Isabelle DIEPENBROEK, présidente et Mme Sylvie SCHIRMANN, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS ET PROCEDURE
Après avoir confié, en 2008, à la SARL AMV Immo exploitant sous l’enseigne Guy Hocquet un mandat exclusif de vente de leur maison d’habitation sise [Adresse 2], M. [C] [Y] et Mme [O] [N], son épouse, lui ont confié, les 5 janvier 2009 et 1er avril 2010 deux autres mandats non exclusifs, le dernier n°1411, prévoyant le versement d’une rémunération au mandataire de 10 000 euros et comportant une clause pénale.
Cette clause prévoyait que, pendant la durée du mandat, en cas de vente réalisée par lui-même, le mandant s’engageait à en informer immédiatement le mandataire en lui notifiant par lettre recommandée avec accusé de réception les nom et adresse de l’acquéreur, du notaire chargé de l’acte authentique, et du cabinet éventuellement intervenu, cette notification ayant pour effet de, notamment, mettre fin au mandat. La clause indiquait également que le mandant s’interdisait pendant la durée du mandat et pendant les dix-neuf mois suivant son expiration de traiter directement avec un acquéreur ayant été présenté par le mandataire ou ayant visité les locaux avec lui et qu’en cas de non-respect de ces obligations, le mandant s’engageait expressément à verser au mandataire une indemnité compensatrice forfaitaire égale au montant de la rémunération prévue, soit 10 000 euros.
La maison a été vendue, selon acte notarié du 14 février 2011, à M. [R] [W] et Mme [X] [B], son épouse.
La SARL AMV Immo a fait citer les époux [Y] devant le tribunal de grande instance de Colmar.
Les époux [W] ont été appelés dans la cause en déclaration de jugement commun.
Par jugement du 26 avril 2018, le tribunal de grande instance a :
condamné solidairement M. [C] [Y] et Mme [O] [N], son épouse à payer à la SARL AMV Immo la somme de 10 000 euros avec intérêts au taux légal à compter du l3 juillet 2011 ;
ordonné la capitalisation des intérêts en application de l’article 1154 du code civil ;
condamné solidairement M. [C] [Y] et Mme [O] [N] épouse [Y] à payer à la SARL AMV Immo la somme de 2 569 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;
ordonné l’exécution provisoire de ce qui précède en tant que les défendeurs sont condamnés solidairement à payer une somme de 5 000 euros ;
rejeté toutes autres prétentions ;
déclaré le jugement commun aux époux [W] ;
condamné M. [C] [Y] et Mme [O] [N], son épouse aux dépens.
Le tribunal a retenu que la maison en cause avait été vendue directement par les époux [Y] aux époux [W], dans le délai de dix-neuf mois stipulé dans le contrat de mandat du 1er avril 2010 et qu’un bon de visite du 2 août 2010 démontrait que ces derniers s’étaient vus présenter l’immeuble en cause par la société AMV Immo pendant la durée totale du mandat.
Il a indiqué que les époux [Y] ne démontraient pas avoir informé l’agence immobilière du nom de l’acquéreur qu’ils avaient trouvé par eux-mêmes, ce défaut d’information étant admis par ceux-ci dans leurs conclusions, aucun élément n’étant produit pour permettre de justifier de la mise en oeuvre d’une éventuelle exception d’inexécution, de sorte qu’en omettant de renseigner la société AMV Immo, les époux [Y], étaient à l’origine d’une perte de chance pour l’agence de percevoir sa commission, faute de pouvoir démontrer leur bonne foi.
Il en a déduit que les conditions de versement de la clause pénale étaient remplies, sous réserve de la nullité éventuelle du contrat de mandat soulevée par les époux [Y] qu’il a ensuite analysée pour retenir que :
la société AMV Immo avait respecté les prescriptions de l’article 72 du décret du 20 juillet 2012 relatives au registre des mandats, un seul registre existant, sur lequel les mandats apparaissaient selon un ordre chronologique,
l’habilitation du prestataire telle que prévue par l’article 8 du décret du 18 avril 2002 était suffisamment démontrée,
une carte professionnelle avait été délivrée à la SARL AMV Immo par le préfet du Bas-Rhin le 26 juillet 2006, peu important que le mandat soit signé par M. [T] et non par la gérante, Mme [S] [T], l’autorisation de signature ayant été donnée à la personne morale, ce qui impliquait que l’ensemble des personnels attachés à celle-ci avaient pouvoir,
s’agissant du dernier mandat du 1er avril 2010 portant le n°1411, de nature, seul, à faire échec à la demande de paiement s’il devait être annulé, aucune anomalie n’existait dans l’adresse indiquée des époux [Y] ,
le contrat de mandat du 1er avril 2010 était conforme aux prescriptions des articles 6 et 77 de la loi du 2 janvier 2010 dans sa rédaction applicable à la date de la conclusion du contrat portant respectivement sur les modalités de reddition de comptes et sur l’information de l’opération par le titulaire de la carte au mandant, l’article 66, quant à lui, n’étant applicable qu’aux mandataires pratiquant de la gestion immobilière,
le contrat comportait la mention que le mandataire avait reçu un exemplaire du contrat de mandat le jour de la signature.
Le tribunal a donc décidé de ne pas prononcer la nullité du contrat de mandat et de condamner les époux [Y] solidairement à payer la somme de 10 000 euros avec les intérêts au taux légal à compter de l’assignation, les intérêts pouvant être capitalisés en vertu de l’article 1154 ancien du code civil.
Il a rejeté la demande de dommages intérêts en l’absence de preuve d’une résistance abusive.
Les époux [Y] ont formé appel à l’encontre de ce jugement par voie électronique le 29 juin 2018.
Après radiation ordonnée le 2 avril 2019 et remise au rôle, l’instruction de l’affaire a été clôturée le 5 avril 2022.
PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Aux termes de leurs conclusions transmises par voie électronique le 29 octobre 2021, les époux [Y] demandent à la cour de :
déclarer leur appel recevable et bien fondé ;
rejeter l’appel incident de la SAS AMV Immo ;
faisant droit à l’appel principal :
infirmer le jugement prononcé le 26 avril 2018 par le tribunal de grande instance de Colmar en toutes ses dispositions ;
juger nul le mandat du 1er avril 2010 conclu entre les époux [Y] et la SARL AMV Immo ;
subsidiairement, le cas échéant, le déclarer inopposable aux appelants ;
débouter la SARL AMV Immo de ses entiers fins, moyens et conclusions ;
condamner la SARL AMV Immo aux entiers frais et dépens de première instance et d’appel, en sus à leur payer une somme de 3 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;
condamner la SARL AMV Immo en tous les frais et dépens de la procédure.
Les époux [Y] se prévalent de la nullité du contrat de mandat de vente sans exclusivité du 1er avril 2010.
Au soutien de cette nullité, ils invoquent l’absence de modalités de reddition de comptes dans le mandat, le non-respect des obligations imposées par le code de la consommation sur les caractéristiques essentielles du service fourni, l’absence de registre unique des mandats et l’absence de remise immédiate du double du mandat au mandant. Ils considèrent que la clause pénale prévue au mandat doit être réputée non écrite et leur est donc inopposable, et ce, par application des dispositions de l’article 6 de la loi du 6 janvier 1970 interdisant le paiement d’une somme à titre de commission à l’agent qui n’a pas conclu la vente, dans le cadre d’un mandat non exclusif, aucune faute ne pouvant résulter du fait de la non-exécution d’un mandat nul quand la nullité incombe à l’agent immobilier.
Les époux [Y] se prévalent également de l’exception d’inexécution, faisant état de ce que la société AMV Immo n’a pas procédé à la reddition des comptes.
A titre subsidiaire, les époux [Y] font état de leur bonne foi excluant tous dommages et intérêts. Ils énumèrent les raisons pour lesquelles leur maison n’a pas été vendue par la société AMV Immo laquelle ne démontre pas qu’ils ont eu un comportement fautif, étant souligné qu’ils n’ont jamais eu connaissance des visites effectuées par les époux [W] par l’intermédiaire de la société AMV Immo.
Ils ajoutent que le montant de l’indemnité compensatrice forfaitaire dont la société AMV Immo réclame paiement ne peut être de 10 000 euros puisqu’il s’agissait du montant prévu pour un prix de vente de 190 000 euros qui ne s’est pas réalisé et que le montant de la rémunération de la SARL AMV Immo pour une vente qui se serait réalisée pour un prix de 157 000 euros étant ignoré, il
ne saurait être fait application d’une clause pénale, la société AMV Immo n’ayant pas subi de perte de chance de recevoir paiement d’une commission. Ils soulignent que les époux [W] s’étant engagés à indemniser le préjudice qu’ils ont causé à la société AMV Immo, cette dernière n’est pas en droit d’obtenir une double indemnisation.
Ils font encore valoir que l’obligation d’information pesant sur le mandant n’a pas pour finalité d’indemniser le mandataire pour les démarches qu’il a accomplies, de sorte que la somme de 10 000 euros est manifestement excessive, la société AMV Immo ne justifiant d’aucun préjudice.
Ils ajoutent que si une somme devait être accordée, il y aurait lieu d’en déduire la TVA au regard du libellé de la clause pénale correspondante.
Sur la demande de dommages et intérêts pour résistance abusive de la SARL AMV Immo, ils soulignent qu’ils avaient le droit de ne pas accéder à la demande de cette dernière fondée sur un mandat nul.
Aux termes de ses conclusions transmises par voie électronique le 31 janvier 2022, la société AMV Immo demande à la cour de :
sur appel principal :
avant-dire droit :
– enjoindre aux époux [Y] de lui communiquer la décision de la cour d’appel de Colmar en date du 2 novembre 2015 citée sous référence LEXBASE ainsi que l’arrêt rendu par la cour d’appel de Montpellier le 17 décembre 2008 ou encore l’article de doctrine cité sous AJDI 2010, page 820 ;
– lui réserver la possibilité de conclure de manière exhaustive lorsque les époux [Y] auront déféré à l’injonction sauf à faire un incident de procédure aux fins de production sous astreinte des pièces susvisées ;
– ordonner le cas échéant la comparution personnelle des parties et en particulier celle des époux [W] aux fins d’audition, le cas échéant en tant que témoins, ceux-ci étant domiciliés [Adresse 2] ;
au fond :
– déclarer mal fondé l’appel des époux [Y] ;
– rejeter l’appel ;
– débouter les époux [Y] de l’intégralité de leurs prétentions, fins et moyens;
– confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions sauf celle la déboutant de sa demande de dommages et intérêts complémentaires pour résistance abusive et propos quasi diffamatoires et insultants ;
sur appel incident :
– déclarer l’appel incident recevable ;
– le déclarer bien fondé ;
– infirmer le jugement entrepris en ce qu’il l’a déboutée de sa demande de dommages et intérêts complémentaires pour résistance abusive et propos quasi diffamatoires et insultants ;
et statuant à nouveau dans cette limite :
– condamner M. et Mme [Y] tenus in solidum à lui payer la somme de 3 000 euros à titre de dommages et intérêts complémentaires. ;
– confirmer pour le surplus ;
en tout état de cause :
– condamner in solidum M. et Mme [Y] à lui payer la somme de 3 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamner in solidum M. et Mme [Y] aux entiers frais et dépens d’appel.
La société AMV Immo (devenue SAS) soutient que le contrat de mandat du 1er avril 2010 est conforme aux dispositions légales.
Elle précise que les modalités de reddition de compte au mandant par le mandataire sont prévues dans le mandat, que les caractéristiques essentielles du bien et du service ressortent expressément des différents mandats conclus avec les époux [Y] et que la formalité de la remise du double du mandat a été respectée.
Elle souligne qu’au demeurant, les époux [Y] ne font pas état d’une absence d’information des diligences effectuées par le mandataire.
Elle ajoute qu’aucune exception d’inexécution ne peut être invoquée par les époux [Y] qui ne sont pas de bonne foi telle qu’en justifie l’attestation régulière des époux [W].
Elle en déduit que la clause assurant au mandataire une indemnité compensatrice égale au montant de la rémunération prévue au verso du mandat est parfaitement opposable aux époux [Y].
Sur l’inopposabilité de la clause pénale prévue à l’article 4 du contrat de mandat, elle se dit dans l’impossibilité de se positionner en l’état, les époux [Y] ne produisant pas la jurisprudence qu’elle cite laquelle est introuvable, ni la doctrine citée dont les références sont incomplètes.
Elle rappelle qu’un mandat de vente peut prévoir une clause par laquelle la commission est due si la vente intervient avec un acquéreur présenté par l’agent immobilier après l’expiration du mandat, et qu’il est acquis en la matière que le mandataire a droit à rémunération, lorsque la vente a été conclue hors de son entremise, alors que l’acquéreur avait été présenté au mandant par son intermédiaire, dans le cadre d’un mandat non exclusif.
Elle en déduit que la clause pénale prévue en l’espèce est valable puisqu’elle a fait visiter l’immeuble aux époux [W].
Elle conteste la bonne foi des époux [Y], considérant qu’en ne donnant pas le nom de l’acheteur, ces derniers ont manqué à leurs obligations contractuelles à son égard et rappelle que ce qui importe est le fait que les époux [W] aient visité le bien en cause par son intermédiaire, et qu’à ce titre, elle est à l’origine de la vente réalisée ultérieurement entre les époux [W] et les époux [Y], le non-respect de ses obligations contractuelles par le mandant autorisant le mandataire qui en apporte la preuve à obtenir réparation de son préjudice par l’allocation de dommages-intérêts équivalents à la commission éludée.
En application de l’article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie expressément, pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties aux conclusions transmises aux dates susvisées.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la nullité du mandat de vente du 1er avril 2010
Considérant qu’un contrat de mandat a été signé par la société AMV Immo et les époux [Y] le 1er avril 2010, les moyens soulevés par les époux [Y] correspondant à la période antérieure et donc aux mandats précédents du 12 août 2008 et du 5 janvier 2009, ne seront pas examinés, les relations contractuelles de la société AMV Immo et des époux [Y] devant être exclusivement analysées dans le cadre juridique du contrat de mandat du 1er janvier 2010 qui leur a succédé.
Sur les modalités de reddition de compte
Les époux [Y] critiquent le contrat de mandat du 1er avril 2010 en ce qu’il ne donne aucune précision sur les modalités de la reddition des comptes alors que selon les dispositions de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970 d’ordre public, la validité du mandat confié à un agent immobilier qui doit rendre compte de sa mission est soumise à un formalisme précis, une clause expresse devant prévoir un délai dans lequel l’agent est tenu d’informer son mandant de l’accomplissement du mandat, une telle information devant être effectuée dans le délai stipulé, laquelle, en tous les cas, doit se faire dans les huit jours de l’opération, les points 1 à 5 du Titre I.A « Obligations et pouvoirs du mandataire » figurant au verso du mandat ne remplissant pas cette condition puisqu’ils n’ont pour objet que de rappeler les obligations d’information du mandant quant au déroulement de la mission du mandataire ; les époux [Y] ajoutent qu’ils n’ont pas à faire valoir de grief relatif à l’absence de respect du formalisme imposé par la loi susvisée.
La société AMV Immo répond que les modalités de reddition de compte au mandant par le mandataire sont prévues dans le mandat.
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Aux termes de l’article 6 de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970 réglementant les conditions d’exercice des activités relatives à certaines opérations portant sur les immeubles et les fonds de commerce, les conventions conclues avec les personnes qui, d’une manière habituelle, se livrent ou prêtent leur concours aux opérations portant sur les biens d’autrui et relatives à la vente d’immeubles doivent être rédigées par écrit et, notamment, préciser les modalités de la reddition de compte, l’article 77 du décret n°72-678 du 20 juillet 1972 fixant les conditions d’application de la loi susvisée imposant au titulaire de la carte, dans le délai stipulé et, en tout cas, dans les huit jours de l’opération, d’informer son mandant de l’accomplissement du mandat de vendre ou d’acheter, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception ou par tout autre écrit remis contre récépissé ou émargement.
Force est de constater que le contrat de mandat dans le titre 1 « obligations et pouvoirs du mandataire » prévoit que le mandataire a pour obligation d’« informer le mandant de l’accomplissement du présent mandat immédiatement après la signature de l’acquéreur et, en tout cas, dans les huit jours de l’opération par lettre recommandée avec avis de réception par tout
autre écrit remis contre récépissé ou émargement en y joignant, s’il est lui-
même séquestre, le duplicata du reçu délivré à l’acquéreur », de sorte que les dispositions de la loi et du décret susvisés ont été respectées sur ce plan, la société n’ayant pas procédé par simple renvoi à l’article 77 susvisé.
Aucune nullité du contrat de mandat du 1er avril 2010 n’est donc encourue de ce chef.
Sur les caractéristiques essentielles du service fourni
Les époux [Y] soutiennent que les obligations imposées par l’article L.111-1 du code de la consommation sur ces caractéristiques n’ont pas été respectées, l’agent immobilier devant prouver qu’il a satisfait à son obligation d’information pré-contractuelle en indiquant dans le mandat les diligences et les modalités d’information du mandant, notamment les diligences et actions du mandataire, ainsi que la périodicité des informations, ce qui n’est pas le cas puisque le mandat est silencieux sur les actions du mandataire, ce dernier ne prouvant pas avoir donné des informations au mandant sur ses obligations et n’ayant pas prévu une périodicité de l’information du mandant, s’affranchissant ainsi de tout contrôle effectif de ses diligences par le mandant.
La société AMV Immo réplique que les caractéristiques essentielles du bien et du service ressortent expressément du mandat du 1er avril 2010 et précise que l’article L.111-1 du code de la consommation, dans sa version applicable au mandat en cause, ne prévoit pas de sanction automatique d’annulation du contrat mais simplement le versement éventuel de dommages et intérêts.
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Aux termes des dispositions de l’article L.111-1 du code de la consommation, dans sa version applicable aux faits de l’espèce, tout professionnel vendeur de biens ou prestataire de services doit, avant la conclusion du contrat, mettre le consommateur en mesure de connaître les caractéristiques essentielles du bien ou du service et, en cas de litige, il appartient au vendeur de prouver qu’il a exécuté cette obligation.
L’analyse du mandat en cause permet de constater que n’y sont pas énumérées les actions que le mandataire s’engageait à réaliser.
Toutefois, force est de constater que, d’une part, la loi n°70-9 susvisée laquelle est d’ordre public, dans sa version applicable aux faits de l’espèce ne faisait pas de cette énumération une caractéristique essentielle du service devant être rendu par l’agence immobilière, et, d’autre part, le code de la consommation ne prévoyait pas la nullité à titre de sanction, de sorte que le moyen soulevé de ce chef est rejeté.
Sur le registre unique
Les époux [Y] indiquent qu’il n’y a pas un registre unique des mandats, la société AMV Immo ayant versé aux débats deux registres à savoir un registre version papier comportant les mandats confiés du 16 août 2006 au 14 août 2008 et un registre électronique comportant les mandats confiés du 30 juin 2008 au 11 mai 2010, ces deux registres ayant un nombre de pages différent, ne se succédant pas, l’utilisation de deux registres distincts n’étant pas conforme à l’article 72 du décret n°72-678 du 20 juillet 1972. Ils ajoutent que les deux registres comportent des irrégularités. Ils précisent ainsi que pour le registre papier, les mandats n’y sont pas mentionnés par ordre chronologique puisque, sur la page 36 où figure le mandat n°883, le mandat n°877 du 27 juillet 2008 y est mentionné après le mandat n°876 du 4 août 2008 et que pour le registre électronique :
* les mandats n’y sont pas mentionnés par ordre chronologique,
* l’adresse mentionnée en face du mandat n°1411 est fausse,
* ce dernier mandat, soit-disant enregistré sur le registre électronique le 1er avril 2010 a été signé de manière électronique le 4 mai 2010 avec les mandats numérotés de 1406 à 1427, cette inscription ultérieure du mandat sur le registre n’étant pas conforme aux dispositions de l’article 72 susvisé,
* la copie des trente-cinq premières pages ne permet pas d’identifier la personne autorisée à effectuer l’enregistrement, le négociateur étant apparemment M. [P] [T] alors que la carte professionnelle produite avec le registre papier est attribuée à la SARL AMV Immo, représentée par Mme [S] [T], seules les personnes physiques ou morales titulaires de la carte professionnelle ayant le droit de signer le mandat en vertu de l’article 3 de la loi n°70-9 du 2 janvier 1979, M. [T] ne justifiant pas être autorisé à signer le mandat du 1er avril 2010,
* la copie de ces pages n’est pas conservée dans des conditions de nature à assurer son intégrité et donc son infalsi’abilité puisque la lecture du registre papier permet de constater que l’adresse des époux [Y] au 12 août 2008 est exacte et diffère de celle inscrite sur le registre électronique qui est erroné, ce qui démontre que le registre électronique est un faux, l’intégrité de la tenue de ce registre n’étant ni garantie ni démontrée, étant souligné que la société AMV Immo a admis y avoir modifié l’adresse des époux [Y] en 2008.
La société AMV Immo indique qu’elle a respecté la réglementation en matière de registre unique des mandats, la tenue du registre papier jusqu’à ouverture du registre électronique étant régulière, étant souligné que l’article 72 du décret n°72-678 du 20 juillet 1972 ne contraint pas l’agent immobilier à avoir recours à un mode spécifique de tenue du registre des mandats et n’interdit pas un changement de mode de tenue du registre.
Elle explique que lors du changement de mode de tenue du registre des mandats, les derniers mandats figurant sur le registre papier apparaissent avoir été repris dans le registre électronique afin d’intégrer au logiciel l’ensemble des mandats en cours.
Elle ajoute qu’il ne peut y avoir de doute sur le titulaire du registre puisque le 19 novembre 2007, elle a obtenu du groupe Guy Hoquet le certificat numérique lui permettant de signer électroniquement ses registres, système qu’elle a mis en place ultérieurement.
Elle soutient que les registres sont exempts d’irrégularités puisque les mandats sont énumérés successivement et dans l’ordre chronologique dans les deux versions successives du registre unique, que l’adresse donnée pour le mandat du 2 avril 2010 n°1411 était l’adresse des époux [Y] lors de la signature du mandat et correspond toujours à leur adresse actuelle à [Localité 4], la mention de l’adresse du bien vendu étant purement facultative et le mandat qui n’a pas été porté à sa bonne date mais qui a bien été inscrit chronologiquement produisant quand même ses effets.
* *
*
Il convient de rappeler que les moyens afférents à la régularité du registre des mandats en ce qu’ils concernent la période antérieure au contrat de mandat du 1er avril 2010 n’ont pas à être examinés, seul important la régularité dudit registre au regard de ce dernier contrat de mandat, étant d’ores et déjà souligné qu’à cette date, la société AMV Immo n’utilisait qu’un registre électronique.
Aux termes des dispositions de l’article 72 du décret n°72-678, dans sa version applicable aux faits de l’espèce, il est prévu que tous les mandats sont mentionnés par ordre chronologique sur un registre des mandats conforme à un modèle fixé par arrêté conjoint du garde des sceaux, ministre de la justice, du ministre de l’intérieur et du ministre de l’économie et des finances, le numéro d’inscription sur le registre des mandats étant reporté sur celui des exemplaires du mandat, qui reste en la possession du mandant, ce registre étant à l’avance coté sans discontinuité et relié et pouvant être tenu sous forme électronique dans les conditions prescrites par les articles 1316 et suivants du code civil.
S’agissant des irrégularités soulevées afférentes au registre électronique :
l’adresse des époux [Y] qui y est indiquée est la même que celle qui apparaît sur le mandat n°1411 signé par eux, de sorte qu’il n’y a pas d’irrégularité de ce chef,
le mandat n°1411 a été créé sur le registre électronique le 1er avril 2010, ce qui correspond à la date de signature effective du contrat, la date du 4 mai 2010 ne correspondant pas à une signature électronique mais à la date de signature de la procédure de vérifications de validation des chemins tel que cela résulte des informations apparaissant sur le registre électronique même, de sorte qu’il n’y a pas d’irrégularité de ce chef,
la société AMV Immo justifie de ce que le 27 juillet 2006, elle s’est vue accorder, pour dix ans, la carte professionnelle prévue à l’article 3 de la loi n°70-9 du 2 janvier 1970, dans sa version applicable aux faits de l’espèce, Mme [S] [T] étant, à cette date la gérante de la société. L’analyse du mandat du 1er avril 2010 permet de vérifier que M. [P] [T] y a été indiqué comme étant le négociateur et que ce dernier en est le signataire.
Il est de principe que, par application des dispositions combinées des articles 4 de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970 et 9 du décret n° 72-678 du 20 juillet 1972, dans leur version applicable aux faits de l’espèce, l’agent immobilier, titulaire de la carte professionnelle, peut déléguer au négociateur salarié qu’il
a habilité aux fins de négocier, s’entremettre ou s’engager pour son compte, le pouvoir d’accepter et de signer le mandat écrit préalable à son intervention dans toute opération immobilière qu’impose l’article 6-I de la loi.
Or, force est de constater que la société AMV Immo n’est pas en mesure de produire l’habilitation donnée à M. [T] alors même que les époux [Y] se prévalent de ce moyen de nullité, étant souligné que M. [T], directeur de la société AMV Immo, laquelle était une SARL à la date du mandat en cause, n’en était pas le représentant légal.
Au regard des dispositions d’ordre public de la loi du 2 janvier 1970, il y a lieu d’annuler le mandat du 1er avril 2010.
Il en résulte que la clause pénale incluse à ce mandat ne s’applique pas, de sorte que, la société AMV Immo doit être déboutée de sa demande en paiement de la somme de 10 000 euros.
Le jugement entrepris est donc infirmé en ce qu’il a solidairement condamné M. [C] [Y] et Mme [O] [N], son épouse à payer à la SARL AMV Immo la somme de 10 000 euros avec intérêts au taux légal à compter du l3 juillet 2011 et en ce qu’il a ordonné la capitalisation des intérêts, étant souligné que les demandes avant dire droit formulées par la société AMV Immo doivent être rejetées faute d’être nécessaires à la solution du litige.
Sur la demande de dommages et intérêts formulée par la société AMV Immo
Considérant que la résistance au paiement des époux [Y] s’est révélée légitime et que la société AMV Immo ne précise pas quels sont les propos des époux [Y] qu’elle qualifie de « quasi » diffamatoires et insultants, il y a lieu de confirmer le jugement entrepris qui a rejeté sa demande de dommages et intérêts.
Sur les dépens et les frais de procédure
Le jugement entrepris est infirmé de ces chefs.
La société AMV Immo est condamnée aux dépens de la procédure de première instance et d’appel.
Elle est déboutée de sa demande d’indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour ses frais de procédure exposés tant en premier ressort qu’à hauteur d’appel.
Elle est condamnée à payer aux époux [Y], sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, la somme de 3 000 euros à titre d’indemnité pour leurs frais de procédure exposés devant le tribunal de grande instance et à hauteur d’appel.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant, publiquement, par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe, après débats en audience publique,
REJETTE les demandes avant dire droit de la SAS AMV Immo ;
INFIRME, dans les limites de l’appel, le jugement du 26 avril 2018 du tribunal de grande instance de Colmar sauf en ce qu’il a rejeté la demande de dommages et intérêts de la SAS AMV Immo ;
Statuant de nouveau sur les points infirmés et y ajoutant :
ANNULE le contrat de mandat n°1411 signé par la SAS AMV Immo et M. [C] [Y] et Mme [O] [N] ;
DEBOUTE la SAS AMV Immo de sa demande en paiement de la somme de 10 000 euros à l’encontre de M. [C] [Y] et Mme [O] [N] ;
CONDAMNE la SAS AMV Immo aux dépens de la procédure de première instance et de la procédure d’appel ;
DEBOUTE la SAS AMV Immo de ses demandes d’indemnité sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE la SAS AMV Immo à payer à M. [C] [Y] et Mme [O] [N], sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, la somme de 3 000 euros (trois mille euros) pour leurs frais exposés en première instance et à hauteur d’appel.
Le greffier, La présidente,